Paul est encore plus heureux qu’avant depuis que Rachel vit chez lui. Chaque soir il rentre du travail en se réjouissant de savoir qu'il va la voir. Aujourd’hui est un jour comme les autres et il sourit en ouvrant la porte de son appartement. Rachel est assise sur le petit canapé, en train de lire un magazine. Il se penche vers elle pour l’embrasser.
— Bonjour ma chérie.
Elle pose son magazine pour discuter avec lui.
— André a téléphoné tout-à-l’heure. Françoise a accouché, c’est une fille.
Paul hausse les sourcils en souriant.
— C’est super. Comment elle s’appelle ?
— Michèle. Il a dit que c’était un bébé magnifique. On pourra monter à Paris pour aller les voir, et ce sera l’occasion pour toi de les rencontrer, qu’est-ce que tu en dis ?
— Oui, c’est une bonne idée.
Rachel sourit et Paul pose sa main sur son ventre.
— Quand je pense que dans quelques mois ce sera notre tour…
— Oui… J’espère que d’ici-là j’aurai enfin divorcé.
Paul prend un air plus sérieux.
— Oui d’ailleurs comment ça avance ce divorce ?
— On a rendez-vous chez le juge dans deux semaines, Raymond et moi. Je croise les doigts pour que tout se passe bien.
Paul passe son bras autour de son épaule et l’embrasse sur la tempe.
— Bientôt tout ça sera enfin fini et tu n’entendras plus parler de Raymond.
Rachel sourit et se blottit contre celui qu’elle pourra bientôt reconnaitre comme son conjoint officiel.
« Nous ne pouvons pas délibérer pour l’instant, nous allons nous concerter pour en discuter. Rentrez chez vous et nous vous appellerons au plus tôt pour vous donner notre décision. »
Rachel n’arrive pas à se sortir cette phrase de la tête. Elle n’a jamais été aussi impatiente, elle aimerait savoir, elle aimerait qu’on lui dise si oui ou non ils peuvent divorcer. Elle regarde le paysage défiler à travers la vitre, essayant d’ignorer que Raymond se trouve à quelques centimètres d’elle, sur la place du conducteur. Ils ne se sont presque dit aucun mot depuis deux mois. Le soleil brille fort à travers le pare-brise, Rachel est heureuse de voir que ses lunettes de soleil sont encore dans la boite-à-gants. Raymond plisse les yeux.
— Ce soleil, c’est infernal…
Rachel se tourne vers lui. Elle n’a pas envie de prendre soin de lui mais elle ne voudrait pas qu’ils fassent un accident.
— Tu veux mes lunettes de soleil ?
— Mais non, garde-les
— Alors tu veux que je conduise à ta place ?
Il prend un air outré.
— Tu rigoles ou quoi ? Tu crois que je te fais assez confiance pour te laisser conduire ma voiture ?
Rachel ne répond rien, essayant de se contrôler pour ne pas s’énerver. Le soleil tape de plus en plus fort. Elle pose son coude sur la portière et repose sa tête dans sa main. Elle pense à Paul, elle a hâte de retourner dans l’appartement avec lui. Ce trajet lui parait interminable, mais elle n’a pas d’autre choix que de supporter encore la compagnie de son mari. Raymond a de plus en plus de mal à voir la route correctement, il s’en veut de ne pas avoir pensé à prendre ses lunettes. En arrivant en haut d’une montée, le soleil l’aveugle complètement. Sans pouvoir maîtriser sa trajectoire, il sort de la route et la voiture va s’écraser contre un arbre. Le choc n’est pas trop violent pour lui, mais Rachel se cogne contre l’avant de la voiture avant de retomber violemment sur son siège. Après avoir repris ses esprits, Raymond ouvre la porte et sort du véhicule. Il se rend compte que l’avant de la voiture est complètement défoncé. Au moment où Rachel le rejoint dehors pour s’assurer qu’elle tient encore debout, Raymond se lamente.
— Ma voiture, c’est pas possible !
Rachel a mal partout, elle a la tête qui tourne et a du mal à marcher. Raymond ne la regarde pas du tout, se préoccupant seulement de son automobile.
— Qu’est-ce qui s’est passé ? Comment tout ça est arrivé ?
Sans prendre garde à sa question, Raymond touche la carrosserie.
— Elle ne pourra plus rouler maintenant, c’est foutu.
Les souvenirs reviennent à l’esprit de Rachel. Elle se souvient du soleil, elle se souvient que Raymond a insisté pour conduire malgré l’éblouissement. Elle porte la main à son front.
— Raymond, je ne suis pas sûre d’aller très bien…
Raymond a presque les larmes aux yeux en constatant que le moteur a pris un gros choc.
— Mais tais-toi, tu ne vois pas que ma voiture est cassée ?
Rachel plaque les mains sur son ventre, se souvenant soudain de l’existence de son bébé. Est-ce qu’il a survécu ? Elle n’en sait rien, et elle se sent de plus en plus mal. Elle tourne son regard vers le soleil, avant de s’évanouir et de tomber par terre.
Quand Rachel ouvre les yeux, elle se trouve dans une chambre d’hôpital. Paul est à côté d’elle et lui caresse le visage.
— Paul, qu’est-ce qui s’est passé ? Où je suis ?
Il pose son doigt sur sa bouche pour la calmer.
— Chut, tout va bien. Vous avez fait un petit accident Raymond et toi. Mais tu es saine et sauve, c’est l’essentiel.
Elle regarde autour d’elle, paniquée.
— Il faut que je voie un docteur, il faut que je lui demande si le bébé n’a rien.
Paul lui prend la main en affichant un regard triste.
— Le médecin t’a déjà examinée quand tu n’étais pas consciente. Le bébé n’a pas survécu.
Rachel sent tous ses espoirs partir en fumée. Elle secoue la tête, horrifiée.
— Oh non, non pas ça !
Paul pose ses mains sur son visage pour l’aider à se contrôler.
— Rachel, écoute-moi. Tu es en vie, tu es en forme, et c’est ça le plus important. Ça aurait pu être bien pire.
— Mais je sais que tu aurais voulu cet enfant, et moi aussi, on aurait été heureux…
Paul est de plus en plus triste en voyant les larmes monter aux yeux de Rachel. Il la serre dans ses bras.
— N’y pense plus. Ça va aller, d’accord ?
Elle hoche la tête en enfouissant son visage contre lui. Après un long silence, Paul s’écarte d’elle pour la regarder à nouveau dans les yeux.
— Les juges ont appelé tout-à-l’heure. Ton divorce a été accepté.
Elle retrouve une pointe de joie dans son visage.
— Enfin une bonne nouvelle…
— Oui. On va être heureux tous les deux maintenant.
Les larmes reviennent dans les yeux de Rachel.
— Mais ça aurait été encore mieux si on avait été trois.
Paul soupire, ne sachant quoi répondre. Il prend les mains de la femme qu’il aime et les serre en regardant le sol. Après quelques instants il relève les yeux, un sourire au coin des lèvres.
— Tu sais ce qu’on va faire ? On va voyager. On va aller dans plein de pays différents, c’est toi qui choisiras les destinations si tu veux. Ce ne sera pas des voyages de luxe, juste des expériences de vie, des découvertes de chaque type de lieux, de monuments, de paysages, de villages, de personnes… Et de temps en temps, on reviendra ici. Pendant quelques mois je travaillerai, et toi aussi. Et dès qu’on sera à nouveau prêts on repartira vers d’autres horizons. Tu es d’accord ?
Elle sourit en hochant la tête.
— Je crois qu’on ne peut pas rêver mieux comme vie.
— C’est vrai. Tu verras, on ne sera pas les plus riches mais on verra plein de choses, et avant tout on sera heureux.
Rachel ne répond pas, elle est en train de s’imaginer. Elle réalise combien son existence est belle, maintenant. Et même si elle a eu beaucoup de regrets concernant ses choix de vie, elle peut aujourd’hui affirmer pour la première fois qu’elle est fière d’elle. Fière d’avoir réussi à outrepasser sa soumission, fière d’avoir pu trouver le courage de revenir en arrière, fière de s’être accrochée à ce qu’elle pensait être bien pour elle. Parce que même si elle a maintenant bientôt vingt-sept ans et qu’elle a déjà parcouru un grand bout de chemin, elle sait que sa véritable vie commence aujourd’hui.
En tout cas, j'suis heureuse d'entendre que Rachel a enfin une belle vie qui l'attend ! J'espère pour elle qu'elle pourra étudier et pratiquer le métier qui lui plaît ! C'est une très jolie fin que tu nous proposes pour elle
En tout cas merci pour ces compliments !