Chapitre 13 : Gwenn

Par Talharr

Gwenn :

Combien de temps s’était-il écoulé depuis qu’Erzic l’avait emmenée dans cette prison ? Des mois ? Des années ? Le temps paraissait si long dans ce lieu sans lumière.

Elle avait eu tout le loisir de parler avec Elira, et ce qu’elle avait appris l’avait bouleversée.

Tout ce qu’Arnitan lui avait dit était vrai. Le Loup, l’Hirondelle et le Serpent existaient. Et ils n’étaient pas seulement humains. Des animaux aux pouvoirs spectaculaires les accompagnaient dans leurs missions.

Quand Elira lui avait révélé cela, elle avait immédiatement repensé à l’attaque dans la forêt. Au loup géant. Était-ce lui qui devait protéger Arnitan ?

La mère de l’Hirondelle lui avait aussi parlé des dieux. Et c’est là que tout s’était compliqué. Il n’y avait pas que Malkar et Talharr, en guerre pour la domination de cette terre. Il y avait Dalar, leur père. Bien plus puissant. Bien plus cruel.

      — Je ne suis pas sûre que ce sera Malkar qui sera libéré, lui avait-elle soufflé.

Gwenn avait tenté d’en savoir plus, mais sans succès.

Elles avaient longuement échangé sur leurs vies. Et ce que lui avait confié Elira était d’une dureté insoutenable.

Fidèle à Malkar, Elira avait découvert les intentions d’un autre ordre, bien plus vaste et plus sombre encore. L’ordre de Dalar. Elle en avait parlé, mais personne ne l’avait crue. On l’avait traitée d’hérétique.
Puis elle avait rencontré le comte de Vaelan, qu’elle avait épousé.

     — Un véritable amour, avait-elle murmuré, les yeux brillants.

Elle donna naissance à un fils, puis deux années plus tard à une fille. Tout était parfait. Jamais elle ne regretta ce choix.

Mais ils l’avaient retrouvée. Son ancien ordre. Ils menacèrent de tuer toute sa famille si elle ne se rendait pas avec ce qu’elle avait de plus précieux. Le choix était impossible. Il s’agissait de ses deux enfants.
Alors elle choisit son fils. Sachant qui allait devenir Aelia.

Ils lui imposèrent un nouveau mariage, dans un autre royaume, avec un autre seigneur. Elle aurait préféré mourir. Mais elle savait que ses enfants auraient besoin d’elle.
Son fils, pour survivre aux épreuves à venir.
Sa fille, pour accomplir la mission qui l’attendait.

Avant de partir, elle avait caché son collier. Celui qui permettait de libérer un dieu.

     — Lequel ? avait demandé Gwenn.

     — Celui qui sera le plus malin… avait répondu Elira.

Et pour que sa fille ne garde que des souvenirs heureux, elle effaça deux années de sa mémoire. Ne laissant que les trois premières.

     — C’était mieux ainsi… Si le destin avait été plus clément, elle n’aurait jamais eu à endurer tout ça.

Elle demanda alors à son mari s’il voulait l’oublier. Il répondit que c’était hors de question. Sa seule requête fut qu’on dise à Aelia que sa mère était morte d’une maladie.

Elira fit de même avec son fils, Rhazek, mais en modifiant ses souvenirs. Elle le fit après sa rencontre avec Rhazlir III. Sinon son fils n'aurait pas survécu avec ce tyran. 

Ce seigneur n’avait aucun amour. Que de la haine. Et avec l’appui de l’ordre de Malkar, il la fit enfermer à vie.

Gwenn ne sut que dire. Son histoire à elle avait été bien plus douce… jusqu’à présent.

Elira avait pourtant bu ses paroles comme si tout cela relevait de l’ordinaire.

Elles n’étaient que toutes les deux, sous un dôme, quelque part à Mahldryl, dans le royaume de Drazyl.
Les jours passaient, rythmés par les gardes qui leur apportaient à manger. Par Erzic, parfois, qui venait rire à leurs dépens.

Tous les jours la même question la hantait. Quelle est mon rôle dans tout ça ?

Mais aujourd’hui, quelque chose changea.

Des bruits de pas. Plusieurs. Ce qui n’était jamais arrivé. Ou presque.

Elira et Gwenn se levèrent. Une torche vacillait au loin, projetant sur les murs trois silhouettes mouvantes.

Viennent-ils nous achever ?

À ses côtés, Elira, la femme aux boucles dorées, paraissait étrangement sereine. Presque heureuse. Elle lui adressa un sourire, lumineux, paisible.

Les silhouettes se rapprochaient. Un homme aux cheveux courts, vêtu de haillons beiges, portait une torche. Devant lui marchait une femme aux longs cheveux sombres. Et à l’arrière, un homme vêtu bien mieux que les autres.

Quelque chose scintillait contre sa gorge.

     — Ainsi, peut-être sortirons-nous vivantes de cet endroit, murmura Elira.

Gwenn la regarda, incrédule. Était-elle devenue folle ?

La flamme se rapprocha encore. Ce n’était pas un bijou qu’elle avait vu briller. C’était une lame. Posée contre la gorge de l’homme élégant.

     — Ouvre ! dit la femme.

Il s’approcha à contre-cœur, et introduisit une clé dans la serrure. La porte s’ouvrit, dans un grincement presque irréel.

Qu’est-ce que c’est que ce délire ?

Elira sortit lentement. Elle s’arrêta face à la femme aux cheveux noirs. D’un simple claquement de doigts, elles s’enlacèrent.

     — Talkys… tu m’as manqué.

     — Toi aussi, Elira, répondit celle qu’on appelait Talkys.

     — Je vois que tu es en bonne compagnie.

     — Matir. Madame. Je suis là pour la liberté de chacun.

Elira hocha la tête, puis se tourna vers l’homme figé à l’entrée de la cellule.

     — Mon fils. Où est-il, Prasto ?

     — Pas ici, traîtresse, répondit-il d’un ton venimeux.

     — Je suppose qu’Erzic est avec lui ?

Il ne répondit pas.

     — Il ne comprendra donc jamais… Il croit encore sauver ce monde. Pourtant, seule la destruction l’attend. Et Malkar ne voudrait jamais cela.

     — Je sais ce que j’ai vu ! Ce ne sont pas les paroles d’une hystérique qui me feront changer d’avis !

Talkys leva le bras, prête à frapper. Elira l’en empêcha.

     — Ne nous montrons pas comme eux, dit-elle calmement.

Gwenn, toujours figée dans sa cellule, hésitait à sortir.

Talkys, reculée, reprit :

     — On peut y aller. Nos alliés nous attendent.

Elira lui tendit la main.

     — Il est temps de retrouver notre liberté. Viens avec nous.

Gwenn franchit le seuil.

     — Toi, rentre dans la cellule et donne-moi la clé ! ordonna Talkys à Prasto.

Il obéit, sans un mot. La guerrière souriait.

     — Tout se paie.

     — Exactement. Ce sera aussi votre cas. Et toi, Matir, je t’ai tout donné ! Je te retrouverai. Tu mourras dans d’atroces souffrances, je te le promets ! N’oublie jamais ces mots.

La voix de Prasto résonna longtemps dans le couloir qu’ils remontaient.

Et pourtant…

La liberté n’était plus très loin.

Il y a quelques heures encore, Gwenn se demandait comment sa famille découvrirait sa mort.
À présent, elle rêvait de les retrouver.

Man… Pa… petite sœur… Draiss…

Arnitan…

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Scribilix
Posté le 08/08/2025
Chapitre également très intéressant. Les choses évoluent rapidement. J'ai toutefois une question. Comment Rhazlir III a accepté Rhazek comme son fils alors qu'il savait très bien qu'il n'était pas de lui. Elira aurait-il altéré son esprit pour le lui faire croire ?
2-3 remarques de forme :
- Des animaux aux pouvoirs spectaculaires les accompagnaient dans leurs missions ( leur mission au singulier il me semble ).
- Alors elle choisit son fils. Sachant qui allait devenir Aelia ( j'ai pas directement compris que tu fesais référence à l'hirondelle, peut-etre sachant qu'elle destin attendait Aelia).
A la prochaine ^^ ,
Scrib.
Talharr
Posté le 08/08/2025
Merci encore pour ton retour :)
La Terre de Talharr toute entière ce met en mouvement et c'est pour ça que les chapitres sont très rapide et que ça bouge de partout.
Pour Rhazek et Elira, un chapitre va nous en dire plus :)

Encore merci de tes retours, je vais modifier ça :)

A plus ^^ !
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