Chapitre 14 : discussions nocturnes

Par Drak

Rapport de mission d’observation :

Après le décès de la cible, nous avons procédé à une fouille comme convenue, mais nous n’avons pas trouvé l’A-Od. Option 1 : l’un de ses élèves l’a récupéré, option2 : nous faisons fausse route et la cible n’était pas un porteur.

Enquête toujours en cours.

Archives de l’Apsû, branche grecque, 399 av. J.-C.

 

Dans le salon, après que j’ai raconté toute l’histoire de ma soirée mouvementée, Sacha m’a surprise en s’emparant d’un de ses cahiers de dessin avant de me lancer un : « Décris-moi cet enfoiré de pyromane. »

J’ai obtempéré et c’est ainsi que, au fil de mes mots et de ses coups de crayon, s’est formé un portrait de notre ennemi, tel que je l’ai entraperçu à la lueur des flammes.

Une fois le croquis achevé, Mathieu, Sacha et moi l’avons fixé un long moment en silence, comme pour nous imprégner de chaque détail.

En cet instant, j’ai pour la première fois l’impression que nous sommes un groupe uni.

Mais cet effet est brisé par notre gender-fluid, qui bondit hors de son fauteuil comme une fusée !

« Toute cette merde m’a donné faim. Je vais avaler un truc. »

Nous le suivons du regard avant qu’il ne disparaisse, et que ne se fasse entendre le bruit de ses pas bougons dans l’escalier.

Mathieu est le premier à reprendre la parole, avec son habituelle voix apaisante : « Ne lui en veux pas trop pour son humeur parfois… explosive. Il n’a jamais eu que moi comme véritable ami, les autres ont toujours fini par le rejeter. Être aussi brutal et désagréable était un moyen de se protéger… qui a fini par devenir son comportement par défaut… Cela n’excuse pas tout ! D’accord ! Mais… soit patiente avec lui, s’il te plait. La communication sans insultes ce n’est pas son truc. »

Il rigole doucement de sa dernière remarque.

Moi je ne dis rien, soupesant ces paroles. Honnêtement : je le comprends complètement !

Certes, contrairement à Sacha, je ne sors pas des petites cases du genre ! Mais je sais ce que c’est que d’avoir un caractère difficile, de ne pas savoir comment parler aux autres, de me montrer peu amicale pour éviter de me lier à des crétins superficiels…

Je me renfrogne. Dire que je me reconnais dans le type qui me tape le plus sur les nerfs !

Pour me changer les idées, je regarde ma montre : 2 heures 30 du matin.

Mon ami voit mon geste ainsi que l’heure et décide de se lever en s’exclamant : « Ça ne sert à rien de ressasser ! Il est tard, tu dois être exténuée ! Suis-moi, il a des chambres de libres à l’étage. »

Je veux protester, que je ne suis pas fatiguée, mais l’adrénaline choisit ce moment pour m’abandonner.

« Je peux dormir dans le canapé, je ne veux pas déranger… »

« Il y a des chambres de libres, je te dis. Viens. »

Il me prend d’autorité par la main et m’entraine à sa suite.

Je n’ai aucunement l’énergie suffisante pour lutter ou répliquer.

Alors je m’avoue vaincue.

Je me laisse faire, le suivant.

 

*

Madame Wodan, professeur de SVT, porteuse d’Anneau et ancienne membre de l’Erra, tapote du bout de l’ongle le manche de son imposante lance de guerre, tandis que le téléphone d’Ambroise laisse entendre la voix de leur correspondant.

« …Vraiment, je n’aurais pas cru entendre une nouvelle fois ta voix, Bertille. Comment vas-tu, depuis le temps ? »

« La vie au calme, loin de vos magouilles à toi et les autres, c’est plutôt sympa, tu sais. Ça ne te dirait pas de te ranger, toi aussi ? »

L’autre rigole brièvement.

« Franchement ? Non. Absolument pas. »

La femme roule des yeux, bien que nullement surprise.

« Oui, j’imagine bien que tu prends trop ton pied pour ça… »

« …Sérieusement, à quoi pensais-tu ? Pourquoi revenir dans toute cette histoire ? Laisse-nous à nos affaires, comme nous nous te laissons aux tiennes ! Qu’avais-tu à gagner à protéger cette mioche ? »

« Je ne sais pas, sers-toi de ton si incroyable Anneau… Ah, non, c’est vrai ! J’oubliais ! Tu n’as aucun réel contrôle dessus. »

Un silence courroucé lui répond, ponctué d’un sourire goguenard d’Ambroise, qui assiste à l’échange sans prononcer un mot.

« …Bertille. Aussi forte sois-tu, tu sais pertinemment que tu ne peux t’opposer à nous si nous y allons sérieusement. »

« Ne te berce pas d’illusions. Il vous faudrait y aller à deux, pour m’avoir. »

« Ambroise te réduirait en cendre, s’il le voulait. C’est toi qui te berces d’illusions. »

« Oh, vraiment ? Pourtant je viens de l’affronter et je suis encore là ! »

Le concerner prend la parole, souriant jovialement : « Tu ne vas pas me faire croire que tu as pris notre petite passe d’armes pour un vrai combat ? Ni toi ni moi n’étions à fond ! »

« Du calme, tous les deux ! » éructe celui qu’ils surnomment "le gros", dans son dos.

Les deux anciens alliés s’échangent des œillades de défis, se promettant mutuellement de remettre leur affrontement à plus tard.

« C’est bon, j’ai votre attention ? »

« Oui, oui, Lucien, parle donc ! On t’écoute. » rétorque la porteuse d’Anneau.

« Nous sommes tous dans une impasse actuellement. Par ta faute, nous avons encore perdu la piste de l’Anneau d’Excalibur. Donc, voilà ce que je te propose : ou tu nous aides à y remédier, ou je te jure que je mettrais tout en œuvre pour faire de ta vie un enfer et qu’elle soit courte ! Quitte à demander à tous les autres de s’y mettre aussi ! …Alors, qu’est-ce que tu choisis ? »

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Vous lisez