Merci Camille
(Sonia)
Je ne sais pas d’où elle est venue. Rien ne me l’explique.
Tout ce qui m’arrive me fait tant de mal et je ne comprends pas pourquoi je me laisse aller à de tels actes. Putain ! c’que j’en ai plein le cul ! Je ne veux rien et je veux tout à la fois. Comment y mettre fin ?
A l’intérieur de moi, j’ai toujours prié pour que quelqu’un me soit envoyé pour me sortir de ma merde. Je trouvais ça pathétique mais c’était une sorte de secret entre moi et moi. On se foutrait bien de ma pomme si on en savait quoi que ce soit. Je sais bien qu’on doit s’en sortir tout seul parce qu’on est toujours tout seul. On ne doit dépendre de personne et patati et patata…
L’indépendance, on appelle ça ! J’en entends beaucoup parler autour de moi, que ce soit sur Youtube ou à la télé. On parle souvent de la dépendance dans un couple, aussi. C’est pas bon pour le couple, on dit. Moi, je sais pas, j’ai personne, je n’ai que 16 ans, en même temps. Si ce n’est… cet homme dont je ne connais même pas le nom et que j’appelle « l’homme à la ceinture de cuir ». On forme un couple lui et moi ? Me baiser comme il le fait, c’est être « mon » homme ? C’est répugnant, je le sais ça ! Et je ne veux plus ça ! Je me dis: « Sonia, sauve-toi » ! Mais je ne sais pas comment m’en empêcher !
Je pense que c’est elle, le cygne. Ca m’énerve de ne rien pouvoir sortir de ma bouche ! Je ne sais pas faire ça moi, raconter ma vie et ce que je ressens. Pourtant, je lui ai parlé à elle alors que je crois la détester. Je veux la détester parce qu’elle est si calme, mystérieuse. Et, paradoxalement, j’éprouve de la sérénité en sa présence. C’est bizarre. Je suis paumée.
Elle sort du tableau, l’étudie et je ne suis qu’une vulgaire esquisse, tapie au fond de la toile dans un coin là où il n’y a pas d’issue. Je fais tache, peu importe où je suis.
Elle était dans mon rêve. C’est insensé mais c’était si réel comme si elle était vraiment là avec moi. Cette fille me fait peur, on dirait qu’elle ne souffre pas, j’aime pas les gens qui ne souffrent pas. Quelqu’un qui ne connaît ni peine ni mal ne connaît rien et ne vit pas.
Ceci dit, c’est dingue mais, par moments, je ressens qu’elle me comprend alors qu’à première vue elle semble faire abstraction de son environnement et des sentiments qui l’habitent. Non, ce n’est pas possible, elle ne peut pas me comprendre parce qu’elle ne vit pas ce que je vis ! J’en reviens toujours au même point : pour me comprendre il faut souffrir et si personne ne souffre il faut que je les fasse souffrir !
Ca me vient ainsi, j’ai envie d’être une salope et d’universaliser mon mal de vivre pour me sentir moins seule. Je sais que je suis une peste mais c’est mon choix, enfin je suppose. Je fais quoi si j’ai envie de revenir en arrière ? On ne se refait pas ! Je ne sais pas jusqu’où je dois aller ni jusqu’où mes forces vont me mener.
Parfois, je me demande si c’est vraiment important que je me fasse torturer par un maniaque, que ma mère se foute de moi, que les gens ne peuvent me côtoyer sans afficher du mépris quand ils me connaissent.
Depuis que je l’ai vue dans mes cauchemars, je me demande si l’important c’est pas ce que je pense et comment je me sens. C’est vrai, après tout. Je dois cesser d’accorder de l’attention aux regards des autres. Je dois cesser de m’accorder à ce qu’il veut, lui, l’homme à la ceinture. Je dois enfin me concentrer sur ce qui me ferait du bien, me ferait plaisir sans toujours me préoccuper de ce qui m’entoure. Mais c’est facile à dire…
Alors il m’arrive une chose, un truc tout con que je me permets de vivre, un vrai petit bonheur: je me vois sortir de chez moi un jour sans avoir peur d’avoir envie qu’il soit là, poster quelque part en train de me guetter. Je rêve d’être pure, d’être quelqu’un de bien, d’être aimée… Aimer, c’est un verbe compliqué.
J’imagine tout ça depuis que j’ai fait le plus beau songe de ma vie, sur les marches d’une vieille chapelle, encore sous l’effet de la drogue, du sexe et des coups tout frais. J’étais perdue comme je le suis depuis toujours et quelqu’un m’a trouvée. On est venu de quelque part pour me sauver. Un cygne, le plus beau de tous parce que c’est le mien. Un cygne, qui avait les couleurs de mon innocence perdue, m’a appris que tout était possible.
C’est tout con ! Il suffit de savoir dire non ! Mais comme c’est difficile de dire non. Je veux le décider ce « non ». J’arrête tout, je repars à zéro, je suis quelqu’un d’autre. Trop facile à dire. Mais comment on fait pour être heureux quand on ne sait pas ce que c’est ?
J’ai lu quelque part que pour être bien, en paix avec soi, il faudrait abandonner sa souffrance et que c’est ce qu’il y a de plus complexe à réaliser parce qu’on ne laisse pas une partie de soi ainsi en claquant des doigts. Parfois on ne s’en défait jamais !
Pour gagner, il faut perdre un peu de quelque chose, on dit. Il le faut ! Beh! Oui ! Mais je suis comme un chien battu qui revient continuellement chez son maître, où pourrait-il aller ? Et si un nouveau maître apparaissait comme par magie, pourquoi et comment le suivre ? On fait quoi avec l’amour qu’on nous donne ? Le pauvre chien aura tellement eu l’habitude des coups qu’il les reconnaîtra dans n’importe quel geste, ne connaissant que ça et ça pourrait même lui manquer. Où elle est passée ma vie ? C’est pas pour moi !
Quand elle me regarde, je comprends que c’est elle le cygne et je ne dis rien, car comment avouer avoir besoin de quelqu’un ? J’ai besoin de quelqu’un que je repousse au premier pas parce que je ne veux pas qu’il ou elle connaisse la vérité. J’ai cru être libre parce que je voulais ce qui m’arrivait. Je me suis trompée ! On a plein de certitudes jusqu’au jour où on se dit: « Je croyais que… mais non ». J’étais emprisonnée. La vraie prison, c’est la petite cage qu’on a construit dans sa tête.
Qu’est-ce que je vois par la fenêtre, de l’autre côté de la rue ? C’est lui ! Je vais aller lui dire ! Je vais aller lui dire que tout prend fin, maintenant! Comme je voudrais lui dire merci à cette fille. Merci de me donner le courage de vivre, même si j’ai tout inventé.
Merci Camille.
je l'avais compris
le chapitre d'avant
Sonia aussi doit être sauvée
ainsi que son boureau
qui souffre aussi
au fait
qui est son boureau
le connait on
et qui est lema sabachtini
J'aime beaucoup Sonia depuis le début (même quand nous avons eu l'impression que ce n'était qu'une peste comme on peut en voir au lycée) et je suis contente de pouvoir entrer dans son esprit et de la voir évoluer comme elle le fait. C'est quand même vachement compliqué de ne pas le spoiler là pour expliquer mon ressenti devant lui. Voir Sonia et sa manière de se voir, de se ressentir, est toujours un peu chamboulant. Mais la conclusion du chapitre fait du bien. Elle est, de plus, parfaitement amené (comme le dit Edouard avant moi) et amène un peu de lumière dont nous avions besoin (Sonia et le lecteur)
merci pour ta fidélité et ton ressenti! J'espère que la suite ne sera pas décevante...
J'ai bien aimé ce chapitre, que j'ai lu d'une traite (c'est pas souvent xD).
J'ai particulièrement bien aimé les phrases de conclusion, c'est très bien amené.
Pas de remarques particulières sur la forme.
Bien à toi
A bientôt
J'ai relu quelques chapitres pour me remettre en place les personnages. Lorsque l'on lit par petits bouts, on a tendance à perdre le fil ou à oublier des éléments importants. Du coup je recolle les morceaux et j'y vois beaucoup plus clair. Je crois avoir compris certains liens entre les personnages mais je vais garder cela pour moi pour ne pas gâcher le plaisir des autres.
Dans ce chapitre, on pénètre l'esprit de Sonia. Une écriture de l'intérieur, toute dans le ressentie et l'interrogation avec un vocabulaire plus cru, plus spontané aussi qui colle bien au personnage.
L'évolution de sa réflexion est bien menée. On ressent la souffrance de Sonia, sa grande solitude, sa révolte mais aussi sa colère, ses réticences, ses doutes et surtout son envie puissante d'aller vers autre chose.
L'évocation du cygne m'a fait penser à la chanson de Barbara "L'aigle noir", mais c'est un ressenti très personnel.
Comme d'habitude quelques réflexions mais tu prends ce que tu veux, bien sûr :
- A l’intérieur de moi : il me semble que tu peux supprimer.
- quoi que ce soit : idem
- qu’on est toujours tout seul et on ne doit : je mettrais un point après seul ce qui supprimerait un "et" et, peut-être, trois points de suspension après "patata" pour accentuer encore ce que tu veux dire.
- "On parle souvent de la dépendance dans un couple, aussi." : on parle souvent aussi de la... ?
- "Je la déteste parce qu’elle est si calme," : je veux la détester ?
- " Elle sort du tableau, l’étudie " : tu veux dire qu'elle reste extérieure à la scène, simple spectateur ?
-"Depuis que je l’ai vue dans mes cauchemars, je me demande si l’important c’est pas ce que je pense et comment je me sens. " Je trouve qu'il serait intéressant que tu développes un peu.
- ça pourrait même lui manquer: où elle est passée ma vie ? je ne comprends pas les ":"
A très bientôt
merci pour ton intéressant et précieux commentaire, comme d'habitude! Merci également pour ta constance et ta bienveillance!
"Elle sort du tableau...", signifie qu'elle est différente, mais aussi qu'elle prend du recul pour analyser, soit elle reste à l'extérieur ou elle entre.... elle va et vient comme une vague.
Je prends le tout et je vais un peu développer ce que tu m'as suggéré.
Je poste de suite le chapitre 14, tu verras pourquoi...
Amicalement et à très bientôt!