Chapitre 14 : Armes

Par Camice

La silhouette à peine descriptible d’Ariane se fondit dans la pénombre du bâtiment.

Maï Rose était seule. Elle ne parvenait pas à quitter son regard du grand bâtiment, attendant le possible retour de son amie qui avait disparu à l’intérieur.

– Rose ! Viens t’entraîner !

A regret, ses yeux se détournèrent du château sombre pour se poser sur sa nouvelle collègue, Nonita.

Maï Rose lui esquissa un sourire, la jeune fille était si pimpante et chaleureuse, c’était vraiment agréable dans ce monde où tout le monde semblait avoir perdu le sourire.

BAM

La jeune fille sursauta pour regarder d’où venait le bruit, Sofia examina son arme avec un sourire.

– En pleine tête !

Et Sofia bien sûr... Songea la collégienne avec angoisse. Ce n’était pas le même type d’enthousiasme. Le sourire de Nonita était réconfortant, celui de Sofia lui donnait des sueurs froides, et ça, sans compter ses dents pointues qui ne présentaient rien de bon.

Malgré tout, la loup garou avait bon caractère, et ses blagues, bien que parfois lourdes, étaient amusantes et détendaient l’atmosphère. Sofia était pleine de qualités, il suffisait juste de bien l’observer, et de ne pas porter attention sur sa soif de- d’amusements.

– T’as vu ça, Rose ? s’exclama la loup garou.

– Oui, oui, tu es très forte au tir.

– Je suis forte en tout ! Mais ce n’est pas là où je suis la plus douée !

Intriguée, Maï Rose se fit néanmoins devancer par sa collègue.

– En quoi est tu la plus douée alors ? demanda joyeusement Nonita. La planification ? Le corps à corps ? Le dressage ? Le camouflage ?

– Wo calme toi jeune fille. pesta Sofia en grinçant des dents. Ma spécialité c’est les faucilles.

– Les faucilles... Pour l’herbe ? s’étonna la collégienne.

Nonita se couvrit la bouche puis pouffa et Sofia éclata de rire sans la moindre retenue. 

Maï Rose sentit ses joues s’empourprer et elle rit nerveusement avec elles. 

– Quoi ? Vous n’utilisez pas les faucilles pour couper l’herbe ?

– On coupe l’herbe à la faux ! rit Nonita, les larmes aux yeux. Les faucilles ne s’utilisent qu’au combat depuis bien longtemps !

– Oh... D’accord...

– Franchement, comment t’as pu survivre à la campagne sans savoir ça !

Pourtant, elle habitait à la campagne, sur Terre, mais bien loin de celle moyenâgeuse qu’ils possédaient ici sur Errêt. La gorge de Maï Rose se serra. Peut être valait mieux qu’elle arrête de parler, juste le temps qu’Ariane revienne. 

Sans un mot, la jeune fille reprit sa session de tir sur le mannequin. Les deux autres filles ne tentèrent pas de l’importuner cette fois-ci, mais le général qui venait d’arriver, Eol, les fit changer d’arme. Il était maintenant le seul à s’occuper des apprentis. Octave devait prendre une pause.

Encore une fois, le général expliqua en long et en large comment utiliser l’arme ainsi que quelques règles de sécurité.

– On ne vise pas un allié, on ne met pas en joue tant qu’on n’est pas sûr de tirer. Vous allez vous entraîner face aux arbres maintenant. Le but n’est pas de savoir viser mais de réussir à manier les Lacies SR2.

Le général Eol s’approcha de chacun d’entre eux et leur remit l’arme. Maï Rose retourna à sa place, suivie de près par les deux autres filles. L’arme était bien plus lourde que la première, comme allait-elle pouvoir manier quelque chose qu’elle pouvait à peine porter à bout de bras ?

– Tu n’es pas censé le porter comme ça ! lui sourit Nonita en s’approchant. Pose la crosse contre ton épaule, tu vois la différence ?

 

Non. C’est toujours aussi lourd. se retint de marmonner Maï Rose à voix haute, elle ne devait plus parler. Elle se laissa guider par les gestes de sa collègue qui mettait l’arme correctement dans ses mains. 

– Vas-y, essaie de tirer ! Ah ! Non ! Attends !! S’affola soudainement Nonita en la forçant à baisser son arme.

La jeune recrue lui montra le coin de forêt sur lequel Maï Rose s’apprêtait à tirer. A cet endroit là, un petit museau noir sortit des hautes herbes, avec deux grands yeux bleus. Sa silhouette allongée d’un chat se dévoilait à pas prudent, se rapprochant des deux filles armées.

– Un chat ? s’exclama Maï Rose, surprise.

– Oh oui ! Il est trop mignon ! pépia Nonita en tentant de le faire approcher. Viens mon petit...

– Ah chouette ! Une cible mouvante !

Un frisson d’effroi s’empara de la jeune fille qui se précipita sur Sofia qui tenait déjà le chat en joue.

– Non ! Tu ne peux pas faire ça !

La loup garou la regarda sans réelle émotion, puis lui sourit.

– D’accord.

– C’est un être vivant et- d’accord ?

– Ouais, si vous voulez pas, c’est pas grave, je me trouverais des oiseaux à chasser. rit Sofia en montrant le ciel clair.

Elle pense que c’est un jeu...? se demanda Maï Rose avec angoisse. Le chat était sorti de sa cachette et se frottait à la main de Nonita. Il n’est pas effrayé par les tirs de fusil ? Le chat ne semblait même pas réagir au coup de feu tout proche de lui. Pire, il venait de l’endroit où elle et Nonita étaient en train de tirer. S’il était sorti pendant nos tirs plus tôt... J’aurais pu... La jeune fille éloigna cette pensée de son esprit, bien sûr que non, jamais elle, ou qui que ce soit ici, n’aurait osé s’en prendre à un animal sans défense.

Maï Rose posa son arme dans l’herbe et s’approcha de la jeune fille qui parlait au chat.

– Tu en as fait du chemin pour venir me voir, hein ? Ah-

Au moment où la collégienne voulut caresser l’animal, celui-ci prit la poudre d’escampette sans même se retourner. Maï Rose adressa une grimace à sa collègue : 

– Désolé... Tu aimes les chats ?

– Oh, c’est pas grave, j’adore les chats, ils sont trop mignons ! s’exclama Nonita en se relevant, le regard braqué sur la forêt. Celui-ci vient me rendre visite tous les jours sur le champ de tir.

– Il n’a pas peur des... tirs justement ?

– Oh non, il lui en faut bien plus que ça pour prendre peur.

– Moi...?

Nonita s’arrêta de regarder les bois pour dévisager la jeune fille, incrédule.

– C’est vrai ça, il n’approche jamais personne d’autre que moi...

– Je n’ai jamais été populaire auprès des animaux de toute façon. rit la jeune fille en retournant chercher son arme. Tu viens ?

Nonita restait figée sur les bois sombres, impossible d’y apercevoir le chat noir. D’un ton nerveux, elle lança à Maï Rose sans se retourner.

– Je vais faire un tour dans les bois...

– Hein ? Pourquoi ?

Sa jeune collègue finit par se retourner, se dandinait sur place et les yeux suppliants. 

– J’ai besoin de faire un tour. Voir si le chat va bien !

Maï Rose observa Nonita avec surprise, elle s’inquiétait vraiment autant pour ce chat ? Il devait appartenir à quelqu’un, sinon il serait bien plus maigre.

– Dix minutes ! Maximum trente, couvre moi et je te le revaudrais, je te promets.

Maï Rose lança un regard vers le Général Eol qui était occupé à montrer à d’autres recrues comment utiliser le fusil.

– ... D’accord, mais reviens vite ! finit par dire Maï Rose après un moment de silence.

– Oh ! Merci ! Merci, Rose ! Tu es la meilleure ! Je suis vraiment trop heureuse de m’être retrouvée avec toi ! On va devenir meilleures amies !

Dans la même précipitation, la jeune fille mis sa casquette et fila dans la forêt, faisant des signes à la collégienne qui se contentait de la regarder partir. Sans tirer, bien sûr.

Une fois hors de vue, Maï Rose arma à nouveau son fusil, la crosse posée sur l’intérieur de son épaule.

A peine elle eut effectué quelques tirs, qu’une grande ombre assombrit son champ de vision. Le général Eol se tenait à côté d’elle et l’observait tirer sur les arbres. Pourvu que Nonita ne décide pas de revenir maintenant...

Le général était grand, les cheveux blancs, mais il n’avait pas l’air si vieux que ça, 40 ans au maximum. Et puis il y a encore ces yeux jaunes.

– C’est un bon début, marmonna le grand homme, avant d’observer les alentours. Où se trouve votre camarade ?

Soudainement, tout l’air environnant semblait avoir été drainé.

– Elle était là il y a quelques minutes pas vrai ?

Son regard se dirigea vers la forêt, à court de mots et de souffle.

– Je... Je ne sais pas... Elle est partie dans la forêt pour s’aérer.

Le général plissa ses yeux sur la jeune fille, un air hautain au visage. 

– Dans la forêt mm ?

– Oui. s’empressa de répondre Maï Rose, le teint pâle.

– Dis lui de venir me voir à la fin du cours. Et continue de t’entraîner.

– Oui, monsieur.

– Général.

– Oui, général. répéta la jeune fille sans attendre.

L’homme laissa échapper un long soupir.

– Ne laisse pas Nonita t’ embrigader dans ses aventures. Elle finira pas avoir des ennuis, ce n’est pas ce que tu veux ?

– Non, général.

– Bien, retourne t’entraîner.

Le général Eol s'éloigna examiner les tirs d’autres recrues, Maï Rose reprit sa respiration. 

Heureusement que j’ai rapidement trouvé une excuse ! se félicita la jeune fille en scannant les bois à la recherche de sa collègue. J’ai hâte de raconter ça à Ariane.

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