Chapitre 14 - Kyle : Saloperies de principes !

Par Emma

Allongé dans mon lit, je contemple le plafond. C’est le jour de la rentrée et j’ai encore deux bonnes heures à tuer avant le début des cours. Tout comme mes frères, je vais à la fac. Ça ne m’enchante pas vraiment, mais Marlène et ma mère y tiennent. Alors, je me plie à ce que l’on me demande, même si je ne sais pas de quoi mon avenir sera fait. Pour faire simple, Derek, Elijah et moi avons pris le même cursus, essentiellement du littéraire, mais pour des raisons différentes. En restant avec Derek, nous lui évitons les blagues débiles sur les mecs en fauteuil roulant. Notre réputation dans le milieu de la boxe dissuadera certainement les imbéciles qui se croient drôles.

Je décide de me lever et d’aller courir, de préférence jusqu’à épuisement, mais surtout ne pas dormir. Dès que je ferme les yeux, elle est là. Belle et désirable. Je fais souvent le même rêve où la scène se répète à l’infini. Je me vois l’embrasser, la caresser avant de lui ressasser des mots odieux, dégradants. La fin diverge, parfois je prends une gifle, tantôt elle m’envoie au tapis ou pire… peu importe le dénouement, je me réveille toujours un point douloureux au beau milieu du torse.

Comme j’augmente le son de mon MP3, j’allonge ma foulée et traverse la rue en direction du parc. Tout en contrôlant ma respiration, je repense à la journée que j’ai passé chez elle, lors de ce fameux barbecue.

Pas une seule fois son regard ne s’est posé sur moi. Ça ne risquait pas de se produire, mais ça ne m’a pas empêché d’être déçu. Je l’ai trouvée magnifique dans sa petite robe noire à bretelles, un chignon compliqué lui dégageant la nuque. Ce jour-là, je me suis efforcé de rester à ma place pour ne pas l’humilier davantage. Assis juste en face d’elle, Anna a dû supporter ma présence tout le long du repas. Je me suis senti mal au point de ne rien pouvoir avaler.

Quand j’ai salué sa mère, elle a écarquillé les yeux et m’a adressé un sourire entendu comme si l’on s’était déjà rencontrés. J’ai eu beau réfléchir, je suis sûr de ne l’avoir jamais croisé. Derek m’a pourtant assuré qu’elle était là le jour de l’évacuation. J’ai hoché la tête, c’est certainement à cette occasion qu’elle a dû me voir pour la première fois. Quant à son père, comment aurais-je pu aller lui parler ? Je suis vraiment en dessous de tout, je donnerais n’importe quoi pour remonter le temps et agir sans passer pour un sombre connard !

En rentrant, je file sous la douche. Je n’arrête pas de penser à la dernière fois que je suis allé à la salle, sans écouter aux portes, j’ai entendu Mike demander des nouvelles d’Anna à Taylor. Apparemment, sa fille a été très occupée. Elle terminait entre autres ses préparatifs pour son entrée à la fac, aussi la boxe n’était plus à l’ordre du jour. J’ai été dégoûté, j’espérais tomber sur elle au moins pendant mes entraînements. J’ai bien compris le message, Anna fait tout pour m’éviter. Je n’ai pas été surpris d’entendre qu’elle s’était inscrite à l’université ; par contre, je la voyais intégrer un endroit plus prestigieux. Ses parents ont les moyens de lui payer n’importe quelle école ! En même temps, c’est tout bénef pour moi, je pourrai la voir régulièrement. Je sais, je m’interdis de sortir avec elle, mais j’ai le droit de la mater non ? J’ai assez de volonté pour garder mes distances… Et merde, je n’ai même pas cette putain de prétention ! J’essaie pourtant de museler cette fâcheuse attirance, mais à l’idée de la croiser sur le campus, mon cœur tambourine plus fort. Pourquoi ne puis-je pas simplement ignorer sa présence ? Mais bien sûr, je n’ai pas couché avec elle, alors je fais une fixette. Pourtant, d’habitude, ça ne me pose aucun problème ! Cette fille est une plaie, il faut que je me l’enlève de la tête. De toute manière, elle n’est pas mon genre ! Les blondes belles à se damner ne m’intéressent pas le moins du monde.

Une heure plus tard, Elijah essaie de se garer sur le parking. Il écoute patiemment Derek lui expliquer que s’il ne se décide pas très vite, Lexi, redevenue célibataire, va se trouver un autre mec. Il enchaîne, avec son tact habituel ! D’après lui, les seules choses qu’Elijah bourre actuellement sont des punching-balls et fatalement il finira puceau. Qu’à force de baver, il risque de provoquer des accidents graves, et il n’a aucune envie d’avoir de la concurrence en fauteuil roulant ! Elijah en pince pour cette nana, mais vu le merdier dans lequel je me suis fourré, je me vois mal lui procurer le moindre conseil.

Nous entrons finalement dans le bâtiment principal, les couloirs sont pleins à craquer. On est obligés de s’arrêter en plein milieu. Les fous rires fusent de tous les côtés.

— C’est quoi ce bordel, pourquoi ça n’avance pas ? Je m’exclame en fronçant les sourcils.

Derek s’impatiente et finit par attraper la main d’une fille qui tente de fendre la foule.

— Eh ! Qu’est-ce qui se passe ici ?

— Il y a des affiches partout sur les murs. Je ne sais pas ce que ce mec a fait, mais il prend cher !

Sans plus d’explications, elle continue sa progression. Elijah m’interpelle.

— Eh ! Kyle, mate un peu ça !

Chaque image placardée représente un gars en train de vanter des produits pour le bondage, une prévention contre les MST ou encore une drag queen affublée d’une coupe afro rose bonbon et combinaison couleur argent, offrant une entrée gratuite au Délices Queen. Je m’arrête en plein milieu, incapable de comprendre pourquoi mon visage est sur toutes les photos. Je sens des regards moqueurs se poser sur moi, je n’ai plus de doutes, les jours à venir vont être difficiles à gérer. Je suis bien sûr convoqué chez le doyen. Il me demande de calmer le jeu et de me faire oublier. Je m’en sors avec un avertissement.

Je ne suis pas Elijah. Ou devrais-je dire, Iceberg Man ! Ni Derek, l’emmerdeur de service. Non. Moi je suis le gars qui attire toutes les meufs sans faire d’efforts particuliers. Et comme j’ai eu des aventures avec la moitié des nanas de cette ville, je me demande immédiatement laquelle veut se venger ! Je pense évidemment à Anna. Si c’est elle, vu le mal que je lui ai fait, c’est bien joué de sa part. De toute façon, n’ayant aucune preuve, je préfère laisser couler et ne pas courir dans toute la fac pour arracher ces affiches de malheur. Me voilà bel et bien grillé auprès de la gent féminine. Je souris malgré moi. Bien fait pour ma gueule !

À l’instant où je m’installe pour ma première heure de cours, Anna entre dans la salle. Dès qu’elle m’aperçoit, elle pâlit puis rougit pour finalement s’asseoir le plus loin possible de mon siège. Ses cheveux lui arrivent désormais aux épaules. Un jean et un haut moulant mettent son corps en valeur. Je ne peux pas m’empêcher de la mater. Je brûle d’envie de me réconcilier avec elle. Je pourrais alors dire aux enfoirés la déshabillant du regard qu’elle est avec moi. Après tout, je peux bien la protéger de tous ces prédateurs, en plus je l’ai déjà embrassée, du coup je lui rendrais service ! Je jette un coup d’œil à Elijah et Derek qui l’ont saluée d’un signe de tête, ignorant tout de notre brouille. Comme je ne sors jamais deux fois de suite avec la même fille, ils ne m’ont posé aucune question. Pff, quand je pense à tous ces mecs accros à leur meuf, c’est d’un pathétique !

 

**

Plus les jours passent, plus je la vois traîner avec Mark Harris. Ce gars est un vrai mystère. Il cartonne en classe, sur le terrain de football, ne parle sur personne, ne fréquente jamais les filles du campus, exception faite pour Anna apparemment. Pourtant, toutes les meufs lui courent après. Elles l’ont même déclaré le mec le plus canon deux ans de suite, enfin une connerie du genre. Et devinez quoi ? Il s’en tape carrément !

— Ils font un super couple, pas vrai ? Moi je crois que si tu continues à les reluquer, tu vas finir par avoir les rétines ratatinées comme des raisins secs et une vision complètement merdique. En fin de compte, t’y verras peau de balle. Remarque, on formera une superbe équipe, professeur Xavier et Daredevil.

Depuis le jour de la rentrée avec les fameuses affiches, Derek ne me lâche plus. Il voudrait que je soulage ma conscience. Je l’imagine très bien en soutane, essayant de faire entrer son fauteuil dans l’isoloir, en proférant des insultes à ses paroissiens le fuyant comme la peste ! Saint Derek, le pourfendeur des causes pourries ! Putain de merde, il se croit dans une saloperie de confessionnal ou quoi ?

De son côté, Elijah s’acharne comme un fou sur le ring.

Nous le regardons marteler de coups un pauvre gars se protégeant tant bien que mal de ses poings redoutables. Derek hurle au type de foutre le camp avant d’être transformé en chair à pâté. Aux entraînements, Mike et Taylor sont obligés de lui demander de ralentir. Ils ont du mal à lui trouver des adversaires. Peu d’entre eux acceptent de prendre le risque de perdre connaissance sur le tapis.

Si Lexi est responsable de son état, je ne vois pas ce que nous pouvons y faire ! Derek nous traite de crétins. C’est le seul à pouvoir le dire sans se retrouver à l’horizontale avec le nez qui pisse le sang. Tout en faisant rouler son fauteuil le plus loin possible du ring, il se met à nous crier dessus, apparemment, il en a marre de vivre avec deux handicapés des sentiments.

 

 

 

 

 

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SagaLee06
Posté le 16/05/2024
Re-salut !

Encore un très bon chapitre !
Je m'attendais presque à ce que Kyle réplique mais non, tu nous offres un Kyle fairplay, qui reconnaît ses tords et qui accepte la revanche. Ça fonctionne, ça fait même ressortir son côté adulte. Je me demande si cette histoire d'affiches va le poursuivre dans le bouquin ? Après tout, ça serait le cas dans la vraie vie, sauf si les gens passent à autre chose ou que ça devient un peu la question de la rentrée "qui va se faire afficher ?" mais peut-être que ce serait inutile et non avenu.

J'ai juste une remarque concernant le premier paragraphe de ton texte, c'est pas grand chose mais tu as mis plusieurs pronoms interrogatifs dans ces deux phrases qui se suivent : "Alors, je me plie à ce que l’on me demande, même si je ne sais pas de quoi mon avenir sera fait. Pour faire simple, j’ai pris le même cursus que Derek, essentiellement du littéraire." Je l'aurais écris quelque chose comme : "Alors, je me plie à leur demande, même si je ne sais pas de quoi mon avenir sera fait. Pour faire simple, Derek et moi avons pris le même cursus, essentiellement du littéraire."

Voili voilou, j'ai rien d'autres à te signaler !
À la revoyure !
Emma
Posté le 16/05/2024
Coucou,
Eh bien, heureuse de te retrouver, pour répondre à ta question, les affiches ne vont pas avoir d'avenir dans le roman, c'était juste pour rétablir l'équité dans l'histoire, merci d'avoir demandé.
Je vais de ce pas, corrigé mon paragraphe, merci pour ta sollicitude, elle me touche. Un grand merci à toi
A très vite
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