J'ouvre les yeux en sursaut et prends une grande inspiration, suffocante comme si je venais de me noyer.
Que s'est-il passé ?
Tout est blanc autour de moi. Je ne suis plus dans les bois, c'est certain.
Où suis-je ? La réponse s'impose à moi comme une évidence, alors que ça ne devrait pas en être une. C'est un espace mental. Un monde psychique créé de toutes pièces. Un espace qui n'évolue pas sur le même plan que mon monde. Comment est-ce possible ? Qui a créé ça ? Un magicien avec de grandes capacités magiques et mentales, évidemment, mais pourquoi suis-je ici ?
"C'est le tien."
Comment ça, le mien ? Et qui a parlé ?
Une silhouette noire se tient devant moi, se détachant du blanc immaculé du reste du décor.
"C'est ton espace mental."
Comment est-ce possible ? Cette voix qui me parle semble répondre à mes pensées comme si elle pouvait les entendre.
"Je peux les entendre, en effet. Dans un espace mental, tout est connecté."
Comment ai-je atterri ici ? J'étais dans les bois il y a à peine quelques secondes.
"Tu es toujours dans les bois… Tu ne comprends vraiment pas ? Tu es un peu longue à la détente, non ?"
Je ne relève pas sa remarque et me contente de l'observer. Je ne vois pas son visage, ni son expression faciale. Cependant, elle voit le mien. Elle n'est qu'une ombre, mais pas moi.
Qui est-elle ?
"Une ombre, je te l'ai déjà dit."
Suis-je éveillée où suis-je en train de rêver ? Comment faire pour quitter cet espace mental ? Tout ce blanc commence à me filer une sacrée migraine…
"Tu n'as qu'à le souhaiter."
Aussitôt que l'ombre prononce ces mots, j'ouvre à nouveau les yeux, mais cette fois, je suis allongée sur l'herbe, au milieu des bois.
Je suis sortie de l'espace mental. L'ombre n'est plus là.
"Détrompe-toi."
Sa voix résonne dans mon esprit. Comment est-ce possible ?
"C'est la troisième fois que tu répètes cette question."
Oui, car c'est la seule phrase qui parvient à résumer à peu près ce que je ressens en ce moment.
Je m'extrais de l'herbe haute qui m'a presque engloutie.
– Puisque je peux toujours te parler, je commence à voix basse, peut-être pourrais-tu m'éclairer sur ce qu'il vient de se passer ?
"Pourquoi ? s'étonne l'ombre. Tu es parfaitement en capacité de comprendre par toi même."
Eh bien il faut croire que non. Aurai-je laissé mon cerveau dans l'espace mental que je viens de quitter ?
"Haha, très drôle."
Je soupire. Je ne vais pas aller très loin avec mon interlocutrice. Elle ne semble pas très coopérative. Je vais y aller par étape.
– C'est quoi, un espace mental ? je demande tout d'abord.
"...c'est la projection de l'esprit de quelqu'un, en l'occurrence le tien. Normalement, il est inaccessible, étant donné qu'il n'existe pas sur le même plan que notre monde, mais avec une certaine dose de magie bien contrôlée, tu peux en forcer l'ouverture."
J'en déduis qu'elle m'a forcée à pénétrer dans mon propre espace mental. Cependant, je n'en comprends toujours pas l'intérêt.
– Et toi, tu es dans cet espace mental ? Dans mon espace mental ? je continue.
"Je suis une ombre. J'évolue sur un autre plan que celui où tu te trouves actuellement. Cet espace où je suis, et où tu étais, toi, tout à l'heure, n'est qu'une petite partie, une infime particule d'un autre monde, posé sur le tien."
– Ça… ça fait beaucoup d'informations à la fois, je souffle. Je ne m'y connais absolument pas en magie, j'aurai tout oublié dans quelques minutes.
"Tu n'as pas besoin d'en savoir plus, de toute façon."
– Tu n'as pas répondu totalement à ma question. Pourquoi es-tu dans mon espace mental ?
"On m'a contrainte à y rester. Je suis bloquée à l'intérieur, et crois-moi, ça ne fait pas plaisir du tout."
– Je te crois parfaitement. Ça ne me fait pas vraiment plaisir à moi non plus… Comment t'appelles-tu ?
"Ça ne te sert à rien de savoir ça."
– Si tu es bloquée dans… dans mon esprit, on va rester longtemps ensemble. Je vais pas t'appeler l'ombre tout le temps.
"...tu m'énerve déjà. Je m'appelle Karan."
– Karan ? je répète. Comme cette ombre qui nous a attaqué sous les ordres de Shadow… et qui a tué Vanille.
"Oui, c'est moi."
– Et qu'est-ce que tu fais ici ? je gronde, haineuse.
"Shadow t'as lancé un sort, ce jour-là. Une malédiction. Il m'a forcée à pénétrer ton esprit, et maintenant, comme tu le sais, je suis bloquée dans ton espace mental à cause de lui. Crois-moi, si j'avais pu lui résister, je l'aurai fait. Je déteste être soumise à ses ordres ainsi."
– C'est toi qui as tué Vanille, je souffle. C'est de ta faute si elle est morte.
"Non, ce n'est pas de ma faute."
Je me mord la lèvre jusqu'au sang. Ce qui est fait est fait, je le sais, mais je lui en veux. Et c'est naturel.
– Donc…, je commence, tentant de ravaler ma colère. Si tu es l'alliée de Shadow, tu ne me seras d'aucune aide, j'imagine.
"Je ne suis pas son alliée, je suis son petit chien. Mais je n'en reste pas moins incapable de d'aider. Et puis, même si je le pouvais, je ne le ferais pas. T'aider à quoi, d'abord ?"
Je ne réponds pas à sa question et me lève. Elle ne dit plus rien tandis que je retourne au campement, encore chamboulée par ces événements.
Le soleil se lève doucement, colorant le ciel de rose pâle et de bleu azur. J'ai regagné le campement, et je cherche des brindilles sèches pour faire raviver le feu de camp, sans m'enfoncer plus dans la forêt. Se faisait, je réfléchis à tout ce qu'il s'est passé avec Karan, mais une partie de moi se dit qu'il n'est pas nécessaire de cogiter autant là-dessus. Malgré tout, Vanille me manque, et j'aimerai tant qu'elle soit là avec moi aujourd'hui…
Je garde cependant en tête mon objectif : me rendre à Stëlle pour trouver quelqu'un capable de dissiper cette malédiction, puis commencer mes recherches sur le symbole de ma médaille, car Vesper ne me l'a sûrement pas donnée par hasard. Vesper ne laisse rien au hasard.
– Tu sais cuisiner des légumes ? je demande à Liberté une fois revenue au campement. Je n'ai pas trouvé d'animaux dans le coin. On a dû les faire fuir avec notre feu d'hier soir.
Elle me répond par écrit qu'elle peut faire des légumes grillés. Je ne suis pas vraiment sûre que ça nous calera l'estomac, mais c'est tout ce qu'on peut faire, avec un peu de pain à côté.
– Ça ira, je dis.
Elle hoche la tête et commence à préparer les légumes.
Je pose mes quelques branches, tout de même humides à cause de la pluie de la nuit dernière sur le feu de camp, puis utilise le briquet que Rafael m'a donné pour allumer un petit feu, qui sera suffisant pour griller les légumes.
Je décide de faire un tour dans le village. Je ne sais pas où Rafael est parti, mais il a dit qu'il allait acheter des affaires pour la suite du voyage. Je suis le chemin pavé jusqu'à la place du village. C'est assez joli, par ici. Les maisons sont faite de pierres, elles sont simples, mais déjà plus élaborées que celles de Selka.
Je lève les yeux vers le ciel, qui a maintenant des teintes jaune pâle. Les nuages blancs avancent lentement, poussés par la brise d'automne.
Quelques minutes plus tard, quelqu'un me tapote l'épaule, sûrement Rafael, et quand je me retourne, c'est en effet lui.
– Je me suis acheté une arme, chez le forgeron là-bas. Je me suis dit que tu pourrais m'apprendre à m'en servir, m'informe-t-il.
– Si tu veux, je réponds.
Je quitte le banc où j'étais assise. Je profite du chemin jusqu'à notre campement pour parler à Rafael de ma paye.
– Tu te souviens que tu voulais m'engager comme garde du corps, n'est-ce pas ? Ça tient toujours, maintenant que tu veux apprendre à te défendre ? je demande.
– Tu pourrais, sinon, être payée pour m'apprendre à me battre.
– Avec plaisir.
"Tu ferais n'importe quoi pour de l'argent, toi, pas vrai ?"
C'est toi, Karan ? Qu'est-ce que je raconte, bien sûr que c'est elle…
J'ignore sa remarque et reporte mon attention sur Rafael.
– Tu me paieras combien ? je continue.
– Que dirais-tu de ne pas être payée en argent mais en renseignements ? me propose le rouquin.
– En renseignements, je répète, sceptique. Sur quoi ?
Il désigne la médaille que je porte autour du cou par-dessus ma chemise.
– Je connais ce symbole, explique-t-il. Si ça t'intéresse, je peux te dire quelques trucs à son sujet.
Ce n'est pas ma première préoccupation, mais j'accepte tout de même. Je prends tout ce qui me paraît utile.
Rafael me fixe. Enfin, non, rectification. Il regarde mon épaule, comme s'il pouvait voir à travers mes vêtements la marque sombre sur mon omoplate. Il me semble que l'éclat doré dans ses yeux brille plus qu'avant. Le jeune homme me fixe aussi intensément que lorsque je l'ai rencontré à Bellir, il y a quelques jours.
– Rafael, arrête de me fixer comme ça, s'il te plaît, je marmonne.
– Oui… désolé, s'excuse-t-il.
Liberté nous accueille tout sourire et nous tend à chacun une assiette de légumes grillés. Heureusement, je n'ai pas très faim. Cependant, c'est meilleur que ce à quoi je m'attendais. Liberté cuisine vraiment bien.
Quelques dizaines de minutes plus tard, nous sommes partis. Rafael se plaint déjà, mais je n'écoute qu'à moitié ses lamentations. Nous nous dirigeons vers le nord-ouest, vers Stëlle, mais aussi vers la frontière d'Endario, le pays voisin, avec qui les relations sont assez tendues suite à une guerre en 1397. J'avais sept ans, et Selka n'était pas touchée par la guerre.
Je suis Rafael. Liberté est à mes côtés. Elle ne cesse de jeter des regards à droite à gauche, émerveillée par la nature, les plantes, et même par le plus petit insecte.
Moi, je me contente de mettre un pied devant l'autre. Mes connaissances géographiques n'étant pas très développées, je sais à peine lire une carte. Je laisse donc à Rafael le soin de nous guider tout les trois.
J'aime beaucoup l'histoire d'espace mental et de Karan qui peut communiquer avec Nausicaa. Ça fait comme une "petite voix" dans sa tête.
Il y a quelques coquilles à corriger :
- "Tu ferassa n'importe quoi pour de l'argent, toi, pas vrai ?" => Ferais ?
- "J'ignore remarque et reporte mon attention sur Rafael" => LA remarque ?
- " Que dirais-tu de ne pas être pas être payée en argent mais en renseignements ? me propose le rouquin. " => il y a 2 fois "pas être"
Voilà, c'est tout je crois.
Au plaisir de te lire !
À bientôt !