Chapitre Quatorze : « Il faut être dur avec le crime, dur avec les causes du crime »
- Bon, on fait quoi ?
- Mais quelle question Valentin ! Vous croyez peut-être que nous allons nous asseoir dans un petit salon, à boire le thé et à manger les petits gâteaux ?!
- C’est possible ? J’ai pas beaucoup bouffé ce matin.
- Allez vous faire foutre ! On n’a pas que ça à faire !
- Mais…
- Écoutez, cette histoire commence sérieusement à me taper sur le système, alors on va aller chacun de notre côté chez ces deux mecs, on les interroge, et après, on tire nos conclusions ! Pigé ?!
Valentin semblait désarmé devant le dynamisme de Gabrielle. Ils étaient devant chez lui, dans la rue, à prévoir ce qu’ils allaient faire de leur journée qui s’annonçait chargée.
- Chacun de notre côté ?! Chez des hommes politiques !
- On ne peut pas se permettre de perdre du temps.
- C’est vrai, mais bon…ça m’ennuie un peu de vous envoyer toute seule chez un inconnu. Un politicien en plus !
- Qu’il soit politicien ou SDF, c’est strictement pareil !
- Ah non, pas du tout !
- Val’…
- Okay, soupira son coéquipier. Tu prends qui ?
- N’importe lequel. Tiens, pourquoi pas, Josselin Marchal ?
- Comme tu veux. Je prends Charles Joubert, alors.
- Ça marche, on se retrouve au Café des Délices. Le premier qui arrive attend l’autre.
Valentin opina du chef et regarda la jeune femme s’éloigner vers sa voiture.
- Gabrielle ! rappela-t-il.
Elle se retourna, étonnée.
- Fais attention quand même.
- Promis.
Quand Valentin arriva chez Charles Joubert, l’un des deux « ennemis personnels » du Maire, c’est une femme qui l’accueillit. Elle ressemblait un peu à Gabrielle, ce qui le fit sourire.
- Bonjour Madame, je suis lieutenant à la Brigade Criminelle. Est-ce que votre mari est là ?
Elle hocha la tête, timide et inquiète. Elle fit entrer le jeune homme dans l’appartement et l’invita à s’asseoir dans le salon. Charles Joubert arriva bien vite. Les deux hommes se serrèrent poliment la main.
- Je vous présente ma femme, Gabrielle.
Valentin arqua un sourcil, surpris.
- Sérieux ? Quelle coïncidence ! La mienne porte le même nom ! Et je dois dire que vous êtes aussi jolie qu’elle.
Elle rougit de plaisir. Il ne pouvait pas s’empêcher de la complimenter, même si c’était sa Gabrielle à lui qu’il préférait. La sienne avait quelque chose en plus qu’il ne saurait définir.
- Bon, je ne vais pas y aller par quatre chemins, parce que je n’ai pas beaucoup de temps devant moi, mais le fait est que…
- La petite-fille du Maire a été enlevée, je sais. Je comprends absolument les raisons de votre venue.
Valentin resta bouche-bée.
- Comment vous savez ?
- Cela faisait la une du journal Le Parisien.
- Merde ! grimaça le jeune homme en se frappant le front avec la main. Putain, mais qui est allé raconter ça à la presse ?! Bon, je règlerai ce compte plus tard… J’aimerai vous poser quelques questions. Où étiez-vous dimanche soir aux alentours de 22 h 30 ?
- Chez moi. Ici.
- Vous étiez au courant qu’il y avait une réception le soir ? Le Maire y était.
- Oui, je sais, mais je n’y suis pas allé.
- Pourquoi ?
- Si c’était pour me disputer à nouveau avec lui, cela n’en valait pas vraiment la peine.
- Vous avez des relations plutôt tendues avec lui ?
- Très tendues, même. En clair, je le hais, il me hait, on se hait. C’est simple comme bonjour !
Charles Joubert était très franc, et cela marqua Valentin. Gabrielle, elle, paniquait au fur et à mesure que la conversation prenait de l’ampleur. Comme toute femme qui aimait son mari, elle se faisait beaucoup de soucis pour lui.
- Chéri, tu es en train de te faire soupçonner ! reprocha-t-elle, craintive.
- Je dis seulement la vérité, contredit son époux.
- Ne vous inquiétez pas Madame, rassura l’officier, je ne porte aucune accusation pour le moment. Je verrai ça plus tard, quand j’aurai des preuves concrètes. Pour revenir là où est-ce qu’on en était, pouvez-vous me décrire Océane, si vous l’aviez déjà vue ?
Gabrielle pâlit à nouveau. Elle sentait que Valentin testait son mari.
- Bien sûr. C’est l’unique parente du Maire. Elle est brune et son teint est très pâle. Elle doit faire environ un mètre vingt. Elle a des yeux très bleus. Ses parents sont morts dans un tragique accident. Elle est mignonne et très adorable. Je l’ai souvent vue quand je me rendais chez le Maire pour discuter.
- Pour discuter ?
- Non, en fait, pour se disputer.
Valentin chercha d’autres questions à poser, mais il n’en trouva pas. Charles Joubert avait été assez sincère et direct avec lui. Il détestait cordialement le Maire de Paris, ne se trouvait pas à la réception lors de l’enlèvement de la petite fille, et connaissait très bien physiquement et moralement Océane, ainsi que l’adresse de l’appartement de son adversaire. Il ne restait plus qu’à vérifier son mobile.
- Et bien…fit le jeune homme, embêté. Merci pour tous ces renseignements. C’est bien de ça qu’on manquait en ce moment. Pour ce qui est de la presse, je vais m’en occuper. Il ne manquait plus que les journalistes résolvent cette affaire à leur façon ! Et sinon, ça ne vous dérange pas que je vous place sous surveillance pendant quelques temps ? Question de sécurité.
À ces mots, Gabrielle blanchit une nouvelle fois mais son mari se hâta de la rassurer.
- Je n’y vois aucun problème, dit-il finalement en prenant sa femme par l’épaule. Et puis, je ne bougerai pas d’ici, vous pouvez compter sur moi. Vous avez un autre suspect pour le moment ?
- Oui, Josselin Marchal. Ma collègue est allée l’interroger.
- Ah…lui…
- Pourquoi vous prenez cet air ? Vous le connaissez bien ?
- Plutôt. Votre collègue est une femme ?
- Oui, pourquoi ?
- Josselin Marchal est réputé pour être un coureur de jupon pur et dur. Il court après tout ce qui porte une jupe et des talons-aiguilles !
Ce fut au tour de Valentin de pâlir. Il porta sa main à sa bouche, horrifié et se sentant coupable.
- Merde, Gabrielle !
Ce jour-là, Gabrielle portait des chaussures à talons-aiguilles neuves, une jupe légère qui lui arrivait juste au-dessus des genoux, un petit haut tout aussi fin avec un décolleté généreux qui dévoilait juste ce qu’il fallait. Elle avait hésité à attacher ses cheveux en chignon, mais comme Valentin avait tempêté pour qu’elle les laisse lâchés, elle n’avait pas insisté. Dès qu’il lui avait ouvert la porte de sa demeure, Josselin Marchal avait été aussitôt séduit.
- Saviez-vous que vos yeux sont…
- Où étiez-vous dimanche soir vers 22 h 30 ? coupa sèchement la jeune femme.
- Et bien…à une réception.
- Le Maire y était ?
- Oui, pourquoi ?
- Sa petite-fille a été enlevée.
Il ouvrit la bouche, sans qu’un son n’en sorte. Gabrielle observa son visage pour tenter de trouver une expression bien dissimulée.
- C’est impossible ! s’écria-t-il en portant sa main à son cœur. Ah, cette pauvre petite Océane ! Vous l’auriez vue courir de partout dans le salon de son grand-père, avec sa petite poupée. Elle était vraiment magnifique.
- Était ? s’étonna l’officier, l’œil malicieux. Elle n’est pas morte pourtant. Pas autant que je sache !
Tout en parlant, elle avait étudié la pièce d’un regard. C’était une grande salle à manger, et au fond, elle avait remarqué des armes accrochées au-dessus de la cheminée.
- Je vous offre quelque chose à boire ? proposa-t-il poliment.
- Oui, pourquoi pas.
- Whisky ? Martini ?
- Pas d’alcool. Un thé chaud, ça suffira largement.
Le mois d’août commençait, il faisait déjà une chaleur torride à l’extérieur, et Gabrielle ne tenait absolument pas à boire un thé chaud. Mais il fallait que Josselin Marchal passe un peu de temps dans sa cuisine pour qu’elle puisse analyser ces armes. Il s’en alla donc en silence, bien que surpris. Elle s’approcha de la cheminée. Fusils à pompe, carabines, quelques calibres plus ou moins gros… Tout cela était illégal, et le politicien n’était pas censé avoir ce genre d’objets décoratifs chez lui.
Gabrielle aperçut une canne posée contre le mur. Elle hésita un instant, puis la saisit pour mieux l’observer. C’était une canne tout à fait normale, en bois verni. Mais la jeune femme avait déjà entrevu des instruments identiques à celle-ci dans la collection d’armes à feu de la police scientifique. Elle jeta un œil sur la poignée de la canne. Il y avait un petit loquet. Le pommeau pouvait aussi se dévisser. Enfin, tout au bout de l’objet, il y avait un trou.
Au même moment, Josselin Marchal revint dans la salle à manger avec un thé chaud, et se raidit lorsqu’il la vit avec la canne en main.
- Très jolie canne, complimenta Gabrielle. Mais je crois que je vais devoir la saisir. Ainsi, que toutes les armes que vous avez là. Saviez-vous que c’était interdit de posséder tout ça ?
- Mais c’est seulement une collection !
- Et bien dans ce cas, elle ira compléter celle du Quai des Orfèvres !
- Comme vous voulez.
- Vous avez donc déjà vu Océane ?
- Évidemment. Tous ceux qui vont chez le Maire la voyaient !
- Et vous vous êtes déjà rendu chez lui ?
- Bien sûr.
- Et vos relations avec lui ? Difficiles ? Tendues ?
- Oh pas vraiment… On a quelques désaccords sur certaines choses, on vise tous les deux le titre de Maire pour le prochain mandat, nous n’avons pas les mêmes idées politiques…donc forcément, il y’a quelques embrouilles mais rien de grave, je vous rassure.
- Je vois, fit la jeune femme, méfiante.
Voyant qu’elle restait toujours silencieuse, il lui adressa un grand sourire séducteur et voulut, à son tour, poser des questions.
- Alors comme ça, vous travaillez dans la police ? risqua-t-il.
- Judiciaire, oui.
- Ça doit vraiment être intéressant…
Gabrielle ne comprenait pourquoi il lui posait cette question. Après tout, il savait déjà qu’elle était flic, car elle lui avait montré sa carte lorsqu’elle avait sonné à sa porte.
- Et vous êtes beaucoup de femmes ?
- Une vingtaine au 36.
Il continuait à lui poser des questions sur sa vie personnelle, à la complimenter pour tenter de la séduire, mais Gabrielle restait indifférente. Elle ne se laissait charmer que par Valentin, et encore, parfois celui-ci avait bien du mal ! Les autres hommes étaient incapables de l’atteindre tout autant que lui. Pendant qu’il parlait, elle avait sorti le téléphone portable que le jeune homme lui avait offert quatre mois plus tôt pour son anniversaire. Pour tout avouer, c’était son premier. Elle avait reçu un nouveau message de sa part.
« JTM »
- Et c’est vraiment très étonnant de voir des femmes belles et intelligentes comme vous faire carrière dans la police…
Gabrielle sourit, submergée de bonheur par le message qu’elle venait de lire. Cependant, Josselin Marchal crut que ce sourire lui était destiné, ce qui le motiva davantage pour continuer.
- Vous savez, c’est la première fois que je vois des yeux comme les vôtres. Ils sont magnifiques.
- Je vais y aller, décida la jeune femme, après avoir poussé un long soupir.
- Quoi ? Déjà ?!
- J’ai du travail.
- Vous ne voulez vraiment pas prendre l’apéritif avec moi ?
- Sans façons. Je ne bois pas. Désolée pour le thé, mais je n’ai plus soif.
- Vous reviendrez ?
- Bien sûr, il faut absolument que je fasse saisir votre collection.
Elle se dirigea vers le hall d’entrée et il lui ouvrit la porte. Elle s’arrêta, et se retourna pour lui faire face.
- Je vous prierai Monsieur, de rester à notre disposition. Il est fort possible qu’on vous rende une petite visite ou qu’on vous appelle durant les prochains jours. Ne bougez donc pas de chez vous, c’est un conseil.
- Mais si je dois partir en province ?
Il y eut un silence dans lequel le regard de Gabrielle s’assombrit.
- Si c’est le cas, on vous retrouvera.
Assis sur la terrasse du Café des Délices, Valentin attendait impatiemment Gabrielle. Il avait téléphoné à Berthier pour lui raconter sa rencontre avec Charles Joubert, et le gardien de la paix travaillait justement sur son mobile. Alors qu’il commençait sérieusement à désespérer, la jeune femme pointa son nez dans le café.
- Ah ! s’écria-t-il, soulagé. Gabrielle, je me suis fait du souci ! J’aurai jamais dû t’envoyer chez ce mec, c’est un…
- C’est un dragueur du dimanche super minable, expliqua l’officier, énervée, en s’asseyant à ses côtés.
- Ça va ? Il t’a rien fait au moins ? Il n’a rien tenté ? Sinon, je lui casse sa gueule !
- Ça va, rassura-t-elle. Ce qui ne va pas, en réalité, ce sont les armes qui sont chez lui. Si tu avais vu tout ce qu’il a…
- Sérieux ?
- Oui, je ne plaisante pas.
- Et il a un mobile ?
- Il était censé être à la même réception que le Maire. Mais il ne m’a pas dit grand chose en fin de compte.
- Charles Joubert, lui, n’y était pas.
- Ça le suspecte ?
- Pas forcément. Je ne sais plus quoi penser. Bref, vous voulez boire quelque chose ?
Valentin commanda deux sirops d’orgeat. Tout juste après, il sortit de sa poche une enveloppe ouverte.
- Au fait, je suis passé à la maison, et Jessica avait laissé ça dans la boite aux lettres.
Gabrielle lut la lettre qu’il lui tendait. Quand elle l’eut terminée, elle soupira.
- Je n’aime pas la voir comme ça. Elle me fout le moral à zéro quand elle déprime. Elle fait absolument tout pour que je me fasse du souci…
- Elle est capable de faire des conneries ? s’informa le jeune homme, inquiet.
- Ce n’est pas trop son genre. Et heureusement, d’ailleurs. Mais ça ne lui ressemble pas de démissionner pour aller bosser dans un journal. Elle adorait son boulot pourtant.
- Elle veut se fixer des limites, c’est elle qui le dit… Oh mon Dieu, Gabrielle ! En parlant de journal ! Vous ne saviez pas que la presse était au courant de l’enlèvement d’Océane ?!
- Quoi ? C’est pas vrai ! Qui est le…qui est allé tout leur raconter ?!
Valentin ne répondit pas. Il n’en savait strictement rien. Le jeune serveur s’approcha d’eux pour déposer sur leur table les deux sirops d’orgeat.
- Excusez-moi garçon, vous n’auriez pas gardé, par le plus grand des hasards, les éditions du Parisien de lundi, mardi et d’aujourd’hui ?
- Oui Monsieur, je crois les avoir. Vous les voulez ?
- Oui, s’il vous plait.
Sur les trois journaux, seul celui de mardi avait pour gros titre « La petite-fille du Maire kidnappée dimanche soir ». L’article faisait la une du journal. Il n’apprit aux deux officiers rien de plus qu’ils ne savaient déjà. Il se terminait sur ces paroles :
« À l’heure qu’il est, la Police judiciaire enquête toujours pour retrouver la petite Océane. Pour le moment, aucune piste n’a été trouvée. Espérons pour le Maire, dont la campagne électorale s’annonce déjà difficile, que sa petite-fille soit toujours vivante, et que les forces de l’ordre sauront mettre rapidement la main sur le kidnappeur pour rassurer tous les parents de la capitale. »
- Mardi ! Mardi ! répéta Gabrielle. C’était hier ! Cela veut dire que le journaliste a écrit l’article lundi et qu’il s’est arrangé pour le faire publier dans la nuit, pour l’édition de mardi matin !
- Ouais, et alors ?
- Mais Valentin, réfléchissez ! S’il l’a écrit lundi, cela veut dire qu’il a été au courant de la nouvelle dès lundi matin, et pourquoi pas, dimanche soir ! Pouvez-vous me dire à quelle heure l’enlèvement d’Océane a-t-il été déclaré ? Et à quelle heure la Commanderie a été à son tour au courant et a transmis l’affaire à la Brigade Criminelle ?
La Commanderie était un des services du quai des Orfèvres. C’était elle qui, jour et nuit, recevait les affaires et les transmettait aux brigades concernées.
- Hum… Il me semble qu’elle a été portée disparue vers minuit, le temps que la nounou prévienne le Maire, et que le Maire prévienne les flics. Et on est venu me chercher à cinq heures du matin.
- Vous savez ce que j’en pense ? La personne qui a écrit cet article était au courant avant vous de la disparition d’Océane, et peut-être bien qu’elle le savait avant la Commanderie !
- Vous êtes certaine que…
- Je sais parfaitement comment un journal s’organise pour publier ses articles ! Et je vous dis que ce journaliste était au courant de la nouvelle entre dimanche soir et lundi matin, parce que sinon, l’article n’aurait pas été publié dans l’édition de mardi matin, mais dans celle de mercredi ou jeudi ! Vous comprenez où je veux en venir ?
- Oui, oui. Donc, il est possible que ce journaliste soit une piste intéressante pour nous. Parce que s’il savait avant les flics qu’Océane avait été enlevée, c’est soit parce qu’il était le kidnappeur, soit parce qu’il était complice, soit parce qu’il avait vu la scène de l’enlèvement.
- Bravo Sherlock ! Il faut donc qu’on aille rendre une petite visite à…ce fameux Raoul, s’exclama Gabrielle en lisant le nom du journaliste en bas de l’article.
Raoul avait toujours été un grand fanatique de romans policiers. Et quand il vit deux lieutenants de la Brigade Criminelle débarquer dans son bureau, il ne put s’empêcher de montrer son émerveillement.
- Ah ! La Brigade Criminelle ! Ici ! Dans mon bureau ! Devant moi !
Il adressa un grand sourire aux deux officiers qui eux, n’étaient pas très joyeux. En effet, Gabrielle et Valentin avaient couru dans le Tout-Paris pour retrouver le siège social du journal Le Parisien. Ils avaient dû affronter à coup de cartes de police et de menaces bien proférées l’horrible standardiste et les nombreux vigiles qui leur avaient bloqués le chemin. Ils transpiraient, pressés de collecter des informations qui les feraient avancer dans leur enquête. Et toute cette souffrance pour quoi ? Pour interroger un journaliste suspect, un rouquin pas sérieux, un adolescent attardé qui regardait encore Starsky et Hutch à la télévision.
- Ah…soupira le journaliste, rêveur. Rouletabille, Le parfum de la dame en noir… Mort sur le Nil, Agatha Christie… Ah non, ça, ce n’est pas français. Bref.
- Oui, bref, comme vous dites, pressa Valentin. Vous savez l’affaire de la petite-fille du Maire…
- Oui, bien sûr. J’ai même écrit un article dessus.
- Exact, et on peut savoir pourquoi ? Parce qu’on avait demandé à la presse de faire comme si de rien n’était !
- Je ne l’ai su qu’après.
- Après avoir rédigé votre article ? demanda Gabrielle.
- Oui. Ah ! Malgré tout, je ne regrette pas de l’avoir fait publier. Nos ventes ont doublé ! Nous sommes passés en tête du marché sur Paris ! Nous étions le seul journal à en parler !
- Comment et quand avez-vous su cette nouvelle ?
Raoul parut réfléchir. Il se massait le front, comme s’il hésitait.
- Ne vous affolez pas, hein ? Mon frère habite la même rue que le Maire. Il a vu l’enlèvement, et il m’a aussitôt appelé pour m’en parler.
- Vous n’avez pas appelé la police ?
- Si. J’ai téléphoné aux flics pour leur expliquer la situation, mais bon…je suppose que le Maire a dû appeler de son côté pour faire pression.
- Okay, fit Valentin. Je veux le nom, le prénom et l’adresse exacte de votre frère. Ça fait trois jours qu’on cherche un témoin. On a même fait une enquête de voisinage et personne ne savait quelque chose ! D’ailleurs, mes hommes ne m’ont pas rapporté le témoignage de votre frère !
- C’est parce qu’il n’était pas là lundi ! expliqua le journaliste. Il est allé rendre visite à ma grand-mère !
Gabrielle parut presque soulagée. Grâce à Raoul, et sûrement à son frère, l’enquête allait avancer d’un grand pas.
- Je vous donne mon numéro, dit-elle en lui tendant sa carte. Si vous savez quelque chose de nouveau, quoique cela puisse être, appelez-moi. Et si je ne suis pas là, vous laissez un message qu’on me transmettra.
- Oh, ce n’est pas pour un rencard alors ? s’étonna-t-il, en lui adressant un clin d’œil peu discret.
Valentin le foudroya du regard.
- Je plaisantais bien sûr !
- Y’a intérêt, grogna l’officier.
Le frère de Raoul était aussi roux que lui. Un roux carotte particulièrement amusant à regarder. Il ne comprit pas immédiatement pourquoi Valentin et Gabrielle venait lui rendre une petite visite. Ils durent lui expliquer que le journaliste les avait envoyés sur sa trace pour faire avancer l’enquête.
- Racontez-nous votre soirée de dimanche, et ce que vous avez vu.
- Oui, ajouta la jeune femme, que faisiez-vous au…
- Chut Gabrielle, laissez-le parler !
- Oh mais, pourquoi vous me…
- Chut, j’ai dit !
Le témoin regarda les deux officiers se chamailler. Il hésita à prendre la parole jusqu’à ce que Valentin lui fasse un petit signe de tête.
- En fait, je regardais le football à la télé. Il y avait le PSG qui jouait contre l’OM au Vélodrome.
- Ah… Et c’est qui qui a gagné ?
- Valentin ! pesta la jeune femme en lui frappant sur le crâne. Ne l’interrompez pas, surtout si c’est pour dire des âneries plus grosses que vous !
- C’est l’OM qui a gagné trois à zéro, continua le frère de Raoul, déçu. Nos joueurs ont vraiment déconné cette fois-ci.
- En voilà une bonne nouvelle ! Franchement, ils sont tous pourris dans l’équipe du PSG…
- Bon, vous allez arrêter de parler de ballon là ?! On n’a pas que ça à faire, je vous signale !
Le frère du journaliste aurait bien aimé discuter football avec Valentin un peu plus longtemps, mais le regard perçant de Gabrielle l’en avait rapidement dissuadé.
- Bref, quand la mi-temps a été annoncée, je me suis levé pour aller chercher une bière. C’est à ce moment-là que j’ai entendu de l’agitation dans la rue. Alors, je suis allé sur mon balcon pour voir ce qu’il se passait.
- Stop, coupa la jeune femme. Je vous arrête là. Où se trouve votre balcon ?
- Suivez-moi.
Il conduisit les deux flics sur une petite terrasse. Valentin s’accouda à la rambarde et observa attentivement la rue.
- Vous n’habitez vraiment pas loin du Maire. Placé où vous étiez, vous voyiez bien la scène de l’enlèvement ?
- Plutôt.
- Qu’avez-vous vu exactement ?
- Je suis venu au moment où il l’embarquait dans la voiture. Il n’y avait personne dans la rue. Puis, ce n’est que plus tard que je me suis rendu compte que c’était la petite-fille du Maire. Elle jouait parfois dans la rue avec ses copines. Mignonne fillette.
- Et est-ce que vous avez pu apercevoir le visage du kidnappeur ? demanda Gabrielle, impatiente.
- Non.
- Comment ça, non ?!
- La nuit tombait. Et il était assez loin. Je peux juste vous dire que c’était un homme.
- Et la voiture ? intervint Valentin. Vous avez vu la voiture ?
- Euh…oui.
- Quelle couleur ? Quelle marque ? Quel modèle ? Vous avez pu voir la plaque d’immatriculation ?
- J’étais trop loin pour lire la plaque d’immatriculation. C’était une voiture assez grande et large. Comme le soleil était couché, la rue était plus noire, la carrosserie était de couleur sombre. Je pencherais pour du rouge. Et pour ce qui est de la marque, je dirais que c’était une Renaud, mais je n’en suis pas du tout certain. Dès qu’il est parti, j’ai appelé mon frère. Et après, vous savez sûrement…
- Okay…soupira le jeune homme après avoir jeté un regard entendu à Gabrielle. Merci pour votre aide. Vous nous êtes bien utile !
- Mais de rien ! Je suis content de vous avoir été utile ! Raoul et moi, on adore la même chose : rendre service !
Valentin et Gabrielle s’étaient achetés deux sandwichs qu’ils avaient mangés au Quai des Orfèvres. Ils étaient contents de pouvoir offrir quelque chose à leurs estomacs après leur difficile matinée. Leurs hommes travaillaient eux aussi d’arrache-pied, reniflant tous les éléments qui pourraient les conduire à une piste qui tenait le chemin.
- Bon Val’, claironna Germain en entrant dans le bureau de son supérieur, j’ai la liste de tous les invités présents à la réception de dimanche soir. Josselin Marchal est bien écrit, et pas Charles Joubert. On a eu confirmation que Marchal y était bien, et que Joubert n’y était pas. C’est sûr à 100 % ! Donc, c’est la preuve que Marchal est innocent, non ?
- Je te dirai ça quand Berthier aura appelé. C’est son tour de surveiller Joubert, et il m’a dit qu’il se chargeait de vérifier sa voiture. J’attends de voir avant de tirer des conclusions trop hâtives. Gabrielle, vous pouvez aller me chercher un café noir avec deux sucres ?
- Crève.
Il allait répliquer mais le téléphone sonna, et il dût répondre. C’était Berthier.
- Ah Coco, alors ?
- Je ne vais pas te tenir trop longtemps. Volkswagen, une New Beatle plus précisément, bleu clair, métallisée, presque neuve. Pour l’immat’, c’est 4136 WL 75. Et en ce qui concerne Joubert, il reste tranquillement chez lui avec sa femme. Rien de plus.
Le gardien de la paix raccrocha, sans rien rajouter d’autre.
- Alors ? s’informa Gabrielle.
- La voiture de Joubert ne correspond pas du tout au portrait que nous a dressé le frère de Raoul. Cependant, on ne peut pas le déclarer innocent. On en a vu souvent des gens qui changeaient de voitures pour ne pas se faire soupçonner !
C’était au tour du téléphone portable de la jeune femme de sonner. Au même moment, un flic de l’autre équipe, Jérôme, entra dans le bureau, et fit signe à Valentin de le suivre.
- Allô ?
- Ouais, c’est Anthony. Tu sais, je surveille Marchal. Il a essayé de sortir de chez lui. Il voulait partir en province.
- Tiens, il me l’a déjà sorti celle-là, ironisa l’officier. Vous l’en avez empêché au moins ?
- Ouais, no soucis !
- Et quoi d’autre ?
- Sa voiture.
Dans le couloir, Jérôme avait pris Valentin à part.
- Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ?
- Un rouquin est venu nous apporter ça, il y a tout juste cinq minutes. Il m’a demandé de te le remettre de toute urgence, expliqua le gardien de la paix en lui tendant une enveloppe.
- Raoul ? s’étonna le jeune homme.
Il ouvrit l’enveloppe et en sortit cinq photos tirées à l’imprimante. En prenant conscience de ce qu’il voyait, Valentin porta la main à sa bouche, terrifié. Son teint avait pâli dès que son regard s’était posé sur Océane.
- C’est pas vrai ! Putain !
Il courut jusqu’au bureau où se trouvait toujours Gabrielle. Elle discutait encore avec Anthony au téléphone.
- Rouge ? Mais elle était grande comment ? Une Renaud Mégane, oui, oui, je vois à quoi ça ressemble, t’inquiète pas !
- Gabrielle, raccroche, ordonna fermement le jeune homme.
- Hein ? Tu plaisantes Val’ ? Attends mais…
- Raccroche, je te dis !
- Je…bon…je te rappelle Anthony.
Elle coupa la communication et foudroya du regard l’officier.
- Vous ne pouviez pas attendre ?! s’emporta-t-elle. La voiture de Marchal correspond au portait-type que nous a dressé le…
- Non, je ne peux pas attendre ! Tenez, regardez-ça, on reparlera de la voiture après !
Il jeta rageusement les photos sur le bureau et Gabrielle, curieuse, les observa. Elle resta bouche-bée devant les prises de vues. Le corps d’Océane avait été photographié sous toutes les coutures. Ses yeux fermés. Son teint blafard. Quelques hématomes. Du sang dans ses jolis cheveux bruns et sur sa petite robe parsemée de tournesols. Du sang sur le côté droit de sa poitrine. Les yeux rivés sur les photos, la jeune femme comprit rapidement que l’affaire prenait une autre tournure, bien plus importante que la première. Il n’était plus question d’un enlèvement. Il s’agissait désormais d’un meurtre.
*constate que sa reserve de mouchoirs n'est plus*
Ah et je viens de découvrir un truc fabuleux. Si si. C'est que la lecture du 36 est encore plus chouette avec du Splin dans les oreilles. Pourtant, ce n'est pas mon truc de lire en écoutant de la musique, et bah là, ça s'accorde parfaitement ^^ Fin de la parenthèse
Et à quelques pâtés de maisons de là, l'enquête continue toujours. Je suis sûre que je l'ai déjà dit, mais je suis en totale admiration devant ta manière de mener le récit, de faire interagir tes personnages. Tes dialogues font mouche, et c'est peut-être ça qui me rend le plus admirative en fait, ça a toujours été ma bête noire les dialogues.
Ah et la fin qui précipite les choses avec la voiture du kidnappeur retrouvée et les photos de la petite. Pas follement joyeux. Et raaah je manque de temps pour me plonger dans le troisième chapitre de l'enquête. Tant pis, ça sera pour demain.
*essaye d'étaler le 36 pour se donner l'impression qu'il va durer encore... et encore... et encore*
C'est bizarre : beaucoup d'entre nous font des merveilleuses descriptions, des histoires du tonnerre et ont un énorme vocabulaire...mais ont du mal avec les dialogues. Chez moi, c'est tout le contraire. J'ai pas de vocabulaire, et je déteste les descriptions, mais j'adore écrire des dialogues. Je me sens vraiment à l'aise là-dedans.
Bref, bonne lecture pour demain. Et prends ton temps ! ;)
Merci à toi, et bien des bisous. Mouwaaak
Enfin bref xD J'aime beaucoup, comme toujours ^^
Reponse de l'auteur: Sisi, je confirme, c'est bien Raoul qui a amené les photos ! ^^ Uhuh, toujours contente que ça te plaise encore ! Merci ! Bisouuus !