Chapitre 14 : Entrevue nocturne

    - Et donc tu as trouvé ça sur ton lit ? demande Illiam en examinant le mot que j'ai reçu.

- Exactement. Avec de nouvelles affaires de cours et un poignard. Qui a bien pû m'envoyer tout ça ?

Yann se râcle la gorge. Je me tourne vers lui.

- Enfait, dit-il en rougissant, c'est... C'est moi qui t'ai acheté le poignard et le sac. Avec Erica...

- Hein ?! Mais alors le mot... je commence.

- Non. Le mot n'était pas là quand j'ai tout mis sur ton lit. intervient Erica : Quelqu'un l'y a mis après.

- Quoi qu'il en soit, reprend Illiam, tu comptes vraiment te rendre à ce rendez-vous ?

- Ben... Peut-être bien que oui ?

- Mais t'es complètement folle ! s'exclame Erica en tapant du poingsur la table.

Je sursaute.

- Tu viens de manquer de te faire tuer et tu veux aller à un rendez-vous qui se déroule en pleine nuit à un endroit plus que suspect ? Tu serais pas un peu suicidaire dans le fond ?

- Mais Erica... Ce n'est peut-être pas dangereux... je plaide.

- Nooon ! C'est sûr ! On est dans une école d'assassin où tout le monde a des envies de meurtre mais ce n'est pas dangereux de répondre à ce genre d'invitation ! ironise Illiam : Sérieusement Gwenaëlle. Même un enfant de quatre ans comprendrait que ça n'augure rien de bon !

- Je veux savoir qui m'a envoyé ce mot ! je déclare en avalant un morceau de viande.

- Je veux que tu restes en vie ! réplique Yann.

- Oh et puis zut à la fin ! Vous m'énervez tous ! Si vous avez peur, c'est votre problème ! Mais moi je suis curieuse ! Je vais y aller ! Que ça vous plaise ou non !

Sur ces mots, je me lève dema chaise et je sors du réfectoire. Je consulte ma montre : 20h 15. J'ai encore beaucoup de temps avant le rendez-vous. J'en profite pour tester ma nouvelle arme. Très léger et pourtant si tranchant, ce poignard est parfait pour le lancer. Quand je me lasse de cet amusement, j'attaque mes devoirs. Ce n'est pas la grande éclate mais ça fait passer le temps. Finalement, l'heure du rendez-vous arrive. Alors que tout le monde dort dans le dortoir, j'enfile une veste chaude, des chaussures, je prends mon poignard et je sors.

    La nuit est fraiche, une fine brume donne un aspect fantômatique au parc. Je m'enfonce un peu dans la forêt avant d'arriver au point de rendez-vous. La surface du lac est calme, seulement troublée par quelques vaguelettes provoquées par les poissons. La nuit étoilée se reflète dans l'eau. Sur la rive gauche trône un vieux saule pleureur qui semble avoir traversé les siècles. Il n'y a personne. Je vais m'adosser contre le saule en attendant de voir quelqu'un. Les minutes passent. Mais personne ne vient. Aurait-on oublié le rendez-vous ?

    Soudain, une branche craque à quelques mètres du saule. Je me retourne. Rian. Seulement la nuit, noire, et un buisson qui agite ses feuilles paisiblement. Je soupire. Mon coeur s'est emballé pour rien. La nuit, tout paraît plus... Menaçant. Clac ! Le couteau se plante dans le tronc de l'arbre. Juste à côté de moi, et m'entaille l'oreille. J'entends un juron. Je me dépâche d'aller me mettre à couvert. Je n' l'ai même pas entendu arriver ! Je scrute les alentours en quête d'une silouhette qui pourrait être celle de mon attaquant. ffffffffuiiii... Clac ! Le deuxième couteau atterit juste à côté de mon pied. Cette fois-ci je l'ai vu arriver. Je sais d'où il vient.

- Montre-toi ! je crie.

Je vois un buisson remuer mais personne n'en sort. J'entends un sifflement. Je me jette à plat ventre au sol. Mauvaise précaution. Le troisième couteau se fiche dans ma jambe. Je pousse un hurlement de douleur. Je vois une silhouette sortir du buisson. Plutôt grande, robuste. Un garçon...

- Caleb ? je demande.

J'entends un ricanement. Puis un nouveau sifflement. Mon bras fuse et mon poignard arrive juste à temps pour contrer le quatrième couteau qui retombe mollement par terre. Je m'en saisis. Le garçon arrive à ma hauteur, éclairé par une lanterne. C'est bien Caleb. Je tente de lui lancer un couteau dans la jambe mais il l'évite sans mal. Il pose sa lanterne et s'assoit en face de moi.

- Bonsoir Prévost.

- Caleb... Mais qu'est-ce que...

- Je t'avais dit que la prochaine fois je réussirai du premier coup mais visiblement je ne suis pas assez entraîné. Tant pis. Je vais finir ce que j'ai commencé maintenant.

Il sort un énième couteau et le lève.

- Attend ! je crie.

Son geste s'arrête. Vite. Gagner du temps. Et des réponses. Je veux des réponses.

- Qu'est-ce que tu veux ?! Pourquoi t'essaies de me tuer ?! je demande.

Il rit. Dans son regard brille une lueur de folie.

- Pourquoi je veux te tuer ? Mais parce que je suis assassin, évidemment !

- Hein ?

La lame se plante dans mon épaule. Je hurle. Je tente de lui donner un coup de pied, sans succès.

- Je n'ai rien contre toi Prévost. dit-il dans un soupir.

- Alors pourquoi tu m'attaques ?!

- Ce sont... Les ordres...

- Les ordres ? Quels ordres ? De qui tu parles ?!

C'est là que je la remarque. Toute petite, nichée au creux de l'oreille de Caleb. La puce. Qu'est-ce que c'est que cette chose. Je n'ai pas le temps de me le demander. Caleb sort un revolver. Il pointe le canon sur mon front, désactive la sécurité et... Slash ! Sa main est sectionée. Le sang gicle sur mon visage. Je voudrais crier mais je ne peux pas. Je n'ai plus de voix. Illiam apparaît devant moi. Il attrape ma main et se met à courir :

- Tu étais là ! je m'exclame : Mais comment...

- Pas le temps de t'expliquer ! Faut qu'on décampe vite avant qu'il soit là !

J'entends un hurlement de rage suivi d'un chapelet d'insultes. Puis des pas.

- Caleb se rapproche ! je m'écrie.

Nous reprenons notre course et arrivons dans la clairière où se trouve l'examen du labyrinthe. Yann et Erica nous y attendent.

- Vous aussi vous étiez là !

- On allait pas te laisser aller dans la gueule du loup sans rien faire ! réplique Erica.

Nouveau cri. J'aperçois une silhouette. Yann semble faire quelque chose avec la serrure de la porte d'entrée du labyrinthe. La porte s'ouvre.

- Allons y ! C'est notre seule chance de le semer ! s'exclame Yann.

J'ai un mouvement de recul. Illiam attrape ma main.

- Maintenant princesse, tu ne lâches plus ma main. Tu me suis à la trace !

    Nous entrons. Le labyrinthe est sombre mais Illiam semble le connaître par coeur. Il nous guide dans ce dédale à la perfection. J'entends les cris de rage de Caleb. Nous l'avons semé. Je me retourne pour comuniquer ma joie à Erica et Yann mais ils ont disparu ! Je tire un grand coup sur le bras d'Illiam qui se retourne, agacé :

- Quoi ?!

- Erica et Yann ! Ils ne sont plus derrière nous ! Il faut les retrouver !

Je m'apprête à repartir en sens inverse mais il me retient par le bras.

- Surtout pas ! Ils sont en train de semer Deanway en lui donnant de fausses pistes ! Ils s'en sortiront seuls, ne t'inquiète pas !

Avant que j'ai pû protester, il m'entraine à sa suite et nous reprenons notre course. Bientôt, nous arrivons au centre du labyrinthe. Nous percevons deux silhouettes. L'une est accroupie, l'autre est allongée au sol. En me rappochant, j'arrive enfin à reconnaître Yann, allongé, inconscient, au milieu d'une marre de sang, et Erica qui tente de retenir le sang qui s'écoule de sa plaie. Je hurle. Je me précipite vers mes amis. Au dernier moment, Caleb surgit et lance un couteau dans ma direction. Illiam s'interpose et dévie le couteau avec son revolver (depuis quand a-t-il cette arme ?!). Puis il tire. Une fois. La balle touche Deanway avant même que ses pieds ne reviennent au sol. Il s'effondre dans un bruit mat. Je me retourne et braque mon regard sur Illiam. Ses yeux gris, si brillants d'habitude sont éteints, ils ne contiennent plus aucune trace d'humanité. Son sourire a disparu. Il est concentré. Caleb gémit, remue légèrement. Illiam tire une deuxième fois. Maintenant, Deanway ne se relèvera pas.

- Mais qu'est-ce que tu as fait ?!! je crie au comble de l'hystérie : Tu l'as tué ! Tu l'as tué alors qu'il aurait pû nous donner des infos !

- La ferme Gwenaëlle !! C'est lui qui allait te tuer !

Je reste muette de stupéfaction. Illiam s'avance vers Caleb et retire la puce de son oreille pour l'examiner. Je m'approche de Yann et Erica. Mon amie pleure.

- Il est... je commence.

- Non. Presque.

- Alors dépêchons nous de l'amener à l'infirmerie.

- Et Deanway ? On le laisse ici ? demmande Erica.

- Oui ! intervient Illiam depuis le fond de la salle : Quelqu'un finira bien par le trouver !

Il revient vers nous. Quand il essaie de se placer à côté de moi, je m'écarte. Une terreur s'est éveillée en moi. Mais qui est-il ? Il n'insiste pas. Il se baisse et saisit Yann à la manière d'un prince qui porterait une princesse.

- Partons. dit-il simplement.