Chapitre 13 : Prisonnier

Vers midi, le parc s'était rempli de jeunes étudiants désœuvrés après les examens, venus profiter du soleil et des pelouses verdoyantes. Lysandre, qui aspirait au calme, avait donc proposé à Rena une petite promenade dans la forêt, loin des groupes d'amis criards et survoltés en cette première semaine de vacances estivales. Une fois de plus, ils étaient revenus à leur point de départ, là où la gardienne était apparue pour la première fois. À gauche, un sentier s'enfonçait dans les bois, longé par un petit ruisseau. En revanche, les lucioles bleues qu'ils avaient pu admirer quelques jours plus tôt n'étaient plus là.

— Je crois que je suis arrivée par là, dit Rena en désignant le sentier.

Quelques dizaines de mètres plus loin, le sentier débouchait sur une petite clairière bucolique. Le soleil scintillait à travers le feuillage printanier et le ruisseau serpentait paresseusement entre les pierres moussues. De petites fleurs à clochettes blanches disposées en fer à cheval ornaient le centre de la clairière et, au centre de ce cercle imparfait, les lucioles de mana dansaient et tournoyaient, comme sous l'effet d'une force magnétique. Quelque chose à cet endroit très précis les attirait et les concentrait en un même point.

— C'est la première fois que je vois ça, murmura Lysandre avec fascination. C'est magnifique.

Hypnotisé par la beauté du spectacle, il s'était avancé jusqu'au centre de la clairière. Il tendit la main vers les lucioles qui se mirent à luire avec intensité.

— Désolée, murmura Rena dans son dos en le poussant avec douceur mais fermeté vers son destin.

Lysandre disparut dans un puits de lumière bleue mais, alors que Rena allait lui emboîter le pas, une voix l'interpella.

— Alice ! Où est passé Lysandre ? Qu'est-ce que tu as fait de lui ?

Kyô la dévisageait avec crainte et stupéfaction. 

— Il est le seul qui peut sauver mon monde, répondit-elle laconiquement.

— Ton monde ? Qu'est-ce que tu racontes ? Est-ce que tu veux déclencher une guerre entre les magistères et les Immortels ? s'insurgea le kitsune, la surprise laissant place à la colère.

— Je ne vais pas utiliser Lysandre contre les terriens. Si une guerre doit éclater, ce ne sera pas sur Terre.

— Tu as pensé à nous ? Comment va-t-on expliquer à nos alliés qu'on a perdu la trace d'un hybride potentiellement dangereux ? C'est toute l'Alliance qui va perdre la face. Les magistères des autres pays vont nous tomber dessus et exiger une explication. Ils vont penser qu’on le cache quelque part et qu’on essaye d’accaparer ses pouvoirs. Et je ne te parle pas des organisations d’Immortels qui vont vouloir nous faire la peau. Je n’ai pas envie d’avoir les assassins de la Triade sur le dos. Ramène-le, tout de suite !

— Je ne peux pas. Il est déjà passé de l'autre côté. Et je dois l'y rejoindre, moi aussi.

Rena lui offrit un sourire contrit avant de faire un pas en arrière. Kyô savait qu'il ne l'atteindrait pas à temps. La jeune femme se fondit dans la lumière bleue jusqu'à disparaître complètement. Les lucioles s'étaient volatilisées avec elle, ne laissant derrière elles qu'un cercle de fleurs tristement fanées. Le kitsune avait longuement examiné l'emplacement du portail, mais ce n'était plus qu'un carré d'herbe ordinaire dont aucune magie n'émanait.

— Comment je vais expliquer ça à Armin, moi, maintenant... ? soupira le kitsune en se redressant.

***

Lysandre n’était plus à Greenford. Il se trouvait face au Cristal qui dominait l'espace de toute son imposante splendeur. Les lucioles bleues qui l'avaient emporté dans leur tourbillon avaient continué leur envol jusqu'au joyau pour se fondre dans la masse cristalline bleue. La roche luisit un bref instant, comme un gigantesque charbon ardent couleur azur, avant de retrouver un aspect plus mat.

Plus hypnotique encore que le ballet de lucioles, le Cristal exerçait une attraction puissante sur Lysandre. Quelque chose l'appelait et résonnait en lui. La main tendue vers la demeure de l'Oracle, le faelien avançait comme dans un rêve, mais le Cristal était inatteignable. Il était bien trop grand et bien trop haut, juché sur son énorme socle de marbre et protégé par des grilles en fonte, pour qu'il puisse le toucher. Alors qu'il ne se trouvait plus qu'à quelques mètres du piédestal, une nouvelle sensation, bien moins agréable, s'empara de lui. L'œil en feu, aveuglé par la douleur, il recula.

— Hé, vous là-bas ! héla une femme d'une voix forte. Que faites-vous ici ? Comment êtes-vous entré ?

Lysandre se retourna. Son œil devait lui jouer des tours, car il hallucinait des femmes-renardes. La femme aux cheveux d’ébène posa son regard brun et sévère sur lui, ses yeux vifs à l'affût du moindre mouvement suspect. Ses oreilles s'agitaient avec impatience, la réponse ne venant pas assez vite à son goût.

— Je t'ai posé une question, insista-t-elle d'une voix autoritaire en faisant fi du vouvoiement de circonstance. Qui es-tu et que fais-tu ici ? Comment as-tu franchi les barrières ? 

— Je... je ne comprends pas ce que vous dites. C'est quoi cet endroit ? Où suis-je ? Et vous… vous êtes qui… ou quoi ? 

Alors que Lysandre commençait à douter de la réalité, certain qu’il devait être en train de rêver, la renarde le dévisageait avec un regard de plus en plus suspicieux, ses quatre queues noires et blanches battant nerveusement l'air.

— Jamon ! appela-t-elle alors d’une voix forte. Mets cet intrus au cachot. On l'interrogera plus tard.

Une montagne de muscles au faciès peu flatteur entra à son tour dans la salle en se pliant en deux pour passer la porte. Il salua sa supérieure d’un signe de tête, puis se dirigea d'un pas lourd vers le musicien qui trouvait ce rêve de plus en plus réaliste. L'ogre poussa un grognement menaçant, puis le délesta de sa guitare qu'il portait encore sur son dos. Il tendit l'instrument à la femme-renard qui le prit avec méfiance. Il fouilla l’intrus au corps mais ne trouva aucune arme, si ce n’est un étrange rectangle de verre et de métal dans une de ses poches. L’ogre manipula le smartphone avec prudence, comme s’il s’attendait à ce que l’objet lui explose au visage, puis il le remit à la femme-renarde qui semblait tout aussi intriguée que lui. Une fois Lysandre délesté de ses maigres possessions, l’ogre l'empoigna par le bras pour le traîner hors de la salle du Cristal. Toute résistance était futile et le jeune homme en désarroi s'était laissé entraîné sans protester. Trop apeuré pour observer l'endroit où il se trouvait, il avançait les yeux baissés et la mâchoire serrée.

***

La descente jusqu'aux oubliettes lui semblait interminable. Ils traversèrent un long couloir sombre bordé de cellules d’où provenaient des gémissements plaintifs et des râles rauques, puis, après avoir franchi une lourde porte fermée à clé, ils empruntèrent une nouvelle volée d’escaliers qui s’enfonçaient dans les entrailles de la terre, leur chemin éclairé par l’unique torche que l’ogre tenait à la main. Le couloir aux murs de granit gris clair se mua en tunnel de roche brute, sombre et peu engageant, jusqu’à ce qu’ils arrivent dans une sinistre grotte sous-marine. Suspendues à même la roche, une série de cages assez grandes pour accueillir un homme adulte, voire deux, se balançaient au bout de trois vieilles chaînes rouillées. L'ogre invita fermement Lysandre à grimper dans l'une des cages qu'il verrouilla d'un tour de clé. Une fois de plus, le pauvre garçon obéit en silence. Son geôlier émit un nouveau grognement qui semblait exprimer sa satisfaction. En sortant, il referma la lourde porte derrière lui et Lysandre l'entendit tourner la clé dans la serrure ; deux précautions valaient mieux qu'une.

Lysandre ramena ses genoux à son menton en réprimant un frisson d'horreur. Quel cauchemar interminable...

— Ce n'est pas un cauchemar, murmura-t-il avec angoisse.

Il sursauta, surpris par l'écho de sa propre voix qui s'était réverbérée contre la paroi de la grotte. Quelques mètres plus loin, les reflux marins aux relents d'algues putrides émettaient une lueur verdâtre quelque peu inquiétante. Plongé dans la pénombre, il tremblait d'effroi au moindre son inhabituel. Une créature aux allures de monstre aquatique affleura à la surface de l'eau, ses yeux brillants et cruels fixés sur lui, avant de replonger dans les ténèbres. Lysandre se tassa un peu plus dans le fond de sa cage, en priant tous les saints de la terre de le sortir de cet enfer.

Après la peur vinrent la faim, la soif et l'épuisement physique et moral. La cage était loin d'être confortable. Froide et humide, elle oscillait constamment et son grincement sinistre rendait tout repos impossible. Malgré la fatigue qui alourdissait ses paupières, Lysandre ne pouvait pas s'assoupir plus de quelques minutes. Il avait perdu la notion du temps, mais ce devait faire un bon moment qu'il était enfermé, car il avait dû se soulager deux fois déjà à travers les barreaux de sa cage. Ce genre d'endroit ne portait pas le nom d'oubliettes pour rien. Allait-on réellement le laisser croupir ici jusqu'à ce qu'il meure de soif ?

La fin n'était pas aussi proche qu'il le craignait, car on vint enfin le libérer de sa sordide cellule. L'ogre s'adressa à lui d'une voix gutturale.

— Toi venir avec moi. Toi être interrogé.

Lysandre acquiesça docilement. Il ne savait pas à quelle sauce il allait être mangé, mais après son séjour infernal aux cachots, il était déterminé à répondre à toutes leurs questions et à leur apporter entière satisfaction, si cela pouvait lui garantir la vie sauve et un accueil plus chaleureux.

***

Jamon l’avait guidé jusqu’à une salle d’audience aux vitraux lumineux. L’endroit était autrement plus charmant que les prisons du QG. 

— Maintenant, Dame Miiko et les capitaines de garde vont te recevoir. Toi faire preuve de respect.

L'ogre savait donc parler autrement qu’en grognements. Il frappa le sol avec le manche de sa hallebarde deux fois, puis fit signe au prisonnier d’avancer. Les jambes tremblantes, Lysandre se traîna jusqu'à la table au bout de laquelle une chaise semblait lui être destinée. Tête baissée, les yeux fixés sur ses pieds, il sentait tous les regards braqués sur lui, mais il n'osait relever la tête.

— Assieds-toi, fit la renarde qu’il avait rencontrée en arrivant. Bien. J'espère que ton petit séjour dans nos cellules aura suffi à te délier la langue. Je vais te poser quelques questions, je te conseille d'y répondre le plus franchement et le plus directement possible. Sinon, nous devrons recourir à des moyens plus persuasifs pour te faire parler. Est-ce compris ?

Il hocha la tête. Il n’imaginait que trop bien ce qu’elle entendait par-là et il n’avait aucune envie d’être torturé à mort. 

— Comment t'appelles-tu ?

— Ly- Lysandre, bégaya-t-il. Lysandre Remington.

— D'où est-ce que tu viens ?

— Greenford, en Nouvelle Arcadie.

Miiko fronça les sourcils. Elle échangea quelques mots à voix basse avec Leiftan qui secoua la tête. Les trois capitaines avaient l'air tout aussi perplexes.

— Je n'ai jamais entendu parler de cet endroit. Je t'ai pourtant prévenu, n'essaye pas de te jouer de nous.

— Je... C'est...

Lysandre réfléchissait aussi vite qu'il pouvait. Que pouvait-il leur dire de plus... ?

— La Terre ! C'est un pays de la Terre.

Il n’aurait jamais cru avoir un jour besoin de préciser une telle chose. 

— La Terre ? répéta la kitsune avec étonnement et crainte. Tu es terrien ?

Il hocha une nouvelle fois la tête, plus énergiquement cette fois-ci. Au moins, ils avaient l’air de connaître l’existence de sa planète, même si la nouvelle n’avait pas l’air de les enchanter. 

— Comment un simple terrien a-t-il atterri dans la salle du Cristal ? Comment es-tu arrivé dans notre monde ?

— Je ne sais pas, je ne suis pas sûr... Je... J'étais avec une fille. Alice. On était dans la forêt, il y avait des lucioles bleues et... elle m'a poussé. J'ai été... comment dire ça... c'est comme si j'avais franchi une sorte de portail qui m'a transporté directement dans cette salle étrange avec le gros rocher bleu.

Lysandre avait conscience que son discours paraissait parfaitement absurde, mais ses interlocuteurs l'avaient écouté avec le plus grand sérieux. Intrigués, ils voulaient en savoir plus.

— Le « gros rocher bleu », comme tu l'appelles, c'est le Grand Cristal où réside l'Oracle, répliqua Miiko avec une pointe de mépris dans la voix. Cette fille, Alice, qui est-elle ? Pourquoi n'est-elle pas avec toi ?

Lysandre secoua la tête.

— Je ne sais pas, je ne la connais pas depuis très longtemps. C'est une jeune femme amnésique que j'ai accueillie chez moi le temps qu'elle retrouve la mémoire.

— Peux-tu me la décrire ? À quoi ressemble-t-elle ?

Lysandre leur dressa un portrait aussi fidèle que possible, sans omettre le moindre détail. Il leur décrivit même les vêtements qu'elle portait quand il l'avait trouvée. S'ensuivirent un silence pesant et un échange de regards stupéfaits. Ezarel et Nevra, qui n'écoutaient que d'une oreille, avaient subitement relevé la tête et fixaient le terrien comme s'il venait de leur annoncer la fin du monde.

— Ezarel... fit Nevra en tendant le bras pour retenir son collègue avant qu'il ne se jette sur le terrien pour lui faire cracher tout ce qu’il savait sur cette femme qui ressemblait très fortement à Rena. 

L'elfe se dégagea d'un coup sec. Il se leva pour se planter devant Lysandre qu’il jaugea du regard un long moment, avant de le saisir violemment par les épaules. Il approcha son nez de son col pour humer son parfum. Derrière la puanteur humaine, il cherchait les effluves de sa compagne, une trace, même infime, de son odeur qu'il connaissait si bien. Tantôt familières, tantôt étrangères, les senteurs se mélangeaient et il n'était sûr de rien. Il serra les dents, agacé par sa propre incertitude.

— Cette femme, où est-elle ? Pourquoi n'est-elle pas avec toi ? interrogea-t-il avec colère en comprimant les épaules du terrien qui grimaça de douleur.

— Je ne sais pas, souffla Lysandre en lui jetant un regard suppliant. Elle était juste derrière moi, mais je ne sais pas où elle est passée. Elle n'était pas avec moi quand je suis arrivé ici. Elle est peut-être restée coincée de l'autre côté.

— Vous étiez poursuivi ?

— Quoi ? Pourquoi nous...? Non. Non, il n'y avait que nous deux.

— Ezarel ! s’exclama Miiko à bout de nerfs. Ça suffit ! Retourne à ta place. On en parlera entre nous plus tard.

L'elfe jeta un dernier regard mauvais en direction du terrien avant de reprendre sa place entre Nevra et Valkyon. Ses yeux turquoise braqués sur Lysandre, il le fixait de son regard perçant, comme s'il cherchait à pénétrer son esprit pour y trouver la preuve que cette femme dont il parlait était bien Rena. La curiosité de Nevra se faisait plus discrète, contrairement à la nervosité de Miiko qui crevait le plafond. Seuls Valkyon et Leiftan faisaient preuve d’un calme olympien. Le vice-capitaine de la Garde Étincelante avait d'ailleurs une tout autre préoccupation.

— Comment connais-tu notre langue ? C'est cette femme qui te l'a enseignée ?

— Comment ça... ?

Lysandre mit un moment à comprendre le sens de sa question, car, depuis qu'il était arrivé, il était persuadé qu'ils parlaient tous la même langue, la sienne. Il ne voyait pas non plus comment Alice aurait pu lui enseigner une langue en seulement dix jours, mais ce n'était qu'une des nombreuses pièces manquantes au puzzle.

— Je... je ne suis pas sûr de vous suivre. Je ne sais parler que deux langues, comme tous les Néo-Arcadiens, c'est-à-dire le français et l'anglais. Et quand vous parlez, c'est du français que j'entends.

Un nouveau regard incrédule passa entre les cinq gardiens.

— Peut-être lui a-t-elle implanté une rune de polyglottisme avant de l'envoyer ici ? suggéra Leiftan à demi-voix.

— Ce n’est pas dans ses compétences et je n'ai rien remarqué de tel, mais je peux faire un examen plus poussé si vous le souhaitez, répondit Ezarel sur le même ton.

Le lorialet se contenta d'un bref signe de la tête avant de reporter son attention sur le terrien.

— La situation est quelque peu... inhabituelle pour nous, tout comme elle doit l'être pour toi. En toute honnêteté, c'est même la première fois qu'une telle chose se produit. Tu comprendras donc que l'on doive procéder avec la plus grande prudence. En attendant d'étudier ton cas d'un peu plus près et d'en tirer les conclusions nécessaires, nous allons devoir te garder enfermé.

— Vous n'allez quand même pas me renvoyer aux oubliettes ? demanda Lysandre en pâlissant au simple souvenir de cet endroit sordide.

— Non, nous allons te confiner dans une des chambres du QG. Nous posterons un garde devant ta porte et tu ne devras en sortir sous aucun prétexte. Nous nous assurerons que tu disposes de toutes les choses strictement nécessaires à ton confort.

Lysandre les remercia d'un signe de tête, mais la situation lui semblait encore bien précaire.

— J'ai répondu à toutes vos questions, mais je suppose que vous n'allez pas répondre aux miennes ?

— J'ai bien conscience que tu dois en avoir beaucoup, acquiesça Leiftan, mais pour des raisons de sécurité, nous ne pouvons rien te révéler pour le moment.

Il fallait s'y attendre. Avant qu'ils acceptent de lui en dire plus sur l'endroit où il se trouvait et sur leur identité, Lysandre allait devoir se fier à ses propres observations. Aussi incroyable que cela puisse paraître, il était tout d'abord certain qu'il ne se trouvait plus sur la planète Terre. Ensuite, il était évident que ce monde était peuplé de créatures surnaturelles, telles qu'on en voyait dans les contes de fées et les œuvres de fantasy. 

À en juger par leurs armes et leur attitude, ils faisaient partie d'une sorte d'organisation militaire. Il reconnaissait l’uniforme porté par Alice quand elle était apparue dans la forêt du parc. Leur rôle était peut-être de protéger ce fameux Grand Cristal, ce qui expliquerait qu'ils perçoivent l'intrusion inexpliquée d'un terrien comme une menace à ne pas prendre à la légère.

Puis il y avait Alice. Comment s'accordait-elle à toute cette histoire ? Il avait bien quelques idées sur la question. À vrai dire, tout lui semblait bien plus clair comme cela. Il avait mis toutes les bizarreries de la jeune femme sur le compte de son amnésie, mais une simple perte de mémoire n'expliquait pas tout. Elle avait constamment l'air en décalage avec la réalité, parfois un peu perdue et souvent méfiante, ce qui s'entendait s'il s'agissait en fait d'une étrangère venue d'un tout autre monde, bien différent de la Terre. Une question demeurait : pourquoi lui ?

***

Un homme affublé d'une corne, qui s'était présenté comme étant Keroshane, Intendant en Chef et Grand Archiviste de la Garde d'Eel, l'avait mené jusqu'à une petite pièce exiguë qui ressemblait plus à l'idée que Lysandre se faisait d'une cellule ordinaire que d'une chambre à coucher. Un matelas avait été posé à même le sol, à côté d'un pot de chambre fêlé.

— Je suis désolé, s'excusa Keroshane avec un sourire contrit. Cette pièce était à l'origine un débarras, mais le QG étant actuellement en rénovation, nous n'avons pas de chambre libre pour le moment. Il faudra s’en contenter.

Lysandre hocha la tête. Il n'allait pas se plaindre, c'était déjà mille fois mieux que les cachots.

— Le sergent Chrome Maxwell est chargé de monter la garde, fit alors son guide en désignant un jeune gardien aux oreilles touffues près de lui. Si tu as besoin de quelque chose, c'est à lui qu'il faut s'adresser.

Son geôlier le salua d'un bref signe de tête tout en le dévisageant avec une curiosité à peine déguisée. Lysandre lui répondit par un sourire timide, mais dès que leurs regards se croisèrent, le garçon détourna la tête en esquissant une  moue de dédain et s'empressa de rejoindre son poste dans le couloir.

— Je crois que tout a été dit, conclut alors l'homme-licorne. Ah, si. Ton repas te sera livré dans quelques heures.

— Quelle heure est-il actuellement ? demanda Lysandre qui n'avait pas osé s'exprimer jusque-là.

— Il est dix heures du matin. Les repas sont servis à sept heures, midi et dix-neuf heures. Il n'y a pas de couvre-feu, mais les patrouilles de nuit commencent à vingt-deux heures et se terminent à cinq heures du matin.

— Hé, tu lui en dis pas un peu trop là ? lança Chrome depuis le couloir. De toute façon, il n’a pas le droit de sortir de sa piaule. Il n'a pas besoin de connaître les horaires. Encore moins ceux des tours de garde et de la relève. 

— Ah, oui, au temps pour moi. L'habitude de former les nouvelles recrues. Bref, tu devras rester ici jusqu'à ce qu'on décide de ce qu'on va faire de toi. Des questions ?

— Euh, non... Ah, si. Ma guitare et mon téléphone. Je les avais quand je suis arrivé ici. Est-ce que je pourrais les récupérer ?

Keroshane hocha la tête.

— Effectivement, nous sommes en train d'examiner tous tes effets personnels. Nous te les rendrons lorsque nous nous serons assuré qu'ils ne sont pas dangereux.

Lysandre s'était donc retrouvé seul avec ses pensées qui ne le menaient nulle part. Deux heures plus tard, on lui avait servi un morceau de pain rassis, un ragoût fade et gélatineux, et quelques fruits secs, le tout accompagné d'un pichet d'eau fraîche. Le musicien avait trop faim pour faire la fine bouche, mais la nourriture était si insipide et écœurante à la fois qu'il mâchait à peine ses aliments et faisait descendre chaque bouchée avec une bonne rasade d'eau. On le traitait toujours comme un prisonnier, c'était certain, sinon pourquoi lui servir un repas aussi infâme ?

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Erouan
Posté le 01/09/2024
Bon bah, compliqué pour le soldat Lysandre mdr. Ça va être chaud sur terre. Rena, j'ai l'impression que tu as balancé du napalm sur la poudrière.

Bon bah, comme premier isekai on a vu mieux. L'élu aurait pu pourrir dans une oubliette. Heureusement, les choses s'arrangent un peu. Bon Rena, tu t'es perdue en chemin ?
SinnaraAstaroth
Posté le 01/09/2024
Ah ben, l'accueil n'a pas été très chaleureux, c'est clair ! xD Mais bon, ça se comprend que de leur côté ils soient méfiants.

Oui, ça va être la panique côté Terre et la grosse incompréhension, et en même temps, ils peuvent pas faire grand-chose.

Disons que Rena a eu un petit contre-temps... ^^'
Erouan
Posté le 01/09/2024
Passer de musicien au cœur brisé à soldat, sérieux changement de carrière.
Erouan
Posté le 01/09/2024
Oula excuse-moi, je le suis mélangée dans le chapitre. Ce commentaire devait arriver après
Solaq G.
Posté le 20/05/2024
Alors, j'aime trop Keroshane pour accepter ce genre de discours ahah ! Il fait de son mieux avec ses plats, okay ?!

Sinon, bah c'était bien simple d'échapper à l'Alliance. J'imagine qu'on va les revoir, quand même, mais ils se sont faits facilement avoir.

Par contre, c'est un peu bête que Rena ne soit pas avec Lysandre. En tout cas, elle risque d'avoir un sacré choc en rentrant !

Là encore, c'est un chapitre qui promet de l'action et des réponses (ou des questions). J'ai dû mal à voir ce que Lysandre pourrait faire ahah. Mis à part son pouvoir encore endormi, il a pas le talent de Rena pour s'échapper.
SinnaraAstaroth
Posté le 20/05/2024
Après l'Alliance avait l'Oracle et le destin d'Eldarya contre eux, ils avaient pas beaucoup de chance d'empêcher Rena de rentrer. x) Le centre de l'histoire ça reste quand même ce qu'il se passe à Eldarya, ce qui se passe sur Terre reste secondaire, mais ça fera peut-être l'objet d'un arc plus approfondi plus tard, voire d'un 2e cycle de la saga.

Oui, pauvre Karuto qui y a mis tout son cœur ça se trouve. x) Bon il en saura rien, l'honneur est sauf.

Les rôles sont inversés, maintenant c'est à Lysandre de naviguer seul dans un nouveau monde, du moins pendant quelques temps, Rena va bien finir par arriver, mais elle a eu un petit contre-temps, dirons-nous. x)
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