Chapitre 13

Par Notsil

Le  Temple d’Eraïm ne disposait pas d’auberge, mais permettait à ses visiteurs de partager ses dortoirs.

Une situation à laquelle aucun des jeunes n’était habitué, et qui ne permettait aucune intimité. Rayad et Alistair s’étaient retrouvé dans le dortoir des hommes tandis que Shaniel, Surielle et Taka avaient rejoint celui des femmes. Les lits étaient étroits, et si les Massiliennes maugréèrent pour la forme, elles se blottirent dans leurs ailes avant de fermer les yeux. Shaniel était restée un moment éveillée, songeuse. Elle aurait eu envie d’aller rejoindre Alistair, tout en refusant de froisser leurs hôtes. Le bruit des discussions chuchotées lui rappela sa solitude. Les larmes perlèrent à ses paupières. Par Orssanc, elle se sentait si démunie ici ! Elle espérait que Surielle ne se trompe pas et puisse les guider vers cet Éveillé. Rentrer, retrouver ses marques, c’était tout ce qu’elle désirait. Si seulement… Avec un soupir, Shaniel chassa les regrets de son esprit et s’efforça de trouver le sommeil.

 

Le lendemain, après un solide petit-déjeuner, ils avaient remercié les Prêtresses pour leur accueil et s’étaient envolés vers la Porte, où une Prêtresse les attendait. Ils en avaient déjà discuté : leur prochaine destination serait Massilia. Trouverait-elle l’Eveillé à Lapiz, comme le Prêtre Damien le lui avait sous-entendu ? Surielle n’osait y croire.

Heureusement que Taka s’était proposée pour l’accompagner.

Massilia serait un terrain miné pour Alistair, et celui-ci avait refusé d’être laissé en arrière. Il était l’escorte officielle de Rayad et Shaniel, était là pour les protéger et tant pis s’il devait croiser d’autres ailés. Surielle pressentait qu’il était prêt à livrer autant de duels que nécessaires pour son honneur, et ça l’inquiétait.

Son cousin avait beau être fier de ses ailes, s’il y avait bien une planète de la Fédération qui n’avait rien oublié de la traitrise de son père, c’était Massilia. Les ailes rouges du Commandeur était un rappel constant du sang Massilien dans ses veines, ainsi que de la trahison impardonnable vécue comme un outrage par tous les ailés.

La Porte était toute proche de la ville de Citrine ; Surielle comptait bien l’éviter. Elle était ravie que Shaniel et Rayad puissent les accompagner dans les airs grâce à leurs griffons ; ces créatures étaient stupéfiantes ! Même si jamais elle n’aurait osé approcher autant son visage de l’énorme bec. Les impériaux semblaient avoir un lien bien particulier avec leurs montures.

Au moins, ils ne resteraient que le temps minimum nécessaire à leur quête. Elle espérait que son oncle Aioros n’apprenne jamais leur présence ici.

Taka les guidait pour l’instant. L’Émissaire jetait de fréquents regards à Alistair, placé au centre de leur formation. Elle ne l’aimait pas, mais le supportait comme une gêne nécessaire.

Après plusieurs heures de vol, d’un geste, Taka les guida vers le sol. Ils se posèrent à quelques mètres à peine d’une grotte à l’ouverture étroite, au milieu des sapins enneigés. Surielle respira à pleins poumons l’air empli de l’odeur des résineux.

–Quel bel endroit ! s’exclama Shaniel. Cette blancheur !

Elle se laissa glisser du dos de Grenat.

–Oh ! C’est froid ! Je pensais que ça allait être tout doux !

–Tu n’avais jamais vu de neige ? railla Alistair.

–Elle a rarement quitté Druus, dit Rayad. Tu connais Shani, hors du Palais… elle tient trop à son luxe.

Shaniel plaça ses poings sur ses hanches.

–Toujours à vous plaindre ! Me suis-je offusquée de quoi que ce soit depuis notre départ ?

–Laissez-la tranquille et allez chercher du bois, lança sèchement Taka.

Alistair lui retourna un regard noir. Rayad perçut la tension et l’attrapa par le bras.

–Viens, va. Je préfère ramasser des branches que me taper la cuisine.

Ils s’élancèrent sous les commentaires outrés des jeunes femmes. Alistair éclata de rire et Rayad se joignit à lui.

–Nous aurons de la chance si elles nous gardent de quoi manger ! hurla-t-il dans le vent.

Plus inquiète qu’elle ne le montrait, Surielle interrogea Taka du regard.

–Était-ce une bonne idée de les envoyer seuls ?

Cette dernière haussa les épaules.

–Que pouvons-nous y faire ?

–Alistair est le plus proche ami de Rayad, nota Shaniel. S’il lui arrive quelque chose, il pourrait y avoir des retombées diplomatiques.

–Est-ce une menace ? fit Taka, sur la défensive.

–Je ne comprends pas cette obstination pour la vengeance, c’est tout. Vous dites être un peuple d’honneur. La dette a été payée, non ? Faire payer au fils les erreurs du père… je ne trouve pas ça honorable.

–Son père n’est pas mort, là est le souci.

–Je ne comprends pas, répondit Shaniel en fronçant les sourcils.

–Il y a bien eu un duel, quelques vingt ans plus tôt. Le Commandeur Éric a été annoncé mort à l’Assemblée, et considéré comme tel de nombreuses années. Il a fallu près de cinq ans pour que la nouvelle de sa survie atteigne les Douze Royaumes. Inutile de te dire combien cette annonce a fait vaciller la Seycam de Massilia, j’imagine ?

Surielle hocha la tête. Ses parents avaient expliqué leur histoire, dès qu’ils avaient été en âge de comprendre. Que le Commandeur n’ait pas été mort comme il avait semblé l’être avait conduit à un soulèvement sur Massilia. Sa mère, la Souveraine Satia, avait dû se déplacer sur place en personne pour apaiser les tensions. Plusieurs Clans avaient mis en avant la faiblesse de la Seycam ; elle avait dû rappeler, en tant que témoin de ce duel, que toutes les observations avaient donné le Commandeur mort. Que l’affaire avait été déclarée close par le Djicam de Massilia, l’Empereur Dvorking et elle-même. Les Clans avaient fini par admettre du bout des lèvres qu’elle avait raison, que le Djicam Aioros ne pouvait être tenu pour responsable de ce retournement de situation improbable.

Mais la discorde couvait toujours, et Taka comme Surielle savaient qu’il suffirait d’un rien pour raviver cette haine latente. Avec la paix qui régnait entre l’Empire et la Fédération, les armées massiliennes s’étaient trouvées désoeuvrées, même si le Djicam Aioros avait géré avec doigté la situation, envoyant des escouades sur chaque Royaume pour assurer la sécurité des routes. Il faudrait encore beaucoup de temps avant que la situation ne s’apaise totalement.

–Je l’imagine, commenta Shaniel. Mais vous ne savez pas ce qu’a vécu Alistair. Certes il a aujourd’hui une place privilégiée auprès de mon frère, mais c’est une place qui attire les convoitises.

–Le Commandeur est devenu Seigneur d’Iwar, si je ne me trompe pas, après les évènements tragiques impliquant notre  Souveraine ?

Shaniel acquiesça. Bien avant de séduire Alistair, elle s’était renseigné sur le Commandeur Éric, l’une des rares personnes de l’Empire à laquelle son père accordait une certaine confiance.

–Rusir, le précédent Seigneur, l’avait entrainé à la dure discipline des Maagoïs. Un peu comme le fils qu’il n’avait jamais eu. Rusir n’a jamais été attiré par les femmes, il était le dernier de sa lignée. Les derniers membres de sa parenté étaient membres des Maagoïs, comme lui, et avaient déjà péri lors des conflits qui nous ont opposés. À sa mort lors du combat contre les redoutables Strators, auquel peu de Seigneurs ont survécu par ailleurs, l’Empereur a décidé que le titre reviendrait donc au Commandeur. Une façon pour lui de le remercier de sa loyauté au travers de ces longues années à son service, à déjouer les menaces visant à prendre sa vie. Vous le méprisez pour sa trahison envers les Douze Royaumes, mais il a rendu de grands services à mon père. Il se moque de l’argent ou de sa réputation. Alistair sait la pression énorme qui repose sur ses épaules. Il est le fils ainé, vous savez ? Né pour le premier anniversaire du traité de paix. N’est-ce pas un symbole en soi ? Les ailés sont rares dans l’Empire, essentiellement des descendants d’anciens esclaves, qui n’ont pu revenir dans les Douze Royaumes pour une question d’honneur. Vous en êtes fiers, de cet honneur, mais imaginez-vous la peine qu’il entraine chez certains ?

–Je l’imagine parfaitement, rétorqua Taka. L’honneur n’est pas la voie de la facilité. Nous en sommes tous conscients.

–Alistair a été accueilli cordialement au Palais, pourtant, nota Surielle.

–Tes parents sont entrés dans la légende, Surielle, dit Shaniel. Même au sein de l’Empire, tout le monde connait leur nom. Ils sont respectés. Pourquoi crois-tu que nous ne nous sommes révélés qu’à eux ? Nous savions qu’ils seraient capables de nous écouter sans préjugés.

–Je n’avais pas vu les choses ainsi, dit pensivement Surielle.

Elle était habituée à vivre à Valyar, à savoir que tous connaissaient ses parents. Lorsqu’elle accompagnait sa mère en ville, Surielle entendait beaucoup de compliments sur sa gestion de la Fédération des Douze Royaumes. Sa mère était souriante, patiente, même quand Surielle devinait qu’elle aurait préféré moins de reconnaissance et plus d’intimité. C’était le prix à payer pour avoir sauvé la Fédération et conclu une paix historique avec l’ennemi de toujours. Un paix pour laquelle on lui était gré, et dont on continuait à avoir peur. Il restait difficile d’imaginer les citoyens de la Fédération faire confiance aux impériaux, certainement l’une des raisons pour lesquelles ils avaient si peu d’échanges commerciaux, songea Surielle.

— Nous serons donc à Lapiz ce soir ? demanda Shaniel.

— Demain, nuança Taka. La nuit tombe vite, en cette saison. Cette grotte sera un abri parfait. Et demain midi, si Eraïm le veut, nous mangerons dans les ruines.

— Pourquoi la ville a-t-elle été abandonnée ?

L’Émissaire haussa les épaules tout en détachant son sac.

— Je crois qu’il y a eu un massacre. Certainement deux Clans ennemis en pleine Saa’sar.

— Une quoi ? questionna Shaniel, intriguée.

— Des guerres de Sang, précisa Taka. Quand l’honneur mène à l’autodestruction.

— Orssanc me brûle ! Je ne vous pensais pas si extrémistes.

Taka eut un sourire carnassier.

— Les Massiliens sont des combattants. Même le boulanger d’un village sait se battre avec une épée. Si un Clan décide de mobiliser ses membres pour répondre à un affront, tous répondront à l’appel, sois-en sûre.

Shaniel frissonna.

— La planète est sûre ? Je commence à croire que nous nous précipitons en pleine guerre civile…

— La Seycam s’occupe de gérer les Clans, intervint Surielle en haussant les épaules. Notamment grâce aux Mecers.

— Exact, approuva Taka. C’est grâce à ça que… N’est-ce pas le griffon de ton frère, que j’aperçois ?

Shaniel plissa les yeux.

–Tu dois le savoir mieux que moi.

–Il n’a pas de cavalier, nota Taka.

–Et il est seul, renchérit Surielle.

Les trois jeunes filles s’étaient assombries. Le griffon se posa dans un éclaboussement de poudreuse, piaillant et sautant sur place, surexcité.

–Il s’est passé quelque chose, commenta Shaniel. Suivons-le.

*****

Alistair et Rayad n’avaient volé que quelques minutes avant de repérer une trouée dans la forêt.

–Tu convaincras Zéphyr de porter un fagot, tu crois ?

– Je vais essayer. Il n’aime pas trop ça. Et toi, ça ira ?

–Mon bras va mieux, oui. Je serai un peu déséquilibré mais je m’en sortirai.

Ils balayèrent le sol à la recherche de branchages utilisables, n’hésitant pas à casser les plus gros pour pouvoir les emporter plus facilement.

Alistair finissait de nouer le troisième ballot quand une bourrasque lui fit lever les yeux. Sa main glissa naturellement sur le pommeau de son épée. Ça, ce n’était pas un vent naturel.

Huit ailés les encerclaient, plutôt hostiles vu les épées déjà dans leurs mains, pourtant Alistair ne pouvait s’empêcher de les détailler avec avidité, notant par réflexe toutes les nuances de couleur de leurs ailes. Du noir, du gris, du roux, du blanc… chacun possédant ses marques propres. Huit ailés ensemble, c’était plus qu’il n’en avait vu de sa vie, s’il ne comptait pas sa famille.

Ils étaient cernés. Alistair recula d’un pas, chercha Rayad.

–On fait quoi ? demanda celui-ci d’une voix basse.

–Tu fuis, évidemment. Ce n’est pas après toi qu’ils en ont.

Rayad fronça les sourcils.

–Je ne t’abandonnerai pas ici !

Alistair allait répliquer quand l’un des Massiliens s’approcha, l’épée en garde.

–Qui êtes-vous ? Qu’est-ce que vous faites ici ?

–Il semble que vous vous soyez déjà fait une idée, signala Alistair d’un ton sec.

–Tu fais le malin, alors que tu es en sous-nombre ? menaça le Massilien.

Alistair croisa les bras, déploya ses ailes avec provocation.

–Viens, si tu l’oses. Je n’ai pas peur de vous.

Strix serra les dents. Il n’allait pas se laisser tourner en ridicule devant ses hommes.

–Toi par contre, poursuivit Alistair. Tu as si peur de perdre dans un duel que tu ressens le besoin d’amener tes hommes avec toi ?

Rayad se raidit. Il n’aurait pas provoqué ainsi le meneur, même s’il comprenait qu’Alistair cherche un duel pour améliorer leurs chances de s’en sortir.

Car le Massilien se sentirait forcément insulté après une telle sortie.

Strix ricana.

–Mais c’est qu’il piaille, l’oisillon ! Non, je ne connais que trop tes semblables. Les duels sont réservés aux gens d’honneur. Ce que tu n’es manifestement pas.

–Je vois mal ce qui te permet d’en juger, siffla Alistair, piqué.

–Ces ailes seules sont une insulte pour tous les Massiliens. La preuve de votre trahison. Votre lignée maudite doit être éradiquée.

–C’est le moment de fuir, Rayad, souffla Alistair. Je ne pourrais pas te protéger.

–Je ne t’abandonnerai pas, répéta Rayad comme l’étau se resserrait autour d’eux.

D’un geste, il indiqua à son griffon de prendre les airs.

–C’est une folie, marmonna Alistair. Si tu te fais tuer, Shaniel me découpera en morceaux.

–Eh bien débrouille-toi pour que ça ne soit pas le cas. Des suggestions ? ajouta-t-il comme ses armes de jet favorites glissaient entre ses phalanges.

–Vise les ailes pour les humilier.

–Tu refuses de les tuer ? fit Rayad, surpris.

–Je ne veux pas être celui à blâmer, corrigea Alistair. Si j’en tue un je signe mon arrêt de mort, relations diplomatiques ou pas.

— Peut-être que…

–Je vais t’arracher les plumes une par une avant de te tuer, les interrompit Strix. Sous le regard de ton ami, que nous tuerons ensuite.

–Viens donc si tu l’oses !

La lame en cristal Kloris noir sortit de son fourreau avec un crissement.

Le combat serait compliqué mais Alistair ne comptait pas abandonner. Question d’honneur.

Avec un rugissement, Strix se porta au contact sur une impulsion de ses ailes. Alistair s’effaça sous l’assaut, Rayad dispersa les ailés avec ses projectiles. S’il arrivait à les garder à distance, ils avaient une chance. Quatre s’envolèrent hors de portée de Rayad, trois s’avancèrent. Rayad saisit ses dagues, attentif. Il n’était pas leur cible, mais il savait que les Massiliens n’hésiteraient pas à l‘attaquer s’il s’interposait.

 

Alistair recula d’un pas, prit le risque d’un bref coup d’oeil aux alentours. Les ailes chocolat de son adversaire - le dénommé Strix ? - bloquaient son champ de vision. Le Massilien avait un jeu agressif, comme le découvrit rapidement Alistair. Une ouverture lui apparut, qu’il n’osa pousser. Strix para avec un sourire, contre-attaqua d’un mouvement vif. Touché au bras, Alistair grimaça. Ce n’était qu’une petite égratignure, mais la douleur le déconcentrerait. Strix poussa son avantage, lui opposa la force brute de son corps massif. Alistair n’eut d’autre choix que de plier avant de se désengager d’un bond arrière. Comment mettre un terme au combat, sans tuer son adversaire ?

Sauf que Strix n’était pas seul, se rappela-t-il en percevant l’ombre sur lui. Une belle attaque en traitre, dans son dos. Alistair se jeta au sol en catastrophe. Se remettre sur pieds, vite.

Quelque chose l’en empêchait. Son aile était coincée. Alistair jura, para l’attaque qui le visait, tandis que Rayad virevoltait pour revenir auprès de lui. Ses étoiles de jet volèrent, traçant des sillons sanglants.

–Tuez-le ! rugit Strix.

Alistair utilisa ce bref répit pour rouler et retirer la dague qui le clouait au sol. Ses plumes étaient abimées mais il devrait réussir à voler. Strix n’était plus à portée ; deux Massiliens l’avaient remplacé. S’en tenir à la défensive n’était pas dans ses habitudes, son style de combat était inadapté à ces conditions : Alistair hésitait.  Poursuivre dans cette voie serait un suicide. Il n’avait plus qu’à rejoindre Rayad pour l’informer d’un changement de plan.

Alistair repoussa l’un de ses attaquants d’un coup de pied dans le ventre, se glissa sous la lame du deuxième pour lui entailler le bras, avant de bondir dans la poudreuse auprès de Rayad.

L’impérial était sur le point d’être submergé ; ses dagues créaient un tourbillon d’acier qu’il ne tiendrait pas longtemps. Alistair jura avant de réaliser une parade en catastrophe. Ils étaient trop nombreux.

–Cessez le combat !

Taka tomba du ciel dans un nuage de neige, Surielle et Shaniel à sa suite.

Alistair fut surpris de l’obéissance rapide des Massiliens face à l’Émissaire. Prudent, il resta sur ses gardes alors que ses adversaires se regroupaient devant Taka, l’air sombre.

–Que se passe-t-il ici ? ordonna-t-elle, s’attendant clairement à être obéie.

– Sa présence ici est une insulte ! déclara Strix.

Bras croisés, il s’estimait être dans son droit.

— Ce n’était pas une raison pour nous attaquer, rétorqua Rayad.

— Si tu es avec lui, tu es contre nous, asséna Strix. Qu’allez-vous faire, Émissaire ?

Taka pinça les lèvres, pesa ses options.

— Seul le Commandeur a interdiction de poser le pied sur notre sol, dit-elle enfin. Et en vous attaquant à l’héritier de l’Empire vous avez risqué de mettre à mal les relations entre nos deux nations.

Strix avait pâli tandis qu’un sourire narquois s’épanouissait sur le visage d’Alistair. Rayad épousseta sa tenue, rangea ses armes et entreprit de ramasser ses étoiles. Juchée sur son griffon, Shaniel fronçait les sourcils, méfiante, tandis qu’à ses côtés, Surielle restait immobile, peu désireuse de se faire remarquer.

En pure perte, face à des Massiliens.

— Et la fille de la Souveraine, marmonna Strix. Qu’est-ce qui vous amène ici ?

— Rien qui ne vous regarde, répondit Surielle.

— Vous êtes sur les terres du Clan du Ciel. Bien sûr que cela nous regarde.

— Il suffit, coupa Taka. Nos affaires ne vous concernent pas. Dispersez-vous.

— C’est un ordre, Emissaire ? demanda Strix sur un ton doucereux.

— Préférez-vous que je l’utilise la force ? rétorqua Taka, acide.

— Alors que vous êtes seule, Emissaire ?

Taka s’assombrit.

— Mesure tes prochaines paroles, Strix.

— Taka n’est pas seule, ajouta Surielle.

— Nous nous battrons à ses côtés s’il le faut, renchérit Rayad.

Le regard de Strix s’étrécit.

— Vous prenez toutes les deux sa défense… très bien. Je suis forcé de m’incliner, mais sachez que je n’en resterai pas là, Émissaire. Les Clans méritent de savoir qui foule leur sol.

— Sae a vu une bonne partie de votre combat, révéla Taka. Il m’en coûte de l’admettre mais ils auraient pu vous tuer et s’en sont abstenu.

— Impossible ! s’exclama Strix, secoué. Alors que nous sommes bien plus nombreux ?

— Peut-être pas tous, convint l’Émissaire, néanmoins ils ont été conscients de l’impact de leurs gestes, contrairement à toi et tes hommes.

— Pourquoi les protégez-vous, Émissaire ? osa demander l’un des compagnons de Strix.

Taka laissa son regard errer sur les impériaux, s’attarder sur Alistair, revenir sur Surielle.

— Mes sentiments personnels n’entrent pas en ligne de compte, dit-elle enfin. Je comprends parfaitement votre colère mais leur présence ici n’enfreint hélas aucune règle.

Les Massiliens rengainèrent, pourtant leurs airs mécontents ne trompaient personne.

— Vous ne pouvez nous empêcher de les surveiller, Émissaire, alors qu'ils sont sur nos terres, gronda Strix. Soyez sûre que nous interviendrons à la moindre incartade !

— Votre Clan n’a pas à se mêler de nos affaires, répéta Taka.

Shaniel voyait bien que la Massilienne luttait contre son exaspération croissante. Qu’avaient fait Rayad et Alistair pour qu’ils se montrent aussi collants ? La haine des Massiliens envers le Commandeur ne s’était donc toujours pas tari, après vingt ans ? Heureusement qu’Alistair ne se montrait pas aussi rancunier envers elle. Et pourquoi pousser l’Émissaire Taka dans ses retranchements ? Un détail important lui échappait, là encore. A ses côtés, Surielle avait croisé les bras, sourcils froncées, contrariée par l’évolution de la situation.

— Ne devraient-ils pas lui obéir sans discuter ? lui demanda Shaniel à voix basse.

— Si, lui retourna Surielle sur le même ton. Mais ils savent sa position précaire et cherchent à la pousser à la faute. A lui faire dire ce qu’elle refuse pour le moment.

La jeune ailée serra les poings.

— J’aimerai l’aider mais je ne ferai qu’envenimer la situation.

— Pourquoi ? s’étonna Shaniel.

Surielle n’eut pas le temps de lui répondre. Devant elles, le ton montait et la situation s’envenimait. Rayad avait posé sa main sur le bras d’Alistair, dont les ailes s’agitaient sous la colère.

— Ne venez pas vous plaindre des répercussions sur votre Clan ! asséna Taka.

— Nous n’oublierons pas cette menace, Emissaire, grinça Strix.

D’un geste, il enjoignit ses hommes prirent les airs. Un sourire barra un instant son visage.

— Nous n’en resterons pas là.

Taka laissa échapper une bordée de juron dès qu’ils furent hors de portée.

— Eraïm me préserve de l’entêtement des Clans ! Comme si j’avais besoin de ça…

— Je ne pensais pas que nous rencontrerions des problèmes si tôt, dit Rayad, inquiet.

Taka haussa les épaules.

— Le coin est peu peuplé, certes, mais les Massiliens se déplacent rapidement sur de grandes distances. Impossible qu’il passe inaperçu avec la couleur de ses ailes. Et Strix va s’empresser de répandre la nouvelle… Enfin. Suivez-moi, si vous êtes prêts.

— Nous ne campons plus ici ? s’étonna Shaniel, vaguement déçue.

— Non. Ils savent que nous sommes là. Je ne veux pas d’une nuée de vautours autour de nous. Je vous emmène chez mon père.

Surielle écarquilla les yeux.

— Tu n’y penses pas !

— Il me doit une faveur. Je ne pensais pas l’utiliser pour une… futilité pareille, mais je n’ai guère le choix.

Tu pourrais les laisser se débrouiller.

Et laisser Surielle dans les ennuis ? Non, je ne l’abandonnerai pas, cette fois.

Il ne va pas aimer du tout.

Je sais, soupira Taka.

— Tu ne nous avais pas dit que ton père habitait le coin, lâcha Shaniel. Pourquoi nous obliger à passer la nuit dans une grotte ?

Taka regarda Surielle, sourit faiblement.

— Eh bien, c’est… compliqué. En route.

*****

 

 

 

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Nathalie
Posté le 27/07/2023
Bonjour Notsil

–C’est le moment de fuir, Rayad, souffla Alistair. Je ne pourrais pas te protéger.
→ pourrai

La haine des Massiliens envers le Commandeur ne s’était donc toujours pas tari, après vingt ans ?
→ tarie

A ses côtés, Surielle avait croisé les bras, sourcils froncées, contrariée par l’évolution de la situation.
→ froncés

D’un geste, il enjoignit ses hommes prirent les airs.
→ Cette phrase doit être modifiée. En l’état, elle ne veut rien dire.

Taka laissa échapper une bordée de juron dès qu’ils furent hors de portée.
- jurons
Notsil
Posté le 04/09/2023
Coucou,

Merci pour les retours, je vais corriger ça. Et en effet la phrase ne veut rien dire du tout. J'ai dû oublier des mots ou vouloir reformuler et effacer seulement des morceaux de la phrase ^^
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