Lorsque Alexander ouvrit les yeux, la lumière matinale s’infiltrait entre les plis du baldaquin. Pour la première fois depuis leur affrontement avec Elaran et la mort de Nils, aucun cauchemar n’avait troublé son repos. Il se redressa et prit conscience que la place à ses côtés était froide. Il se souvenait pourtant s’être endormi près d’Altaïs, mais le jeune homme ne s’attardait jamais dans les méandres du sommeil et avait dû se lever à l’aube. Alexander effleura ses lèvres du bout des doigts en se remémorant leur baiser. Une douce chaleur se répandit dans sa poitrine.
Il écarta le baldaquin, réprimant un frisson lorsqu’un courant d’air l’enveloppa, puis gagna le corridor à la recherche d’Altaïs. Il ralentit devant la porte entrouverte de l’un des vastes salons qui peuplaient la demeure, le regard attiré par les immenses fenêtres. Le son de ses pas étouffé par la fourrure qui couvrait le sol, il s’approcha de la baie vitrée jusqu’à apercevoir la silhouette d’Altaïs dans les jardins enneigés. Des flocons tournoyaient autour de lui à un rythme effréné. S’efforçait-il de retrouver sa puissance perdue ?
— C’est impressionnant, n’est-ce pas ?
Alexander se retourna dans un sursaut pour découvrir Evald sur le seuil de la pièce. Un sourire étira les lèvres du duc, puis il fit quelques pas pour le rejoindre près de la baie vitrée.
— Déjà lorsqu’il était enfant, sa magie avait quelque chose de particulier.
— Parce qu’elle est liée aux éléments ?
Un pli creusa le front d’Evald.
— Entre autres.
Il l’invita d’un geste de la main à prendre place sur l’un des fauteuils. Alexander obéit avec curiosité, tandis qu’Evald s’asseyait face à lui.
— J’ai pu avoir une importante discussion avec Altaïs ce matin. Je vais te poser la même question : as-tu déjà entendu parler des fordaedarn ?
Alexander secoua la tête, les sourcils froncés.
— C’est un terme qui nous vient des vieilles légendes issheimériennes et qui a été effacé de l’histoire de notre royaume il y a plusieurs décennies. Il désignait des personnes qui naissaient avec un lien particulièrement étroit avec la Magie. On affirmait qu’ils avaient le pouvoir d’influer sur les éléments, sur le monde qui les entourait.
Alexander écarquilla les yeux.
On affirmait qu’ils avaient le pouvoir d’influer sur les éléments…
— Et Altaïs en serait un ?
Evald acquiesça d’un air grave.
— Il s’agit de l’un des secrets les mieux gardés de la famille royale.
— Mais vous en avez connaissance…
— J’étais très proche des parents d’Altaïs, de son père tout particulièrement. Il m’a tout de suite mis dans la confidence.
Une ombre assombrit son regard.
— La naissance d’Altaïs a été tragique : sa mère est morte en le mettant au monde. La version officielle évoquait des complications lors de l’accouchement, mais en vérité, la magie d’Altaïs l’a déchirée de l’intérieur.
Alexander tressaillit. La magie se formait durant les premières années de vie, croissait ensuite avec l’âge. Elle n’était pas censée être si puissante à la naissance.
— La magie des fordaedarn possède une aura particulière, rayonnante, écrasante selon le point de vue, comme tu l’as sans doute remarqué. Sa famille a tout de suite compris de quoi il en retournait. Certains étaient prêts à le tuer sans attendre, mais ils ont finalement accepté de le laisser vivre sous surveillance.
— Je ne comprends pas… Ce n’était qu’un enfant… S’il est né avec un pouvoir proche de la Magie, en quoi était-il considéré comme un danger ?
— J’y viens, répondit Evald avec douceur. Les légendes évoluent au fil des âges, un rien suffit parfois à les briser. Jadis, nous pensions que les fordaedarn naissaient de la Magie elle-même lorsque l’équilibre du monde vacillait. Leur pouvoir incommensurable infléchissait le cours des évènements, tantôt bienfaiteur, tantôt destructeur, pour ensuite établir un nouvel équilibre. Cette vision des choses a changé il y a plusieurs décennies, sous le règne de l’arrière-grand-père d’Altaïs, Arnvald.
Alexander déglutit, la gorge nouée. Le roi Arnvald avait mené une politique impitoyable envers son propre peuple et isolé le royaume. Certains affirmaient qu’il avait ainsi sauvé Issheimr de la ruine en éradiquant les guerres intestines contre le Nord, et en évitant celles avec les royaumes avoisinants qui avaient tenté de profiter de cette faiblesse, mais Alexander savait que ses héritiers avaient perpétué cette politique. Malgré la fin de la guerre, les mêmes mesures drastiques avaient perduré, appauvrissant et opprimant une population qui, accaparée par la simple idée de survivre, ne songeait plus à se révolter.
— La prédécesseuse d’Altaïs est née à cette époque. Un vent de révolte soufflait sur le royaume, la politique d’Arnvald ne l’avait pas encore étouffé. En tant que fordaedarn, elle s’est dressée face à lui au nom de la Magie dans l’espoir d’offrir une vie meilleure au peuple, mais elle était jeune et Arnvald est parvenu à prendre le dessus au cours de l’affrontement. Il craignait son pouvoir et ce qu’elle représentait, alors il l’a tuée.
Un soupir amer échappa à Evald.
— Il s’est ensuite assuré d’effacer les fordaedarn de l’histoire, tandis qu’il les maudissait au sein de la famille royale, devenue dépositaire de ce secret. L’un de ses arguments était qu’aucun Homme ne pouvait prétendre posséder le pouvoir sacré de la Magie, qu’il était trop dangereux de les laisser vivre et qu’ils détruiraient l’équilibre en voulant s’imposer comme des divinités. Selon lui, leur existence souillait la Magie. Eigil, le père d’Altaïs, était un tout jeune enfant à l’époque, mais Elaran et Thorvald étaient déjà plus âgés et se souviennent des fordaedarn comme de ceux qui ont voulu assassiner leur grand-père et réduire à néant la royauté. C’est pour cela qu’ils ont toujours méprisé Altaïs et que sa famille a été si dure à son égard. Seul Eigil le protégeait envers et contre tout.
— Mais il a fini par se suicider, murmura Alexander. Pourquoi ?
Evald secoua la tête pour indiquer qu’il n’avait pas cette réponse. Une douleur profonde ternissait ses prunelles bleues. Alexander eut soudain l’impression qu’une pierre chutait dans son estomac. Altaïs avait perdu sa mère à sa naissance, son père s’était donné la mort quelques années plus tard, puis il était tombé entre les mains d’un homme qui souhaitait le voir disparaître à cause de ce qu’il représentait.
Evald resta silencieux un instant, comme s’il hésitait à poursuivre, son regard éclairci par une lueur d’espoir incertain.
— Les fordaedarn ne naissaient jamais seuls. Ils étaient les guerriers de l’ancien temps, mais ils avaient eux aussi des failles. Ils avaient besoin d’être protégés, d’avoir un protecteur. Les fordaedarn allaient toujours de pair avec leur skoldr.
Alexander retint son souffle. Il sut avant même qu’Evald ne poursuive ce qu’il allait dire.
— Votre rencontre n’est pas un hasard, Alexander. Altaïs et toi êtes nés du même éclat de magie.
L’entendre de vive voix fut plus douloureux qu’il ne l’avait imaginé. Leur rencontre n’était pas un hasard… Cela signifiait-il qu’encore une fois il n’avait pas eu le choix ? Que ses décisions n’étaient pas vraiment les siennes ? Que ce qu’il ressentait pour Altaïs n’avait rien à voir avec ses propres sentiments ?
— Comment savez-vous tout cela ?
— Je possède une certaine disposition à sentir les liens qui se tissent entre les gens, qu’ils soient magiques ou non. À cerner leur présent, leur passé.
Vous êtes nés du même éclat de magie.
Était-ce pour cette raison que la magie d’Altaïs vibrait en lui ? Que la sienne réagissait comme un écho ?
— Cela ne définit pas la nature de votre relation, précisa Evald, comme s’il lisait ses pensées. Le dernier skoldr était le frère jumeau de la prédécesseuse d’Altaïs. Cette particularité a davantage joué un rôle dans la destinée que l’on t’a imposée, toi qui étais un enfant au pouvoir défensif suffisamment puissant pour attirer l’attention de l’armée. Vos magies sont liées, mais il n’appartient qu’à vous de choisir ce que vous construirez.
Une chape de soulagement s’abattit sur ses épaules. Au fond, n’avait-il pas toujours perçu ce lien entre eux ? ne l’avait-il pas chéri ?
Evald se redressa avec une expression bienveillante.
— Pardonne-moi, j’ai certaines choses à finir ce matin concernant la gestion du domaine, mais je vous suggère que nous entamions nos recherches sur la manière dont nous pourrions prouver l’innocence d’Altaïs dès cet après-midi.
◊
Altaïs s’écroula, la peau couverte de sueur et la respiration saccadée. Autour de lui, les flocons poursuivirent leur descente éthérée. Il avait peut-être recouvré sa magie, mais il était loin d’avoir retrouvé sa maîtrise passée. Chaque geste lui coûtait bien plus d’efforts qu’il ne lui en avait jamais fallu.
Il frappa la neige avec rage.
fordaedarn
Il ne voulait pas y penser. Trop d’informations qu’il ne pouvait pas appréhender.
fordaedarn et skoldr
C’était pour cela que sa famille le détestait ? Pour sa magie et ce qu’elle signifiait ? Parce que son arrière-grand-père avait décidé de faire disparaître les fordaedarn ? La haine de sa famille se cristallisait enfin autour d’une réalité, mais justifiait-elle pour autant ce qu’il avait subi ?
Sans doute, souffla une petite voix dans son esprit.
Il était fatigué de lutter, il n’aspirait pas à se battre. Il voulait seulement disparaître.
fordaedarn et skoldr
Surtout, il refusait d’emporter Alexander dans sa chute. Il ne supporterait pas de le voir mourir, n’avait de toute manière pas besoin d’être protégé. Le jeune homme avait déjà suffisamment souffert par sa faute.
Ta magie souillée…
Ses poings se crispèrent à en faire blanchir les articulations de ses doigts.
monstre
meurtrier
régicide
— Taisez-vous…
Tu auras beau hurler, tu auras beau te débattre, rien ne te permettra de te libérer. Personne ne t’entendra, personne ne t’aidera…
— Taisez-vous !
Il ne sentait plus le froid qui s’insinuait sous ses vêtements. Des pas crissèrent sur le tapis blanc. Un instant plus tard, de la neige s’écrasa sur sa nuque. Il sursauta en se retournant, mais les réminiscences des voix qui hantaient son esprit s’évanouirent. Alexander se tenait non loin de lui, un sourire malicieux accroché aux lèvres, malgré la lueur inquiète dans son regard.
— Tu vas finir par geler sur place si tu restes dehors, badina-t-il.
Altaïs grinça des dents. La neige fondait déjà, laissant derrière elle des coulures d’eau glacée.
— Je me demande bien pourquoi…
Il se releva en époussetant les flocons agrippés à ses vêtements. D’un geste discret de la main, d’autres s’amassèrent autour d’Alexander, se glissèrent sans pitié sous sa cape. Celui-ci laissa échapper un glapissement surpris.
— Pardonne-moi, gémit-il.
Altaïs finit par chasser les flocons avec une moue amusée, qui se volatilisa lorsqu’une boule de neige s’écrasa sur son torse.
— Que…
Cette fois, Alexander éclata de rire face à sa surprise. Altaïs se laissa gagner par son hilarité, puis il s’approcha du jeune homme, l’ébauche d’un sourire accroché aux lèvres. Alexander le dévisagea avec tendresse, frôla sa joue glacée du bout des doigts.
— Tu as des yeux magnifiques, souffla-t-il.
Coup de poignard. L’esprit d’Altaïs se vida sous le choc, puis les mots déferlèrent, s’engouffrèrent dans la brèche béante qu’ils avaient creusée. Il s’écarta brusquement, alors qu’une nausée soudaine l’envahissait.
Il avait oublié…
Il avait…
Il ne pouvait…
— Je suis désolé, bredouilla-t-il.
Il s’élança vers la demeure d’Evald pour fuir l’incompréhension qu’il discernait chez Alexander.
— Altaïs !
Il s’immobilisa lorsque la voix du jeune homme claqua dans son dos avec une pointe de supplication. Il lui fallut rassembler tout son courage pour lui faire face. Plus la moindre trace de légèreté ne subsistait sur le visage d’Alexander.
— Que sommes-nous désormais ?
Altaïs se figea, aussi immobile qu’une statue de glace. Si Alexander lui avait posé la question deux ans auparavant, il aurait répondu sans hésiter. Aujourd’hui, il ne savait pas, plus, ce qu’il était, ce qu’il désirait.
Qu’étaient-ils ?
fordaedarn et skoldr ?
Non.
Ils étaient plus que cela.
— Je ne sais pas, balbutia-t-il.
Je te briserai, petit prince.
Tu m’appartiens.
La nausée lui brûla de nouveau le ventre, la poitrine, la gorge. Alexander fit un pas dans sa direction ; Altaïs ne put s’empêcher de reculer, avant de se rappeler que c’était Alexander qui lui faisait face, Alexander et sa douceur, et son sourire, et tout ce qu’il aimait chez lui.
Et s’il finissait par le détruire ?
— Je ne sais pas, répéta-t-il.
Sa voix se brisa.
— Tu mérites mieux.
— C’est faux, rétorqua Alexander.
Des larmes brûlèrent ses yeux.
— Tu ne comprends pas. Il y a…
Ses paupières se fermèrent. Les mots peinèrent à s’extraire de sa gorge.
— Il y a quelque chose de cassé en moi, Alex. Et je ne sais pas si je serai capable de le réparer un jour. Tu l’as vu toi-même… Il y a cette colère qui me dévore, qui m’étouffe, cette haine qui prend tellement de place que j’ai parfois l’impression de devenir fou. Et je ne veux pas qu’elle finisse par t’engloutir toi aussi… Je ne veux pas…
Je ne veux pas t’abîmer,
je ne veux pas te salir,
je ne veux pas que tu sois témoin de…
Des bras chauds l’enveloppèrent soudain. Des sillons humides creusaient ses joues.
Altaïs était en morceaux.
Et il ne savait pas comment reconstruire ce qui avait été brisé.
— Arrête, murmura Alexander près de son oreille. Ce n’est pas ce que tu es. Tu as le droit d’être furieux, de haïr, après tout ce que tu as vécu. Je ne te jugerai jamais pour cela, et je serai là, je te rattraperai si tu sombres. Tu ne seras pas seul.
Une lueur paisible éclaira son regard.
— Je suis ton skoldr, après tout, acheva-t-il avec un sourire.
Altaïs cessa de lutter et s’abandonna à l’étreinte rassurante de ses bras. Peut-être qu’Alexander avait raison, peut-être qu’il pouvait aspirer à autre chose. Leurs lèvres se trouvèrent au milieu de la neige, les flocons caressaient leurs visages. Leur baiser avait le goût salé des larmes, et Altaïs se surprit à penser qu’il aurait aimé que l’instant dure indéfiniment, peu importe que le souffle leur manque. Ici, il pourrait laisser le passé derrière lui, oublier les ombres qui peuplaient ses souvenirs, les cris, les humiliations, les coups et tout le reste. Ici, il pourrait se tourner vers le futur, Alexander à ses côtés.
◊
Installés dans l’un des salons de la demeure, où crépitait un agréable feu de cheminée, Alexander, Altaïs et Evald lisaient de vieux ouvrages. Les épaisses couvertures en cuir protégeaient des feuilles de parchemin abîmées par le temps, mais sur certaines pages, l’encre vieillie était à peine lisible. Un domestique était venu leur apporter de petits gâteaux à la cannelle pour leur permettre de faire une pause.
Altaïs repoussa le manuscrit pour se frotter les yeux. Plus jeune, il avait écumé la bibliothèque royale avec une curiosité sans limite, mais cela faisait deux ans qu’il n’avait pas lu la moindre ligne et il fatiguait plus vite qu’auparavant. À quoi bon de toute manière ? Les livres n’avaient jamais pu l’aider par le passé ; ils ne l’aideraient pas davantage à prouver son innocence, malgré la bonne volonté d’Evald.
— C’est comme chercher un coquillage dans l’océan, soupira-t-il.
— C’est une tâche ardue, mais elle n’est pas vaine, répondit Evald. Concentrons nos recherches sur les magies de l’esprit, qui peuvent sceller les souvenirs lorsqu’elles sont assez puissantes, ainsi que sur les rituels ancestraux. Les runes peuvent elles aussi se montrer redoutables.
Altaïs acquiesça sans un mot, mais plutôt que de se replonger dans l’étude du manuscrit, il se leva et fit quelques pas pour s’éclaircir l’esprit. Son regard s’arrêta sur la harpe au bois délicatement ouvragé dans un coin du salon. Les cordes en boyaux de mouton rutilaient sous les éclats du soleil pâle. Une vague d’envie coula jusqu’au bout de ses doigts ; il n’avait pas touché à cet instrument depuis une éternité, lui qui s’était pourtant battu pour en jouer malgré le mépris de son oncle. De cela aussi il avait été privé durant sa captivité. Maintenant qu’il avait retrouvé sa liberté, tout lui devenait étranger.
— Elle appartenait à ton père, déclara Evald en surprenant son regard. Quant à cette demeure, c’est celle où ta mère a grandi.
Altaïs pinça les lèvres. Il aurait voulu croire que ces informations l’indifféraient, mais il ne parvenait pas à repousser cet enchevêtrement d’émotions qui lui nouait le ventre. La culpabilité de les avoir tués, la tristesse de ne pas se souvenir d’eux… Les traits de son père s’évanouissaient dans son esprit.
— Ton père t’aimait plus que tout, Altaïs.
— Peu importe. Il s’est donné la mort.
À cause de moi. Parce que j’ai tué ma mère en naissant, à moins qu’il n’ait pas supporté de m’avoir comme fardeau.
— Que sais-tu de tes parents ?
Son silence fut l’aveu de son ignorance.
Altaïs ne savait rien d’autre que ce que sa famille lui avait dit. S’il se rendait aujourd’hui compte que cela se résumait à des poussières, il avait également conscience qu’il n’avait jamais cherché à en savoir plus. Peut-être parce qu’il s’efforçait déjà de survivre, qu’il redoutait de découvrir des réponses qu’il regretterait. Dans son esprit, il resterait celui que son père avait abandonné pour retrouver sa femme défunte, l’enfant maudit dont personne ne voulait.
— Eigil était un rêveur et un idéaliste. En tant que fils cadet, il possédait davantage de liberté, ce qui lui convenait parfaitement. Souvent, il délaissait le palais pour arpenter les rues d’Issarta. C’est ainsi que nous nous sommes rencontrés ; je l’ai un jour découvert perdu alors qu’il avait faussé compagnie à ses gardes. Mes parents étaient des Guérisseurs réputés qui se rendaient parfois au palais : cela leur a permis de raccompagner Eigil.
Evald lui adressa un sourire complice, avant de poursuivre d’une voix mélancolique :
— Contre toute attente, nous sommes devenus très proches. J’accompagnais mes parents dès qu’ils se rendaient au palais, et nous nous retrouvions aussi souvent que nous le pouvions, là-bas ou dans les rues d’Issarta. Lorsque mes parents sont morts de maladie, Eigil m’a pris sous son aile et a fait en sorte que je puisse vivre à ses côtés. Sa famille a fini par lui imposer un mariage avec Ellinor, une jeune noble originaire du duché de Frostarel, pour resserrer les liens entre le Nord et la royauté.
Evald fit une pause pensive.
— Ta mère était une femme brillante et déterminée. Eigil et elle ont tissé une profonde complicité née du respect qu’ils éprouvaient l’un pour l’autre. Lorsque les parents d’Ellinor sont morts, ils sont venus passer de nombreux mois dans cette demeure. Je les ai accompagnés, mais ils ont dû retourner au palais lorsque Ellinor est tombée enceinte, parce que la famille royale insistait. Elle… n’a pas eu la chance de te connaître, mais elle t’aimait avant même que tu naisses. Sa mort a profondément affecté Eigil. Ta présence, cependant, le rendait heureux, quoi qu’on ait pu te dire. Tu le rendais heureux.
Altaïs se tordit les doigts pour dissimuler ses tremblements.
— Ils sont tous les deux morts, murmura-t-il.
Disparus, ces parents dont il peinait à se souvenir, mais qui semblaient l’avoir aimé malgré tout.
— Tu n’es pas responsable, Altaïs.
— Vraiment ?
tristesse. amertume.
— Tu n’étais qu’un enfant. Tu n’es responsable ni de leur mort ni de ce qu’on t’a ensuite fait subir. Tu n’aurais jamais dû vivre tout cela, et rien ne le justifiera jamais. Rien.
La vision d’Altaïs se brouilla. Il n’était pas responsable ? Une part de lui refusait d’y croire, tandis que l’autre le souhaitait désespérément. Il plongea son regard dans celui d’Evald, qui paraissait lire en lui comme un livre ouvert, qui l’observait… comme un père observerait son fils.
— J’aimais Eigil comme un frère. Vous perdre tous les deux a été l’évènement le plus douloureux que j’ai vécu.
— Vous… Pourquoi avoir choisi de vivre seul ici ?
Evald esquissa un sourire mélancolique.
— Je n’ai jamais aspiré à trouver une personne avec laquelle partager ma vie. Et je n’ai jamais pu veiller sur l’enfant que j’avais juré de protéger…
Un sanglot se coinça dans la gorge d’Altaïs. Dans une autre vie, il aurait pu grandir dans le Nord aux côtés d’Evald. Pris d’une impulsion subite, il se leva pour rejoindre la harpe. Sa main caressa le bois avec révérence, comme si cela pouvait le rapprocher de ses parents. Il s’installa sur le siège prévu à cet effet et cala l’instrument entre ses jambes. Il ferma les yeux, tandis que ses doigts pinçaient une première corde, puis une deuxième. Les notes s’envolèrent dans la pièce.
Il joua pour Evald, pour Alexander.
Il joua pour Ellinor et Eigil.
Il joua pour lui-même,
pour oublier,
pour vivre.
Je suis très perturbé par le personnage d'Evald. C'est très bien d'avoir une aide pour Altais et Alexander mais la manière dont il s'exprime est vraiment étrange à mon avis. Il parle beaucoup, explique tout ce qu'il ressent, répète qu'il va les aider, en fait il est fait beaucoup trop, comme s'il jouait un rôle. Je le soupçonne de préparer un mauvais coup... (si c'est le cas, tu auras super bien écrit le personnage) mais s'il est vraiment bienveillant, je me demande si ça ne serait pas pertinent de réécrire certaines de ses répliques. Par exemple : "— Evald suffira. Je n’éprouve pas d’attachement particulier à la bienséance." Je pense que s'arrêter à suffira serait bien, la deuxième phrase vient contredire son propre message^^ Quelqu'un qui n'est pas attaché à la bienséance ne se sentirait pas obligé de s'expliquer, c'est implicite.
Très belle scène de baiser en fin de chapitre, on sent que l'arrivée dans le nord, sous un vrai toit, a permis à nos deux héros de se rapprocher encore davantage, de confirmer les sentiments qui les animent.
Je continue...
Je vois ce que tu veux dire pour le personnage d'Evald, j'avais pas mal retravaillé ce chapitre (sans le mettre à jour sur PA, oups) pour éclaircir ses intentions et le fait qu'il n'ait pas pu aider Altaïs jusque-là en fluidifiant les échanges. Cela dit, il a conscience d'être face à un jeune homme qui est très méfiant, donc il juge également important de révéler ce qu'il pense ^^
Je suis ravie que la scène du baiser t'ait plu :)
À très vite !
Wouah, ce baiser m'a réellement donné des frissons!
Super chapitre, bravo! :)
Et je trouve Evald sympa, mais... ne le serait-il pas un peu trop? Je ne comprends pas encore vraiment pourquoi il n'a rien fait pour aider Altaïs avant... mais je comprendrai bientôt je suppose!
Je suis désolée pour le temps de réponse, j'ai dû m'éloigner de PA quelque temps :)
Ton commentaire me fait très plaisir ! Je suis heureuse que le baiser t'ait plu ^^
Haha, pour Evald tu n'es pas la première à le soupçonner, mais ça m'arrive d'écrire des personnages sympathiques :p J'ai retravaillé un peu ce chapitre mais je ne l'ai pas mis à jour sur PA pour expliciter un peu pourquoi il avait les mains liées à cause de la famille royale, qui l'a plus ou moins exilé dans le Nord.
Merci pour ton retour :)
Je l’attendais depuis longtemps et je ne suis pas déçue. Tu as si bien su monter les émotions entre ces deux-là, c’est beau, c’est pur, un pur moment de bonheur, de tendresse, d’amour. Magnifique ! C’est si rare de lire des relations comme ça.
Je suis vraiment heureuse que tu trouves cette scène belle, je voulais vraiment que l'on retrouve leur douceur et la tendresse qu'ils éprouvent l'un pour l'autre :)
Ma réaction face à ce chapitre, surtout à la fin : "Maaaaaaaaaaaaaaaaaaaaw <3"
J'apprécie beaucoup Evald, c'est appréciable de voir apparaitre ce qui ressemble à un allié qui pourrait être sacrément solide et sécurisant. Qui semble pouvoir concrètement protéger correctement Altaïs et Alex !
Et la deuxième partie du chapitre, huhu ! C'est chouette de les voir un peu plus se rapprocher ! J'attendais un tel moment avec impatience x)
Ravie que tu apprécies Evald, c'est un personnage que j'aime beaucoup ! Très protecteur envers Altaïs et Alex ^^
Et très heureuse que la deuxième partie du chapitre te plaise :p Avec toute la pression qui retombe, le rapprochement se fait naturellement ^^
(ce commentaire contient beaucoup trop de smiley mais c'est pas grave)
Par ailleurs (j'aime cette formulation, j'ai l'impression de la mettre partout...), je trouve la fin du chapitre très poétique, ce qui ajoute de la magie à ton récit.
La plupart des lecteurs attendaient ce moment précis, je pense... Mais j'ai cru qu'il arriverait un peu plus tard dans l'histoire...
J'espère que des jours heureux vont s'écouler pour les deux protagonistes, avec, quand même, leur lot d'aventures...
Je suis heureuse que tu trouves les émotions bien transmises et la fin poétique ! Haha, on a tous nos expressions fétiches :p
Pour le fait que ce moment arrive maintenant dans l'histoire, plusieurs raisons sont en cause ^^ Le plus important c'est qu'ils ont traversé la moitié du royaume en étant pourchassés tout en se rapprochant au fur et à mesure de leur avancée, maintenant ils sont enfin en sécurité et peuvent se permettre de se laisser davantage aller. Ils en étaient également à un stade où il n'y avait plus vraiment de progression possible avant de franchir ce pas, et il se passera encore beaucoup de choses par la suite, ça aurait été dommage qu'ils ne puisse pas s'embrasser avant ^^ Donc pour les jours heureux, ahem, on verra bien x)
Merci pour ton commentaire !
Pour Evald, je sais pas forcément quoi en penser. Le fait que même si Altaïs avait été un régicide, il l'aurait aidé, c'est cool. C'est pas juste une question de confiance aveugle, c'est plus vraiment un amour aveugle et qui est conscient d'être aveugle. Il devait vraiment beaucoup apprécié son père pour être près à tout faire pour Altaïs maintenant. Mais c'est vrai que je rejoins un peu les critiques d'Altaïs sur la passivité d'Evald. C'est pas en envoyant des lettres à Elaran que ça allait changer quelque chose :/ Il pouvait pas essayer de faire passer une lettre discrètement à Altaïr ? Venir à la capitale plus ou moins en douce ? Le kidnapper ? Là, le côté "je ferais tout pour t'aider même si tu e un régicide" face à "j'ai envoyé des lettres", ça fait un peu un gros décalage quoi x) Ou alors, il y a une raison pour laquelle il aurait rien osé tenter ? En tout cas, la colère d'Altaïs est compréhensible. Il peut même pas parler de ses souci, il reste spectateur de sa vie et c'est même pas dit qu'Evald pourra vraiment faire quelque chose vu ce qu'il a fait avant... Bref. Ils sont arrivés à destination, mais c'est loin de tout régler.
D'ailleurs, réflexion qui n'a RIEN à voir avec le chapitre, mais ça m'a traversé. Altaïs est bon à l'épée, à l'équitation, avait une magie rare et surpuissante. C'est pour ça que Soren l'aimait pas trop / avait du mal avec lui ? Il était jaloux, même en sachant qu'il était battu ?
"Evald lui expliqua qu’elles permettaient de profiter le plus longtemps possible de la lumière du jour, plus court que dans le reste du royaume."
C'est pas aussi une énorme perte thermique ? Dans le nord, j'aurai cru que ça passait en premier.
"et ses cils projetaient des ombres sur ses joues." Ca m'a un peu fait tiquer, j'ai personnellement jamais vu des cils assez longs/fournis pour faire de l'ombre ^^'
Pour Evald, oui tu as tout fait raison, ce n’est pas de la confiance aveugle, seulement de l’amour prêt à tout !
Et la colère d’Altaïs est tout à fait légitime vu qu’il n’a jamais vu Evald, mais cela ne signifie pas qu’Evald n’a rien tenté. Je ne le vois seulement pas s’étaler en justifications inutiles puisque de toute façon ça ne changerait pas le résultat. Je ne vais pas en dire davantage pour éviter les spoils sous ce chapitre, mais tu as lu les chapitres suivants donc tu sais ce qu’il en est de ses relations avec la famille royale x)
Pour Altaïs, il a reçu une éducation princière, ce qui explique qu’il soit aussi bon épéiste et aussi bon cavalier (ça et le fait qu’Elaran était impitoyable avec lui), mais Soren a en principe reçu la même éducation (même si lui n’aime pas se battre). Ce n’est pas la raison des tensions qui existent entre eux ;)
« C'est pas aussi une énorme perte thermique ? Dans le nord, j'aurai cru que ça passait en premier. »
=> Laisse mes baies vitrées en paix je te prie x) Non en vrai ils ont un verre particulier, très épais qui retient un peu près la chaleur (pas moins que la pierre en tout cas) ^^
« Ca m'a un peu fait tiquer, j'ai personnellement jamais vu des cils assez longs/fournis pour faire de l'ombre ^^’ »
Ah zut, je croyais moi, en fonction de l’inclination du visage et de la lumière environnante je dirais que c’est possible x)
Je reprends ma lecture avec un peu de retard.
Un chapitre beaucoup plus calme que les précédents, où l'angoisse de la poursuite retombe enfin pour laisser place à un peu de sérénité. On rencontre le personnage d'Evald, qui semble bien dessiné et qui a un côté paternel et protecteur rassurant. Il a un charisme, une présence, et on ne peut s'empêcher de se demander quelles sont ses véritables intentions lorsqu'il recueille ainsi l'homme que l'on accuse du meurtre du roi.
Ce qui est d'autant plus mystérieux, c'est l'allusion subtile que tu glisses sur sa capacité à lire dans les pensées d'Alexander, serait-ce un télépathe ?
La scène finale est très bien écrite, toute en finesse et en tendresse. Je t'avoue que j'appréhendais beaucoup ce moment où leurs sentiments se rejoindraient enfin (forcément, je savais déjà qu'ils seraient ensemble, je me suis spoilé là-dessus en lisant le spin-off avec Contesse). Je craignais que tu le retranscrives sous la forme d'un déchaînement de passion avec moult détails sur X paragraphes, que ce soit mal amené voire un peu bancal, qu'on le lise en se disant "enfin" mais sans y croire vraiment. Bref, que ça fasse juste "too much" et qu'on bascule dans une romance clichée qui dénaturerait la belle relation que tu as su construire jusqu'ici avec les deux personnages.
Et heureusement, ce n'est pas du tout le cas.
Il y a un côté très poétique, subtil et habile dans la manière dont Altaïs s'ouvre à Alexander devant cette fenêtre, on retrouve tout le côté hésitant mais tellement puissant de leur relation qui devient plus que de l'amitié.
Quelques remarques :
- "Une méridienne trônait près de la grande vitrée" --> Vitre, ou baie vitrée.
- "Il posa un premier plat sur la table et ôta le couvercle, dévoilant du gibier rôti accompagné d’une sauce aux airelles. [...] Un autre plat révéla des légumes mijotés, assortiment de choux, de navets et de baies."
--> Oh bon sang, tu viens de me donner TELLEMENT faim (oui, commentaire super constructif et utile pour faire progresser ton histoire, je sais... Mais j'ai pas pu m'en empêcher xD)
- "De toute évidence, une poignée de lettres n’avait aucun pouvoir face à mon oncle" --> Là, en lisant ce passage, je trouve ça étrange et surprenant que le duc Evald n'ait pas cherché à se rendre à la capitale pour voir Altaïs ou prendre de ses nouvelles si les lettres sont restées sans réponse. Ok, il était froissé avec le reste de la famille, mais quand même... Peut-être un mot suggérant qu'il a essayé de venir le voir, mais qu'Elaran a refusé ?
En tout cas, à la place d'Altaïs, je trouverais ça curieux et énervant que qqn qui dit se soucier autant de moi n'ait même pas pris la peine d'essayer de m'aider ou de venir me voir.
À bientôt pour la suite !
Ori'
Il était temps qu’ils aient droit à une certaine quiétude ^^ Je suis contente de te voir caractériser le personnage d’Evald de cette manière, c’est un personnage que j’aime beaucoup (et je m’amuse à voir les lecteurs essayer de deviner quelles sont ses véritables intentions). Et non, ce n’est pas un télépathe ;)
Ton commentaire sur la scène finale me fait très plaisir :) Ce sont toujours des passages délicats à amener (enfin je suppose, c’est le seul texte avec une romance à proprement parler que j’écris), mais sois rassuré en tout cas : je tiens à ce que leur relation conserve cette tendresse et cette douceur, il n’y aura jamais de déchaînement de passion avec moult détails haha. Pour moi, leur relation n’a jamais pu être autre :)
Pour revenir sur ta remarque sur les lettres d’Evald, qu’il ne mentionne que les lettres ne signifie pas qu’il n’a rien fait d’autre ^^ Mais je verrai si je peux glisser un ou deux éléments supplémentaires ! (Note qu’Altaïs reste tout de même méfiant d’ailleurs xD)
« Oh bon sang, tu viens de me donner TELLEMENT faim »
Hahaha, ma mission est accomplie xD
Merci beaucoup pour ton retour !
Mathilde
Ohmondieuohmondieuohmondieu 😍😍😍😍😍😍😍😍😍😍😍
Ils sont si cute :D
Enfin un chapitre où personne ne meurt ou ne risque de mourir, ça fait du bien 😂
J'aime beaucoup la relation avec le duc, l'impuissance de l'adulte face à la souffrance de l'enfant (Altaïs n'est plus un enfant, mais l'était il y a encore peu de temps ^^), et la relation entre Alex et Altaïs <3
Perso (et ça n'engage que moi) j'aurai plutôt fait dire à Altaïs "j'aurai aimé t'avoir rencontré plus tôt" 😊
J'aime beaucoup ta plume, et l'on sent la fragilité d'Altaïs, l'effort qu'il fait pour dépasser ses peurs pour faire un pas vers Alex... Seigneur, vivement la suite 😍
Ouiiiiiiiiii, ravie que ce chapitre te plaise (surtout la fin si je ne m'abuse :p) ! Et comme tu le dis, enfin un chapitre tranquille où personne ne les agresse xD
Je suis contente que la relation avec Evald te plaise, c'est un personnage que j'aime beaucoup ^^ Et oui d'une certaine manière, Altaïs reste la figure de l'enfant dans cette relation "paternelle" !
Tu as raison pour la phrase d'Altaïs, ça fait plus naturel ainsi !
Merci beaucoup pour ton retour si enthousiaste, ça me touche beaucoup <3