Chapitre 14 : Pour le meilleur et le pire.
Quatre mois plus tard.
Le Sommet – An 2715 – Le 1er juin.
« Demain. »
« Demain, il sera trop tard. »
Les rayons déclinant du soleil semblaient rendre la chambre plus exiguë qu’à l’accoutumée. Thibault était seul. Il avait demandé à Gabi de le laisser tranquille. Son ami avait l’air de penser qu’il ferait une bêtise si on le laissait sans surveillance, mais qu’aurait-il pu faire ? Descendre au Deuxième pour étrangler Seth Pluto de ses propres mains ? Lui, un esclave ? Tuer le futur époux de l’impératrice ?
Thibault sentit son cœur se serrer. Il n’était même pas certain que Solène éprouvât réellement quelque chose pour lui. Ils échangeaient toujours poliment, et peut-être l’appréciait-elle, mais Thibault ne constatait aucune étincelle dans son regard quand elle se tenait près de lui.
Après l’annonce de leurs fiançailles, le monde était devenu fou. On avait choisi le bon moment, semblait-il, pour apprendre au peuple l’heureux événement : quelques semaines après la série d’attentats commis par Diane, alors que le quotidien des citadins s’était tant alourdi. Ça avait fait un bien fou au moral général, d’après ces imbéciles de journalistes. Même Pléthor en avait parlé à son grand journal, félicitant directement l’impératrice de son choix judicieux.
Un choix judicieux ? Cet abruti de Pluto ? Plus Thibault le voyait, plus il le haïssait. Il était forcé d’être poli, bien sûr. Quand il se retrouvait dans la même pièce que lui, il le saluait respectueusement comme l’étiquette l’imposait. Mais c’était une torture de tous les instants, car le fils du ministre de l’économie passait de plus en plus de temps avec Solène, et automatiquement, avec ses esclaves d’honneur. Ce serait encore pire lorsqu’ils seraient mariés.
En plus de cela, Seth Pluto n’appréciait pas outre mesure la présence des esclaves. Il l’avait dit à Solène. Devant eux. Quel intérêt avaient-ils, tous ? Un esclave trouvait uniquement son utilité dans le service, pas à amuser. Si elle souhaitait de la compagnie, alors il ferait venir ses deux sœurs. Elles vivraient au palais s’il le fallait. Solène ne s’ennuierait pas, et ses esclaves pourraient donc revenir aux tâches plus ingrates qu’on aurait dû leur attribuer dès leur arrivée.
Au grand soulagement de Thibault, Solène avait balayé la proposition du revers de la main. Poliment, mais fermement. Elle avait expliqué à son fiancé qu’elle était attachée à ses esclaves, et qu’elle souhaitait encore profiter de leur compagnie le temps qu’il leur restait à passer à son service.
Et après ? Elle n’avait pas dit.
Le genou de Thibault remuait nerveusement. C’était presque incontrôlable. Il se mordit la lèvre. Solène lui manquait, et il était terrorisé à l’idée que peu à peu, Pluto étende son influence sur elle, et finisse par l’évincer complètement. Si cela arrivait, alors… Il n’aurait plus rien à perdre.
Il se leva brusquement. Tant pis. Il savait ce qu’il lui restait à faire. Sur l’horizon, il n’y avait plus qu’une empreinte rougeâtre. La nuit seule serait témoin de sa témérité. Rien que la lune, qui devinait déjà ses secrets.
Il quitta discrètement l’aile des esclaves d’honneur. Elle se mariait le lendemain. Dans quelques heures à peine. S’il ne lui disait pas maintenant ce qu’il ressentait, quand le ferait-il ?
Il avait parcouru les couloirs du palais à toute vitesse, jetant frénétiquement des regards autour de lui pour s’assurer que personne ne le voyait, ou pire, ne le suivait. Arrivé devant la porte des appartements de l’impératrice, il donna de petits coups discrets, et ferma les yeux, adressant une prière silencieuse au ciel.
— Thibault ?
Il rouvrit les yeux. Elle était là. Il entra sans attendre d’y être invité.
— Thibault, que fais-tu ici ?
Il avait avancé au centre de la pièce. Son cœur palpitait douloureusement, mais il l’observa sans détour. Elle avait la mine pâle, pas vraiment le visage épanoui d’une jeune future mariée auquel on aurait pu s’attendre.
— Tu vas vraiment l’épouser ?
Elle écarquilla les yeux, puis se mordit la lèvre.
— Qu’est-ce que tu racontes… Évidemment.
— Solène…
Thibault serra la mâchoire. Il n’était pas certain de ce qu’était ce sentiment qui se répandait à présent dans tout son corps. Ses bras tremblaient. Ses genoux tremblaient. Il se sentait fiévreux. Il avança d’un pas vers elle, et elle eut un léger mouvement de recul.
— Tu l’aimes, alors ?
— Thibault, mais enfin…
Elle avait rougi. Il plongea son regard dans le sien et continua d’avancer, jusqu’à ce que la jeune femme se trouve acculée contre le mur de sa chambre. Là, il se pencha vers son visage. Il aurait dû avoir peur. Il aurait dû être terrifié de son propre comportement, lui, l’esclave qui avait oublié toute notion de respect. C’était l’impératrice. Mais ça n’était pas seulement l’impératrice. C’était aussi Solène.
— Thibault je t’en prie, si quelqu’un entrait, même moi je ne pourrais pas…
— Repousse-moi. Si c’est ce que tu veux.
Il y eut quelque chose d’un peu suppliant dans le regard de Solène, et Thibault se pencha et plongea la main dans la poche de sa robe, frôlant au passage son cou de ses lèvres. L’instant d’après, il plaquait sa clé de contrôle contre la poitrine de la jeune femme. Elle leva la main et la posa par-dessus celle de Thibault. Sa respiration s’était accélérée.
— Thibault, je…
— Fais-le. Si tu veux te débarrasser de moi, tu peux. C’est facile. Qui dirait quoi que ce soit ?
— Arrête maintenant, ça suffit.
Il se tut, mais refusa de baisser le regard. Elle était en colère, mais ne se dégageait pas.
— Qui dirait quoi que ce soit… ? répéta-t-il. Je suis tellement insignifiant. Je ne suis rien dans ce monde…
— Tu n’es pas rien, Thibault, qu’est-ce qu’il te prend ?
— Je pensais que tu m’aimais.
Il vit les lèvres de Solène trembler, et il baissa les yeux. Elle ne répondait pas. Son cœur manqua quelques battements. Il s’était trompé. C’était dans sa tête, tout ça. C’était un jeu, et il avait perdu.
— Je suis un vrai idiot, il n’y a pas de doute… murmura-t-il. C’était trop prétentieux de ma part de croire que tu pouvais ressentir plus que ça pour moi. Pardon.
Il s’éloigna d’elle et marcha droit vers la porte de la chambre. Il allait quitter la pièce quand les deux bras de Solène se refermèrent autour de sa taille. Lentement, il se retourna vers elle, et plongea son regard dans le sien. Ils restèrent ainsi de longues secondes, s’étudiant l’un l’autre. Puis Thibault n’y tint plus, et vint coller ses lèvres contre celles de l’impératrice.
Avec douceur, avec fermeté.
Et Solène lui rendit son baiser. Elle leva une main pour lui caresser la joue, laissant la clé de contrôle du collier lui échapper. Thibault l’entoura à son tour de ses bras, la rapprochant tout près de lui.
— Solène… murmura-t-il.
Il avait gardé les yeux fermés, et ses lèvres étaient tout près de celles de l’impératrice. Puis elle s’éloigna brusquement.
— Qu’est-ce qu’il me prend… Tu ne sais pas ce que tu dis, Thibault. Tu ne comprends pas… !
Elle le repoussait de nouveau, mais il referma ses mains sur ses poignets cette fois. Délicatement, il y déposa un baiser, puis un autre. Il observa sa réaction. Elle avait la bouche légèrement entrouverte, et le regarder la couvrir de baisers.
— Est-ce vraiment avec lui que tu veux être ? chuchota Thibault.
— Je… Nous sommes… C’est mon fiancé, Thibault…
— Ce n’est pas ma question.
Elle lui fit lâcher ses mains d’un geste plein de douceur. Ses sourcils retombaient légèrement, comme si elle allait pleurer. Elle fit quelques pas pour venir se placer devant son immense miroir sur pied. Il la suivit.
Elle se tenait immobile, les mains sur les hanches, et regardait, non pas son reflet, mais celui de Thibault, avec une expression à la fois triste et languissante. Il approcha alors, dans son dos, et écarta une mèche de cheveux de son cou. Elle le dévorait toujours du regard, dans le miroir. Il déposa un baiser sur son épaule, et remonta lentement, jusque sous son oreille. Là, il leva de nouveau les yeux vers elle. Elle avait quasiment fermé les siens. Il passa un bras autour de sa taille, et saisit son menton entre ses doigts, tournant son visage vers le sien afin que leurs lèvres puissent de nouveau se rencontrer.
Il ne pouvait plus s’arrêter. Trop souvent, il avait cru surinterpréter les sentiments de Solène. Il avait désespéré que ce soit dans sa propre imagination qu’elle ait pu éprouver quoi que ce fût. Il mordit un peu sa lèvre, comme pour s’assurer qu’elle était toujours là, avec lui, et l’entendit gémir. Ce n’était pas son imagination. Elle était là, entre ses bras, et elle l’acceptait, il en était certain. Elle s’écarta un instant pour se tourner, et mieux revenir se blottir contre lui. Il fit alors quelques pas en arrière, l’entraînant à sa suite, jusqu’au lit immense de la pièce.
Il s’assit sur le matelas et la regarda encore, comme pour lui transmettre tout le désir qu’il ressentait à cet instant. S’il n’était pas fou, il voyait un reflet de cette passion sur le visage de l’impératrice. Elle se pencha vers lui, et l’embrassa à son tour. Elle grimpa sur le lit, un genou de chaque côté de ses cuisses, et entoura son cou de ses bras. Il leva doucement les mains, les laissant caresser le bas de son dos. Elle ne le repoussa pas. Il rencontra le nœud qui fermait le corsage de sa robe et le dénoua d’une main habile. Elle marqua un arrêt.
— Thibault, il faut que tu comprennes…
— Je t’aime Solène. Et tu le sais. Je ne l’ai jamais caché. Si tu ne veux pas de moi, dis-le clairement, et je partirai. Je me tairai, puis quand viendra l’heure je quitterai le Sommet. Je me moque que tu l’épouses. Je me moque de tout ça, je veux juste savoir si tu ressens quelque chose pour moi.
Elle écarquilla les yeux. Il lui avait rarement parlé si directement. C’était quitte ou double, mais il ne pouvait plus supporter ces sentiments voilés.
— Thibault, j’épouse Seth Pluto pour des raisons politiques… Je…
— Je t’aime Solène, répéta-t-il doucement. Je voudrais pouvoir t’offrir ce que tu attends de lui. Je n’ai rien à te donner. Mais je t’aime. Est-ce que tu ne ressens rien pour moi ?
Elle ne répondit pas immédiatement, mais il sentait son regard sur lui comme on sent une flamme à quelques centimètres de sa peau.
— Je ressens beaucoup plus que je ne le devrais…
Il attendit.
— Je t’aime aussi, Thibault…
Il soupira de soulagement et un sourire étira ses lèvres. Son cœur allait éclater. Il voulut parler, mais Solène déposa un doigt sur ses lèvres.
— Ça ne change rien à ce que je dois faire demain. Tu comprends ?
Il déglutit, mais hocha la tête.
Les lèvres de Solène vinrent alors presser les siennes. Il fit glisser ses doigts sur les hanches de la jeune femme, rejoignant le lacet de son corsage.
— Attends…
Elle se redressa brusquement, et il eut peur un instant. Mais elle n’avait fait que quelques pas, pour venir trouver sa clé restée au sol. Elle revint la seconde suivante, et posa délicatement la clé contre son collier. Juste après, le collier glissa, et Thibault porta les mains à son cou.
Depuis six ans, c’était la première fois que sa peau retrouvait l’air libre, et il se sentit comme nu. Elle caressa l’endroit où le métal s’était trouvé.
— C’est si lisse, remarqua-t-elle avec un sourire.
Il eut un rire léger. Il la débarrassa du collier et de la clé, les jetant au loin, et l’attrapant par la taille, il la fit basculer sur le lit avant de tirer sur sa robe.
Ce soir, ce serait elle, qui lui appartiendrait.
***
Au dehors, la lune était à demi-masquée par de bas nuages. Solène avait laissé sa tête reposer sur son bras. Allongé sur son côté, Thibault observait chaque détail de son visage. Ses yeux gris et les longs cils qui les bordaient. Ses pommettes rosées. Ses lèvres pâles qui s’étiraient d’un léger sourire. Les lourdes boucles brunes tombant sur son front. Il caressa sa joue. Il ne pouvait pas s’empêcher de sourire, lui non plus. Elle posa une main sur son torse et avança vers lui pour déposer un baiser sur ses lèvres.
* Biiip
Solène roula des yeux et se détacha de lui pour se pencher vers sa table de nuit. Elle se saisit de sa page et se redressa en position assise. Thibault suivit son mouvement et passa ses bras autour de sa taille pour la rapprocher de lui.
— Attends Thibault, il faut que je regarde, c’est un message.
Il lui déposa un baiser dans le cou.
— Qui t’écrit à ces heures indues ?
Il voulut actionner le bouton du boîtier mais elle retira vivement sa main. Il haussa les sourcils et elle parut gênée.
— Ce n’est sûrement rien, dit-elle d’un ton empressé. Je regarderai demain.
Thibault continua de la détailler un moment, mais elle se contenta de reposer l’objet près de son lit et se blottit contre lui. Il déposa un baiser au sommet de sa tête.
— J’aimerais rester comme ça pour toujours, murmura-t-il. Si le temps pouvait s’arrêter…
Elle se pressa plus fort contre lui.
Il n’y avait aucun bruit. Seul le rythme régulier de leur respiration, et quelques battements d’ailes nocturnes qui leur parvenait depuis l’extérieur. Parfois aussi, le frottement des draps quand ils resserraient leur étreinte.
— Tu veux aller prendre une douche ? interrogea Solène au bout d’un moment.
Thibault fronça les sourcils et détacha son regard de l’astre lunaire pour observer la jeune femme. Elle ne pouvait pas le voir, le visage ainsi niché au creux de son cou, alors il l’attrapa délicatement par les épaules pour qu’elle recule un peu.
— Je sens mauvais ?
Solène éclata de rire.
— Bien sûr que non. Je vais y aller aussi, je te proposais juste de passer le premier.
— On peut y aller ensemble, fit-il alors d’un ton mielleux.
Elle eut un nouveau rire.
— Vas-y le premier, Thibault, insista-t-elle.
Il soupira, puis s’extirpa hors des couvertures sous le regard de la jeune femme. Il attrapa ses vêtements éparpillés dans la pièce avec une lenteur exagérée, puis se retourna pour battre des cils en direction de Solène qui observait son manège, le sourire aux lèvres.
Puis soudain, quelques coups résonnèrent à la porte de la chambre. Thibault sentit son cœur faire un bond alors que l’adrénaline se répandait dans ses veines. Solène ouvrait de grands yeux. Il la vit s’enrouler dans le drap de son lit, puis elle se tourna vers lui.
« Cache-toi ! », lut-il sur ses lèvres.
Il fila vers le boudoir adjacent à la chambre et repoussa la porte en prenant soin de ne pas la claquer. Son cœur battait à tout rompre. Il jeta un coup d’œil vers l’intérieur de la pièce close dans laquelle il s’était retiré, et se sentit piégé. Il maudit silencieusement l’importun qui osait déranger Solène à une heure si tardive, qui plus est à la veille de son mariage, tout en priant pour que ça ne soit surtout pas le futur époux. Il colla son oreille à l’interstice de la porte.
— … n’est vraiment pas le moment… entendit-il Solène indiquer à voix basse.
— Je suis désolé, je sais bien que tu te maries demain mais puisque vous partez ensuite chez les Pluto, j’ai pensé qu’il valait mieux venir maintenant… Laisse-moi entrer Solène, avant que quelqu’un…
Thibault ouvrit la porte d’un coup. Son sang s’était figé. Il avança dans la chambre de l’impératrice, ses vêtements toujours dans sa main, et fit face à l’intrus qui écarquilla ses yeux vairons en le découvrant.
Solène était devenue écarlate. Elle saisit Gabriel par le poignet et le fit entrer dans la chambre avant de refermer précipitamment la porte derrière lui.
— Qu’est-ce qu’il fait là ? demanda alors Thibault d’une voix qui lui parut étrangère.
Gabriel était bouche bée. Son regard jonglait entre Thibault et Solène, un net sentiment d’incompréhension peignant ses traits. Solène, elle, semblait à deux doigts de la syncope. Bientôt, les yeux de Gabriel s’arrêtèrent sur Thibault, et le détaillèrent de haut en bas. Prenant enfin conscience qu’il était complètement nu, le jeune homme rabattit sa main qui tenait les vêtements devant ses parties intimes, et le regard de Gabriel changea.
— Je vois, fit-il.
Il se tourna vers Solène. Un éclair de colère brillait dans son regard.
— Je t’ai envoyé un message avant de venir, lança-t-il d’une voix lourde de reproche.
— Je n’ai pas pu le lire, Gabriel…
Elle paraissait mortifiée et Gabriel ne cessait de la scruter de son regard acéré.
— Je peux savoir ce qu’il se passe ? fit alors Thibault.
Depuis quand étaient-ils si proches, ces deux-là ? La première surprise passée, Thibault venait de réaliser que Gabriel l’avait tutoyée. Et Solène, malgré son air chamboulé, ne semblait pas étonnée de sa présence dans sa chambre.
— J’allais te poser la même question, répliqua froidement Gabriel.
Thibault eut la nette impression qu’il était fâché.
— Ça ne te concerne pas, Gabi, répondit-il néanmoins.
Gabriel pinça les lèvres. Thibault le vit inspirer profondément, puis il lui lança un regard assassin.
— Coucher avec l’impératrice à la veille de son mariage ? Ça, c’est la grande classe, Thibault.
Thibault eut l’impression de recevoir une gifle en plein visage. Solène les observait tour à tour, n’osant intervenir, et de nouveau Gabriel braqua son regard sur elle.
— Tu es consciente que si quelqu’un d’autre que moi découvrait ça, il serait mort dans les heures qui suivent ?
Solène pâlit brusquement. Elle baissa les yeux, entrouvrit la bouche, puis jeta un regard accablé vers Thibault.
— Depuis quand vous êtes si familiers, tous les deux ?
C’était vraiment trop perturbant. Au milieu du tourbillon de sentiments qui l’avaient assailli, c’était celui qui l’écorchait le plus vivement.
— Euh… Depuis quelques temps… Il m’aide à réfléchir à certaines choses… répondit alors Solène d’une voix faible.
— Quel genre de choses ?
Elle rougissait sous le regard brûlant que Gabriel lui jetait.
— Des façons d’améliorer le système politique de la cité… Ce genre de choses…
Thibault cligna des yeux, puis avisa la mine sombre de Gabriel.
— À cette heure-ci ? Depuis combien de temps ça dure ?
— Depuis un peu plus de trois ans… répondit-elle, penaude.
Trois ans ? Il secoua la tête, effaré.
— Pourquoi tu ne me l’as jamais dit, Gabi ?!
Le garçon aux yeux vairons jeta un regard de franc dégoût à Thibault puis prit la direction de la porte.
— Je t’enverrai ce que je voulais te dire par message, cracha-t-il à l’attention de Solène.
Puis il sortit, toujours fulminant.
***
Thibault était resté encore une heure avec Solène avant de partir dormir. Il avait voulu la rassurer, lui dire que même si Gabriel faisait la tête, il ne les trahirait pas, et avait été surpris de découvrir que ça n’inquiétait pas la jeune femme. Elle était certes mal à l’aise, mais avait entièrement confiance en lui.
Elle avait alors révélé toute l’histoire à Thibault. Un peu plus de trois ans auparavant, Gabi était venu la trouver et avait entrepris de « l’éduquer » d’après ses propres termes. Il lui rendait souvent visite aux heures les plus impromptues, pour attirer son attention sur tel ou tel fait d’actualité. La page qu’il possédait… Il avait dit à Thibault que c’était un cadeau de Rebecca. C’était un mensonge, c’était Solène qui la lui avait offerte en réalité. Tout ça avait commencé au 31 décembre de l’an 2711. Le jour où Thibault avait vu Gabriel se présenter à la chambre de Solène. Il se souvenait de l’arrivée de son ami, et l’impression qu’il avait eu à ce moment-là, que Gabriel n’avait osé parler devant lui.
Ce jour-là, il avait découvert en regardant la télévision l’existence d’une jeune lycéenne, une botaniste qui avait ramené à la vie une plante de l’ancien monde, aux propriétés intéressantes quand il s’agissait de filtrer la pollution environnante. Gabriel avait pensé que Solène devrait s’y intéresser et avait alors porté l’information à son attention. D’abord surprise par la démarche de Gabriel, elle s’était finalement beaucoup intéressée à la nouvelle. Elle lui avait confié une page afin qu’il puisse rechercher d’autres informations du même type dès le lendemain. Quelques temps après, elle avait rencontré la jeune Marie Conie et avait décidé de financer ses recherches afin d’adapter la plante au microcosme qu’était Délos. Absolument ravie de l’entreprise, elle avait alors commencé à parler régulièrement avec Gabriel de toute sorte de choses, et il avait peu à peu pris une place de conseiller à ses côtés, toujours dans le plus grand secret.
Quand il avait quitté la chambre de l’impératrice, Thibault était médusé. Une fois dans l’aile des esclaves, il hésita à aller frapper à la porte de Gabriel. Il lui aurait volontiers demandé des explications complémentaires, et il voulait aussi savoir quelles étaient les nouvelles concernant la disparition de Tobias, car il savait qu’Ajax était rentré au palais le jour même, mais il renonça finalement. Son expression, avant de les quitter, Solène et lui, avait été l’une de celles qui traduisaient une véritable colère. Il n’avait pas le courage de se disputer avec lui à une heure si tardive... D’autant qu’il pensait avoir autant de raisons que Gabriel d’être fâché, puisque son ami lui avait menti pendant des années.
Mon addiction est plus forte que jamais xD Eh bien, sacré chapitre !!! Wow, wow, wow, il s'en passe des choses.
Juste un petit détail, il y a un moment où je me suis un peu perdu quand Gabi entre, je n'ai pas trop visualisé où Thibault se cachait, pourquoi il se montrait... Même si ça n'empêche pas de suivre la suite.
Bon, sinon, commençons par le début. Magnifique scène entre Solène et Thibault. En même temps, on sent Solène sur la retenue, elle sait qu'elle ne doit pas céder cette nuit-là, ce qui empêche le moment d'être la complète apogée de leur relation. Mais c'est assez incroyable de voir Thibault parler de manière aussi directement, faire preuve d'un tel lâcher prise. On ne peut que regretter qu'ils vivent dans ce monde car dans un autre, leur couple aurait été parfait.
Juste un petit détail sur le "Ce soir, ce serait elle, qui lui appartiendrait." Je comprends l'idée de cette formulation, avec l'inversion des statuts pour une nuit. Après je trouve que ça sort un peu du côté mignon / jeunes adultes de leur couple pour quelque chose de plus domination, qui apporte d'autres enjeux à la scène. Je ne sais pas si c'est ce que tu voulais ?
L'arrivée de Gabriel est très intéressante, c'est chouette d'apprendre que Solène a travaillé en secret avec lui sur des projets pendant 3 ans. Ca amène de l'intérêt aux éclipses précédentes, on fait des liens, c'est chouette.
J'ai trouvé que le discours rapporté de fin de chapitre amenait beaucoup d'infos d'un coup. Sans être noyé non plus, je pense que ça aurait pu être plus progressif ? Je ne sais pas si on aurait pas pu avoir une partie avec les mots de Solène ? Quitte à terminer en discours rapporté ? Je ne sais pas trop, je te livre juste mon ressenti.
Encore une fois, Thibault se montre bien égoïste en décidant que c'est lui qui doit être en colère. Il est bien aveugle...
Mes remarques :
"Thibault serra la mâchoire. Il n’était pas certain de ce qu’était ce sentiment qui se répandait à présent dans tout son corps. Ses bras tremblaient. Ses genoux tremblaient. Il se sentait fiévreux." simplement mais justement décrit, j'ai vraiment ressenti l'émotion de Thibault
"C’était l’impératrice. Mais ça n’était pas seulement l’impératrice. C’était aussi Solène." très beau passage !
"Elle revint la seconde suivante, et posa délicatement la clé contre son collier. Juste après, le collier glissa, et Thibault porta les mains à son cou." wow, ce moment est magnifique, ça fait tellement longtemps qu'il le porte...
Je continue !
Le moment où Gabi entre, Thibault va se cacher dans un boudoir -sans issue- qui est adjacent à la chambre de Solène. Pourquoi il se montre, parce qu'il a reconnu la voix de Gabriel... Je pensais que c'était implicite T.T
Pour la phrase que tu me remontes, oui, j'ai conscience du double sens. J'en avais conscience quand je l'ai écrit, et en plus on me l'a déjà fait remonter, mais... Alors c'était ce que je voulais dire... Oui et non, ce n'est pas exactement ce que je voulais.
J'ai décidé de la garder malgré le côté "domination" (au sens sexuel disons, ce n'était pas ce que je recherchais), parce qu'en effet principalement, je voulais marquer l'inversion du statut suite au collier qui disparait. Ensuite, je voulais aussi sortir du côté mignon, parce qu'ils dépassent le cadre "légal" du rôle de Thibault ici. Dernière chose, je voulais mettre l'accent sur le côté possessif de Thibault (que je développe depuis un certain tant, et qui ici devait être à son apogée). Mais j'entends qu'il y a aussi un sens également un peu pervers qui n'est pas tout à fait dans mes intentions (ni dans celles de Thibault). Je n'ai pas réussi à trouver de meilleurs mots pour rendre les effets que je voulais transmettre.
Je note pour ta remarque sur le discours rapporté. J'ai peut-être été un peu vite dessus, mais comme ça revient assez rapidement, comme sujet, j'ai pensé que ça n'était pas gênant de le survoler ici (ça accentue notamment le fait que Thibault prend plein d'infos dans la tête d'un coup). Aussi, je ne voulais pas que ça soit l'épicentre du chapitre, tout en étant sur une révélation importante.
Merci beaucoup de ton retour ^^
Hmmm oui, c'est dur de remplir tous ses critères sans avoir ce côté un peu pervers. Je comprends le problème. A réfléchir.
Okok, peut-être limiter le nombre d'infos si on revient plus tard là dessus ?
Tkt, je relève les petits détails qui m'interpellent mais ce sont vraiment des détails, le chapitre est excellent.
"on a suffisamment cerné le caractère de Thibault, à ce moment du récit ?" Oui, il est bien posé
Et donc il explose !
Et je saute les paragraphes, reprends la lecture dans le bon sens, mais mes yeux s'égarent. Oui, non ? Oui, non ? Comment ? Boum ! L'amour triomphe !
Et la narration nous fout dehors.
Il me manque alors un repère temporel juste au début du passage qui suit, parce que je pensais que c'était le matin. Vu que ça dit « la nuit » juste avant. J'ai été désarçonné par le « Qui t’écrit à ces heures indues ? ».
Habile tactique que de l'envoyer à la douche pour qu'elle ait le temps de lire seule le message. Ah bah non, en fait.
C'est un peu trop rapide pour moi, entre le message et l'arrivée de Gabi, il ne s'est passé que le ramassage des vêtements.
Et Thibault fait du grand Thibault, au lieu de récolter passivement des informations, il entre comme si Gabi lui appartenait. Et vlan ! Dans sa tronche.
Les fils se recousent, la trame avance. Gabi est bien un fin politicien, une sorte d'héritage de la duchesse, davantage que son amant. Ça me fait penser que dans la relation avec l'empereur, ce dernier semble chercher à asservir Solène.
« D’autant qu’il pensait avoir autant de raisons que Gabriel d’être fâché ». Ce que tu penses mal, cher Thibault :o
Bon, au moins, elle aura eu son premier amour comme premier partenaire, même si c'est passé sous silence.
Bricoles :
encore pire, lorsqu’ils -> tu peux la faire sauter, cette virgule ;)
dès leurs arrivées. -> leur arrivée
Elle révéla alors -> souci de cohérence des temps. Il « était resté », donc l'action a un aspect fini, donc il n'est plus là. Il n'est pas possible de le lui révéler alors. « Elle avait révélé » pour le correctif facile
que Gabriel n’osait parler devant lui. -> n'avait osé (théoriquement)
Pour la temporalité c'est noté, je vais le retravailler. À la base ce chapitre coupait juste après les *** et repartait le lendemain matin avec Thibault qui avouait à Gabriel qu'il avait couché avec Solène, et ne découvrait pas à ce moment-là la relation Solène-Gabi. C'est l'une des grosses modifications de cette récente réécriture. Du coup je n'ai pas suffisamment fait attention, je vais essayer de le réaccorder correctement.
Je note aussi pour l'arrivée de Gabi. Je suis d'accord. Je vais me gratter la tête pour faire durer davantage.
Je rebondis sur ta remarque comme quoi Gabi est héritier de la duchesse davantage que son amant ! Gabi n'est amant de personne (à son grand dam haha) mais ce n'est pas vraiment l'héritier de Rebecca non plus. Elle n'a pas les mêmes idées que lui, au contraire. Par contre, il peut glaner des informations à son contact et donner à Solène les éléments qui peuvent lui manquer. Est-ce que ça semble trop flou ?
Et pour Seth Pluto, il sera l'époux de Solène, mais pas l'empereur pour autant. Je me suis dit que le titre serait transmis par le sang exclusivement.
Merci pour les bricoles, je corrige de suite ! ^^
S'il ne devient pas empereur, ça va effectivement simplifier mes théories fumeuses :D
J'ai beaucoup aimé la scène entre Thibault et Solène. On sent la tension entre les deux, le désespoir de Thibault et Solène qui est déchiré entre ses sentiments et son devoir.
Je me demande comment va se passer le mariage... Et l'après