CHAPITRE 14 - comme dans tout bon policier

CHAPITRE 14
- comme dans tout bon policier -

Marco avait mal dormi cette nuit. À la fois excité et inquiet, perdu d’être enfin chargé d’une mission mais à laquelle il ne trouvait pas de solution, il avait peiné à trouver le sommeil. Il n’était pas si facile d’être au cœur de l’action. Avec Lili, ils avaient fait le tour des options la veille. Peut-être la Grande Tortue était-elle malade ? Peut-être que quelque chose allait arriver sur le lac ? Peut-être… peut-être quoi ? Ils n’avaient que peu d’informations et aucun moyen d’agir. La situation était plus qu’inconfortable. Pour une fois que quelque chose se produisait pendant ses vacances, il se sentait impuissant.

Il s’était rendormi sur le matin et il s’en voulait maintenant d’arriver si tard sur la plage. D’autant qu’avant de rejoindre Lili, il avait une autre idée en tête.

— Bonjour, dit Marco.
— Bonjour, comment vas-tu ? demanda Bassim.
Bassim était assis en haut de la grande chaise de sauveteur, chose qu’il faisait rarement. Il n’avait pas sorti sa guitare, restée rangée dans son étuis et posé au pied de la petite echelle. Le vent faisait rouler ses perles et breloques qui chantaient doucement. Sur la plage, il soulevait les serviettes et faisait battre les pans de parasols.
Les papillons devaient être de plus en plus nombreux, se dit Marco.
— Ça va, dit Marco. Je me demandais… Marco hésita.
— Oui ?
— Tu as vraiment vu des grandes anguilles bleues ?
— Haaaaa… 
Bassim sourit et se pencha vers Marco.
— Oui, j’en ai vu. Une fois. Mais on ne les trouve pas près du bord, il y a trop de monde. Il faut aller là où l’eau est plus profonde.
— Je sais, j’en ai vu aussi, osa Marco.
— Vraiment ? demanda Bassim qui s’était relevé et regardait maintenant Marco avec grand interêt.
— Oui, vers l’île Tortue. On y a été hier avec mes parents. Côté crique.
— Vers l’île de la Tortue… 
Bassim se tourna vers le lac, regard porté vers le large.
— Comment on fait pour résoudre un problème quand on y arrive pas ? demanda Marco.
Le visage de Bassim se tendit.
— On demande de l’aide. Tout va bien Marco ?
— Oui.
Marco hésita.
— En fait, c’est plutôt un mystère. J’essaye de résoudre une énigme et je n’y arrive pas.
Le visage de Bassim se détendit un peu.
— J’aime les mystères et les énigmes. Tu peux m’en dire plus si tu veux.
— Mais c’est un secret, dit Marco.
— Hoooo, j’adore les secrets. D’accord. C’est en rapport avec la base de loisir ?
— Oui et non. 
— Tu as beaucoup d’indices ?
— Comment ?
— Pour ton mystère, il faut commencer par récolter des indices, des éléments d’informations. Tu en as ?

Marco réfléchit.

Il y avait la panique des animaux du lac, les crabes et les papillons, créant croque-cirqueules et bourrasques de vent. Il y avait le regard de la Tortue dans laquelle Marco s’était plongé et qui appelait à l’aide. Cela ne faisait pas beaucoup.
— Pas beaucoup, admit Marco.
— Voilà pourquoi tu bloques.
— Mais comment trouver des indices ?
— Et bien comme dans tout bon policier, il faut les chercher, observer, interroger les gens, partir à la recherche de traces, de témoignages.
Marco réfléchit. Il n’avait pas grand-monde à interroger, car personne ne connaissait l'existence de la Tortue. Et Lili lui avait fait promettre de garder le secret.
— C’est déjà arrivé qu’il fasse du vent comme ça ici ? demanda-t-il finalement.
— Ça arrive oui, mais là c’est spécial. Cela ne semble pas vouloir se calmer, je m’inquiète un peu.
— Moi aussi, dit Marco.
— Ah ?
— Jamais il n’y avait eu tant de vent de toutes mes vacances ici.
— C’est vrai. La plage risque de fermer si tout cela se transforme en tempête.
— Fermer ?
— Oui. Déjà là je surveille vois-tu, enfin, un peu plus encore que d’habitude.
— Oh.

C’était donc pour cela qu’il était monté en haut de la grande chaise des sauveteurs.

Marco aurait bien eu une infinité de questions supplémentaires à poser, mais il avait désormais l’impression de déranger. Et puis il était difficile d’interroger sans trop en dire. Comment lui parler de Tortue, de papillons ou de crabes verts ? À qui pourrait-il poser ce genre de questions ?

Mais soudain, il pensa à quelqu’un. Il y avait bien la grand-mère de Lili. Certe, Lili prétendait qu’elle n’avait plus toute sa tête, mais elle était peut-être suffisamment vieille pour avoir déjà vécu une situation similaire ?
— Je crois que j’ai trouvé, dit Marco.
— La réponse à ton mystère ?
— Non, mais quelqu’un que je pourrais interroger. Pour trouver de nouveaux indices.
— Ah, parfait !
— Merci pour ton aide, dit Marco.
— Avec grand plaisir, répondit Bassim en rigolant.
Marco était près à repartir, mais Bassim l’interpella une dernière fois.
— Marco.
— Oui ?
— Tu es sûr que tout va bien ?
— Oui, oui, mentit Marco.
— Bon. Mais n’oublie pas, les adultes ne sont pas toujours de si mauvaises personnes que ça.