Chapitre 14

Notes de l’auteur : Bonne lecture ^^

chapitre réécrit

Rhen me regardait avec des yeux immenses. J’y voyais briller une admiration et une surprise manifeste. S’il avait eu des doutes quant à ce que je m’apprêtais à lui dire, ceux-ci furent balayé pour de bon. Mon estomac était noué. J’avais peur de sa réaction, j’avais peur de son regard. Mais, une fois lancée, je fus incapable de m’arrêter de parler.

– Vous l’avez sûrement compris à mes yeux violets, dis-je d’une voix tremblante après un silence. Je suis née sous une pleine lune, sous l’égide d’Asling, le Dieu des Rêves.

En me tournant vers la fresque, mon regard se fit soudain plus triste.

– Si on en croit les prêtres du Temple, ça veut dire que je suis une rêveuse à l’esprit vagabond. Ça veut aussi dire que je suis prédestinée à rencontrer un jour Asling en rêve, que nous sommes liés, que, par le destin et les étoiles, je suis une de ses filleules.

Un silence.

Je repensai à tous mes rêves, à Ciaran que j’étais certaine d’avoir éveillé, à son ombre qui me suivait… Je me tournai vers Rhen.

– Donc, résuma-t-il lentement, votre pouvoir s’est manifesté lors de votre septième année.

Je hochai la tête.

– Qui d’autre est au courant ?

Je déglutis.

– Rihite a été le premier à le savoir, expliquai-je lugubrement. Il l’a tout de suite senti et m’a appris à maîtriser mon don. C’est lui qui m’a conseillé de ne le dire à personne.

– Mais Liam est au courant.

J’opinai de nouveau.

– J’en ai d’abord parlé à Marietta, un peu après la mort de Rihite. C’est là qu’elle a commencé à s’inquiéter pour moi.

– Elle a peur que l’histoire ne se reproduise, comprit Rhen en fronçant les sourcils.

Nouveau hochement de tête.

– Elle m’a conseillé de garder le secret, et je l’ai fait. Mais Liam faisait tellement de cauchemars quand il était petit… dis-je en fermant douloureusement les yeux, comme pour chasser ces effroyables souvenirs. Je passais presque toutes mes nuits à les combattre, j’étais épuisée. Alors je le lui ai dit. Les cauchemars se sont raréfiés et ses nuits se sont apaisées. Savoir que j’étais à ses côtés le rassurait.

– Et vos autres sœurs ? Vos parents ?

– Personne d’autre n’est au courant.

– Pas même votre tante ? fit-il sincèrement étonné.

Je secouai la tête.

– Comment pourrais-je lui dire ça alors qu’elle a tant de choses à faire ? Marietta se fait suffisamment de souci pour moi, je ne veux pas inquiéter quiconque d’autre.

Rhen me regarda tristement, comme lisant le poids de mon secret sur mes épaules. L’empathie dans son regard me serrait la gorge. J’avais envie de pleurer.

– Pourquoi me révéler tout ça ? demanda-t-il finalement, presque peiné par sa propre question. Pourquoi maintenant ?

Je serrai la serviette plus fort autour de moi, passant d’un pied sur l’autre.

– Honnêtement ? Je n’en sais rien. Je suis complètement perdue, et fatiguée, et…

Un silence.

– … terrifiée.

Rhen releva les yeux, les sourcils froncés.

– Terrifiée ? Comment ça ?

Face à mon expression, Rhen se décomposa, réalisant brusquement ce que je cherchais à lui dire depuis le début de cette discussion.

– L’histoire se répète, c’est ça ?

Je me tournai vers lui, les lèvres tremblantes. Les sanglots me brûlaient la gorge à force de les retenir alors que les larmes débordaient à mes yeux.

– J’ai fait une bêtise, dis-je d’une voix étranglée en tripotant la clé d’Asling. J’ai fait une grosse bêtise…

À bout, je m’effondrai. Rhen se précipita vers moi pour me prendre dans ses bras. Et je pleurai, je pleurai si fort que j’eus l’impression de me noyer dans mes propres larmes. Rhen me serra plus fort contre lui, me cajolant, me berçant. Je m’accrochai à lui comme à une bouée. Je me sentais si seule, tellement écrasée par ce fardeau que je trainais douloureusement depuis la mort de Rihite. Il me fallait en parler, le partager.

Alors, je parlai. Je déversai toutes mes peurs, mon chagrin, mes angoisses et mes cauchemars en un flot de paroles et de larmes ininterrompues. Je lui racontai tout. Les cauchemars que je dévorais, le bal où j’avais rencontré Ciaran, ses murmures et son ombre qui me hantaient dès lors, ma peur permanente de le recroiser, mon incapacité à arrêter de voyager dans les rêves et finalement le rêve de Calista, celui où j’avais créé un cauchemar, comme j’avais failli le relâcher dans son rêve par jalousie mesquine, son goût dans ma bouche…

Rhen m’écouta patiemment pendant toute ma litanie, caressant mes cheveux, me berçant avec douceur. Au bout d’un moment, je m’écartai, les yeux rougis. Rhen pencha la tête, cueillant une larme au coin de mes cils.

– Vous n’êtes pas un monstre, Adaline, me dit-il d’une voix douce.

Je relevai des yeux bouffis sur lui. Il repoussa une mèche humide derrière mon oreille.

– Vous avez hérité ce don d’Asling, mais Ciaran n’est pas le seul à tisser des cauchemars.

– Quoi ?

Je le regardai, perdue.

– Asling n’offre pas uniquement de beaux rêves. Mais il y a tout de même une différence. Asling tisse des cauchemars pour transmettre des messages aux rêveurs alors que Ciaran se délecte de la peur qu’il engendre. Là où c’est un moyen de communiquer pour le Dieu des Rêves, pour son frère, ce n’est qu’un jeu.

Je méditai ses paroles de longues secondes. Je n’y avais jamais pensé et cette réflexion si pragmatique me rassura.

Je soupirai, épuisée et posai le front sur la poitrine de Rhen.

– Je ne sais plus quoi faire, Rhen… avouai-je d’une petite voix. Je suis complètement perdue…

Rhen hésita un instant avant de me serrer dans ses bras. Contre lui, je sentis le chagrin et la peur me quitter lentement. Sa chaleur était agréable, apaisante. La joue contre sa poitrine, j’écoutais son cœur battre doucement. Ce son était si doux, si rassurant.  Je m’y sentais si bien… j’aurais voulu rester ainsi pour toujours.

– Vous n’êtes pas seule, murmura Rhen à mon oreille.

Je frissonnai en l’entendant. Puis ses mots se frayèrent un chemin jusqu’à mon esprit et les larmes me remontèrent aux yeux. Je l’entourai à mon tour de mes bras, le serrant contre moi, soulagée de ne plus porter ce fardeau toute seule, heureuse d’avoir enfin pu le partager avec quelqu’un.

– Tout ira bien. Nous trouverons un moyen d’empêcher l’histoire de se reproduire.

J’ouvris soudain les yeux et m’écartai pour le regarder bien en face.

– Vous…

Les mots s’emmêlaient sur ma langue.

– Vous allez m’aider ? Mais… nous parlons du Dieu des Cauchemars ! Comment pourrais-je l’affronter ? Comment pourriez-vous l’affronter, vous ?

Un sourire étira ses lèvres, le premier depuis notre arrivée dans la grotte.

– Disons que vous n’êtes pas la seule à garder des secrets.

– Quoi ?

J’étais complètement perdue.

Rhen se détourna, sa main serrant toujours la mienne. Elle était chaude et douce. Je n’avais pas envie de la lâcher.

– La pluie s’est calmée, annonça-t-il soudain en se tournant vers moi. Nous devrions en profiter. Venez.

Je lui souris faiblement et le suivis.

De retour au manoir, nous évitâmes soigneusement de croiser les autres membres de la famille. Devant la porte de ma chambre, Rhen s’arrêta et m’embrassa sur la tempe.

– Nous nous reverrons tout à l’heure, sourit-il. Et ne vous inquiétez pas, tout ira bien.

Il me lâcha et s’écarta avant de disparaître dans les escaliers. Je restai plantée là un moment, interdite, avant de réaliser soudain. Mes joues devinrent brûlantes et je plaquai mes mains gelées dessus.

Marietta choisit cet instant pour apparaître à l’angle.

– Adaline ? Mais qu’est-ce que tu fais encore là ? Va vite te changer, on va bientôt y aller. Bon sang, mais où as-tu encore traîné ? Tu es trempée… Viens, dit-elle sans même me laisser le temps de répondre, il te faut prendre un bain.

Et elle m’emporta dans la salle de bain sans un regard en arrière. De mon côté, j’avais l’impression de flotter.

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Tac
Posté le 11/09/2022
Yo !
J'ai oublié de dire que je pensais qu'on verrait baeaucoup plus le personnage de la tante (enfin je crois que je l'ai pas dit ? je sais plus... pardon si je me répète !). J'ai l'impression qu'elle est très sous-exploitée. Son seul intérêt a été d'amener le personnage de Rhen, autrement je ne lui vois pas de réelle raison d'existence dans l'intrigue...
Est-ce moi qui ai oublié, ou on ne connaît pas le mois de naissance de Rhen ? C'est pas un truc qu'on dit assez rapidement quand on rencontre les gens dans ce monde ? Le déséquilibre d'apport d'informations entre Rhen et A me perturbe. J'ai l'impression que R en sait bien plus sur A qu'inversement. ça créé, je trouve, une étrange dynamique de pouvoir à laquelle je goûte assez peu (en plus, le trope du garçon mystérieux, j'avoue que c'est pas trop mon truc...) (bon la romance, en particulier hétéro, en général, j'aovue que j'avais pas trop fait gaffe en choisissant ton histoire que y avait "romance" en tag, donc je ne peux m'en prendre qu'à moi^^).
Plein de bisous !
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