Lendemain soir ; il pleut.
Zhang Ke Liang - 22:21 : Bonsoir, c'est Ke Liang. Madame Lee m'a donné ton numéro. Merci pour le cadeau. À demain.
Joint au message, une photographie du mug rempli d'un liquide jaune pâle qui fume.
Je souris. Peut-être bien que j'ai eu une bonne idée.
~
Nous ne sommes peut-être toujours pas les plus bavards, mais les ingés sons et le producteur sont particulièrement contents de nos performances au studio d'enregistrement. J'ai vraiment l'impression, à travailler avec lui, d'avoir une version chinoise de moi-même. Avec quelques centimètres de moins.
Nous nous corrigeons mutuellement, nous suivons correctement les instructions des ingénieurs, nous faisons avancer l'enregistrement extrêmement vite, au point où nous finissons avec deux heures d'avance sur le planning initial. Le temps que Ke Liang récupère ses affaires, je discute brièvement avec l'un des ingénieurs sons (un stagiaire, il semblerait). Il se fait rappeler à l'ordre et retourne en salle, certainement pour qu'on lui apprenne un détail technique... J'espère que c'est juste ça, en tout cas.
La manager de Ke Liang invite Ha-Rin à leur hôtel, pour parler business dans un endroit plus confortable. Ke Liang me demande, alors qu'il se couvre pour aller dehors :
"Tu viendrais à ma chambre d'hôtel pour qu'on discute un peu ?"
J'opine en souriant un petit peu. Bien sûr que je veux bien discuter avec lui.
"Nous risquons de nous faire sauter dessus par les journalistes en sortant d'ici... ça sera pire si nous sommes deux.
- Bah, ils seront contents au moins."
Il enfile un masque blanc, alors que j'en enfile un noir. Pas de moyen de nous confondre, honnêtement.
La sortie du studio d'enregistrement est tumultueuse. Protégés par les gardes de sécurité qui nous raccompagne jusqu'à la fourgonnette de Ha-Rin, Nous tentons de ne pas trop nous faire bousculer par les flashs, les cris et les personnes. On nous demande l'avancée de l'enregistrement. Comment se passe notre duo. Est-ce que ça se passe bien ? Est-ce que c'est le début d'un long partenariat ?
Avant d'entrer par la grande porte latérale coulissante du véhicule, je me tourne vers les journalistes à la traine, derrière, qui se rapprochent donc de nous.
"Ji, un tout petit mot, s'il vous plait ? Est-ce que le partenariat vous plait jusque-là ?
- Pourquoi il ne me plairait pas ?" m'enquis-je.
- Deux ex-stars de groupes célèbres ensemble, vous avez surpris tout le monde avec ce duo !" Demande une autre journaliste.
- Ke Liang m'a surpris aussi à le proposer. Tout se passe bien jusque ici. Merci."
Je fais un clin d'œil et viens me réfugier dans la fourgonnette. Ke Liang me fixe, incrédule. Je lui rends un regard en biais : "l ne fallait pas que je réponde ça ?
- Non, non. C'est bien. Je réponds jamais à leur sollicitation. Ça me gonfle."
Je hausse des épaules et attache ma ceinture, alors que Ha-Rin tente de s'extraire de la petite masse de personne qui aura difficilement de nouvelles images à se mettre sous les objectifs.
"Ah..." Soupire ma manager, "notre Ji est un gentil, il tente toujours de discuter avec quelqu'un lorsqu'il y a des troupes comme ça. Avec le public aussi.
- Oui," acquiesce Ke Liang en posant sa tempe contre la vitre teintée. "Je sais."
L'arrivée à l'hôtel de Ke Liang nous offre le même rituel. Ke Liang fonce tête baissée jusqu'à l'entrée principale, alors que je me permets de faire des signes de la main. J'ai baissé mon masque pour leur sourire. Je ne sais même plus si je suis sincère dans ce que je fais ou non. En tout cas, ils sont contents. Pas rassasiés, mais contents.
À la réception, nous nous séparons : le clan des managers d'un côté, le clan des artistes de l'autre. Ke Liang m'amène jusqu'à sa chambre, ou devrais-je dire son studio, vers les étages les plus hauts. Il a une superbe vue de Séoul, axé vers le Nord. La nuit, ça doit être somptueux de boire une tasse de thé devant les buildings éclairés, sous le ciel étoilés. Des étoiles au sol et aux cieux.
"Je savais que t'étais pas un grand bavard, mais t'es encore plus calme que je ne le pensais."
Je me tourne vers Ke Liang, surpris de sa remarque. Je lui souris.
"Je suis désolé, je ferai des efforts si je te mets mal à l'aise... À vrai dire, je..."
J'hésite. Ke Liang s'ébouriffe les cheveux et les ramène en arrière. Son regard m'incite à continuer de verbaliser le flux de ma pensée :
"Je me suis toujours demandé pourquoi tu as demandé un feat avec moi et pas avec un autre des princes. Je vais faire un ef-
- Non, ne change pas. C'est parce que t'es comme ça que je voulais être avec toi." Soupire-t-il.
Ke Liang se met en débardeur et s'étale sur le canapé. Il ramène ses jambes et fait signe que je le rejoigne, dans la zone canapé-tv-table basse. Je préfère me mettre en tailleur au sol, proche de lui, devant la table basse. Il a l'air si décontracté et serein. Peut-être encore un peu fatigué. Je ne sais pas. Peut-être a-t-il cet air froid naturellement et que ce n'est pas de la fatigue ? Son sourire est si beau lorsqu'il discute avec les autres.
"J'ai peur de te déranger, pour être honnête.
- Me déranger ? Pourquoi tu me dérangerais ?" Articule-t-il.
- Je..."
Je sens une boule d'angoisse dans ma gorge. Est-ce que je devrais m'ouvrir à lui comme je le fais à Ha-Rin ou Dayoung ? Pour quoi je vais passer si je parle ainsi ? Une fillette ? Je déglutis :
"Tu es très souriant et avenant. Mais, nous avons peu parlé ensemble. J'ai peur de te mettre mal à l'aise. C'est tout."
Il me fixe un long moment avant d'exploser de rire en se pinçant le nez. Ai-je dit une idiotie ? Je me redresse un peu, comme pour fuir, ne comprenant pas la raison de ce tumulte.
"Han Ji-Hun ! Ahlala si j'avais su que t'étais comme ça ! Ah... ahah..."
Il reprend son souffle petit à petit, se penche vers moi et tape brusquement sur mon épaule. En riant ainsi, son accent mandarin se fait plus fort qu'à l'habitude.
"Ji-Hun, si je parlais pas beaucoup c'est que tu m'impressionnais ! Je te suivais à l'époque de 7Princes. T'étais..." hésite-t-il. "...Mon préféré ? C'est comme ça que vous dites ? Le gars au fond qui danse mieux que les autres, a toujours une petite phrase positive et fait des prestations vocales de malade. J'ai jamais compris pourquoi on te mettait jamais plus en avant, en interview, dans les jeux télévisés... Ah..."
Il reprend son souffle avec ce sourire immense que j'ai surpris qu'avec d'autres personnes.
"Je chante et pose avec un gars que j'admire et toi... et toi tu... t'inquiète de me mettre mal à l'aise car tu parles pas..."
Il se redresse et vient s'asseoir en tailleur à mes côtés. Il se tient la joue. Je le vois enfin beaucoup plus décontracté. Un vrai relâchement. Dans l'intimité d'une chambre, il peut enfin discuter et se mettre dans toutes les positions confortables mais peu gracieuses qu'il souhaite :
"Je suis trop content qu'on fasse ce single. Et, qu'en plus t'as l'air de quelqu'un de vraiment bien. Ton KD là, par exemple, je le sens pas ce type. Toi j'ai toujours su." Dit-il en remuant son index pointé sur mon visage, sûr de lui.
"Je ne veux pas parler dans le dos de mes anciens camarades." Dis-je simplement, impressionné.
Ça fait rire de plus bel Ke Liang.
"Ok, pas de commérages. Alors, je t'ai jamais posé la question mais... Ça va ? Le boulot, les amours, la famille. Tout ça."
Je rassemble mes pensées pour lui fournir une réponse cohérente.
"Pour le travail, ça va. On prépare surtout la saison deux de The Last Dragon Savior en faisant la promo de la saison un... Je prépare le single avec toi... Et j'ai des shootings, de-ci, de-là. Je suis content d'avoir, après le service militaire, vite remis le pied à l'étrier.
- Ouais, j'avais peur que t'arrête et que j'ai jamais le temps de faire un feat avec toi~" Roucoule-t-il.
- Je..." Hésitè-je en triturant mes mains. "Je n'ai jamais voulu abandonner. Je ne sais même pas ce que je ferais de ma vie si je n'étais pas dans le show business...
- Ravi d'entendre ça, t'as fait le bon choix finalement," continue-t-il en gardant le sourire. Il fait un signe de la main : "Continue, continue, je t'écoute.
- Je crois que ma vie amoureuse a assez été mise dans les articles. Pour la famille, ça se passe bien. Nous avons une toute petite famille car la plupart des membres sont morts relativement jeunes. Mais, mon noyau à moi, mes parents et ma sœur, ça se passe très bien. Heureusement qu'ils habitent à Séoul.
- Ta sœur, elle est influenceuse, c'est ça ?
- Oui, en parallèle de ma carrière elle a commencé un compte Instagram où elle poste ses voyages, ses trouvailles et aussi, beaucoup de coulisses. Les gens savent qu'elle est "la petite sœur de Ji", mais elle a un assez fort caractère pour que ça soit SON compte et SES choix. Lorsque je faisais mon service militaire, seule sa base de vrais fans est restée. 350 000 abonnés. Elle est ravie. Elle n'a pas abandonné ses études pour autant et... heureusement.
- Grand frère soucieux.
- Bien sûr. Je ne veux pas qu'elle stresse pour rien car elle n'a rien d'autre qu'un compte instagram pour vivre sa vie ! Pas comme... moi.
- Pas comme toi ?
- Si je ne peux plus être sur scène ou devant une caméra, je ne sers plus à grand-chose." Énoncè-je simplement.
- Hm..." marmonne-t-il en malaxant son menton. "Tu peux chanter pour Disney, être danseur pro, interprète plus anonyme, prof de chant, de danse, tu n'es pas sans talent... Plutôt le contraire, en fait."
Il me gêne à me couvrir ainsi de compliments. Je ne sais pas quoi lui répondre. Je crois qu'il comprend ma gêne et me décoiffe en se redressant. À son retour, il ramène des bouteilles de boissons glacées. De l'eau et divers thé, ou eau aromatisées. Aucun soda, ce qui ne m'étonne pas. Je connais peu de collègues danseurs qui s'intoxiquent avec ces poisons sucrés.
Je prends un thé vert non-sucré.
"Merci. Et... et toi ? Ça doit pas être facile de... d'avoir travaillé si loin de chez toi... avec FAIR vous étiez la majeure partie du temps en Corée.
- Hm hm," aquiesce-t-il en buvant des gorgées d'eau. "Pas d'amour, pas de famille. J'ai que ma mère, et je compte bien la sortir de Chine le plus tôt possible. C'est un peu compliqué mais même si je suis très fier d'être ce que je suis, d'être né dans un pays magnifique : je ne veux plus y vivre. Et, je veux ma mère proche de moi. J'aimerais résider en Corée."
Je l'écoute à mon tour, opinant pour montrer mon intérêt.
"Ma mère est cino-coréenne. Elle a eu la bonne idée de pas me le dire avant que je sois repéré par une boite de prod lors d'un concours de danse. J'aurai pu apprendre à parler coréen avant ! J'en ai chié pour rien !"
Il s'agace tout seul et vide d'une autre gorgée sa bouteille de 50cL. Belle descente.
"Bref. Mes années avec FAIR étaient fantastiques. J'ai galéré à m'en remettre pour... ma carrière. Mais là, ça va. Oh,"
Il me frappe au bras, content de repenser à quelque chose :
"Quand j'avais vu que tu avais fait des castings, j'en ai fait aussi. Eh ben devine quoi : on m'a fait comprendre que j'étais très nul en acting et que je ferai mieux de prendre des cours de théâtre. Alors félicitations pour ton rôle, ça doit pas être si simple !" Rigole-t-il.
Je crois que je suis encore plus impressionné par Ke Liang maintenant qu'il est en mode "repos" qu'en mode "travail". Ce qu'il est énergique et bavard ! Il me fait penser à Flora. J'aime bien ces énergies...
"Merci. Mais j'ai été beaucoup dirigé, tu sais. Puis Dong-Bok m'a soutenu, aussi. Seul, j'aurai été... un piètre acteur.
- Mais une série c'est un travail de groupe. Pourquoi tu te sentirais moins bon car tu as eu besoin d'autres personnes pour progresser ? On n'est jamais seuls dans nos métiers.
- Je n'avais jamais pensé à ça, à vrai dire."
Ke Liang me sourit et s'étire, pour se remettre contre le canapé, pieds en tailleur sous la table basse. J'ai l'impression de ravoir la proximité que nous avions entre les princes du groupe. Dans un moment de repos, décontractés, entre personnes de nos âges. Je crois que ça m'avait un peu manqué. Ke Liang regarde la TV, dont les sous-titres sont activés. Ainsi, il ne lit plus qu'il n'écoute, au cas où je me remettrais à parler, peut-être.
Ce sont des informations.
De la politique, des faits divers, la météo ensuite...
Lorsqu'une actualité évoque la Chine, une connexion se fait. Je me tourne vers lui :
"Ke Liang, au fait. J'avais une idée pour le concert."
Le jeune homme se penche en ma direction. Tiens, il a une petite tache noire à côté de la pupille.
"Nous chantons le refrain en anglais et les moitiés des deux couplets dans nos langues natales respectives. Pourquoi est-ce qu'on ne chanterait pas le couplet de l'autre, pour le second couplet ?"
Il cligne des yeux, surpris.
"Tu me demandes si, pour le second couplet, je chante ta partie en coréen et toi tu chantes ma partie en mandarin ?
- C'est ça.
- Mais tu parles pas mandarin.
- J'ai appris le couplet. Je sais que vous ne chantez pas les tons, donc c'est plus simple, c'est du par cœur. Ce ne sont que 4 vers. Ça fera un effet de surprise ; comme si... Je volais ton micro pour chanter à ta place. Dans la danse je peux largement le faire au dernier moment."
Il médite un instant sur la proposition et demande : "Chante le couplet.
- Maintenant ?
- Maintenant."
Ke Liang se tient le menton, index cachant sa bouche. Son regard froid est revenu, il m'observe attentivement. Je me racle la gorge, me redresse pour respirer correctement puis chante son couplet. J'espère ne pas me tromper. À vrai dire, je n'en sais rien, comme je ne comprends pas ce que je chante.
"Recommence.
- C'était faux ?
- Recommence, Ji-Hun."
Son ordre me fait frémir. Il me fixe sérieusement. Okay, okay... Je recommence le chant, sans changer ce que j'ai appris par cœur. Je dois être confiant...
"Recommence encore."
Il me fait sérieusement douter de ce que j'ai appris. Qu'est-ce que j'ai mal prononcé ? Je respire doucement, reprenant mon calme. Puis, je chante une nouvelle fois, en le regardant droit dans les yeux. Il ne fléchit pas et opine à la fin.
"C'est parfait. T'es... t'es parfait."
Je me détends enfin.
"Ça me va, que tu me voles le micro. Les ingés sons ne seront pas très contents que tu prennes mon micro calibré à ma voix.
- Je modulerai ma voix.
- Donc tu pars du principe qu'on ne leur dira pas ?"
Je rougis un peu. Oh non, peut-être qu'il n'aime pas ça.
Ke Liang sourit comme un enfant sur le point de faire une connerie. Espiègle, ravi de l'idée et enthousiaste à l'idée de la faire.
"Je, euh...
- Ji-Hun." Souffle-t-il. "C'est trop cool comme idée."
Mini bémol sur ce chapitre : la partie où Ke Liang lui dit (en gros) : vas-y, balance tout, je t'écoute. J'aurais amené la conversation de manière plus fine, avec une série de questions plus ciblées. Mais c'est un petit détail, car le reste de la conversation fonctionne bien, à mon avis.
Sache que ce récit est une sorte de V1, finalement, et que je me rends compte au fur et à mesure de l'écriture que j'ai fait trop ceci, ou pas assez cela. Je trouve effectivement que cette transition était peut-être un peu précipitée. Je travaillerai davantage ce dialogue dans la V2. Merci beaucoup :)
(Je me demande de quoi tu te doutes, ce que tu espères de ces nouvelles fréquentations. Après tout, il n'y a pas de tags AO3 pour aider, haha !)