Chapitre 14 : Jours heureux

Notes de l’auteur : Bravo si vous avez la réf du titre ! Bonne lecture (=

Sixième jour

J’étais au soir du départ. Encore. Sauf que celui-là était préparé, voulu, excitant. Je tirais le sac à dos prêté par Daanio le long du couloir en me remémorant ses mots de la veille : nous allons traverser les dunes de Léza et longer la côte jusqu’au phare. Nous dormirons en tente pendant cinq jours. Je n’avais d’abord su comment accueillir la nouvelle. La joie brute retrouvée d’Hinnes m’avait fait basculer du côté de l’enthousiasme.

Pour la première fois, mon ami ne s’était pas réveillé de la nuit, sans doute fatigué par le casino et les épreuves sportives. Il avait fallu que Daanio vienne pour le faire descendre au petit-déjeuner. Dans le réfectoire, une ambiance fiévreuse régnait et en entrant, je vis des regards envieux se jeter sur nous. Nous étions de ces privilégiés choisis pour l’aventure, cible des chuchotements. Si la plupart des grands en tiraient de la fierté, je ressentis une profonde gêne. Je devais me forcer à ne pas interpréter leurs regards comme du mépris ou de la haine. J’avais passé une bonne partie de la journée avec seulement Hinnes et Liiva pour leur échapper.

— Tu veux que je t’aide à porter ton sac ?

La voix de Tejko avait baissé d’intensité pour chaque mot, jusqu’à être tremblante. Son semblant de résolution s’effaça et ses yeux s’affolèrent quand je le regardai. Il peinait déjà à traîner ses affaires : pourquoi me proposer son aide ? J’avais compris qu’il aurait voulu poser une autre question mais que celle-là avait été la seule à ne pas lui demander trop de courage. À ce moment, je ne voulus cependant pas voir ces intentions, qui transpiraient pourtant dans chacun de ses gestes.  

— Pas besoin. C’est gentil.

Nous descendîmes les escaliers dans un silence gêné. Heureusement, Hinnes m’attendait à l’extérieur et je pus échapper à cette situation inconfortable. Nous marchâmes jusqu’à la camionnette noire garée devant la première maison. Aslem et ses deux amis aidaient Daanio à charger. Quand ils jetèrent mon sac dans le coffre, je sus qu’il n’y avait plus de retour en arrière. Je réalisai que dans quelques heures, nous serions partis.

*

Septième jour

Malgré le cahotement de la camionnette, Hinnes s’assoupit peu après le départ. Son corps glissa contre mon épaule et je sentis son souffle chaud dans mon cou. À côté de moi, Daanio regardait le chemin de cailloux les sourcils froncés, jouant de son volant pour éviter les nids-de-poule. Lorsqu’il échouait, j’entendais tous les bagages se soulever et retomber à l’arrière. Dehors, les premiers rayons de soleil poignaient, griffes rouges sur fond noir. Les autres jeunes devaient encore dormir.

Lorsque Daanio avait annoncé se rendre au premier lieu de camp pendant la nuit, j’avais demandé à l’accompagner pour aider à installer. Hinnes m’avait suivie. Après avoir peiné à le réveiller, nous avions chargé les pique-niques et les gourdes. Une curieuse ambiance planait sur les lieux, avec les jouets abandonnés, les vêtements oubliés et la végétation abîmée. Malgré le silence absolu, j’entendais l’écho de cris d’enfants, revoyait leurs corps courir autour de moi. Comme si leur passage avait laissé une trace que n’avait pu dissiper la nuit.

Enfin, nous arrivâmes sur une route de bitume, plus large. Daanio accéléra, puis se détendit, ne gardant qu’une main sur le volant. Apaisée par le ronronnement du moteur, je m’assoupis un peu. Cependant, le véritable sommeil se refusa à moi et je rouvris les yeux sur un bâillement du conducteur. Nous étions désormais sur une rocade à quatre voies, encore vide. Pour tromper l’ennui, je me décidai à parler :

— Ça fait combien de temps que tu viens à Emisal ?

— Cinq ans. Tous les étés depuis la disparition de mon père.

 Déstabilisée par la réponse de Daanio, je détournai le regard vers la portière. Sa réponse sous-entendait un lien entre les deux évènements et je voulus en savoir plus. Je me souvenais encore de l’émotion perçant dans sa voix lorsqu’il m’avait parlé de son père. J’y voyais un mélange d’admiration et de tristesse. Alors que je cherchais un moyen de relancer la conversation, l’animateur me devança :

— Mais j’étais déjà venu plusieurs fois enfant. Comme la plupart de mes collègues. Quand on a goûté à Emisal, c’est difficile d’y renoncer.

— À quel âge ?

— La première fois je devais avoir onze ans. Je me souviens encore de mon père qui courait derrière le train en pleurant, c’était la première fois qu’on se séparait vraiment. Ça a été dur mais quand je suis revenu, j’avais plus d’histoires à raconter qu’en une année d’école. Les deux années suivantes, mon père n’a pas pu payer le voyage. J’allais dans une école professionnelle loin de chez nous et il peinait à payer les billets de train. J’ai pu y retourner après être devenu apprenti, quand j’ai commencé à gagner un peu d’argent.

— Tu travaillais où ?

— À l’usine. C’était facile d’y entrer : personne n’aime faire les mêmes gestes tous les jours. Mais après toutes ces années difficiles, j’étais content de pouvoir aider mon père. J’ai payé moi-même le voyage pour Emisal toutes les années qui ont suivi jusqu’à ma majorité. Ça me faisait un bien immense de retrouver ma place d’enfant le temps de deux semaines. De passer de la grisaille au soleil, du quotidien au voyage, de la monotonie au rêve.

Tandis qu’il parlait avec passion, un sourire se dessinait sur son visage fatigué. Son regard semblait se perdre dans la contemplation de vieux souvenirs.

— À Emisal, on ne jugeait pas mon physique ou mes origines. J’ai rencontré mes meilleurs amis, des adultes à qui m’identifier. J’ai découvert qui je pouvais être. J’ai été heureux.

Il y eut un silence tandis que son sourire s’affaissait. Je le relançais, espérant raviver son enthousiasme :

— Tu es devenu animateur l’année d’après ?

— Non.

Ce non était lourd, pesant. Surprise, je lançais un regard interrogateur à Daanio qui finit par ajouter :

— Mon père est tombé malade. Ça a commencé par des crampes, des balbutiements, de la maladresse. Et puis les médecins m’ont expliqué que le mal était incurable. Que son cerveau mourait à petit feu. Ça a duré trois ans.

Daanio ne prit pas la peine d’essuyer ses larmes. Son corps semblait figé par l’horreur de ses souvenirs. Il continua à raconter d’une voix balbutiante :

— J’ai dû arrêter de travailler pour l’aider à s’habiller, à manger, à se déplacer. Je l’ai vu maigrir, dépérir. Chaque nouveau jour était le pire. Il n’y avait rien à faire pour arrêter cette lente agonie. Mon père a perdu peu à peu la raison et parfois il ne me reconnaissait même pas. Je suis resté avec lui tous les jours jusqu’à la fin. Son dernier printemps, j’ai vendu la maison et on est parti en voyage. Je savais qu’il ne lui restait que quelques semaines et il avait toujours rêvé d’aller à la montagne. J’ai roulé avec lui sur le flanc du Pic de Givre, j’ai poussé son fauteuil au pied des cimes aux neiges éternelles. J’espérais que les plus belles montagnes du continent réussiraient là où les médecins avaient échoué. Mais il ne semblait rien voir, rien comprendre. Je ne savais que faire pour raviver les flammes qui l’avaient toujours habité, pour retrouver l’homme qui m’avait élevé et rendu fier. Il continuait de respirer mais je l’avais déjà perdu.

Tandis qu’il racontait, le soleil achevait de s’élever, et nous dardait ses rayons avec une joyeuse insolence. De longs camions arrivaient sur l’autoroute, traînant leurs cargaisons comme des fourmis des brindilles. À chaque fois que Daanio en dépassait un, mon siège tremblait tandis que notre cargaison se balançait. Je tournais la manivelle de ma vitre pour aérer l’habitacle et les cheveux de l’animateur s’envolèrent tandis qu’il reprenait son récit :

— Il est mort deux jours après le solstice. J’étais heureux de savoir qu’il allait enfin rejoindre ma mère, après quinze ans de séparation. Il l’aimait tant. Je suis monté jusqu’à un lac gelé et j’ai immergé son corps, comme c’était la tradition pour les gardiens d’In-gû. Je n’avais plus de maison, plus d’argent. Alors je suis allé au seul endroit où je pouvais trouver ma place : Emisal.

En prononçant ces mots, Daanio sembla s’apercevoir de la dureté de son récit pour une fille de mon âge. Il voulut chasser la tristesse de mon visage en me jetant un regard souriant. Puis il me chuchota, sur le ton de la confidence :

— Ma dernière année à Emisal, j’ai rencontré une fille incroyable. Je suis tombé amoureux d’elle et on a passé toute la colo ensemble. C’était la première fois que ça m’arrivait. C’était fou. J’avais l’impression qu’on était fait l’un pour l’autre, qu’on passerait notre vie ensemble. Mais on habitait bien trop loin et puis on s’est séparés à la sortie du train. Ça n’était qu’un amour éphémère, de séjour. Comme tu n’es plus au Château, je peux te le dire : c’était Eemke.

La révélation de Daanio me stupéfia. Un sourire se dessina sur mes lèvres alors que j’imaginais ces deux belles personnes ensemble. L’idée d’un amour entre les deux adultes qui comptaient le plus pour moi m’attendrit, l’union de ces deux belles âmes m’émerveilla.

— Quand je suis venu te rencontrer il y a deux ans, ça m’a fait bizarre de la retrouver. Je n’aurais jamais cru qu’elle déciderait de travailler au Château.

— Elle a dit quoi en te voyant ?

— On a parlé d’Emisal, évoqué quelques souvenirs mais il s’est passé tellement de temps… Et puis je n’étais pas là pour elle.

— Tu devrais y retourner, suggérais-je. Je crois qu’Eemke serait contente de te revoir.

— Tu as peut-être raison, Hildje. Je l’appellerai un de ces jours.

*

Huitième jour

— Chers pirates, lança Sivline, j’invite sur mon vaisseau de guerre Tejko, Miil, Julve, Hinnes, Hildje, Aslem, Breen et Jorlik. Prenez ces foulards bleus et rejoignez mon équipage !

Affublés de leurs costumes bigarrés, défigurés par un maquillage abondant, nos deux animateurs se donnaient la réplique à grands cris. Je rejoignis mon équipe avec soulagement, j’étais avec Hinnes. J’accrochai le foulard autour de ma nuque et suivis Sivline à travers bois. Nous nous arrêtâmes dans une clairière avec pour mission de bâtir un vaisseau où cacher notre drapeau. Nous passâmes deux longues heures à rassembler tous les branchages alentour, tandis qu’Aslem et ses amis dressaient un édifice aussi fragile qu’impressionnant.

Sivline nous demanda d’accrocher nos foulards dans le dos et alla rejoindre Daanio. Puis un long sifflet retentit et le grand jeu commença. La moitié de notre équipe disparut à la recherche du drapeau ennemi. Il ne resta plus que Tejko, Miil, Hinnes et moi. Il y eut de longues secondes d’attente, où nos adversaires pouvaient venir de n’importe où. Ils s’annoncèrent en poussant des cris enthousiastes. Le jeu cessa d’en être un dès qu’ils se jetèrent sur notre ouvrage pour le détruire. Nous devions les repousser.

Entraînée par la ferveur d’Hinnes, je courus pour arracher les foulards ennemis. Dès qu’ils le perdaient, les assaillants devaient retourner en chercher un autre à leur base. Cependant, dès que nous en repoussions, deux nouveaux surgissaient. Notre farouche résistance ne put que ralentir la destruction du navire. À mon grand désespoir, le fanon du drapeau apparut à l’air libre. Nous n’avions plus le choix. Je m’allongeai pour faire barrage de mon corps, imitée par Hinnes. On essaya de nous séparer mais nous étions trop solidement accrochés autour de l’artefact. Deux garçons essayèrent de nous tirer ainsi jusqu’à leur base mais ils n’en eurent pas le temps.

J’entendis des exclamations triomphales résonner. J’aperçus Aslem courir en agitant le drapeau adverse. Il vint le planter près de nous en levant les bras au ciel. Hinnes apporta le fanion si chèrement défendu et toute notre équipe se réunit pour célébrer cette victoire obtenue dans la sueur. Nous formâmes un cercle serré, dans un enchevêtrement de bras et d’épaules. Nous criâmes, chantâmes.

Ensemble.

 *

Neuvième jour

Le souffle de Daanio fit grimper les flammes au-dessus de son visage. Le bois craqua tandis qu’une douce chaleur se répandait dans nos membres. Je sentis un frissonnement de plaisir parcourir le bras d’Hinnes, serré contre moi. Nous avions passé la journée à marcher sous une pluie battante, qui ne s’était tue qu’avec la tombé de la nuit. Nous avions mangé et dressé les tentes dans la précipitation, pressé de nous rassembler pour une nouvelle veillée, curieux de voir ce que les adultes nous préparaient.

Le premier soir, Sivline nous avait conté l’histoire d’amour entre une dragonne et un phénix. Il avait régné un tel silence pendant son récit que l’on avait pu entendre le chant du vent après ses dernières phrases. Le deuxième soir, Daanio avait formé un tribunal où Hinnes avait joué le rôle d’avocat avec brio. Son rôle de juge colérique nous avait fait rire aux éclats. C’était à nouveau le tour de Sivline et nous nous demandions ce qu’elle nous réservait.

J’avais appris à apprécier la jeune animatrice, qui dissimulait derrière ses apparences timides une faculté impressionnante à créer des jeux en toute circonstance. Elle savait jouer une grande variété de personnages et formait un duo complémentaire avec Daanio. Sivline nous faisait chanter sous la pluie, courir pour arriver les premiers aux lieux de camp, rire en lavant la vaisselle. Nous nous tûmes dès qu’elle se leva.

— Comme vous le voyez, mon collègue est un peu en difficulté. En l’attendant, je vais vous distribuer des papiers et crayons. J’aimerais que chacun d’entre vous y écrive trois de ses rêves, sans montrer à personne ! Ça peut être n’importe quoi : vivre à Losival, devenir riche, aller au dolmen d’Isancor…

— Pourquoi faire ? demanda Julve.

— Vous verrez bien !

Une fois le papier sous mes yeux, j’hésitai longuement. Quels étaient mes rêves ? Ce ne fut que longtemps après que les autres jeunes aient posé leurs crayons que des idées me vinrent. Je demandai à Hinnes d’écrire pour moi et lui murmurai à l’oreille :

— Aller à Amarina un jour. Ne plus avoir peu de l’eau. Revenir à Emisal l’année prochaine.

— Qu’est-ce que c’est Amarina ?

— Un pays loin d’ici. Je l’ai vu dans un livre, mentis-je.

Malgré tout mon amour pour Hinnes, je répugnai à lui en dire plus. Mes conversations avec Daanio n’appartenaient qu’à moi. Lorsque Sivline prit mon papier, je regrettai ma franchise, craignant de m’être trop livrée. Ne se moquerait-on pas de moi en apprenant ma peur de l’eau ? Il était trop tard. Daanio était enfin parvenu à étendre le feu et son halo orangé teintait nos visages et couvertures. Sivline reprit :

— Ce soir, trois créatures se sont glissées parmi vous. Des louvenuits. Elles ont pris forme humaine mais cette nuit, elles dévoreront l’un des nôtres. Par bonheur, plusieurs d’entre nous disposent de pouvoirs permettant de les découvrir et de les arrêter.

L’excitation se répandit sur les visages, les corps se redressèrent, les regards s’animèrent. Nous connaissions tous ce jeu, souvent sorti lors des pauses du début d’après-midi. Ce soir-là, c’était différent. Nous étions seuls au milieu d’une nature sauvage, entourés d’ombres et de bruissements nocturnes. Hinnes s’était levé, le visage rayonnant. Lui comme nous savions qu’il serait maître du jeu : il y brillait. Dès qu’il contait les péripéties nocturnes, appelait un à un les joueurs, sa voix prenait une tonalité grave, cérémonieuse. Il savait mieux que quiconque imprimer une ambiance à la seule force de ses mots.

Les cartes furent distribuées et chacun les regarda le plus discrètement possible. J’étais le papillon, capable d’unir deux joueurs d’un amour si fort que la mort de l’un entraînerait celle de l’autre. Je serai la première appelée et je réfléchis au meilleur couple possible. Julve et Aslem ? Liiva et Sivline ? Je finis par me décider pour Miil et Breen. J’avais déjà vu mon ancienne camarade de chambrée observer plusieurs fois le garçon aux boucles brunes à la dérobée et je voulus lui donner une occasion de rapprochement.

Hinnes leva les mains pour faire silence et sa voix s’éleva, douce dans la nuit :

— Le village s’endort.

*

Dixième jour

Je ne sais ce dont je rêvais lorsqu’elle me réveilla..

Comme tous les soirs, j’avais mis un peu de temps à m’endormir. Hinnes avait beau être couché contre mon duvet, Givke me manquait. Si l’effervescence des journées me permettait d’oublier un temps son absence, la solitude du coucher me la rappelait. Je m’en voulais de ne pas être restée à ses côtés, pour l’aider, pour lui dire combien je l’aimais. J’aurais tant donné pour pouvoir la serrer dans mes bras.

L’épuisement était venu à bout de mes inquiétudes et j’avais plongé dans un sommeil était paisible. La tente ployait sous les assauts du vent, qui en s’infiltrant dans les interstices de la toile sifflait une douce berceuse. Je m’étais assoupie en caressant les doigts d’Hinnes avec mon pouce. Soudain, la tente manqua de s’effondrer. Je m’éveillai en sursaut, croyant d’abord à une rafale plus puissante. Cependant, une ombre se dessinait à la lumière des lunes, elle gémissait. Au vu de sa taille, celle d’une fille du séjour, qui avait dû se prendre le pied dans le piquet en allant uriner. Je m’apprêtais à me rallonger quand je l’entendis pleurer.

Ces sanglots me rappelèrent ceux des petites de ma chambre au Château, ils me rappelèrent aussi les miens, après les coups de Gretja. Des sanglots de peur et de souffrance. Je ne pus y demeurer insensible. Je rassemblai mon courage et tirai la fermeture de mon duvet. Je m’arrachai à la douce étreinte d’Hinnes, enfilai une laine et me glissai sous la toile de sortie. Je me traînais sur la terre sableuse, à l’ombre des cèdres. La silhouette filait vers les dunes.

Je pris la même direction qu’elle, marchant sur le chemin de cailloux qui grimpait au milieu des touffes de végétation vert pâle. Des rafales de sable me fouettèrent le visage tandis que je marchai sous le ciel sans nuages. Enfin, je vis son dos, presqu’arrivé au sommet. C’était Miil. Elle avançait d’un pas hésitant, les mains sur le visage et malgré la distance, je devinais ses pleurs. Je la rattrapai en quelques enjambées, ignorant la douleur de mes ampoules.

— Miil, ça va ?

L’adolescente ne répondit pas à ma question. Elle lâcha ses lunettes rondes avant de tomber à genoux face à la mer scintillante. Je frissonnai, effrayée par l’immensité sombre qui s’étendait à nos pieds, dont les vagues poursuivaient l’horizon. Miil avait plongé son visage entre ses coudes, aussi aveugle au paysage que sourde à ma présence.

Je ne savais comment réconforter mon amie alors je me demandai ce qu’Eemke ou Daanio auraient fait à ma place. Après un temps d’hésitation, je m’assis auprès de Miil et posai timidement mon bras contre son dos. Nous ne nous connaissions que depuis peu mais ce que nous avions vécu ces jours brisait les barrières. Elle pleura de longues secondes, immobile, et puis sa main vint attraper la mienne. Elle était froide.

Les fleurs violettes des buissons se cambraient sous le vent, qui faisait danser de minuscules particules brillantes autour de nous. Les vagues s’écrasaient sur les galets en projetant des bribes d’écume. L’une d’elle s’envola jusqu’à ma joue. Je frémis à cette caresse de la mer, me serrai contre Miil. Je me demandai ce que signifiait ce cadeau de l’océan. Se pouvait-il qu’il m’appelle ? Je songeais qu’au loin se trouvait Amarina, ma terre.

— Merci.

La voix étouffée de Miil m’arracha à mes introspections. Elle essuya ses larmes d’un revers de main avant de me regarder en esquissant un sourire. Je ne sus que penser de cette reconnaissance. Elle me semblait démesurée alors que je m’étais contentée de m’asseoir et de lui prendre la main.

— J’ai rien fait.

— Merci quand même. C’est mes parents, se justifia-t-elle. Ils vont se séparer.

Je ne sus que penser de cette nouvelle, si étrangère à mes préoccupations. Je resserrais ma prise sur la main de Miil en essayant de comprendre ce qu’elle ressentait. L’instant suivant, elle me livra la réponse :

— Je ne sais pas ce que j’ai fait pour …

— C’est un problème des adultes, la coupai-je. Et ça, tu ne peux rien faire pour l’éviter.

Les yeux de Miil brillèrent à nouveau et je me demandai si mes mots avaient eu l’effet escompté. Qui étais-je pour la réconforter, moi qui n’avais connu ni père ni mère ? Je me mordis la lèvre en cherchant la phrase juste. Celle qui rassurerait, celle qui soulagerait, celle qui consolerait. À défaut d’une meilleure, je finis par chuchoter :

— Ça ne les empêchera pas de t’aimer.

*

Onzième jour

Nous gravîmes l’escalier en file serrée, soufflant et suant après cette dernière journée de marche. Je peinai à réaliser que nous vivions déjà les derniers instants de ce périple à travers dunes. Depuis le départ d’Emisal, le temps semblait s’être échappé. Et pourtant, j’avais vécu en ces cinq jours de nombreuses aventures inoubliables. Des chemins de randonnée aux soirées au coin du feu en passant par les grands jeux en forêt, j’avais noué des amitiés, vécu des moments heureux, fait partie d’un groupe. Existé.

La lumière affleura au-dessus des épaules d’Hinnes et quelques secondes plus tard, je sortis des ténèbres. D’abord éblouie, je clignai des yeux plusieurs fois avant de découvrir la vue. J’avançais pour poser mes bras sur la rambarde rouillée. Je les retirai aussitôt ; le métal était brûlant. Perchée au sommet du phare, je pouvais observer la mer et toutes les terres alentour. C’était somptueux.

La mer assaillait les rochers dans des explosions d’écume avant de se retirer en caressant le sable mouillé. Au loin, un paquebot à l’immense coque noir fendait les flots en crachant des nuages de fumée. Des mouettes planaient au-dessus de l’eau turquoise en poussant des cris stridents. Elles se rassemblaient autour d’une crique à droite du phare, dont les cavités ocres abritaient leurs nichées.

Sur la terre, des petites maisons blanches aux volets bleus perçaient les champs d’herbes folles. Quelques silhouettes de promeneurs s’élançaient comme nous au milieu de la nature sauvage. J’humai des parfums de romarin et de thym sauvage, dont les plants prospéraient au pied du phare. Leur odeur se mêlait à celle du sel marin. J’allai fermer les yeux quand une main se posa sur la mienne. Hinnes m’embrassa sur la joue, radieux.

— On l’a fait, Hildje ! On y est enfin !

Je l’enlaçai, touchée par son enthousiasme. Toutefois, je ne pouvais fêter avec lui la fin des jours les plus heureux de ma vie. Notre escapade n’était pas encore terminée que je la regrettais déjà. Notre étreinte donna le signal d’un câlin général. Tous les jeunes et adultes se congratulèrent pour ce que nous avions accompli dans une effusion de joie partagée. Sentir toutes ces présences autour de moi me mit les larmes aux yeux.

L’enthousiasme retomba peu à peu. Nous étions tous épuisés et la plupart des jeunes descendirent pour aller s’allonger à l’abri du petit bois derrière le phare. Quand Daanio annonça l’arrivée prochaine de Sivline avec le ravitaillement, cela acheva de convaincre le reste du groupe de descendre. Cependant, je rechignais à suivre ce mouvement général, préférant laisser mon regard se perdre dans la contemplation du littoral.

— Tu viens ?

— Attends Hinnes, je vous rejoins.

— Comme tu veux.

En quelques instants, je me retrouvai seule accoudée sous le soleil torride. Du moins le croyais-je car après un temps de flottement, je sentis une présence à ma droite. C’était Julve. Elle se rapprocha de moi, voulut poser ses bras à côté des miens.

— Ah ! Ça brûle !

Je ris, voyant qu’elle avait fait la même erreur que moi. Il fallait se reculer légèrement pour ne pas toucher le métal. Julve joua la vexée avec tant de justesse que je commençais à regretter ma réaction. Ce fut à son tour de s’esclaffer. Le son de son rire était doux.

— T’es vraiment trop drôle, Hildje !

— Ah bon ?

— Tu verrais ta tête !

L’adolescente se calma peu à peu. Je me demandais pourquoi elle était restée à mes côtés, elle qui suivait toujours Aslem comme son ombre. Julve finit par briser le silence :

— Il reste que quatre jours.

— Oui, acquiesçai-je, ça passe trop vite.

— Comme tous les ans. Et puis avec les olympiades, la boum et la dernière veillée, ça va pas s’arranger.  

— La boum ?

— C’est une soirée danse. Tu verras, ce sera dans le réfectoire, les anims vont enlever toutes les tables et mettre la musique à fond. Ça va être trop bien.

Julve ne mit pas l’enthousiasme qu’aurait mérité cette dernière phrase. Je la sentis pensive, un peu craintive. Hinnes ne m’avait jamais parlé de la boum, j’imaginais qu’il n’y avait jamais participé, lui qui tenait les musiques bruyantes en horreur. Je me fis la réflexion que je n’avais plus dansé depuis les chorégraphies de l’école.

— Quand les petits seront couchés, expliqua Julve, il y aura des danses à deux. J’aimerais bien demander à Aslem d’être mon cavalier mais j’oserais jamais.

— Pourquoi ?

— Imagine s’il dit non… Les garçons vont tous se moquer de moi et … Et puis je sais pas quoi dire. Tu ferais comment, toi, Hildje ?

S’il y avait bien une question dont je n’avais jamais cherché la réponse, c’était bien celle-là. Je répondis, trop vite :

— Je ne sais pas. Je serai avec Hinnes, moi.

Quand je repense à cet échange, je regrette de n’avoir su aider Julve. J’aurais dû lui dire de tenter sa chance, qu’elle n’avait qu’à regarder dans les yeux d’Aslem pour voir qu’il accepterait, qu’elle ne pourrait qu’être fière d’avoir exprimé ce qu’elle ressentait. Qu’il vaut mieux un non que le silence des regrets.

*

Douzième jour

Sivline nous jetait les sacs en fredonnant les chansons qu’elle avait jouées la veille à la guitare. La bonne humeur régnait parmi nous malgré le retour. J’avais passé la moitié du trajet à dormir, l’autre à jouer au louvenuit avec le reste du groupe. J’avais même osé animer une partie peu avant l’arrivée. J’étais fière de moi.

Nous nous hâtions car le ciel était couvert de nuages menaçants, l’atmosphère lourde d’orages. Après onze jours de soleil, le tonnerre s’apprêtait à frapper. Les premières gouttes tombèrent sous la forme d’une bruine légère, avalée par le sol aride. Je regardais avec fascination la terre brunir avec la chute des gouttes. Tant et si bien que je ne vis Daanio arriver qu’au dernier moment.

— Hildje, tu peux venir avec moi s’il te plaît ?

— Quoi ?

— C’est Mateja. Elle veut te parler.

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Isapass
Posté le 21/01/2025
Coucou Edouard !

"Tandis qu’il racontait, le soleil achevait de s’élever, et nous dardait de ses rayons avec une joyeuse insolence. " : Je pense que la bonne synt
Isapass
Posté le 21/01/2025
Oulà, fausse manip... je reprends.
"Tandis qu’il racontait, le soleil achevait de s’élever, et nous dardait de ses rayons avec une joyeuse insolence. " : je pense que la bonne syntaxe est "le soleil dardait ses rayons". Darder a un sens proche de "brandir", donc ta construction ne va pas, il me semble.
"Ma dernière année à Emisal, j’ai rencontré une fille incroyable. Je suis tombé amoureux d’elle et on a passé toute la colo ensemble. C’était la première fois que ça m’arrivait et c’était incroyable." : il y a une répétition de "incroyable"
"Je m’étais assoupie en caressant les doigts d’Hinnes avec son pouce. " : avec MON pouce, non ?

La référence, c'est le film Nos jours heureux, c'est ça ?
Je trouve que dans les chapitres à Emisal, Hildje est enfin une enfant, c'est très chouette, ça se ressent vraiment.
Très chouette le récit de Daanio sur son père et sur son amourette avec Eemke. Ca rapproche encore plus Hildje de lui.
J'ai aussi beaucoup aimé le jeu du drapeau (ça ramène des souvenirs de scouts et de colo, faut dire !)
Oh, un loup garou ♥ On sent bien ta propre tendresse pour les colos, à toi aussi ! On sent qu'écrire ces passages a été un grand plaisir pour toi, je me trompe ? Par contre, je n'ai pas compris à quoi servaient les papiers avec les rêves. C'est peut-être dit plus loin ?
Très belles descriptions, quand ils sont en haut du phare ! J'ai toujours aimé tes descriptions ♥
Très joli chapitre, encore une fois : c'est doux et paisible et ça fait plaisir pour Hildje. Mon petit regret, c'est que je trouve que ça ne transparaît pas tant que ça dans ses introspections. Certes, elle dit qu'elle s'est fait des amis, qu'elle a vécu des aventures, etc. mais je me demande si ça ne sera pas bien de renforcer encore davantage. Comme dit plus haut, la première pensée qui m'est venue, c'est qu'Hildje avait enfin le droit d'être une enfant : pour la première fois de sa vie, on ne lui demande pas de suivre des règles impossibles, personne ne lui veut du mal, on n'exige pas d'elle qu'elle travaille pour vivre... On ne lui demande que de jouer et de chanter. Et il s'avère qu'elle aime ça, qu'elle s'intègre bien, et qu'elle est si bonne camarade que les autres lui demandent conseil. Peut-être qu'elle pourrait se faire une petite réflexion sur tout ça, un truc du genre "pour la première fois de ma vie, je me sentais libre/en paix/en sécurité..." En tout cas, quelque chose qui montre qu'elle réalise l'écart entre cette vie là et ses vies précédentes. Parce que là, j'imagine qu'elle ne va pas pouvoir retourner à la ferme comme si de rien n'était après avoir vu ce que pouvait être la vie d'un enfant "normal", non ?
J'anticipe peut-être trop, je verrai bien dans la suite ;)
A très vite
Edouard PArle
Posté le 25/01/2025
Coucou Isa !
Et ben... je vois que tu m'as (presque, j'ai 2 chapitres d'avance) rattrapé, toujours un plaisir de lire tes commentaires à chaud ! Désolé de répondre si tard mais je préfère prendre le temps.
Bien joué pour la référence ! Oui, un de mes films cultes ^^^
En effet, le personnage d'Hildje évolue, forcément. On est tellement un reflet de notre environnement...
Oui, j'ai casé des références à mes meilleurs souvenirs de colos / centre / scoutisme / classes vertes... Donc c'était effectivement un immense plaisir à écrire (=
Le passage sur les papiers du rêve te paraît ok / bien amené maintenant que tu as lu la suite ? Je voulais faire un peu de foreshadowing pour ce moment important...
C'est vrai qu'il n'y a pas tant d'introspection d'Hildje, je me note qu'il faut développer un peu ça.
Et oui, bien sûr que cette colo va impacter un retour ou non à la ferme...
Merci de ton commentaire !
Cléooo
Posté le 08/01/2025
Coucou Edouard !

Joli chapitre, plein de douceur et de soucis bien plus normaux pour une jeune fille que tout ce par quoi est passée Hildje jusqu'à présent. J'ai beaucoup apprécié ce chapitre (oui, j'aime bien quand tout est doux et mignon aussi xD).

La relation Daanio et Eemke fait sens, j'aime bien l'idée.

J'apprécie aussi que Hinnes ait l'air d'aller mieux dans ce chapitre (tu as supprimé le passage concernant sa souffrance mais ça reste dans un coin de ma tête ^^). On le sens bien ici, je le verrai bien travailler à Emisal un jour, lui aussi. Même s'il est encore "immature" (dans le sens jeune, pas immature pour son âge) je crois que c'est un endroit où il pourrait grandir.

Je te laisse sur quelques coquilles et réflexions qui me sont venus au cours de la lecture :

- "je suis allé où seul endroit" -> au seul endroit
- "qu’elle déciderait de travailleur au Château" -> travailler
- "y écrive trois de ses rêves, sans montrer à personne !
(...)
Une fois le papier sous mes yeux, j’hésitai longuement. Quels étaient mes rêves ?" -> Mmh j'ai pensé à un rêve genre, un rêve fait la nuit.
- Je me demande si Miil n'est pas un peu loin pour que Hildje l'entende sangloter.
- "à la l’immense coque noir" -> "la" en trop
- "Il reste que quatre jours.
— Oui, acquiesçai-je, c’est passé vite.
— Comme tous les ans. Demain, ce sera les olympiades, puis la boum, la dernière veillée et on rentrera chez nous." -> deux choses ici : 1) On a déjà eu des olympiades... Ce serait la même chose qui revient ? 2) On passe "il ne reste que 4 jours" à "après-demain on sera chez nous" en deux répliques. Le compte ne me semble pas bon.
- "des danses en duo" -> j'imagine le célèbre slow de la boum... xD Mais sans utiliser l'anglicisme, j'aurais bien proposé un simple "à deux".

À bientôt ! ^^
Edouard PArle
Posté le 12/01/2025
Coucou Cleooo !
Top si tu apprécies la douceur d'Emisal, je m'y suis aussi beaucoup plu (= C'est la première fois depuis que j'écris qu'autant de chapitres consécutifs sont heureux ahah
Merci de valider le Daanio x Eemke ahah, je trouve qu'ils vont super bien ensemble !
Oui, Hinnes apprécie beaucoup Emisal. J'aime beaucoup l'idée qu'il pourrait y travailler un jour. Je pense aussi qu'il a le potentiel d'un super animateur.
Bien vu pour tes propositions de correction, super pertinent comme toujours !
A bientôt merci de ton passage !
Maëlys
Posté le 03/01/2025
Coucou !
Dis donc, quelle rédemption pour Hildje ! Cette colo est vraiment très idyllique, on se sent sur un petit nuage... C'est beau, ces deux échanges qu'Hildje a avec Julve et Miil, elle s'ouvre enfin aux autres, c'est émouvant...
Les confidences de Daanio sont bien écrites, tristes mais je m'étonne un peu de la facilité qu'il a à se confier sur quelque chose de si intime à Hildje... Après, c'est vrai qu'ils ont une connexion spéciale donc ça fait sens.
Positivement choquée qu'il y ait eu une romance entre Daanio et Eemke ! C'est trop mignon !!
"Qui étais-je pour la réconforter, moi qui n’avais connu ni père ni mère ? Je me mordis la lèvre en cherchant la phrase juste. Celle qui rassurerait, celle qui soulagerait, celle qui consolerait. À défaut d’une meilleure, je finis par chuchoter :
— Ça ne les empêchera pas de t’aimer." : très beau, j'aime beaucoup

-"Quand je repense à cet échange, je regrette de n’avoir su aider Julve. J’aurais dû lui dire de tenter sa chance, qu’elle n’avait qu’à regarder dans les yeux d’Aslem pour voir qu’il accepterait, qu’elle ne pourrait qu’être fière d’avoir exprimé ce qu’elle ressentait. Qu’il vaut mieux un non que le silence des regrets." : j'aime beaucoup ce passage, super bien écrit !

J'ai hâte de voir comment va se passer la boum et le reste du séjour, puis les aux revoirs, et la suite...
A très vite !

PS : cette colo semble moins catastrophique que celle de Nos jours heureux ah ah
Edouard PArle
Posté le 05/01/2025
Coucou Maëlys !
Oui, de la joie, de la rédemption, du partage. Ca fait du bien, c'est précieux. C'est vrai que j'ai rarement écrit un tel concentré de bons moments xD Mais Hildje le méritait bien !
Je note pour les confidences de Daanio, j'ai légèrement modifié le dialogue, je verrais si d'autres lecteurs sont gênés.
"Positivement choquée qu'il y ait eu une romance entre Daanio et Eemke ! C'est trop mignon !!" Oui, trop mims xD J'adore aussi cette relation manquée dans le sens où la vie les a éloignés alors qu'ils faisaient un couple parfait.
"très beau, j'aime beaucoup" Merci <3
"j'aime beaucoup ce passage, super bien écrit !" Top, c'est mon passage préféré du chapitre !
"J'ai hâte de voir comment va se passer la boum et le reste du séjour, puis les aux revoirs, et la suite..." Tu résumes bien le plan des deux prochains chapitres ahah, quant à leur contenu je te laisse découvrir ça^^
Moins chaotique en effet. Les animateurs sont un peu plus pros lol
Merci de ton commentaire !!
A bientôt (=
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