Chapitre 14 : Retrouvaille en Enfer
Après plus de quinze minutes a boité dans le sombre couloir, uniquement éclairé par ma torche, j’arrivai devant un nouveau cul de sac, la grotte dans laquelle j’avais été enfermé semblait être un immense complexe souterrain ? J’avais à chaque fois pris uniquement les chemins à ma droite sans résultat, et finalement, je m’étais perdu dans cet abîme de ténèbres qui me paraissait sans limite.
À mesure que je progressais dans l’ombre, je croyais entendre des sons, des explosions, des flammes, des cris, j’essayais de m’en rapprocher, mais je retournais toujours à mon point de départ, ma cellule. La faim commençait à me tirailler et la fatigue m’alourdissait les paupières. Je me posai contre un mur pour me reposer quelques instants quand je remarquai une étrange ombre, qui semblait mouvante, près du sol. Lorsque mes doigts frôlèrent ces ténèbres vivantes, je ressentis un grand frisson, comme si un grand froid avait soudain pénétré le labyrinthe. À peine, j’eus fermé mes yeux un instant que quand ils se rouvrirent, j’étais entouré de neige, le froid me mordait la peau sans prévenir et le gel me recouvrait partiellement. Que se passe-t-il ? Où suis-je ?
Je faisais de mon mieux pour ne pas céder à la peur, et je me remis en marche, activant et frictionnant mes muscles pour ne pas subir d’hypothermie, j’avançais vers la source de ce vent gelé, observant minutieusement les murs et le sol pour ne pas rater d’autres phénomènes semblables à l’ombre mouvante.
Des frissons ne cessaient de parcourir mes membres frigorifiés, je commençais à trembler. Plus je me rapprochais de la source du vent, plus ce dernier soufflait fort et plus il était froid, mon souffle créait de la fumée blanchâtre qui me bloquait partiellement la vue, ma torche s’était éteinte, mais la lumière n’avait pas disparu, s’infiltrant par de petites failles dans la roche, j’avais tenté de voir au travers, mais la lumière était trop lointaine, et étrangement, le vent ne rentrait pas par ces ouvertures.
Cela faisait plus d’une demi-heure que je voguais dans ce froid, le vent me transperçant la peau, la source de mes malheurs, la porte vers la liberté était si proche ! Je la voyais à a peine quelques mètres, ses battants de fers ouverts qui frappaient les murs par la faute du blizzard. J’étais à deux doigts de pouvoir sortir, quand je me sentis soudainement tomber, comme si je chutais d’une haute montagne. J’entendis distinctement un éclair frappé la roche puis je me vis tomber sur moi-même avant de rentrer dans mon propre corps.
Je me réveillai en sursaut, au milieu du tunnel où j’avais précédemment décelé l’ombre vivante. Je me relevais en laissant tomber la torche qui s’éteignit sous le choc. Les sombres ténèbres m’entourèrent, mais au milieu de cette obscurité, une lumière parut au bout du tunnel. Une sortie ! Je me hâtais vers cette lumière libératrice, mettant de côté la prudence.
Au fur et à mesure que je me rapprochais, la lumière, blanche et pure, devenait orangée et palpitait comme les flammes, arrivé à la fin des ténèbres, mon corps se figea devant un spectacle macabre… Une immense grotte, pleine de flamme, des gens qui m’étaient inconnus affrontait des hordes de monstres, des dizaines arrivaient de l’entrée. Des cris fusaient de part et d’autre de la caverne, mais étaient rapidement couverts par les bruits des fusils lâchant des avalanche de plomb. Les corps des monstres et des hommes s’amoncelaient, le sang coulait sur le sol. Ce spectacle, pourtant similaire à l’Apocalypse, était encore plus terrifiant… Aucun des deux camps ne fuyait, on aurait dit une bataille entre monstres… Qu’était donc advenu de l’humanité d’avant ? Était-ce vraiment cela la réalité ? Comment… Comment on avait pu en arriver là ?
Mon cœur se serrait dans ma poitrine, me contractait les poumons, j’avais l’impression que j’allais exploser. Je criais, la folie me gagnait, je n’entendais plus que la mort. C’était vraiment ici que je devais être ? Pourquoi ? Qui en avait décidé ainsi ? Les dieux ? Les monstres ? Qui étaient-ils pour ainsi se donner le droit de changer le destin du monde ?
Un monstre me remarqua et courut vers moi. Mes sentiments se mélangeaient, peur, angoisse, folie, colère, euphorie, je ne bougeais pas. Je me tenais la poitrine pour l’empêcher de sortir. Le monstre, un loup, sauta dans les airs, ouvrant sa gueule, prêt à me déchiqueter. Je ne bougeais pas, je ne le voyais pas. Je riais…
Quelqu’un apparut, fort, grand, puissant… Il frappa la créature. Je ne voyais que son dos…
- Qu’est-ce qui t’arrive merde ?
Une douleur à la joue m’arracha un gémissement. Les couleurs fusionnaient, mais lui restait net au milieu de ce paysage infernal, cet homme, si fort, si courageux, ses mains couvertes de rouges, me regardait avec une telle mélancolie.
- Lève-toi… T’est pas tout seul ! On est là pour toi !
Une main se posa sur mon épaule, mon cœur ralentissait sa course vers l’infarctus. Je retrouvais la lumière, je sentais des larmes couler depuis mes yeux. J’attrapais la main, si douce, si pure.
- Arthur… Malila… Aidez-moi !
Arthur fit un semblant de sourire puis se retourna vers l’avant, empoignant son marteau a deux mains.
- Évidemment ! On te couvre ! Alors reprends-toi, on doit se casser de cet enfer !
Malila se mit devant moi pour me couvrir, elle m’adressa un regard plein de tendresse et de compassion. Arthur s’époumona dans un cri de guerre terrifiant. Son visage, son regard avait changé, il n’était plus le même. Que s'était-il passé en moins de deux jours pour les voir à ce point différend ? Les monstres se ruaient sur nous, Arthur de son marteau les éliminait les uns après les autres, Malila elle, récitait d’étranges incantations, des flammes blanches apparaissaient autour d’elle, et fonçait sur les adversaires, les brûlant vifs.
Leurs visages étaient… Si triste… Ils avaient sûrement vécu des choses horribles… Je ne pouvais pas rester là, au sol, à les laisser se battre pour me protéger ! Où était passée ma volonté de combattre pour eux ? Je devais... Me battre !
Je me relevais, un pas après l’autre, malgré le poids du monde qui semblait m’enfoncer dans le sol, je mordis ma langue suffisamment fort pour saigner, je sortis enfin de ma torpeur ! Ma dague, posée là par Arthur, vola jusque dans ma main. Je passai entre mes deux amis, courant à en perdre haleine vers mon unique cible, un baril de poudre marqué par un panneau de danger. Mon visage se crispait. Les monstres, les humains, tous me barraient la route. Mais je n’étais pas seul ! Arthur me passa devant, et m’ouvrit un chemin en terrassant les ennemis. Malila nous soutenait de loin avec ses flammes. Ils n'hésitaient pas, ils fauchaient nos adversaires peu importe leurs races. Je m’engouffrais dans le couloir ouvert à la force de leurs corps et de leurs mental.
Je pris ma deuxième dague dans la main gauche, je plantai les deux dans le baril, et je le jetai en l’air de toutes mes forces, il vola presque jusqu’au plafond, c’était suffisant…
Malila compris facilement, elle enflamma la poudre, l’explosion, d’une blancheur a coupé le souffle, balaya le plafond de pierre qui vint s’écraser tout autour de nous, le souffle de la bombe fit valser à plusieurs mètres la quasi-totalité des monstres et des hommes.
Comme je l’avais ressenti, Seresu était au-dessus du trou, une corde à la main qu’elle serrait de toutes ses forces et qu’elle jeta dans l’issue de secours.
Nous avions notre porte de sortie !
Jacob, apparut de nulle part, attrapa la corde de notre salut, et commença directement à grimper sans nous attendre, Malila le suivi de près, puis Arthur, et enfin moi. Les monstres et guerriers ennemis recommençaient déjà à affluer et tentaient de grimper à la corde. Ils m’attrapaient les chevilles et tentaient de me faire chuter, je leur donnais coup de pieds et coup de coude, mais rien ne les arrêtait. Le câble n’était plus qu’à deux doigts de lâcher, j’hésitais à lâcher prise en emportant nos ennemis dans ma chute, mais je n’en eus pas le courage…
Sortie d’entre les arbres à l’extérieur de la grotte, une flèche, silencieuse et meurtrière, vint couper la corde juste sous moi. Monstres et hommes tombèrent sur le sol, et se firent écraser par leurs camarades. Lorsque je remontai enfin à la surface, Seresu et Arthur se jetèrent sur moi et m’enlacèrent. Pendant plus d’une minute, nos larmes de retrouvailles se mélangèrent sur le sol terreux.
- On doit partir ! Nous interrompit Jacob de sa voix forte. Les monstres ne vont sûrement pas tarder !
- Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Demandais-je en me relevant avec l’aide de mes deux amis.
- Pas le temps d’expliquer ! On doit partir ! Immédiatement !
Jacob se mit à courir vers la forêt, son visage semblait grave. Avant de le suivre, j’observai les alentours, et mon visage se crispa instantanément, au loin, d’immenses colonnes de fumée illuminées par les flammes s’élevaient dans le ciel, et une armée de plusieurs centaines de monstres sortait des ténèbres, attaquant sans répits les soldats humains. C’était, non pas une bataille, mais un massacre. Encore une fois, qui… Qui dans ce monde pouvaient à ce point détester les humains pour s’acharner sur nous.
Seresu posa sa main sur mon épaule, son visage rempli de tristesse.
- On doit partir…
Je pris sa main, le cœur serré. Et sans dire un mot, je suivis les autres, disparaissant entre les arbres. On courrait à en perdre haleine, sans autres lumières que les flammes volantes de Malila, nous ne savions pas où nous allions. Mais on s’éloignait, bientôt, les cris de souffrances et de haines des hommes et des non-hommes disparaissait. Plus le temps passait et plus la honte, la peur, et le dégoût se mélangeaient en moi, j’avais honte de ne pas pouvoir me battre, d’être trop faible, j’avais peur, de mourir, et de perdre mes proches, et j’étais dégoûté par moi-même, j’avais l’impression que le dernier mois passé à m’entraîner n’avait servi à rien.
Après un moment, on s’arrêta dans une clairière. Nous étions perdus. Seresu s’assit près d’un arbre et mit sa tête entre ses mains, Arthur frappais le sol, dans ses yeux, on pouvait voir du regret et de la haine. Jacob était le seul qui ne semblait pas éprouver par la situation. L’expérience, hein…
Je voulais être seul, ne pas leur rappeler leurs épreuves avec mes questions. Je m’éloignai pour réfléchir, même si je n’en étais pas vraiment capable. Je me posai à quelques mètres à peine, mais cachée par un arbre. Et j’examinai la marque violette qui entourait mon poignet. À travers elle, je pouvais sentir une étrange énergie, je n’arrivais pas à savoir si c’était quelque chose de bien ou de mauvais, mais j’avais pu m’enfuir grâce à elle. Les commandes du jeu ne me donnaient aucune information dessus. Son apparence ressemblante a un liquide se déplaçant en moi m’hypnotisait légèrement.
- Qu’est-ce qui t’arrive !? s’exclama Malila à voix basse.
- Quoi ?! Malila ? répondis-je en me retournant et en cachant mon poignet droit derrière mon dos.
- Dis-moi… continua-t-elle d’une voix presque sévère tout en avançant la main vers moi.
- C… Ce n’est rien ! Ne t’inquiète pas…
- Je ne te crois pas…
Elle s’approcha et me prit le bras de force. Elle examina la marque à la lumière de sa magie.
- On dirait du poison…
- Ce n’est pas le cas ! répondis-je en me retirant de son étreinte. Ça… Ça m’a rendu plus fort… Avouais-je en soupirant, la tête baissée.
Elle s’assit à côté de moi, me regardant dans les yeux pour essayer de déceler la vérité dans mes propos. Je me levai et repartie vers la clairière en cachant mon bras dans ma manche.
- Ne le dis pas aux autres… S’il te plaît…
Je repartis sans attendre de réponse. Arrivé dans la plaine, Arthur et Seresu s’étaient endormis contre des arbres visiblement fatigués par la bataille récente, seul Jacob était encore là, au milieu de la plaine, il restait là, debout, observant les profondeurs de la forêt. En m’approchant de lui, je remarquais qu’il tremblait légèrement. Je m’immobilisais à environ deux mètres de lui.
- Jacob ? L’interpellais-je, il se retourna et me fixa, dans ses yeux, je vis un éclat que je n’avais jamais vu, il semblait perturbé, presque terrifié, mais il serra le poing et reprit presque instantanément son attitude habituelle.
- Tu vas bien, Samuel ? Quelque chose te tracasse ?
- Je vais bien… C’est plutôt toi qui as l’air d’avoir besoin d’aide.
- Non… Ne t’inquiète pas…
Un léger blanc s’installa, faisant monter la pression autour de nous. Je soupirais avant de recommencer à parler.
- Qu’est-ce qu’il s’est passé depuis ma capture ? On dirait que vous avez tous vécu de dures épreuves, c’est quoi cette magie qu’utilise Malila, et pourquoi Seresu et Arthur sont dans cet état ?
Mon ton augmentait graduellement à mesure que les sentiments explosaient en moi. Je me sentais mal pour eux, pour cette famille qui était maintenant la mienne, je voulais les aider plus, et je doutais de moi, de si j’étais vraiment utile à eux.
Jacob tourna à nouveau son regard vers la forêt, son regard paraissait se perdre dans les ténèbres, ou dans ses souvenirs. Ce qu’il s’est passé… Murmura-t-il avant de me fixer à nouveau. Il s’assit sur un tronc tombé à proximité, et commença à me raconter leur « aventure ».
Il m’expliqua d’abord comment ils avaient trouvé le camp d'Otaga. Une fois qu’ils étaient arrivés sur la colline à proximité de la grotte et qu'Arthur avait expliqué son plan, ils s’étaient séparé comme convenu, Seresu, Jin, et André étaient parti dans trois directions différentes, et quelques minutes plus tard, des nuages de fumée noirs s’étaient élevé et les flammes engloutissaient de nombreux arbres à proximité des incendies. Les ennemis étaient sortis en grand nombre de la caverne et s’étaient séparés pour courir vers les trois feux.
Après cela, Arthur jeta sa grenade fumigène et il s’enfonça dans le brouillard accompagné de Malila et Jacob. Le plan était d’éliminer les opposant restant, mais Malila ne put s’y résoudre, Arthur, lui, fut le premier à abattre sa lame… Cette annonce me choqua, et Jacob fit un moment de pause pour me laisser me remettre, puis il continua.
Le nuage de fumée commençait à se disperser et Jacob dut éliminer les autres ennemis, Arthur encore traumatisé. L’ancien soldat força Arthur à se relever et ils s’enfoncèrent dans la grotte sombre, laissant les cadavres mutilés sur place. À l’intérieur, on aurait dit une zone de stockage, des dizaines de caisses en bois étaient entassé de partout, certaines, ouvertes, contenaient des armes à feu, des épées, des grenades ou encore des équipements pare-balles ou très résistants. Jacob vola quelques équipements. Des dizaines de gardes stationnaient de partout, au milieu de la zone, un homme, que je reconnus comme étant Otaga, donnait des ordres en gueulant à tout-va et fouettait même ses sous-fifres quand ils osaient se reposer !
Mes trois amis contournèrent chaque garde, prenant le temps de bien analyser la situation, lorsque sans crier gare, un homme courut à l’intérieur et s’époumona à dire qu’ils étaient attaqués et que tous les gardes extérieurs étaient mort ou agonisant. Les soldats se mirent rapidement à courir dans tous les sens pour les trouver, heureusement, pendant la panique, ils s’étaient rassemblés et Jacob, Arthur et Malila purent foncer vers une nouvelle pièce creusée a même la roche et contenant de nombreuses prisons mobiles. Mais je ne me trouvais dans aucune.
Jacob décida de se séparer des deux autres et il fonça dans un escalier menant à une pièce qui était sans doute les archives, là se trouvait des dizaines de livres et documents, ainsi que des objets en tout genre. Il en prit quelques-uns et commença à fouiller dans les documents. Jacob m’expliqua qu’il était à la recherche du plan de la base.
Environ une heure après être rentré dans la grotte, des cris se firent entendre à l’extérieur, Jacob sorti de la pièce et vis un homme privé d’un bras courir et s’écrasa au milieu de l’espace, après à peine quelques secondes, un énorme loup sauta sur la dépouille et dévora ce qui restait à pauvre homme ! Le son des balles retentit et la vile créature s’effondra dans la poussière, touchée aux côtes. Mais c’était loin d’être fini, des dizaines de monstres de différentes espèces accoururent dans la grotte et commencèrent à essuyer les tirs des soldats apeurés, mais forcé à se battre. Le sang des créatures, mais aussi des hommes ne tarda pas à couler sur le sol sale de la caverne, bientôt, les cris d'Otaga furent couvert par les cris de douleur et les explosions des armes à feu. C’est à ce moment-là que je sortis d’un passage dérobé, et à partir de là, je savais tout ce qui s’étaient produit.
- C’est tout ?
- Comment ça, « c’est tout » ?
- Ben… Tu ne m’as pas expliqué d’où venais les monstres, les pouvoirs de Malila… Et le reste…
- C’est tout ce que je sais… Tu ferais mieux d’aller dormir un peu maintenant… Je vais veiller…
Sans le forcer, je me couchai près d'Arthur et Seresu, j’avais remarqué que plus le récit avancer, et plus le visage de Jacob était sombre, mais je n’avais pas osé le faire remarquer… Je m’endormis difficilement, à chaque fois que je fermais les yeux, ma captivité et la vue de la grotte en feu et pleine de monstre me revenais et me terrifiait. Malila nous rejoins peu de temps après, mais elle se coucha un peu à l’écart… Ses flammes blanches s’éteignirent petit à petit et le silence de la nuit me fit temporairement oublier mes malheurs et mes yeux se fermèrent enfin jusqu’au lendemain…