Chapitre 14

Notes de l’auteur : « Don’t get too close, It’s dark inside, It’s where my demons hide, It’s where my demons hide » Imagine Dragons
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Nous sommes en cours de littérature anglaise lorsque le téléphone de Martin sonne. Il s’excuse de ne pas l’avoir mis en silencieux mais quand ses yeux rencontrent l’écran, il se fige. Puis sort brutalement de la pièce.

J’hésite quelques secondes, me mords la lèvre, avant de sortir de la même manière à sa poursuite.

Il raccroche quand j’arrive. J’ai l’impression de voir un autre homme. Une facette de lui que je ne connais pas. 

Il ne me regarde pas et dit :

- Ma mère est à l’hôpital. Tu peux m’excuser auprès du professeur, s’il te plaît ? 

Il paraît si vulnérable. Sans même réfléchir, je lui réponds :

- Je peux venir avec toi. 

Ce n’était ni une question ni une affirmation non plus. Une possibilité qui s’offrait à lui, simplement.

De la lumière passe dans ses yeux lorsque ceux-ci rencontrent enfin les miens, surpris. Mais très rapidement, cette lumière disparaît. Et son visage se referme davantage.

- Non, répond-t-il sèchement avant de tourner les talons.

Je me suis sûrement montrée trop invasive. Mais …je n’y peux rien. Je tiens à lui. Même s’il n’y aura jamais de relation amoureuse entre lui et moi, je tiens vraiment à lui. Et le voir comme ça …

Lorsque j’excuse Martin auprès de notre professeur, celui-ci ne semble pas surpris. Je n’arrive pas à me concentrer durant le reste du cours. Elsa le remarque mais ne dit rien. Je la soupçonne même de redoubler de concentration pour que ses notes soient les plus complètes possibles lorsqu’elle me les passera. Elsa et moi avons fait connaissance le premier jour à l’université. Et je ne saurais expliquer pourquoi, mais toutes les deux avons reconnu en l’autre une amie. Depuis, on ne se quitte plus. On ne connaît pas grand-chose du passé ou du présent de l’autre. Pas encore. Mais chacune fait grandir l’autre, chacune donne de l’amitié sans rien attendre en retour. J’ai de la chance de l’avoir rencontrée.

Quand la cloche sonne, elle me regarde prendre mon temps pour faire mon sac, comprend et patiente à l’extérieur. Quand les derniers élèves sont sortis, je m’approche timidement de M. Boulic, notre professeur.

Il m’accueille avec un sourire chaleureux.

- Monsieur …vous avez l’air d’être au courant de ce qui se passe avec Martin … 

- Je pensais que ces camarades étaient au courant. 

Il prend un air peiné, semble hésiter et puis m’explique : 

- La mère de M. Gaillard souffre d’un cancer du sein. Depuis une dizaine d’années maintenant, il me semble …, il souffle, ayant vraiment l’air de compatir à la souffrance de sa famille. Le cancer du sein peut être une lente et terrible agonie … J’ai beaucoup de peine pour sa famille. 

Je baisse le regard et garde le silence, attristée.

M. Boulic me sourit.

- C’est au moins rassurant de savoir qu’il a des camarades qui se soucient de lui. Il paraît mettre beaucoup de distances entre lui et les autres, j’étais un peu inquiet. 

J’opine du chef. Je crois que c’est le professeur préféré de tout le monde ici. Il est très humain et montre toujours beaucoup d’égard pour ses élèves. Et ses cours n’en sont que plus passionnants. On a de la chance de l’avoir comme professeur sur plusieurs cours de littérature anglo-saxonne.

- Ça explique beaucoup de choses.., dis-je, merci de m’en avoir parlé M. Boulic. 

 

Elsa m’attend dans le couloir.

- Emilie … je m’inquiète un peu. Martin n’est pas un mauvais garçon mais ce n’est pas un prince charmant. Et quand je t’imagine avec un garçon, et bien c’est un prince charmant auquel je pense ! 

- T’inquiète pas Els’ je sais tout ça. Mais je …je me préoccupe de lui, comme un ami. 

- Comme un ami, c’est ça ouai ! » s’esclaffe-t-elle en me donnant un coup de coude dans les côtes.

- Hé ! Et puis c’est quoi cette histoire de prince charmant, tu me vois vraiment comme une princesse pure et innocente de conte de fées ? 

- Oui, t’es ma princesse de conte de fées à moi, dit-elle me prenant le bras dans une étreinte.

Mes yeux tentent de la gronder mais je ne peux m’empêcher de sourire.

 

Je n’ai pas de nouvelles de Martin pendant plusieurs jours. 

Le soir où il s’est absenté, je lui ai envoyé un lien vers une chanson qu’il pouvait télécharger sur son téléphone. Je voulais lui apporter du soutien, sans m’immiscer dans son intimité. Je n’ai pas eu de réponse. Mais je n’en attendais pas. Par contre, lui parler me manque. Alors chaque soir, je lui envoie un nouveau lien de téléchargement. Ce ne sont que des chansons dont les paroles me transportent. Il y a « The sound of silence » the Simon & Garfunkel, « Bohemian rhapsody » de Queen, « Caravane » de Raphaël, « Bienvenu chez moi » de Florent Pagny. On est maintenant vendredi soir. Je suis assise sur mon lit. Et je pense à lui.

Je lui envoie le lien de téléchargement pour « Demons » de Imagine Dragons. Et me laisse bercer par la musique et les paroles, quand mon téléphone bip.

« Tu l’écoutes en ce moment ? »

« Oui. »

« Merci. Enregistre bien ce message parce que je ne le redirai pas. Merci pour cette semaine. It means a lot to me. 

Toujours bon demain 14h chez moi ?»

 « Of course. See you tomorrow jackass ☺ »

 

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