Chapitre 13 - Des mauvaises nouvelles

 

Isaure sentit une main se poser sur son épaule et ouvrit les yeux. Louise, assise dans le fauteuil qu’elle avait tiré près du lit, la regardait en souriant :

— Réveillez-vous, ma chère. J’ai attendu quelques minutes en plus, car vous aviez l’air de dormir comme un ange, mais je ne pense pas pouvoir faire patienter Honorine plus longtemps.

La jeune femme se redressa en bâillant, l’esprit embrumé de sommeil.

— Ai-je dormi longtemps ? 

— Une petite heure. J’ai fait infuser un thé noir, afin de vous réveiller. Je pense que vous n’en aurez pas besoin, car Honorine va se faire une joie de vous remettre l’esprit en place.

— Est-elle en colère ? s’inquiéta Isaure.

— Furieuse, répondit Louise en gloussant. Je ne l’ai jamais vu dans un tel état ! Cependant, je vous rassure : ce n’est pas vers vous que son courroux se dirige. Je pense que ce Ravignant a des soucis à se faire. Elle vocifère partout au rez-de-chaussée. Attendez-vous à voir une sacrée scène ! Ces messieurs Darsonval et Émery en sont stupéfiés.

Isaure saisit la tasse en porcelaine que lui tendait Louise, elle était remplie à ras bord d’un liquide aussi noir que du café. 

— Je vais peigner vos cheveux en attendant que vous terminiez de boire, suggéra la jolie blonde.

Louise se leva pour attraper la brosse, posée sur la coiffeuse et vint s’installer sur le lit. Elle se glissa derrière Isaure et attrapa dans ses mains une longue mèche de cheveux sombres. Elle les démêla doucement, habituée aux boucles naturelles de son amie. Isaure n’avait jamais eu besoin de fer ou de papillotes pour les arranger, elles formaient des anglaises magnifiques et brillantes, d’une forme si parfaite et rebondie qu’on aurait juré qu’elles avaient été faites par un bigoudi préchauffé. Louise savait que les chevelures des femmes venant des îles étaient fragiles et nécessitait des soins particuliers. La grand-mère d’Isaure, une esclave affranchie, avait pris soin d’écrire dans une lettre la manière dont il fallait s’en occuper. Elle l’avait pliée dans les bagages de sa petite fille avant son départ. Honorine avait fait de son mieux pour respecter les conseils prodigués et ainsi, toutes les femmes de la maison savaient peigner, tresser et faire briller les cheveux métissés d’Isaure.   

Pour l’heure, sa tignasse était sale et emmêlée et Louise fit de son mieux pour les arranger. Elle fit un simple chignon et en laissa dépasser quelques mèches.

— Il faudra vous trouver une bonne suffisamment capable pour s’occuper de vous. Quand vous repartirez à l’Islette, une fois mariée, que direz-vous de prendre Marie-Rose ? Cette petite rêve de quitter ce comté. 

— Non, répondit abruptement Isaure.

Louise fut étonnée de sa réaction.

— Pourquoi ? C’est une fille très capable.

La jeune comtesse se mordit l’intérieur de la joue. La fatigue l’avait fait répondre trop rapidement.

— Je me dois de prendre mon propre personnel… Et puis, j’ai un projet particulier, confia-t-elle.

— Dites-moi tout ! demanda Louise en s’asseyant pour lui faire face. 

— Si mes finances s’améliorent et que je trouve un mari digne de ce nom, je pense ouvrir un atelier de bonnes œuvres et employer chez moi des filles désireuses.... de quitter leur mauvaise vie. 

Pour la première fois depuis le début de la journée, un véritable sourire illumina le visage de Louise :

— C’est une idée qui vous ressemble tout à fait et je suis certaine que vous ferez quelque chose de formidable.

— Vous le pensez vraiment ? 

— Bien sûr… Tous nos hommes partent au-delà de nos frontières, à cause de la guerre ou du commerce. Si l’Empereur vient à perdre ses batailles, qu’adviendra-t-il de notre pays ? Nous devons être des femmes fortes, afin de faire notre devoir. C’est en restant solidaire que nous pourrons y arriver. Les famines ont fait tellement de morts et ont laissé tant de misère. Et quand est-il de Térence Dignard, votre valet de pied ?

Isaure eut un frisson en entendant ce nom et Louise vit distinctement la peau de son amie rougir au niveau de ses oreilles.

Elle se mit à pouffer et continua en riant :

— Vous allez l’emmener avec vous ?

Isaure grommela quelque chose et se releva, laissant derrière elle une Louise hilare.

— Pardon, vous avez rougi si vite !

— Je n’y ai pas songé. 

— V-Vraiment ? demanda Louise, interloquée par le sérieux qu’il y avait dans le ton de sa voix. 

— Non, peut-être que Monsieur Dignard se sent bien, à Couzières.

— Demandez-lui, je suis certaine qu’il en meurt d’envie.

— Vous dites n’importe quoi.

— Et pourquoi cela ? Vous allez vous marier par pure obligation et contre vos sentiments. Vous avez exigé que cette union sans amour demeure fidèle, mais combien de temps cette promesse durera ? Vous pensez véritablement que Darsonval sera du genre à ne point conter fleurette à une danseuse de ballet ou bien une chanteuse de cabaret ? Et quant au Docteur Émery… J’ignore même pourquoi il reste encore ici. 

— Il travaille pour sa thèse, c’est une chose importante…, maugréa Isaure.

— Vous êtes toujours prête à le défendre, répondit Louise en levant les yeux au ciel. Même s’il acceptait de vous épouser, vous finiriez malheureuse comme les pierres. Il n’aime que la médecine et ses recherches. Vraiment, coincée entre la peste et le choléra, pourquoi n’écoutez-vous pas vos envies ?  

— Vous dites cela, car vous êtes promise à Armand, l’homme que vous aimez depuis toujours.

— Certes, et c’est bien pour cela que j’ai un trou au cœur en songeant que vous ne connaitrez peut-être jamais cette affection. Aimer est si beau, Isaure… Et être aimé en retour est une chance incroyable.

— Honorine nous attend.

Isaure se leva d’un bond et enfila précipitamment ses chaussons avant de quitter sa chambre. Louise se retrouva donc seule et poussa un long et lent soupir triste. Sans doute avait-elle blessé son amie… mais elle ne pouvait se résoudre à la voir condamnée. Son attitude résignée était celle d’une veuve.

Elle quitta la chambre en suivant les pas pressés de son amie qui dévalait les escaliers.

 

Elles retrouvèrent Honorine dans son petit salon, assise dans son fauteuil. Comme l’avait annoncé Louise, le visage de la noble dame était rempli de fureur. Ses yeux lançaient des éclairs et ses lèvres étaient pincées en une mince ligne blanche. Raide comme la justice et tenant sa canne sertie d’or dans sa main gauche, tel un sceptre de reine, elle n’inspirait que la crainte. Au fond à droite de la pièce, se tenaient serrés les Messieurs Darsonval et Émery, immobiles comme des statues de sel. Sans aucun doute, ils se questionnaient sur la tournure des événements et remettaient leur séjour en question, songeant à prendre exemple sur Tournelet. Isidore était assis à gauche, le regard perdu dans le vide, ses pensées allant au loin. Les trois hommes ne bougèrent point à leur arrivée, on aurait pu croire qu’Honorine avait suspendu le temps.

— Vous voilà enfin ! s’exclama-t-elle.

Jamais Isaure n’avait entendu une telle colère dans sa voix.

— Ce n’est point contre vous, bien sûr, ajouta-t-elle sèchement. Louise m’a raconté cette terrible histoire. C’est un scandale, une honte ! Quand je songe au malheur qui aurait pu vous arriver ! J’ai déjà écrit au maire de Montbazon, ce Ravignan va entendre parler de moi ! 

— Il ignorait que j’étais dans la voiture…, commença Isaure.

— Justement ! coupa Honorine en faisant claquer sa canne contre le parquet. Il aurait pu vous assassiner ! Oh, il va le payer, croyez-moi bien ! Je me suis toujours montrée magnanime et raisonnable, j’ai toujours fait fi des commérages et autres histoires d’orgueil, mais pour ce Ravignan, c’est autre chose ! Pense-t-il que la région lui appartient pour se faire justice lui-même ? Plus jamais il ne sera invité en Touraine et je ferai en sorte que cela monte jusqu’à Paris ! Je me moque de sa richesse et de sa réputation. 

— Il possède effectivement de nombreuses connexions dans toute la France, dit soudain Darsonval, ma famille s’est essayée plusieurs fois à négocier avec lui. C’est un concurrent impitoyable et qui n’hésite point à mettre à genoux ses adversaires. 

— Ce serait donc un homme fort puissant…, hésita la jeune Comtesse.

Isaure songea à la fameuse bibliothèque remplie de documents dont avait parlé Tibère. Il s’agissait d’après lui de papiers compromettants sur des notables locaux, qu’il devait sans doute avoir à sa botte depuis des années.

— Puissant ? Pas plus que Talleyrand ou Masséna ! Je n’ai jamais eu peur de ces deux diables, je ne craindrai point ce suppôt-là ! Vous êtes mon invitée, ce qu’il a fait est inadmissible. 

— Qu’allez-vous faire ? questionna Louise.

Honorine répondit fièrement :

— Je vais lui rappeler que les Sérocourt ne sont peut-être point aussi riches que lui… mais que notre puissance se cache ailleurs. Je vais l’inviter à venir ici et l’obliger à reconnaître ses torts, à s’excuser puis il paiera de lui-même cette ignominie ! 

Derrière elle, Darsonval et Émery s’agitèrent enfin. Le premier fit des yeux ronds, le second caressa son menton d’un air pensif.

— Comment allez-vous vous y prendre ? questionna le jeune héritier avec une curiosité véritable.

— Vous verrez, Monsieur Darsonval. Pour attraper un cloporte tel que lui, le mieux est de le faire en pleine lumière ! Nous organiserons un bal, ici même !

— Ici ? répéta Isidore avec désarroi.

— Tout à fait.

Émery hocha la tête et murmura pour lui-même :

— Voilà une stratégie sociale des plus intéressantes. Je n’y aurai jamais songé.

— Fichtre ! Cela me paraît impossible de déboulonner un pareil homme… Qu’allez-vous faire, Mademoiselle d’Haubersart ? questionna Darsonval.

La jeune femme croisa son regard et y vit une certaine impatience. Se sentant acculée, elle bredouilla :

— Je… je dois me rendre demain matin à l’Église de Rochecorbon, en compagnie de Louise. Je souhaite assister à la messe. Vous pourrez vous joindre à nous, si vous le souhaitez.

Elle ne put s’empêcher de tourner son regard vers Émery, qu’elle n’avait jamais cessé d’admirer. Quand elle se trouvait à ses côtés, elle avait l’impression de pouvoir tout faire, tout affronter. Mais ce dernier ne la remarqua point, tout attiré qu’il était par les rayonnages de la bibliothèque. Il ne répondit même pas à la question, car son attention était déjà attirée ailleurs.

Darsonval remarqua la déception de la jeune comtesse, esquissa un sourire et annonça d’un ton conquérant :

— Bien évidemment, ce sera mon plus grand plaisir.

Il lui adressa un regard luisant de satisfaction et quitta la pièce, suivi de Louise et d’Honorine, toujours fulminante.

Isaure allait les suivre lorsque Isidore, qui avait gardé le silence depuis l’annonce soudaine du bal à préparer, se redressa dans son fauteuil en se raclant la gorge.

— Rochecorbon est à côté du château de Vaufoynard…, commença-t-il d’un ton mécontent, vous avez encore une idée derrière la tête, Isaure, et j’ose espérer qu’elle n’est point aussi dangereuse que celle que vous avez eue cette nuit. Partir ainsi sans prévenir de la maison était un acte totalement impertinent et déraisonnable. Louise m’a parlé des raisons qui vous ont poussées à prendre contact avec l’inspecteur Fourchet… Je suis navré que l’angoisse vous ait poussée à de telles extrémités. J’avoue que j’aurais préféré que vous veniez directement nous confier vos craintes et j’osais croire que la confiance que vous nous aviez accordée était plus solide que cela.

La jeune femme sentit sa gorge se serrer. La culpabilité lui rongea le cœur et elle répondit, d’une voix plus tremblante qu’elle ne l’aurait voulu :

— C’est justement pour ne point ternir la confiance qu’il y a entre nous que j’ai tenu à enquêter seule sur ce que ces hommes recherchent. Je m’excuse de vous avoir tant inquiétés… je craignais trop de vous en parler et de vous lancer avec moi dans des idées déraisonnables.

Il soupira profondément :

— Hélas ! Je n’ai jamais eu besoin d’attendre vos suggestions pour subir des actions déraisonnables, car je suis déjà confronté à celles de ma femme… Un bal ! Il ne manquait plus que cela !

 

Le lendemain, les trois jeunes gens arrivèrent à l’Église de Notre Dame de Vosnes en avance, les mains frissonnantes. La route vers Rochecorbon avait commencé à l’aube, afin d’être à l’heure pour la messe. Le matin était jeune et l’air froid. Un soleil timide perçait entre les nuages et un vent humide pénétrait leurs vêtements de petite laine.

La rue était parcourue de flaques d’eau scintillantes et les murs blancs de la petite église étaient tachés de boue par endroits.

Ils fixèrent la façade, joliment modeste et ornementée de têtes de pierres gravées, aux visages vénérables ou grimaçants. Darsonval, les yeux brûlants de fatigue, ignorait absolument la raison de leur venue. Âprement, il songeait à quel point il était ridicule d’avoir cheminé aussi longtemps pour arriver dans un endroit pareil, tout transi de froid. Il envia Émery, qui avait refusé de les accompagner, préférant travailler sur sa thèse. Il l’imagina au chaud, dans la bibliothèque, un verre de lait de poule à la main puis serra les dents. Que les hivers devaient être rigoureux en Touraine ! Il se fit violence à cette pensée : diantre ! Épouser une noble héritière ne se faisait point sans quelques efforts et sacrifices !

— Hauts les cœurs, Monsieur Darsonval, lui intima Isaure en voyant sa mine dépitée.

— Vous devez fortement aimer prier, pour vous rendre de si bonne heure en un lieu si éloigné.

Louise gloussa :

— Allons, le mieux serait de vous mettre dans la confidence…

— Louise ! la coupa Isaure.

Darsonval se redressa et tapota son chapeau avec impatience. 

— Voyons, il nous a accompagné jusqu’ici…, insista Louise. Voyez-vous, Monsieur Darsonval, la raison de notre venue est assez simple. Nous souhaitons rencontrer Mademoiselle Amélie Ravignant.

— La fille de l’homme qui a tenté de vous assassiner hier ? s’écria le jeune homme, éberlué.

La jolie blonde répondit :

— Oui…

— Pas seulement à cause de cela…, tempéra Isaure, nous souhaitons la rencontrer, car nous avons été touchées par l’histoire que nous a partagée Monsieur Fourchet.

— L’histoire de ce cousin volage ?

— Oui, nous aimerions connaitre la vérité, car des éléments nous paraissent étrangement incohérents.  

Isaure tripota discrètement ses doigts sous sa capeline. 

Les lèvres de Darsonval s’étirèrent dans un sourire :

— Eh bien, sans vouloir vous choquer, j’ai déjà entendu quelquefois ce genre de tristes aventures, où le jeune homme disparaît aux premières heures de la nuit. Il n’y a rien selon moi d’invraisemblable, même si je comprends votre curiosité. Dans ce village perdu, tout le monde doit être au courant. Souhaitez-vous que je me renseigne auprès des habitants ? Ce Ravignant m’intrigue aussi, pour être honnête…

— Vous feriez cela ? demanda Isaure avec surprise.

— Et pourquoi pas, Comtesse ? lança Darsonval avec une légère insolence. 

En se dirigeant vers l’édifice, ils avaient traversé un jardin arboré et avaient pu voir de loin quelques vitraux colorés. Des badauds les avaient regardés passer avec un air interrogateur. Rochecorbon était une petite commune et cette église était au cœur de la ville, non loin de la Mairie. Il était évident que les habitants se connaissaient tous entre eux et qu’ils remarqueraient rapidement trois étrangers à une heure d’affluence.

Louise et Isaure se fixèrent un instant, n’ayant pas anticipé le fait d’attirer l’attention sur elles. Mais comment aurait-il pu en être autrement ?

— Allons voir le prêtre, afin de nous présenter, suggéra Louise.

Isaure hocha la tête, trouvant l’idée bonne. Elle n’y avait pas songé. Cela était effectivement plus simple, le religieux pourrait même leur présenter Amélie Ravignant.

La porte de l’église étant ouverte, ils pénétrèrent et découvrirent une nef austère en pierre ancienne, surmontée d’une sobre voûte en bois. Une statue consciencieusement peinte de Saint-Roch sembla les accueillir en souriant. Le saint, pèlerin miraculeusement épargné par la peste et coiffé d’un large bord, avait à ses pieds un chien fidèle. Isaure s’approcha, attirée par l’allure sympathique du saint homme. Darsonval constata avec un mélange de déception et de désespoir qu’il n’y avait en réalité pas grand-chose à voir.

— Ces vitraux de la Vierge Marie sont fort délicats, commenta Louise derrière elle.

— C’est une bien jolie paroisse, répondit Isaure en embrassant les alentours du regard. Elle me rappelle celles de La Réunion. J’y retrouve la même atmosphère, à la fois chaleureuse et simple.

— Je suis ravi de vous l’entendre dire, dit une voix d’homme derrière elles.

Ils se tournèrent pour découvrir un prêtre, occupé à allumer quelques bougies avant la messe. L’homme était d’âge mûr et à l’image de sa paroisse : affable et serein. Il s’approcha avec un sourire.

— Bonjour, mon père, saluèrent-elles d’une même voix.

Isaure rougit et annonça :

— Nous nous sommes permises d’entrer avant le début de l’office afin de nous présenter. Je suis Louise de Corneilhan, filleule de Monsieur et Madame de Serocourt. Voici Isaure d’Haubersart, Comtesse de Bréhément. 

— Je suis honoré de faire votre rencontre, la réputation de votre famille dépasse largement les rives de la Loire, mademoiselle. Et bien que je ne connaisse point encore la Comtesse, je suis ravie de vous accueillir ici. Et vous également, jeune homme.

Darsonval fit un pas en avant en retirant son chapeau pour le mettre sous son coude :

— Jean-Paul Darsonval, de Paris.

— Mon amie Louise nous fait découvrir les villes de la Touraine, ainsi que leurs églises. Je tiens à découvrir les terres de la région et à être en bonne attente avec leurs propriétaires.

— Alors je me permettrai de vous introduire à mes paroissiens. Nous avons la chance de compter parmi nous la fille de Monsieur Ravignant, qui est une cousine de la très honorable famille des Petremand de Frosniers. Vous avez sans doute déjà entendu parler de leurs mines ou bien de leur société de commerce. Prenez place, je vous prie, je vous présenterai aux notables.

Ils répondirent à l’affirmative et s’assirent à l’endroit que leur indiqua le prêtre.

Les portes de l’église s’ouvrirent encore, le religieux se mit en place et deux enfants de chœur accompagnaient ses gestes. Plusieurs personnes firent leur entrée et la paroisse se remplit peu à peu, au rythme du tintement des cloches.

Sans qu’elles eussent besoin d’indications, Louise et Isaure identifièrent Amélie Ravignant.

Isaure sentit son estomac descendre dans ses talons. Sur le chemin menant à Rochecorbon, elle n’avait pu s’empêcher d’imaginer le visage de celle qui devait être le premier amour de Tibère. Dans ses pensées égarées, elle avait d’abord songé à une créature magnétique, grande et fière d’allure, à la chevelure bouclée d’un blond aussi mûr et chaud que le blé. Elle lui avait attribué une poitrine ferme et palpitante d’aventures, un visage doux et rose, à la bouche généreuse dont les commissures relevées laissaient entrevoir une expression mutine. Une femme confiante dans ses désirs et épanouie dans ses humeurs...  Puis elle s’était rappelé que la jeune fille était issue d’une famille riche et qu’elle était enfant unique, n’ayant eu pour seule vie la compagnie de son père et celle de son cousin… Elle s’imagina par la suite que la jeune héritière devait donc être une âme timide et soumise, naïve des noirceurs du monde et de la malice des jeunes garçons… Car même si son père possédait la réputation d’un marchand cupide et intraitable, il devait sans doute adorer, dans sa grande contemplation du prolongement de lui-même, la chaire de sa chaire. 

Mais l’apparition réelle d’Amélie Ravignant fit exploser ses suggestions en éclats. Elle découvrit, en même temps que Louise, une jeune femme de petite taille, à la démarche sautillante et vêtue fort élégamment. Pour l’office elle portait une robe de dentelle de Calais orangée, brodée de fleurs de citronniers et d’agrumes exotiques, sans doute coupée dans un drap confectionné dans un lointain pays d’Asie. Isaure ne s’était point trompée, elle était effectivement blonde et fort frisée. Sa coiffure, tout à fait à la mode, relevait sa silhouette de quelques centimètres. Un chapeau protégeait l’arrangement soigneusement épinglé, il était ourlé de rubans froncés rouges et piqués de fleurs d’hibiscus en tissus luisantes de satin. Dans cette église aux murs blancs et aux agencements si simples, elle surgissait tel un agrume du Portugal roulant sur un pan de neige fraîche, aussi surprenante que hors de tout propos. Sa personne aurait pu paraître sympathique aux deux jeunes femmes, qui cultivaient l’originalité, si une expression dédaigneuse et ennuyée n’était point affichée sur son visage.

Elles purent constater qu’Amélie Ravignant possédait, en plus d’une robe tout à fait saugrenue, des joues bouffies d’orgueil. Sa taille, serrée dans un corset, dénonçait une gourmandise exigeante. Et ses gestes, lents et précieux, affichaient une langueur presque dormante. Il ne faisait aucun doute qu’elle profitait des richesses de son père pour satisfaire ses envies en pâtes d’amandes et autres pâtisseries orientales. Elle paraissait elle-même fourrée au miel, et son allure, poisseuse et écœurante, ne donnait guère envie de s’approcher.

La jeune héritière remarqua d’emblée les demoiselles déjà arrivées. Ses sourcils s’arquèrent et Isaure et Louise comprirent qu’Amélie Ravignant cherchait à se souvenir de leur identité. 

Elle évalua leur tenue du regard et sembla mal juger leur capeline de laine, car une petite grimace s’afficha sur un coin de sa bouche. 

Isaure eut l’impression de se retrouver à Paris, durant la saison. 

— Fichtre ! souffla Louise, je n’ai jamais été regardée ainsi, même dans les plus grands salons de la capitale !

— Il semblerait que nous soyons dans son salon à elle… et que tout ici lui appartient.

— Je me demande à combien de francs s’élève la confection d’un tel chapeau, s’intéressa Darsonval en évaluant l’héritière telle une bête de ferme à vendre sur un marché. 

— Mademoiselle, fit le prêtre en s’approchant de cette dernière d’une voix pleine de reconnaissance, vous voici encore parmi nous cette semaine ! Permettez-moi de vous présenter Mademoiselle Isaure d’Haubersart, Comtesse de Bréhément et son amie Louise de Corneilhan, filleule de la famille des Serocourt. 

Les deux présentées lui sourirent poliment. En exécutant ce geste, Isaure eut la ferme conviction que jamais Térence n’aurait pu poser un doigt sur elle. Elle comprit son aversion lorsqu’il avait raconté ses sentiments au sujet de sa cousine et effectivement, le simple fait de saluer cette fille dégoûtait Isaure. 

La fille de Ravignant sembla reconnaître la renommée des noms évoqués et afficha une mine plus ouverte. Elles virent dans son changement d’expression, l’habitude hypocrite que possèdent certaines commerçantes dans leur boutique.

— Voici Amélie Ravignant, la fille du très célèbre Joseph Ravignant, armateur de La compagnie du Cap Vert.

La bouche de Louise s’arrondit de surprise : c’était pour eux que naviguait Armand !

Isaure sentit immédiatement l’excitation de sa compagne et réalisa que cette dernière n’hésiterait pas à saisir l’occasion pour interroger Amélie sur le sort de son fiancé, dont elle n’avait plus de nouvelles. Le nom évoqué l’ébranla elle aussi. C’était une entreprise célèbre, connue de toute l’Europe. Elle réalisa les sentiments de Tibère : ses craintes, son impuissance, sa volonté de devoir disparaître… Et elle comprit totalement ses actions. L’Empereur lui-même connaissait l’Armateur. Qu’aurait-elle véritablement fait, si elle avait été à la place du jeune homme ? 

— Mademoiselle Ravignant nous fait l’honneur depuis plusieurs semaines, de participer à notre office, continua le prêtre avec chaleur. Ces demoiselles sont en visite, car Madame la Comtesse connait mal la région. 

Amélie tourna ses petites prunelles sur Isaure et plissa des paupières. Elle devina dans sa stature et dans la couleur de sa peau, le sang africain qui coulait dans ses veines. Une nouvelle grimace s’installa sur le coin de sa bouche et à cette vision, le sang d’Isaure bouillonna de défiance.

— Jean-Paul Darsonval, Mademoiselle, s’élança subitement le jeune célibataire en conquête. 

Il se fit royalement ignorer. Sans aucun doute, le manque de particule à son patronyme ne méritait point qu’elle s’attarde à sa présentation. Régulièrement et malgré son caractère de chien, elle recevait des propositions de mariage. Sur ce sujet, son père lui avait déjà présenté ses objectifs. Darsonval fronça du nez, vaincu. Son minois de jeune premier aurait-il perdu de sa superbe ? Il n’avait jamais encore rencontré une femme qui daigne l’ignorer et qui se montre encore plus égocentrique et snobinarde que lui ! Vexé, il détourna vivement la tête ailleurs.

Amélie s’inclina finalement devant les jeunes femmes pour les saluer, mais son geste fut si distant qu’elles comprirent qu’elles ne feraient jamais d’elle une voisine. Elle leur tourna le dos et prit place sur l’un des bancs, à l’écart. Que devait être la fortune de son père, pour se comporter de la sorte ? Isaure aurait voulu la remettre à sa place, mais elle ne possédait qu’un titre, encore jeune et sans renom. Il était également notoire dans la région qu’elle était en recherche d’un riche époux, pour compenser son héritage désargenté. Louise finalement, n’était pas mieux lotie. La réputation de sa marraine ne devait rien signifier à une jeune fille qui ne faisait pas partie de la noblesse locale et qui prenait grand soin à ne point se mélanger.

— Mademoiselle Ravignant prie chaque semaine avec nous, déclara soudain le prêtre en les faisant sursauter. Elle implore Saint-Roch d’épargner les marins sur les navires de son père, mais également pour elle-même… Les malheurs n’ont point épargné les maîtres de Vaufoynard. Les Pétremand de Frosnier étaient des gens remarquables.

Isaure réalisa que le prêtre devait bien connaitre la famille de Tibère et songeait qu’il serait bon de l’interroger.

— Tragique histoire…, dit soudainement Darsonval d’un ton apitoyé. Une famille si noble.

— Oui, ils étaient fort connus pour avoir fourni du travail dans les mines de la région. Ils sont à présent tous… disparus.

— Hélas, j’ai déjà eu l’occasion de rencontrer leur fils lors de mes études à Paris. Je m’en excuse, mais je dois vous dire que son comportement n’était point à la hauteur de la réputation de ses parents.

Le prêtre se mit à rougir :

— Oh, vous le connaissiez donc ! Quelle tristesse... Je n’ose penser à ce qu’aurait ressenti sa pauvre mère… Quand je songe que vous, aimable jeune homme, vous avez affaire à lui ! J’ose espérer que cela ne donnera point une mauvaise image de notre paroisse. Il a causé tant de torts à son tuteur et à sa cousine ! Je prie que Dieu lui fasse payer son ingratitude.

— Cette histoire est remontée jusqu’à Paris ! se désola Darsonval. Beaucoup en connaissent les détails.

— Vraiment ? C’est terrible… Il faut dire que les domestiques ont tout vu… Pauvre Mademoiselle Amélie ! Ainsi découverte au matin… Il est de mon devoir de l’accompagner dans cette épreuve, Dieu connait la vérité. Si je ne puis l’absoudre, alors qui le fera ?

— Merci, mon père, pour le bien de cette demoiselle. La vertu est le trésor d’une femme.

Le prêtre se signa et leur fit signe en souriant de s’asseoir. Époustouflées par la comédie de Darsonval, les jeunes femmes lui adressèrent les meilleurs compliments du monde. 

Isaure s’installa tandis que l’office commençait, les jambes flageolantes et fit de son mieux pour écouter le début du sermon.

Comme depuis leur retour à Couzières, Louise pria avec ferveur et écouta le sermon avec beaucoup de sérieux. Il ne faisait aucun doute qu’elle saisirait l’occasion de questionner Amélie Ravignant sur le vaisseau d’Armand. Louise se laissa bercer par la voix profonde et rassurante du religieux et ne put s’empêcher de songer à son île. Décidément, cette paroisse perdue au milieu de la France lui faisait penser à sa Réunion natale.

Un jour, si je le puis, je retournerai là-bas…, songea-t-elle avec tendresse.

Elle tripotait sa médaille de baptême et adressa des prières à sa mère. Cet instant, passé dans ses pensées et ses souvenirs intimes, lui réchauffa le cœur.

Elle se releva en même temps que les autres fidèles, rassénérée, les idées plus claires : il était impossible que Tibère ait pu toucher Amélie Ravignant. Elle était à présent convaincue de son innocence.

La fin de l’office vida les bancs dans un bruissement de tissus et de murmures. Louise se redressa rapidement et bouscula Isaure pour la dépasser.

— Excusez-moi, Mademoiselle, dit-elle en rattrapant Amélie sur le perron de la porte en bois.

Cette dernière se retourna, surprise d’être abordée de la sorte.

— Le prêtre nous a dit que vous venez ici afin de prier pour les marins employés par votre père. Il y aurait-il une raison à cela ?

— Eh bien…, commença Amélie, soudain rouge de confusion, c’est-à-dire que c’est un métier dangereux.

— Certes, abonda Louise, se triturant les doigts avec angoisse. Il arrive que certains navires fassent naufrage…

— Tout à fait. Nous sommes d’ailleurs sans nouvelle de l’un d’entre eux, qui aurait essuyé une tempête au large du Portugal. Mon père est dans tous ses états, cela faisait plus d’une année que nous attendions son arrivée. 

Un mauvais pressentiment agita les entrailles de Mademoiselle de Corneilhan, qui questionna d’un air innocent :

— Les bateaux ont souvent des noms tragiques et exotiques, comment se nommaient celui-là ?

— Je ne sais plus… Le Bardilaga, quelque chose comme ça.

— Le Burdigala, corrigea Isaure, en posant une main sur l’épaule de son amie.

— Oui, c’est cela. Quelle perte, n’est-ce pas ? Enfin, ce sont les risques du métier. Je dois vous laisser à présent, je suis attendue chez moi.

Elle parut soudain nerveuse, comme gênée de parler de ce navire.

Louise vacillait, son esprit était tombé dans un puits sans fond. C’était le navire d’Armand.

— Pensez-vous que ces hommes sont morts ?

Amélie Ravignant haussa des épaules.

— Seul Dieu le sait ! Il est possible qu’ils aient réussi à atteindre la côte, cela arrive bien sûr. Mais pas tout le temps. J’ignore ce genre d’affaires, c’est le travail de mon père. Il y a toujours une chance qu’ils soient en vie et qu’ils aient rejoint la terre ferme, mais pas leur cargaison… Une année de travail perdue. Moi qui me languissais de vanille et de sirop de canne…

Isaure demanda d’un ton faussement enjoué :

— Nous souhaiterions vous inviter à Couzières, cela serait-il possible ?

Les yeux d’Amélie se mirent à luire de plaisir, il semblait évident qu’elle avait entendu le nom du domaine.

— Je sors peu en société, mais cela peut être possible…, articula-t-elle lentement, comme si elle leur faisait grâce de ses mots.

— Votre père est également convié.

 

Elles quittèrent les lieux, fébriles. Tant de choses s’étaient produites en si peu de temps… Louise tenait à peine sur ses jambes, elle était pâle comme la mort. Darsonval les suivait de loin, comprenant que quelque chose venait de se produire. Elles arrivèrent grelottantes de froid à la voiture. Isaure ouvrit la porte et enveloppa son amie avec la couverture qui demeurait sur la banquette.

— Armand… Seigneur Dieu ! Je n’ose imaginer qu’il a péri, dans ces terribles vagues. Noyé, le pauvre !

— Darsonval, mon cher, commença Isaure à l’adresse du jeune homme, Louise se sent mal et la décence ne me permet pas de prendre soin d’elle si vous vous trouvez aussi dans cette voiture. Pouvez-vous monter avec le cocher ?

— Comment ? Par ce vent glacial ? Humpf !

La comtesse papillonna des yeux pour l’amadouer. Il ravala sa salive, songea à son prochain titre de noblesse et grommela entre ses dents :

— Eh bien, soit… Si tel est le devoir d’un gentilhomme…

Elles montèrent précipitamment, comme si un incendie s’était propagé dans l’église de Rochecorbon et qu’il leur fallait s’en éloigner le plus rapidement possible. À l’abri des regards, Louise s’effondra, le visage caché entre ses mains. Isaure avala sa salive en lui caressant le dos. Des larmes montèrent à ses yeux tandis que la voiture se mit en marche. Il n’y avait aucun mot suffisamment doux et rassurant pour calmer son cœur en peine.

— Disparu… Armand… Mon pauvre amour.

Elle éclata en sanglots.

— Je l’aime tant ! Mon Dieu, je savais que quelque chose n’allait pas ! Je le sentais ! Vous m’avez prise pour une idiote, mais j’avais raison !

— Je n’ai jamais pensé que vous étiez une idiote !

— Si ! Vous vous moquiez, dans le fond ! Vous n’avez pas pris mes angoisses au sérieux et regardez ! Je ne le verrai jamais plus, il est mort ! Dans des conditions terribles ! Seigneur, et que vont dire ses parents ?

Elle pleura encore, telle une enfant. Isaure la prit dans ses bras aussi fort qu’elle put, faisant de son mieux pour la soutenir.

Le trajet de retour fut animé par le chagrin de Louise. En arrivant à Veigné, elle hoqueta :

— Pourquoi invites-tu cette fille et son odieux père chez nous ? C’est un meurtrier ! Je refuse de le voir.

— Souvenez-vous de notre plan et du projet d’Honorine, nous devons leur montrer que la personne qu’ils recherchent n’est pas chez nous et que l’acte de cet homme est inacceptable. Nous ne pouvons pas le laisser agir ainsi.

Louise soupira, le visage inondé de larmes : 

— Vous avez raison, cet homme est horrible. Armand m’avait confié dans ses lettres que le navire n’allait pas. Sans doute possible, il était en mauvais état et n’a pas seulement coulé à cause de la tempête. Nous devons enquêter ! Et cette horrible fille ! Elle mentait, en disait qu’elle venait prier pour les marins. Elle ignorait même le nom des bateaux ! 

— Tout à fait, qu’elle vienne prier à l’église sans honte et si bien apprêtée après ce qu’elle est sensée avoir subi, c’est tout à fait illogique. Il doit y avoir une raison à cela.

— Je pense que cette histoire de neveux en fuite est un mensonge. Ce Ravignant est une crapule !

Isaure hocha la tête et hésita à lui confier le secret de Tibère… mais elle se ravisa. Le moment n’était point encore venu… 

Son cœur se serra : elle avait promis au jeune homme de le cacher à l’Islette, puis d’inviter Ravignant afin qu’il puisse voir que son neveu ne se cachait point à Couzières. Mais avec la nouvelle de la disparition d’Armand, elle ne pouvait partir ainsi, laissant son amie de toujours seule.

Il fallait qu’elle réfléchisse… L’inspecteur, l’héritage de Tibère, ces fameuses mines d’or dont il avait parlé, la disparition d’Armand et puis ces fiancés qui attendaient d’elle une décision… Par où devait-elle commencer ?

 

Elles descendirent de la voiture et ce fut Tibère qui leur ouvrit la porte pour leur déplier le marchepied. Isaure put voir qu’il avait le visage tendu et que son regard était assombri de peur. Elle réalisa qu’il avait craint sa rencontre avec Amélie. En le voyant si inquiet et étant elle-même remplie de chagrin, une vague d’affection lui envahit la poitrine.

— Vous voilà ! fit Honorine en faisant irruption, une lettre à la main. Isaure, ma chère, un pli vient d’arriver de Bréhément. J’ai également reçu une lettre.

— Qui y a-t-il ?

— C’est Camille, vous devez vous rendre à son chevet. Sa nourrice vous réclame de toute urgence, ce serait une fièvre et le médecin a préconisé de vous faire appeler.

Ce fut au tour d’Isaure de se sentir défaillir. 

Ciel, les malheurs ne cesseront-ils jamais !

— Louise, Seigneur, qu’avez-vous ? s’étrangla Honorine.

La jeune femme, à l’entente de cette nouvelle, venait de perdre connaissance. Immédiatement, les valets de pied se précipitèrent pour la relever. 

— C’est l’émotion, hélas ! répondit Isaure, des sanglots dans la voix. Nous avons appris par la fille de Ravignant que le navire d’Armand a peut-être sombré, au large du Portugal. Ils seraient sans nouvelles. Et maintenant vous m’annoncez la maladie de Camille… Sa santé est si fragile ! 

— Juste Ciel ! s’écria Honorine en faisant signe à son personnel d’évacuer sa protégée à l’intérieur.

 

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