Chapitre 13 : Réunion secrète, réconciliation et guerre de succession.

[ 1 ]

Un restaurant japonais à l'ambiance calfeutrée. Une salle privative au style épuré en bois clair. Des coussins confortables et une belle table couverte de mets délicats. Des poissons d'exception, tranchés avec finesse. Des oursins crus délicatement assaisonnés. Et, bien entendu, un délicieux saké chauffé à la température parfaite pour alléger l'atmosphère pesante qui régnait autour de la table.

Une mise en scène parfaite pour la conversation qui allait suivre. Une conversation qui réunissait cinq hommes. D'un côté de la table, Kim Byeong-cheol, PDG de Blue Sky Inc. À ses côtés, Choi Dong-soo, directeur en charge du plus grand centre de rééducation pour juvéniles de Séoul. Malgré son statut plus humble, c'était un fin négociateur qui avait un impressionnant carnet d'adresses. En face, le procureur Ban Min-seok, l'avocat Ho Dok-soo, de chez J&H Law Firm, et le juge Noh Chang-nam. Le début d'une drôle de blague.

— Si je vous ai invités ce soir, c'est pour discuter de l'affaire de Kim Jong-goo. Comme vous le savez déjà, Jong-goo est un garçon que j'ai pris sous mon aile. M. Choi, ici présent, est chargé de sa formation. Nous nous préoccupons beaucoup de son avenir.

Il se saisit de la théière de saké. Les trois hommes en face de lui tendirent aussitôt leur verre en inclinant la tête en signe de respect. Ils le remercièrent avec un sourire de circonstance puis tournèrent la tête sur le côté pour boire une gorgée du doux breuvage.

— Ne vous inquiétez pas, dit alors le procureur en reposant son verre. Nous allons gérer cette affaire le plus discrètement et le plus rapidement possible pour que cela ne vous impacte pas. Je pense qu'on peut le faire acquitter en plaidant la légitime défense.

Kim Byeong-cheol secoua la tête.

— Non. Ce n'est pas ce que je souhaite. Je veux que vous le fassiez condamner à une peine de prison ferme.

Les trois hommes échangèrent un regard interloqué.

— Je ne comprends pas bien, dit alors le procureur de la République. Si Kim Jong-goo est condamné, cela nuira à votre réputation et à celle du Ministère de la Justice. Il est actuellement considéré comme un héros. La presse ne tarit pas d'éloges à son sujet, tout en vilipendant les forces de l'ordre au passage, clamant qu'un enfant de treize ans est plus compétent qu'une brigade d'inspecteurs. Qu'il a fait tomber une organisation criminelle à lui tout seul. L'opinion publique n'acceptera pas qu'il soit condamné. Une pétition circule déjà en faveur de son acquittement.

— Je sais bien. Nos actions ne se sont jamais portées aussi bien que depuis que cette affaire fait la une des journaux. Sans parler de la viralité des réseaux sociaux qui joue aussi en notre faveur. Malheureusement, M. Choi a d'autres projets pour Jong-goo. Il va falloir jouer la carte de la transparence et de la justice. Nous allons montrer aux citoyens coréens que les lois existent pour une raison, et que personne n'est au-dessus des lois. Pas même un héros, car se faire justice soi-même, cela va à l'encontre de la paix sociale. Je tiendrai une conférence de presse à ce sujet immédiatement après le procès. Le sujet risque de faire polémique, c'est certain, mais cela attirera aussi l'attention sur ma société et donnera du grain à moudre aux analystes et aux politiciens. Quant à votre réputation, messieurs, je vous dédommagerai à la hauteur de votre sacrifice.

— Je vois, dit le juge en lui servant un verre à son tour. Je ne doute pas de votre générosité. Quelle peine envisagez-vous ?

— Trois mois de réclusion criminelle en centre de rééducation. Le centre dirigé par M. Choi. Je ne veux pas que cela impacte trop sa scolarité. Nous sommes déjà au mois de mai, ce seront bientôt les vacances d'été. Il peut se permettre de rater un ou deux mois de cours et retourner à l'école au deuxième semestre, à la rentrée de septembre.

— Un centre de rééducation est très différent d'une prison, expliqua Choi Dong-soo. Les jeunes de mon établissement doivent continuer à suivre le programme scolaire. Nous faisons en sorte d'assurer la continuité pédagogique pour qu'ils ne soient pas défavorisés lors de leur réinsertion dans le système scolaire ordinaire. Le but n'est pas de les punir, mais de leur offrir un cadre strict et une meilleure perspective d'avenir.

C'était du moins le discours officiel. En vérité, Choi Dong-soo voyait son centre de rééducation comme une façon simple et efficace de recruter de jeunes talents qui pourraient l'aider à faire fortune en alimentant sa caisse noire. Il avait l'œil pour repérer les profils prometteurs, mais il avait besoin de quelqu'un pour mettre ces potentiels candidats à l'épreuve. Quelqu'un comme Jong-goo.

— Si je puis me permettre, demanda alors l'avocat Ho Dok-soo avec prudence, mais pourquoi tenez-vous tant à envoyer ce garçon en centre de rééducation ?

— Pour faire de la prospection, répondit Kim Byeong-cheol avec un sourire énigmatique.

— De la prospection ? fit son interlocuteur avec étonnement et incompréhension.

— Je plaisante. Je pense simplement que l'expérience lui sera bénéfique. Comme ça, s'il ne veut pas retourner là-bas, il apprendra à faire plus attention.

Un accord tacite avait été passé entre les cinq individus ce soir-là. Chacun savait exactement le rôle qu'il avait joué dans la pièce qui allait se jouer au tribunal à la fin du mois.

[ 2 ]

Jong-goo était encore à l'hôpital. Il devait rester hospitalisé jusqu'à la fin de la semaine. Il avait été opéré du bras gauche qui avait subi de multiples fractures. Le médecin avait opté pour la pose de vis et de tiges en métal pour assurer une guérison rapide et optimale, mais il tablait sur trois à quatre mois de convalescence. Le reste de ses blessures étaient relativement superficielles. Quelques points de sutures et beaucoup de pansements. Les plaies cicatriseraient en quelques semaines.

Yerin était retournée à l'école dès le lundi suivant, car elle avait déjà raté trop de cours. Tout le monde n'avait que cette histoire à la bouche. Ses camarades avaient été très gentils avec elle, mais ils étaient aussi extrêmement curieux. Elle n'avait pas le cœur à subir leurs questions pressantes, mais elle s'efforçait d'y répondre du mieux qu'elle pouvait. Son enlèvement, le sauvetage spectaculaire de Jong-goo, l'arrestation de Cho Do-yun. Ils voulaient tout savoir, dans les moindres détails.

— Tu as eu peur ?

— Comment va Jong-goo ? Quand est-ce qu'il va revenir ?

— Wow, je suis trop jalouse. Jong-goo est vraiment trop fort. Et super courageux. T'as vraiment de la chance de l'avoir ! C'est pas mon petit-ami qui aurait fait ça pour moi...

— T'as un petit-ami toi ? Depuis quand ? C'est qui ?

— Dis, Yerin, tu penses quoi de Jong-goo ? Tu l'aimes bien ? Tu veux sortir avec lui ?

Yerin était devenue rouge comme une pivoine. Elle ne savait pas pourquoi cette remarque la mettait dans tous ses états, mais elle se sentait terriblement gênée.

— N-non ! bégaya-t-elle en lâchant un rire nerveux. N'importe quoi !

— Pourquoi ? fit une de ses camarades avec étonnement. Vous feriez un super couple ! Ce serait trop mignon !

— C'est impossible ! s'exclama-t-elle en se levant brusquement. Jong-goo est...

Elle laissa sa phrase en suspens. Elle ne pouvait pas leur révéler que Jong-goo était son frère adoptif. Elle avait promis de garder le secret.

— Jong-goo est quoi ? Qu'est-ce qu'il a ?

Yerin pinça les lèvres. Elle ne savait pas comment rattraper sa bourde. Heureusement pour elle, Min-jun était intervenu pour la tirer de ce mauvais pas.

— Yerin, faut que je te parle, lui dit-il en l'attrapant par la main pour l'entraîner hors de la classe.

Il l'avait emmenée dans un coin plus tranquille. Il lui tenait toujours la main.

— Ça va ? lui demanda-t-il. T'es pas obligée de répondre à toutes leurs questions débiles. Ils sont juste bêtes.

Yerin hocha la tête.

— Tu as raison. Merci. Tu peux lâcher ma main maintenant.

Min-jun retira sa main comme s'il venait de toucher un charbon ardent.

— Pardon...

— Qu'est-ce que tu voulais me dire ?

— Je voulais m'excuser pour ce que je t'ai dit l'autre fois. Et pour t'avoir tourné le dos. Si j'avais été là, si je ne m'étais pas fâché avec toi, peut-être que rien de tout cela ne se serait passé. Je m'en veux vraiment... C'est moi qui aurais dû te protéger.

— Ce n'est pas de ta faute. Je n'ai rien dit à Min-ji et je n'en ai pas parlé à Jong-goo au début non plus. Je ne t'aurais sans doute rien dit non plus, parce que je n'aurais pas voulu qu'il t'arrive quelque chose à cause de moi.

— Alors promets-moi que la prochaine fois que tu as un problème, tu m'en parleras. C'est à ça que ça sert les amis, non ? On doit pouvoir compter les uns sur les autres.

— Ça veut dire qu'on peut redevenir amis ?

— Hm, acquiesça Min-jun avec un sourire coupable. Si tu veux bien me pardonner, bien sûr. C'était moi le connard dans l'histoire, mais je regrette vraiment.

Yerin hocha la tête. Elle s'était jetée dans ses bras et pleurait de soulagement. Min-jun était aussi important à ses yeux que Jong-goo. Il avait ses défauts, il pouvait être boudeur et pénible parfois, mais c'était son ami d'enfance. Il avait toujours été là pour elle. Elle tenait vraiment à leur amitié et elle détestait se disputer avec lui.

[ 3 ]

La KGS connaissait un temps de paix et de sérénité sans précédent. Sans Cho Do-yun pour gérer le gang des perles et collecter les frais d'adhésion, les rackets avaient cessé et les victimes pouvaient souffler. En revanche, son arrestation soudaine et son renvoi avait laissé le trône libre sans successeur clairement défini et, bientôt, une guerre impitoyable pour régner sur l'école allait commencer. Chacun se préparait à sa façon. Certains échafaudaient des plans complexes, d'autres échauffaient leurs poings. Qui allait devenir le nouveau maître de la KGS ?

Les six chefs de section s'étaient réunis dans une salle vide pour déterminer qui d'entre eux prendrait possession de la perle noire. Tirage au sort ? Battle royale ? Séries d'épreuves ? Vote démocratique ? Personne n'arrivait à se mettre d'accord sur la procédure à suivre. Après un long débat et beaucoup d'énervement, ils étaient parvenus à un compromis. Les membres de l'organisation nomineraient deux candidats parmi les six chefs de section. Les heureux élus s'affronteraient ensuite en duel pour déterminer le gagnant.

Ils avaient besoin de préparation. Ils avaient donc décidé de faire ça pendant les vacances d'été. Le vainqueur prendrait ses fonctions dès la rentrée de septembre. Ils allaient mettre fin à la réunion lorsque la porte s'ouvrit avec fracas.

— Je suis vexé. Vous faites votre petite réunion sans moi. Vous avez oublié de m'inviter ?

— Min-gyu ! s'exclama un de ses camarades, l'air paniqué. Ce n'est pas ce que tu crois !

— Ah bon ? C'est quoi alors ?

— On ne pensait pas que...

— Je confirme. Vous avez rien dans le crâne.

Ban Min-gyu était le bras droit et trésorier de Cho Do-yun. Il tenait les comptes tout en s'assurant que leurs activités passent inaperçues et que les adultes ne viennent pas fourrer leur nez dans leurs affaires. C'était également le meilleur ami de Do-yun et il siégait avec lui au conseil des élèves. Il était toujours accompagné de sa petite amie, la très jolie et très populaire Noh Su-ji.

Min-gyu n'était pas ravi. Ces charognards essayaient vraiment de le poignarder dans le dos. Ils avaient un sacré culot. Est-ce qu'ils le sous-estimaient parce que c'était un matheux à lunettes ? Il ajusta sa monture et prit une chaise. Il fit signe à un des chefs de section de lui faire de la place. Su-ji s'était assise sur une table à côté. Les jambes croisées, elle avait sorti un miroir pour refaire son maquillage.

— Allez-y. Je vous écoute. C'est quoi votre plan ?

— Euh... eh bien... bégaya l'un d'entre eux, l'air extrêmement mal à l'aise.

— Accouche. Je dois retourner en cours. J'ai pas toute la journée.

Son camarade lui exposa brièvement le plan pour décider du successeur qui prendrait la tête du gang des perles.

— Hm, fit Min-gyu en réfléchissant. Je n'ai aucune intention de devenir chef du gang. J'aime bien mon poste. La compta c'est mon dada. Mais vous six là... je ne suis pas convaincu. Voilà ce que je propose. Tous ceux qui souhaitent candidater pour le poste peuvent postuler. Je ferai une annonce sur les différents groupes de conversation. On lancera un vote pour sélectionner douze candidats parmi ceux qui se sont présentés. Ce sera un vote de popularité. Le reste se décidera au combat, mais on organisera ça sous forme de tournoi. Les adversaires seront tirés au sort.

— Et les filles ? dit alors Su-ji qui, jusque-là, avait écouté la conversation d'une oreille absente en se limant les ongles. Est-ce qu'on aura le droit de voter aussi ?

— Tu veux voter, bébé ? demanda Min-gyu en renversant sa tête en arrière pour pouvoir regarder sa petite-amie.

— Oui ! Ça a l'air fun !

— D'accord. Je te laisse t'occuper des votes alors. Tu seras directrice de campagne électorale.

— Yes ! Merci, bébé ! C'est toi le meilleur !

— Mais ! protesta un des lycéens, abasourdi par cette décision aussi absurde qu'arbitraire. Les filles n'y connaissent rien en baston et en gang ! Elles vont juste voter pour le mec le plus beau et le plus riche !

— Pff, fit Su-ji avec un rire moqueur. Tu dis ça parce que t'es moche et fauché. Ça s'appelle la démocratie et les femmes ont obtenu le droit de vote en 1946. Tu ne suis pas en cours ou quoi ?

— Quelle belle connerie... grommela un autre des six chefs de section. Elles vont voter n'importe comment...

— Pardon ? gronda Min-gyu en se levant brusquement. Tu dis que ma copine est conne ?!

— Je... non ! Ce n'est pas ce que j'ai dit !

Min-gyu retira ses lunettes qu'il plia soigneusement.

— Su-ji, chérie, tu peux me tenir ça deux secondes, s'il te plaît.

Il lui tendit ses lunettes qu'elle prit entre ses doigts délicats avec un sourire espiègle au coin des lèvres. Elle adorait quand son homme se mettait dans tous ses états pour elle. Min-gyu se dirigea ensuite vers le lycéen qui avait osé dire du mal sa douce et tendre. Il le saisit par le col de son blouson et lui asséna un violence coup de tête en plein front. Il avait le crâne plus dur qu'un roc. Son camarade, en revanche, était sacrément sonné. Il le repoussa dans sa chaise.

— Personne ne dit du mal de ma Su-ji, rugit-il avec colère.

C'était pour ça qu'ils ne l'avaient pas invité. Min-gyu était un taré notoire. Un taré qui prenait tout de travers et qui pétait un plomb dès qu'il pensait qu'on disait du mal de sa copine. Neuf fois sur dix, il se faisait des films tout seul. Si un garçon avait le malheur de croiser le regard de Su-ji, il se faisait défoncer. Su-ji le savait et elle prenait un malin plaisir à semer le trouble parmi la gente masculine pour la simple satisfaction de voir son copain se battre pour elle.

[ 4 ]

La nouvelle s'était rapidement répandue parmi les membres du gang des perles, ainsi que les filles qui les fréquentaient et prenaient part à leurs activités, de manière directe ou indirecte. Kang Kang-ho et Tak Tae-jun s'étaient empressés de rendre visite à Jong-goo pour lui annoncer la nouvelle. Ils voulaient qu'il se présente en tant que candidat pour prendre la tête du gang.

— Tu vas gagner, c'est sûr ! T'es le plus fort ! Et t'es presque un héros à l'école ! Toutes les filles sont en kiffe sur toi. Elles vont toutes voter pour toi !

— J'ai pas envie de devenir chef de ce gang de merde. De toute façon, je serai pas là.

— Mais... Pourquoi ? Tu seras où ?

— En prison.

— En prison ?! s'exclamèrent les deux kékés à l'unisson.

— Oui. Le procureur a retenu une charge d'agression à l'arme blanche sans intention de tuer contre moi. Je passe devant la cour d'assises pour mineurs à la fin du mois.

— C'est quoi ça ? La cour d'assises ? C'est un endroit avec des sièges spéciaux ? Pourquoi t'irais là-bas ?

Jong-goo était sidéré. Kang-ho était vraiment un abruti fini.

— C'est comme un tribunal. C'est un endroit où on se fait juger quand on a commis un crime.

— Alors tu vas vraiment aller en prison ?

— Probablement.

C'était le plan. Tout était déjà décidé. Il avait juste à jouer le jeu et faire en sorte de répondre correctement aux questions qui lui étaient posées. Il n'en avait pas parlé à Yerin. Il préférait ne rien lui dire et la laisser face aux résultats du procès. Elle allait mal le prendre, c'était sûr, mais il ne pouvait rien y faire.

— On va faire quoi alors ? demanda Kang-ho avec déception. On va juste les laisser prendre le contrôle de l'école ?

— Oui, fit Jong-goo. On va les laisser faire leur petite guerre de succession dans leur coin et on va monter notre propre affaire en parallèle.

— Notre affaire ? On monte une entreprise ?

— Plus ou moins.

Kang-ho et Tae-jun avaient du mal à suivre.

— On va pouvoir se faire de l'argent ?

— Oui.

— Comment ?

— J'y travaille. J'ai déjà quelques idées. Mais pour que ça fonctionne, on a besoin du gang des perles. Nos résultats vont dépendre de leurs performances. On verra ça à mon retour.

[ 5 ]

Jong-goo ne s'était pas donné la peine de retourner à l'école. Il avait passé le reste du mois à la maison. C'était la première fois qu'il pouvait réellement se reposer. Tous les matins, il accompagnait Yerin jusqu'à la station de métro et il allait la chercher à l'école après les cours. Dans la journée, il regardait la télé ou lisait des mangas, et le soir, il révisait avec Yerin. Après les derniers événements, il appréciait ce rythme de vie plus calme et paisible.

Yerin était aux petits soins avec lui. Elle coupait sa viande, épluchait ses pommes, lui faisait ses lacets... Elle l'aidait même à se changer et à se brosser les dents. À ce stade, c'était presque une aide à domicile, mais Jong-goo ne s'en plaignait pas. Il aimait bien que Yerin s'occupe de lui comme ça, même s'il ne le montrait pas. Mme Kim aussi prenait soin de lui et veillait à ce que sa convalescence se passe bien. Il fallait qu'il en profite car il ne serait probablement pas aussi bien traité en centre de rééducation.

Yerin lui avait dit qu'elle s'était réconciliée avec Min-jun et que Hye-ji avait arrêté d'embêter Min-ji, du moins pour le moment. Toute cette histoire avec le Dr Ahn et Cho Do-yun était plus intéressante. Elle voulait inviter ses deux camarades le weekend prochain. Elle voulait en profiter pour essayer de présenter DG à Min-ji.

— Tu crois qu'il voudra bien ? C'est peut-être trop lui demander. C'est une célébrité, il ne va peut-être pas aimer que je le sollicite comme ça. Il doit déjà être constamment suivi par ses fangirls.

— Je peux lui en parler, si tu veux. Si ça vient d'un mec, il sera peut-être moins réticent.

— Tu ferais ça ? Ce serait vraiment sympa. S'il dit oui, Min-ji va être trop contente !

— Et toi alors ? T'es pas fan de lui ?

— Pas vraiment. Enfin, c'est pas que je n'aime pas ce qu'il fait. Les chansons de son groupe sont vraiment cool et leur chorés sont supers. Mais pour moi, c'est juste un voisin. Je le vois comme quelqu'un de normal.

Yerin se trompait. Kang Da-gyum, de son vrai nom, était tout sauf quelqu'un de normal. Jong-goo était bien placé pour le savoir puisque DG était un des prodiges qui travaillaient pour le compte de Choi Dong-soo. Âgé de seulement dix-huit ans, la jeune idole avait déjà tout pour lui. Il était divinement beau et divinement talentueux. C'était un chanteur hors pair et un danseur de haut vol. Il était né pour briller sur scène. En dehors de ça, Jong-goo ne savait pas vraiment de quoi il était capable.

DG et M. Choi semblaient se connaître depuis longtemps. L'adolescent était entré dans l'industrie de la K-pop pour aider M. Choi à construire son capital. Un secret bien gardé. Après cinq ans de formation, DG avait fait ses débuts et il était rapidement devenu une des personnalités les plus populaires du moment. On le voyait partout. Il faisait des apparitions dans des publicités, dans des talk shows, des jeux télévisés et, bien entendu, dans les clips de K-pop qu'il tournait avec son groupe.

Il avait commencé une carrière solo en parallèle de ses activités de groupe, ce qui avait encore boosté davantage sa popularité. Il donnait régulièrement des concerts en Corée, mais également au Japon et en Chine. Actionnaire majoritaire de PTJ Entertainment, l'agence qui l'avait formé, il envisageait de devenir le prochain PDG de la boîte pour renforcer son influence dans l'industrie.

Jong-goo ne l'aimait pas trop. Il était tout sourire devant ses fans et se donnait une image à la fois cool et attentionnée. Le petit-ami parfait qui faisait fantasmer toutes les filles. Dans la vraie vie, c'était un génie du mal. Un calculateur froid, hautain et arrogant. Jong-goo non plus n'était pas tout blanc mais lui, au moins, il ne faisait pas semblant d'être ce qu'il n'était pas.

[ 6 ]

— Tiens, je te reconnais toi, fit DG en ouvrant la porte. T'es la petite furie que Choi a recruté. Alors, ça avance le plan de domination de Séoul ? T'as besoin d'aide ?

Son ton était désagréablement sarcastique.

— Je ne suis pas là pour ça. Et je n'ai pas de compte à te rendre. Je fais mes rapports directement à M. Choi.

— Qu'est-ce que tu veux alors ? Dépêche-toi, mon temps est précieux.

— Kim Yerin veut t'inviter à prendre le goûter ce weekend, si tu es libre. Elle a une amie qui est fan de toi. Elle aimerait que tu la rencontres.

— Tu crois que j'ai que ça à faire ?

— Non, mais moi j'ai que ça à faire en ce moment. Alors, c'est oui ou c'est non ?

— Je vais y réfléchir.

— C'est pas une réponse. Oui ou non ?

— Tu lâches pas l'affaire, hein ? Elles sont jolies au moins tes copines ? Elles ont quel âge ?

— Elles ont treize ans et elles sont affreusement laides. En fait, laisse tomber. T'es désinvité.

Jong-goo en avait marre de ces dégénérés qui ne pensaient qu'à draguer. DG avait déjà la moitié des femmes du pays à ses pieds, il pouvait sortir avec qui il voulait d'un claquement de doigts, ça ne lui suffisait pas ? Peut-être qu'il prenait cela trop à coeur, mais si DG avait dit cela juste pour le provoquer et se débarrasser de lui, ça avait fonctionné. Il était donc rentré bredouille et avait annoncé, sans le moindre regret, que l'invitation de Yerin avait été rejetée.

— Ce n'est pas grave, dit-elle malgré son évidente déception. À la base, je voulais juste inviter Min-ji et Min-jun. On s'amusera très bien entre nous.

— C'est bien, que tu puisses t'amuser. J'avais peur qu'après ce qui s'est passé avec le Dr Ahn, tu sois complètement traumatisée.

— Arrête, on dirait ma mère ! Elle m'a dit exactement la même chose.

— C'est parce qu'elle s'inquiète pour toi. Elle t'aime beaucoup alors elle veut être sûre que tu vas bien.

— Je sais. C'est pour ça que je suis retournée à l'école, même si je n'en avais pas vraiment envie. Je ne veux pas lui causer de souci. Et c'est grâce à toi que j'arrive à garder le moral. Je ne te cache que j'y pense encore et que je fais parfois des cauchemars, mais je n'ai plus peur comme avant. Tu as risqué ta vie pour moi, alors je dois garder le sourire et être forte, moi aussi.

Jong-goo lui ébouriffa les cheveux avec un sourire un peu taquin. C'était sa façon à lui de la remercier, de la rassurer et de l'encourager. Un geste qui avait fini par devenir une habitude. Yerin râlait à chaque fois qu'il faisait ça, car après elle était toute décoiffée, mais elle finissait toujours par rire de bon cœur, elle aussi.

Ces moments de bonheur simple ne dureraient pas longtemps, car son procès approchait à grand pas. Jong-goo se sentait un peu coupable à l'idée de laisser Yerin seule, mais il s'était fait une raison. Ce n'était que trois mois et elle pourrait lui rendre visite à raison de deux heures le weekend. Trois mois, ça passait vite.

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Vous lisez