Chapitre 13

    Les mots se bloquèrent dans ma gorge et je me contentai de la regarder.
    Elle n'ajouta rien mais sortit une lettre jaunie et froissée de son sac à main et me la tendit en silence.
« A. R. Wilkerson » y était noté en manuscrit.
    Je la dépliai de mes mains tremblantes lorsque Taya m'interrompit:
— Lis la lorsque tu seras seule, chuchota-t-elle. Toute seule.
— P-Pourquoi ? bégayai-je, ne sachant quoi dire d'autre.
— Je sais que tu te demandes comment je peux être au courant, et je vais te le dire. Mais pas maintenant. Ce serait beaucoup trop long et nous n'avons pas assez de temps. Lis cette lettre quelque part où personne ne te verras, et débarrasses-toi s'en.
— Je ne comprends pas, c'est..., commençai-je.
— Le loup-garou que tu as vu à Harrow Mayfair, me coupa-t-elle. Je dois savoir qui c'est. Ne reste pas seule là-bas. Nulle part ailleurs.
— Mais comment vous...
— Trouve quelqu'un en qui tu as confiance (elle plongea son regard dans le mien) vraiment confiance. Écoute ton instinct, ne l'ignore pas. S'il te dit que c'est une mauvaise idée, ne le fais pas. S'il ne te dit rien, fais-le. C'est compris ?
— Attendez, de quoi...
— Je sais que tu n'y comprends rien pour le moment et j'en suis désolée. Tout est dans cette lettre. Lis la, et rappelle moi. Je ne peux rien te dire pour le moment. Fais-le uniquement.
Oui je n'y comprenais rien. Absolument rien. Et elle ne me laissait même pas l'occasion d'en placer une. Et cette stupide et énervante voix qui se manifestait que lorsqu'elle en avait envie n'arrangeait rien.
Je montrai Sydney qui s'affairait à refermer la porte à quadruple tour du doigt en espérant qu'elle comprenne où je voulais en venir.
— Elle n'est pas au courant, j'ai toujours préféré la tenir loin de tout ça, me confia-t-elle. Mais... (elle me regarda, une lueur triste dans le regard) si tu penses qu'elle peut t'aider, après avoir lu le contenu de la lettre, alors demande-le lui.
Comment expliquer à une personne que vous avez rencontrée deux minutes auparavant, que vous ne pouvez pas demander de l'aide à propos de quelque chose -dont vous ne devez visiblement pas poser de questions-  à une autre personne à qui vous avez adressé la parole pour la première fois il y'a quelque semaines ?
Je la regardai, hébétée. Me demandant ce qui clochait chez elle et si je devais appeler de l'aide. Mon cerveau avait visiblement cessé de raisonner, et n'en avait plus l'intention. Une partie de moi me hurlait d'écouter ce que Taya disait, que ce n'était pas des balivernes. L'autre en revanche me soufflait qu'elle était cinglée que je devais, pour lui faire plaisir, faire semblant de me ranger de son côté.
Ce dût être pour cela que je lui lançai un sourire discret en acquiesçant, bien décidée à la suivre dans ses inepties jusqu'à ce que je m'en aille. Chose que je devais faire vite.
— Tu devrais appeler la police, dit Sydney en se rapprochant de nous. Même si c'est quelque chose de fréquent, ça reste grave. Ils n'ont vraiment rien fait pour arranger les choses ?
— Non malheureusement, les forces de l'ordre sont débordées. Plus particulièrement ces derniers temps, avec tout ce qui se passe dans la région.
— Ces derniers temps ? ai-je demandé sans le vouloir.
— Tu n'as pas entendu parler de ces fugues ? me demanda Sydney. Ç'a commencé un peu après la rentrée des classes.
— Et alors ? lui dis-je un brin sarcastique. C'est bien connu, les problèmes des ados sont bien plus grave quand ils sont ados.
C'était méchant de ma part de dire cela. Il était vrai que beaucoup fuguaient pour des raisons que la plus part des personnes trouveraient futiles, mais pour d'autres, c'était bien plus grave.
Sydney secoua la tête.
— Ils n'ont pas forcément notre âge. Pour le moment une dizaine est recensée.
— Uniquement en Pennsylvanie, compléta Taya. Il s'agirait d'enlèvements, les forces de l'ordre n'ont apparemment pas voulu révéler les faits tels qu'ils sont. Ils ont essayé de tasser l'affaire et de maquiller ça en fugue. Les nouvelles sont publiées uniquement dans les journaux. Et je n'aurais pas été au courant si un de mes amis ne travaillait pas dans le domaine.
Cela expliquait pourquoi je n'en avais pas entendu parler.
Je frissonnai en imaginant me faire kidnapper ou tuer sans que personne sache ce qui m'était réellement arrivée.
— C'est... flippant, souffla Sydney comme si elle lisait dans mes pensées.
    Taya tapa dans ses mains et un sourire jovial remplaça sa mine inquiète.
— Mais ne vous en faites pas, les autorités sont très compétentes il leur faut juste un peu de temps et tout rentrera dans l'ordre. Je suis convaincue que bientôt cela ne sera plus qu'un mauvais souvenir (elle nous regarda à tour de rôle, et en rencontrant le regard de Sydney, crispée, je sus que ni elle ni moi n'étions convaincues) Souriez mes jolies !
    Nous lui adressâmes un sourire forcé qui devait plus ressembler à une grimace effrayante.
       Le jour ne tarda pas à se lever et nous l'aidâmes à préparer son restaurant, je m'efforcer de ne pas haleter trop bruyamment lorsque je dûs passer l'aspirateur, Taya me regarda en fronçant les sourcils et je signifiai d'un geste que tout allait bien. Entre deux placement de couverts, elle me proposa même d'y travailler, je lui promis d'y réfléchir, oubliant un moment ce qu'il s'était passé précédemment.
   Aux environs de neuf heures, les premiers clients arrivèrent et je lançai un regard interloqué à Sydney. — Manger aussi gras au petit déjeuner ? lui demandai-je. Elle haussa les épaules en disant qu'il n'y avait pas d'heure pour se faire plaisir. Soit, c'était leur santé après tout.
 

       Nous quittâmes donc les lieux aux environs de dix heures du matin, le ciel était dégagé et Sydney dû mettre sa veste sur sa tête pour se protéger du des rayons soleil. Les vampires ne brûlaient pas à son contact comme on pouvait le voir dans tous les films qui s'y rapportaient, mais cela les gênaient et leur provoquaient des migraines. Un peu comme une héliophobie tendre.
       Nous avancions côte à côte en silence. Je voyais bien qu'elle n'étais pas d'humeur à parler mais je tentai tout de même d'alléger l'atmosphère.
— Taya est sympa, lui dis-je sans préciser que je la trouvais aussi timbrée.
— Mmh.
— Tout va bien ?
— Je... oui.
Je la regardai du coin de l'œil en fronçant les sourcils, elle s'en aperçut et me fit un léger sourire.
— J'étais juste en train de penser à ces enlèvements, me confia-t-elle en levant ses yeux vers le ciel azuré. Ça me fiche la trouille.
    Je haussai les épaules.
— Comme si quelqu'un pouvait nous kidnapper.
— Tu te reposes un peu trop sur tes acquis, me reprocha-t-elle. Ça ne t'arrive jamais d'avoir peur ?
   Oh si, j'avais failli servir de repas à un loup-garou et si je donnais du crédit à ce que la mère -loup-garou- de ton ex petit-ami, et une voix dans ma tête, m'ont dit, j'étais en danger de mort.
    En repensant à cela, un frisson me parcourut et j'espérai que Sydney mît cela sur le compte de ma grippe.
    Je tentai d'avoir l'air aussi confiante que possible en lui répondant.
— Si, bien sûr que si. Mais aucun humain ne pourrait nous battre et...
     Je me tus en rougissant et repris.
— Je ne veux pas avoir l'air condescendante, c'est juste que...
— Je sais.
    Sydney renifla en frissonnant.
— C'est comme comparer un loup à un renard, pas vrai ? dit-elle en souriant faiblement.
    Nous avançâmes quelque mètres avant qu'elle ne poursuive faiblement.
— Je ne savais pas que c'était un enlèvement avant que Taya ne nous le dises, tu sais... ajouta-t-elle d'une toute petite voix.
    Je me tournai vers elle, perplexe.
— Je croyais que c'était juste des mecs un peu lourds, comme à chaque sortie de bar.
       Elle était plongée dans ses pensées et je dû l'attraper par le bras alors qu'elle était sur le point de traverser la rue au feu vert.
    Elle resta un long moment silencieuse, et je patientai, tendue, résistant à l'envie de la secouer.
    — C'était quelque jours avant la rentrée des classes, commença-t-elle doucement en se tournant pour me regarder. J'étais allée en soirée, dans un bar pas loin...
    —Toute seule ? m'entendis-je lui demander en regrettant aussitôt de l'avoir coupée.
Elle acquiesça et reprit comme si de rien n'était.
    — Je ne t'apprends rien en te disant que ce genre d'endroit n'ouvre que la nuit.
    Elle se racla la gorge en s'écartant pour laisser un couple âgé traverser.
    — Donc, euh... J'ai passé une soirée lambda (elle haussa les épaules en esquissant un léger sourire) inutile d'entrer dans les détails. Pendant toute la soirée, j'avais remarqué un type en train de me regarder, il était plutôt mignon, il devait avoir tout au plus vingt cinq ans, alors je me trémoussais devant lui, c'était une façon de l'inviter à danser avec moi. Mais au bout d'un moment, j'ai vu qu'il n'en avait pas l'intention. Alors je me suis dit qu'il était peut-être timide.
    Je m'attendais un peu à ce qu'elle allait dire mais je la laissai finir son récit.
    — Aux environs de quatre heures, j'ai commencé à fatiguer, et puis j'étais un peu pompette (elle frissonna et referma les bras autour d'elle pour se réchauffer), je suis sortie et au bout d'un certain moment, j'avais la sensation d'être suivie (elle haussa les épaules) j'y ai pas vraiment fais attention. Ensuite, des bruits de pas se sont ajoutés, et là encore j'ai continué d'avancer. Mais... quand ils ont commencés à s'accélérer c'est là que j'ai su qu'il y'avait un problème. Et en me retournant, ce type m'a chopée par la gorge et m'a plaquée au sol. Cet espèce d'enfoiré était même venu avec son clebs.
— Quoi ?
— Ouais, grommelle-t-elle. Je l'ai entendu grogner pas loin.
Mes poils se hérissèrent en imaginant qu'il ne s'agissait pas d'un chien. Mais plutôt d'un cousin éloigné. Est-ce que j'étais devenue paranoïaque ? Il semblait bien que oui.
— Qu'est-ce qu'il s'est passé ensuite ? ai-je timidement demandé.
— Il a appelé un de ces potes qui a surgit du noir, je ne l'avais même pas vu, il s'était sacrément bien caché le fumier (elle soupira) Ensuite j'ai vu avec un truc dans sa main, je me suis dit que ça ne ressemblait pas vraiment à un sextoy, ou alors je m'y connaissais pas. (Elle me regarda) C'est comme tu l'as dit, nous sommes plus fort que les humains, alors je n'ai pas paniqué, enfin, pas tout de suite.
— Est-ce que c'était... des vampires ? ai-je demandé alors que ce n'était pas à cela que je pensais.
— Je ne sais pas, répondit-elle. Mais avant que je n'aie pu m'en prendre à eux, j'ai senti une odeur de vampire, quelqu'un a surgit de nulle part et à envoyé valser le type qui était sur moi. Il est allé s'écraser contre une voiture qui s'est mise à faire un bruit infernal. Et quand j'ai détourné le regard du type raide mort au sol pour voir qui avait fait ça, c'était le black-out.
— Il t'a assommée ?! ai-je hurlé, scandalisée.
Sydney grimaça en regardant autour d'elle.
— Moins fort ! fit-elle, la mine renfrognée. Je ne sais pas, mais en me réveillant, j'étais dans ma chambre mais je n'avais mal nulle part. Si ce n'était à la gorge.
Un frisson me parcourut l'échine. Dans sa chambre ? À l'académie ? Un grognement ? Et si c'était...
— Avec ce qu'a dit Taya, reprit-elle. Je suis sûre que c'était des vampires !
— Hein ?
Elle grogna, exaspérée que je sois si bouchée et incapable de comprendre un raisonnement aussi logique.
— Je t'ai dit que j'avais senti un vampire.
— Oui...?
— Seuls des humains sont kidnappés ! s'exclama-t-elle avant de regarder autour d'elle.
Je plissai les yeux et la jaugeai du regard quelques instants avant de répondre :
— Ah, oui, bien sûr. C'est logique.
Elle leva les bras vers le ciel comme si j'étais l'idiote du village qui avait, pour la première fois, réussi à comprendre comment tirer une chasse d'eau.
— J'avais certains doutes avant, mais maintenant j'en suis sûre : Des vampires kidnappent des humains.
— C'est logique, répétai-je.
Elle me regarda d'une drôle de façon pendant une fraction de seconde, un peu comme si elle était blessée et essaya aussitôt de dissiper cette émotion et d'avoir l'air impassible.
— Tu ne me crois pas.
    La peine que je sentis dans sa voix me fit me sentir méchante et je culpabilisai aussitôt.
    — Ce n'est pas ça... C'est juste que, je crois que tu t'es faite attaquée, mais que ce n'était pas des vampires.
    Elle leva les yeux au ciel et émit un rire amer.
    — Oui je sais, le vampire était le preux chevalier venu au secours d'une misérable congénère bourrée incapable de se débrouiller face à deux humains sur le point de l'enlever.
    — Non, ce n'est pas... je n'ai pas dit que...
    — Non tu ne l'as pas dit, mais tu l'as pensé.
    — Ce n'est pas vrai !
    — Ah non ? dit-elle avec un sourire sarcastique. Alors dis moi ce que tu penses ?
    Je pinçai les lèvres en cherchant la meilleure chose à dire.
    Ou alors la pire.
    — Tu étais effrayée. Maintenant que tu sais de quoi il s'agissait réellement, tu es frustrée de ne pas avoir pu te débrouiller et d'avoir eu besoin de l'aide d'un inconnu. Et effrayée à l'idée de penser à ce qui se serait passé s'il n'était pas venu. Ça n'a rien à voir avec le fait qu'ils soient humains ou non !
    Nous restâmes ainsi à nous fixer avant qu'elle ne daigne ajouter quelque chose avant de tourner les talons :
    — Au contraire, ç'a tout à voir.

 

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