*Martin
On a travaillé sérieusement pendant presque trois heures. Je lui suis reconnaissant de ne pas avoir essayé d’aborder de sujet sensible. Je n’aime pas parler de ma mère.
Nous faisons une pause sur le canapé du salon.
- Il y a une question que je me pose depuis longtemps.
- Hum ?
- Comment c’est possible qu’aucun homme ne t’ait encore touché ? Je veux dire …Si je t’avais connu au lycée par exemple, j'aurais tout fait pour t’approcher. Est-ce que tu repoussais tous ceux qui tentaient ?
Elle sourit mystérieusement.
- Tu penses qu’aucun homme ne m’a jamais … touché ?
Je ne peux empêcher mes yeux de s’écarquiller sous le choc.
- Qu’est ce que tu veux dire ? On t’a déjà embrassé ? Non ça je le savais déjà. On t’a déjà …
Elle laisse échapper un petit rire irrésistible.
- C’est vrai que je suis plutôt inexpérimentée mais j’ai été une ado plus ou moins normale. Dès le collège, j’ai eu plusieurs petits copains, rien de jamais sérieux bien-sûr. J’étais … amoureuse de l’amour. Je cherchais de la romance de partout, je cherchais les histoires d’amour de mes livres dans la réalité. Mais ça n’était jamais pareil, étonnant hein ? rigole-t-elle. Au lycée j’ai eu un petit copain qui avait la majorité, Clément. On sortait ensemble, on s’embrassait, on discutait. Il m’attirait vraiment.
Elle s'interrompt et sourit en repensant à ces souvenirs.
- J’aime beaucoup embrasser. D’ailleurs quand je suis alcoolisée, j’ai envie d’embrasser tout le monde, dit-elle en rigolant d’elle-même.
- Et tu vas me dire que ce gars n’a jamais tenté de …
- Oh, hum…quand ça a commencé à devenir sérieux …j’ai rompu. Je n’étais pas prête. Si c’était aujourd’hui, je pense que je n’hésiterais pas…
Un petit sourire coquin et adorable se tisse sur ses lèvres alors que ses yeux se perdent dans le vague. Ouch. Mon orgueil en prend un sacré coup. Je pensais bêtement que j’étais le seul homme qu’elle convoitait. Such an idiot.
- Pourquoi tu ne le recontactes pas, alors ? je lui demande comme un con.
- Je ne vais pas forcer le destin. Je ne vais pas juste lui écrire parce que peut-être je pourrais coucher avec lui.
Elle s’arrête un instant.
- Après je n’ai pas eu d’autres histoires, quelques flirts par ci par là. Et j’ai découvert les soirées, les sorties en boîte, l’alcool.
Je crois comprendre qu’il a dû se passer d’autres choses durant ces différentes expériences. Elle doit percevoir mes questions inaudibles parce qu’elle continue :
- Il y a eu cette fois: Une amie du lycée organisait une soirée chez elle. Elle avait déjà 18 ans et sortait avec un gars plus âgé. Donc à sa soirée, il y avait des amis de son mec, tous plus âgés que nous. Je ne me rendais pas compte que j’étais dans une fosse aux lions. Pour le coup, j’étais vraiment innocente à cette époque. J’ai beaucoup bu. Le rhum a été mon premier poison. J’ai eu des discussions très intéressantes avec différents garçons. L’un deux après une conversation sur la similarité du comportement canin en meutes et de nous, humains, a voulu danser. Il est devenu autoritaire, voulait me forcer à me déhancher d’une certaine façon contre lui. Mais je l’ai vite remis en place. Et je m’en suis détournée pour le reste de la soirée. Un autre gars avec qui j’avais bien sympathisé toute la soirée, qui était très respectueux, a fini par venir dormir dans le même lit que moi. A ce moment-là j'étais vraiment, vraiment saoule. Je ne contrôlais plus rien et j’avais confiance en ce gars. Je n’imaginais pas qu’il tente quoi que ce soit. Moi, je voulais juste me sentir en sécurité auprès de lui, je voulais qu’il soit un ‘ami-doudou’. Oui je sais, c’était stupide. Quand il a commencé à m’embrasser, j’ai compris que j’étais dans la merde. J’étais dans un tel état d’ébriété que je ne pouvais rien faire d’autre que l’étoile de mer. Le seul truc que je suis parvenue à faire, c'est de lui dire que je ne voulais pas qu’on le fasse. Il l’a entendu. Et il n’a pas couché avec moi. Mais il a quand même profité de mon état. Il ne devait pas se rendre compte de mon innocence du moment, ni de mon état léthargique. Il m’a dit d’ouvrir la bouche. Je ne pouvais rien faire d’autre que de subir sa langue dans ma bouche. Il s’est un peu frotté à moi, et m’a pénétré avec ses doigts. Je crois que j’ai encore dû marmonner que je ne voulais pas qu’on fasse plus. Je ne sais plus trop comment ça a fini. Mais ça s’est arrêté là. Je me suis sentie tellement honteuse et … stupide et …
Son regard se perd dans le vague. Je ressens une telle rage contre ce gars. Elle finit par remarquer ma crispation et fronce les sourcils.
- Dis-moi ce que tu penses, s’il te plaît, m’implore-t-elle un peu inquiète.
Je respire difficilement et décide d’être honnête.
- J’ai envie de frapper ce gars.
Elle est surprise.
- Pou-pourquoi ?
- Il a profité de ton état. Il ne t’a pas demandé si tu étais d’accord. Il ne s’est pas demandé si tu étais consentante. Il … a souillé cette …magnifique …bouche.
C’est bizarre. J’ai vraiment envie d’elle, là.
- Et à cause de lui, tu crois que les hommes ne te voient qu’à travers le prisme de leur bite. Oui, je sais, ça paraît très hypocrite pour moi de dire ça. Bien que je sois énormément attiré par toi, t’es la première fille que j’envisage de considérer comme une amie.
Non ce n’est pas étrange du tout finalement. Regardez là. Cette bouche pleine et bien dessinée. On dirait que quelqu’un en a tracé les contours nettement. Son arc de cupidon est … Il semble être là pour attiser la faim des hommes et des femmes.
Sa peau est légèrement halée, je sais qu’elle aime les bains de soleil.
Elle me laisse la dévisager sans rien dire. Mais je vois bien qu’elle ne sait quoi penser de mon comportement. Je veux savoir … J’aventure ma main vers son visage. Je m’arrête, pas sûr de ce que je fais. Elle se fige davantage, comme si c’était possible. Elle entrouvre légèrement les lèvres, incertaine de ce qui se passe. C’est moi qui me fige maintenant, les doigts à quelques centimètres d’elle. Est-ce que j’ai le droit de faire ça ? Mais regardez la. Comment aucun homme n’a pu encore l’aimer ? Mon pouce effleure sa joue. J’ai dû mal à respirer. Oh ? Sa poitrine semble se soulever de façon plus saccadée. Je ne peux pas me retenir quand elle se mord inconsciemment la lèvre comme ça, en regardant ma bouche avec tant d’envie.
- S’il te plaît, je vais te demander de ne pas bouger. Dis-moi juste si tu veux que j’arrête. À tout moment.
Elle déglutit péniblement. Mon corps va faire exploser ma poitrine, à battre si fort.
Je fais glisser ma main derrière son oreille et attrape légèrement ses cheveux, pour tourner son visage vers moi. Je me penche et embrasse imperceptiblement sa lèvre inférieure. Elle est pulpeuse, douce, chaude, si goûteuse. J’en veux encore. J’essaie sa lèvre supérieure. Sa bouche entière est faite pour les baisers. Je n’ai jamais eu aussi faim. J’ai du mal à me contenir.
Dans une dernière once de raison, je décolle ma bouche de la sienne et m’écarte légèrement d’elle pour sonder son regard.
- Please. Don’t. Stop, murmure-t-elle.
J’ai l’impression que mon cœur fait un bond dans ma poitrine. Je n’ai jamais rien vu d’aussi irrésistible de ma vie. Je ne peux rien faire d’autre que l’allonger et reprendre ce baiser qui ne peut être que défendu pour être si bon. Ma langue s’introduit, affamée et quand je trouve la sienne, que je l’entends gémir à ce contact, j’ai l’impression de mourir. Ses mains s’aventurent enfin. Ses petites mains se baladent sur ma nuque, passent dans mes cheveux, et osent même passer sur mes épaules et descendre légèrement sur mon torse. Elle va sentir à quel point mon cœur bat fort sous l’effet de ses caresses innocentes sur mon corps. Ma main droite s’immisce dans le creux de sa taille au moment même où elle creuse ses reins et les décolle du sofa.
Je n’en peux plus, si son corps me demande comme ça, je vais lui faire sentir le poids de mon désir. Soudain, je repense à l’épisode qu’elle m’a raconté et j’ai peur de la brusquer. Elle ouvre les yeux et me regarde, mais je n’arrive pas à lire ce qui se passe dans sa tête. Puis son visage prend soudainement une teinte rosée.
- Est-ce que ça va ? Est-ce que tu veux que j’arrête ? je lui demande sans desserrer mon étreinte.
Je redoute sa réponse. J’ai l’impression qu’elle a arrêté de respirer.
- Hé, respire.
Mais d’un coup, elle saisit mes cheveux à l’arrière et m’embrasse fiévreusement en glissant en deux temps « Don’t. Stop. » Purée je ne vais pas m’arrêter. Ma main droite la tire toujours plus vers moi, en même temps que ma bouche dévore son oreille, sa mâchoire, le creux de sa gorge, sa clavicule … Mais ce n’est pas suffisant. J’en veux plus.
Je me redresse pour retirer mon t-shirt à la hâte. Je la vois rougir encore à la vue de mon torse nu. Sa candeur me tue de désir.
Je la relève et la pose à califourchon sur mes genoux.
- Pose tes mains sur moi, lui dis-je, confiant.
Elle s'exécute puis, les deux mains appuyées sur mes pectoraux, le regard si intense, elle lâche « Don’t toy with me ».
Je la regarde, abasourdi, comme si je me réveillais d’un coup d’une illusion qui avait duré trop longtemps. Mais qu’est ce que je suis en train de faire ? Je ne peux pas juste prendre sa virginité comme ça. Je ne suis pas un tel connard, si ?
- Je suis désolé.
Je la repousse doucement et la pose à côté de moi, à un mètre de distance de mon désir honteux. Elle est si légère, je pourrais faire ce que je veux d’elle.
Elle baisse les yeux, soudainement gênée.
- Je suis désolé. Je me suis laissé emporter. Je ne peux pas te donner ce que tu veux.
- Ce que je veux .. ?
- Une histoire sérieuse. Je ne fonctionne pas comme ça. On peut prendre du bon temps ensemble. Mais c’est tout. Rien de plus.
- All right. »
Elle bondit sur ses pieds, rajuste ses vêtements, remet ses cheveux en ordre à la hâte, sans aucun regard pour moi.
Elle attrape son sac et ses chaussures, ne prend même pas le temps de les enfiler et sort en claquant la porte.
Je pense un instant la rattraper pour qu’on s’explique davantage mais quelque chose m’en empêche. Et je reste assis là sur ce canapé, le torse nu, refroidi et encore brulant à la fois, mon sexe toujours gonflé par mon envie d’elle, les cheveux ébourriffés.
C’est quoi mon problème ? Je ne peux pas contrôler mes pulsions sexuelles plus que ça, sérieusement ? Mais c’est que je ne suis pas sûre d’avoir déjà ressenti un tel appétit avant. Je me suis senti comme un adolescent possédé par ses hormones.
Elle a dû interpréter ça pour des sentiments bien plus purs qu’un simple désir charnel. Si elle n’était pas si inexpérimentée, elle ne prendrait pas ça si sérieusement. Pourquoi elle doit prendre ça si sérieusement ? J’aurais tellement voulu la prendre, fort, sentir son dos glisser sur le velours du sofa au rythme que je lui impose, l’entendre gémir et grogner, mordre son oreille, sentir l’odeur de ses cheveux, entrelacer mes doigts aux siens, pendant que je la remplis entièrement avec mon sexe.
Il est temps de prendre une douche froide. Je n’ai jamais eu à expérimenter ça. Prendre une douche froide. J’ai toujours pensé que c’était une façon de parler.
Maintenant que l’eau glacée coule sur ma tête, ruisselle sur mon dos et anesthésie doucement mon corps, je comprends que je ne dois pas être le premier homme à vraiment vivre cela au sens propre.
J’y reste un quart d’heure. Quand je sors de la douche, mes dents claquent sévèrement.
« Call it a night » me dis-je à moi-même, avant de m’engouffrer sous la couette de mon lit et de tomber dans un sommeil comateux.
*Emilie
Je me sens tellement humiliée et honteuse. Pour lui, je n’étais qu’une femme de plus avec qui il allait coucher. Je me suis laissée aveugler par mon désir d’être plus que cela à ses yeux.
J’aimerais prendre les choses avec plus de désinvolture, comme lui. Peut-être que je devrais m’ouvrir davantage. Avant lui, je ne savais pas ce que c’était que de désirer un homme. Maintenant que je sais, je devrais peut-être expérimenter, me laisser aller à découvrir la sexualité, MA sexualité.
Mais je ne suis pas sûre de vouloir ça avec un autre homme que lui. Et si je me laisse aller avec lui, est ce que je serais capable de lui laisser sa liberté ?
Il pense que je suis innocente et naïve. C’est un tel cliché. Je n’ai pas choisi de tomber amoureuse de lui et d’être encore vierge. Je sais parfaitement ce qu’il se dit. Il pense que je prends mon attirance pour lui pour de l’amour parce que je suis inexpérimentée avec les hommes. Je suis inexpérimentée mais je ne suis pas stupide. Il n’est pas le premier homme que je rencontre. Ni même mon premier baiser. Ce n’est pas la première fois que j’ai l’occasion de vivre cela avec un homme. Je sais que je peux plaire. C’est vrai que je ne connais pas tellement les jeux de séduction. Il doit penser que tout cela se confond dans ma tête.
Je vais lui montrer que je peux jouer moi aussi. Et que je sais très bien où j’en suis.
S’il ne me veut pas, d’autres me voudront. Je peux jouer innocemment avec d’autres hommes sans avoir à vivre quelque chose que je ne voudrais pas. S’il ne ressent vraiment rien d’autre pour moi que du désir sexuel, il faudra bien que je fasse mon deuil. Mais ma virginité n’aura aucun pouvoir sur le devenir de toutes ces histoires. Ça, je refuse.