2019
Je dois la retrouver. Quel intérêt ai-je à attendre ici que quelque chose se passe ? La vie n’est pas seulement faite de hasards. Parfois, il faut provoquer sa chance. Je ne sais pas si elle pense toujours à moi, ou même si elle a envie de me revoir, mais si je n’essaie pas de déclencher une nouvelle rencontre, je ne le saurai jamais.
Mon premier espoir se trouve dans mon répertoire téléphonique. Comme je n’ai pas de téléphone portable, j’ai dû m’acheter un téléphone fixe professionnel. Le cœur battant, je compose les numéros, sans trop réfléchir. Je sais que sinon, je n’y parviendrai pas. Très vite, mes espoirs s’effritent. Le numéro n’existe plus. Elle a dû changer de téléphone. Je pousse un long soupir. Ça n’aurait pas pu être simple… ?
Après des heures de recherches infructueuses auprès des différentes universités de Tokyo, dans les annuaires téléphoniques, sur internet, je me dis qu’il faut que j’arrête de m’acharner. Je sens la frustration m’envahir de l’intérieur.
Je repense à Takeo. Depuis ma dernière lettre, je n’ai pas eu de nouvelles, alors qu’il était censé rentrer cet été. Il a dû prendre son poste à Tokyo et a oublié de me répondre. Et moi, je n’ai pas eu l’occasion de lui avouer ce que j’avais sur le cœur. Lui, en revanche, je n’aurais pas de mal à le retrouver, même si je n’ai toujours pas noté son numéro de portable. Je compose le numéro de ses parents, que je connais par cœur depuis des années. Après quelques sonneries, sa mère décroche.
— Allo ?
— Madame Furukawa ? C’est Naoto.
— Oh, Naoto. Je suis contente de t’entendre. Comment vas-tu ?
— Je vais bien merci, et vous-même ?
— Tout va bien ici. Tu voulais parler à Takeo ? Il n’est pas encore rentré de Tokyo. Il arrive vendredi soir.
— Il revient à Fukuoka ?
— Oui, pour ses congés de Noël. Il ne te l’a pas dit ?
— Non… On ne s’est pas écrit depuis quelques temps. Comme je n’ai pas de portable, c’est compliqué.
— Oui, je comprends… Passe nous voir le 23 décembre dans ce cas, ça nous fera plaisir à nous aussi.
— Merci, je ferai au mieux. Je ne vous dérange pas plus. Bonne soirée.
— À toi aussi, Naoto.
Je raccroche. J’ai du mal à respirer. Takeo est mon seul ami. Mais je ne suis pas le seul ami de Takeo. Je ne peux pas l’en blâmer. Pourtant, ça me fait mal. Je n’ai jamais rencontré autant de personnes au quotidien, pourtant je ne me suis jamais senti si seul. Il faut que je trouve le courage d’aller lui parler. Je ne veux plus avoir de regrets.