Chapitre 15

Par Bow

Le lendemain à dix heures, Léa sort de la voiture du grand-père de Quentin, son ami à ses côtés. Elle éprouve une grande joie en revoyant son lycée, bien qu'elle n'y soit pas restée longtemps. Elle sourit à Quentin avant de l’entraîner vers la grille.
— Allez viens, c’est l'heure de la pause, on va pouvoir voir mes amis.
Il a l’air hésitant.
— Tu crois qu’on a le droit de rentrer ? Même moi, qui ne fais pas partie de ce lycée ?
— Mais oui, viens.
En entrant dans l’établissement rempli d’élèves, Léa cherche ses amies du regard. Au bout d’un certain temps, elle aperçoit enfin Marine, devant la cafétéria. Celle-ci la voit et arrive en courant, accompagnée de Marion et Valentine.
— Léa ! Tu es revenue ?
Léa accueille avec plaisir leurs câlins étonnés.
— J’avais juste envie de vous revoir.
Ses amies rient en ne cessant de la toucher comme si elles la croyaient irréelle. A côté, Quentin semble mal à l’aise.
— Les filles, je vous présente Quentin, un ami. Il passe ses vacances chez ses grands-parents, qui habitent dans ma rue.
Les amies de Léa saluent le garçon sans décrocher leur large sourire. Peu à peu, d’autres gens reconnaissent Léa et viennent la saluer en prenant de ses nouvelles. La récréation se transforme ainsi en de grandes retrouvailles conviviales. Mais pendant que tout le monde rit et discute, Léa aperçoit un garçon au loin qui la fixe étrangement. Elle n’a pas de mal à le reconnaitre, il s’agit de Jérémy, un élève de seconde cinq. Il est dans sa classe dans certaines matières, notamment les langues. C’est probablement l’élève le plus indiscipliné du lycée. Il accumule les heures de colle. Il n’est pas spécialement mauvais élève, il a de bons résultats mais il est effronté au plus haut point. Il a très peu d’amis, les gens ne l’aiment pas. Il n’est gentil avec presque personne et insulte volontiers les gens qui osent le critiquer. Léa se sent mal à l’aise, elle n’aime pas sentir son regard sur elle. Elle chuchote à Marine :
— Pourquoi Jérémy me regarde comme ça ?
Marine se retourne discrètement, puis hausse les épaules.
— Je ne sais pas. Tu sais, il est bizarre en ce moment. Un jour il est venu me parler, j’ai cru qu’il allait m’insulter, et en fait il m’a demandé des nouvelles de toi. Du coup je lui ai dit que tu allais bien.
Léa ne peut pas croire ce qu’elle vient d’entendre.
— Il a demandé des nouvelles de moi ? Mais pourquoi ?
— Honnêtement je n’en sais rien, répond Marine en secouant la tête.
Léa finit par mettre cette information de côté pour profiter encore un peu de la présence de ses amis. 

En rentrant chez elle, Léa ouvre sa boîte-aux-lettre. Elle y voit une enveloppe verte, dans laquelle elle trouve un papier griffonné. Encore lui. L’anonyme.

Ton téléphone marche à nouveau, mais je m’en fiche. J’aime bien t’écrire des lettres. S’il-te-plait, reviens. Un jour, peut-être, je t’expliquerai tout. Un jour je t’avouerai tout. Si tu veux bien m’aimer, si tu veux bien me pardonner.

Léa sent son coeur battre à toute vitesse.
— Quentin, lis-ça.
Il lit, puis relève la tête en fronçant les sourcils.
— C’est quoi son problème à celui-là ?
— Je n’en sais rien. Mais je suis curieuse de savoir ce qu’il a à m’avouer, et ce qu’il m’a fait puisque visiblement il s’en veut de m’avoir fait du mal. Et puis maintenant je comprends… « Ton téléphone marche à nouveau », j’imagine que c’est lui qui m’a appelée l’autre jour en s’étonnant que je décroche.
Quentin secoue la tête.
— Ce mec est un malade mental. Il essaye de te draguer en t’envoyant des lettres anonymes, mais il s’y prend comme un pied.
Léa sourit. C’est déjà la deuxième fois que Quentin fait ce genre de remarque. Elle sait que ce n’est pas vraiment le moment mais elle a envie de plaisanter un peu.
— C’est vrai que niveau drague j’ai connu mieux.
Il relève brusquement la tête.
— Comment ça ? Qu’est-ce que tu veux dire ?
Elle rit, puis fait exprès de changer de sujet pour détourner sa question.
— Bon, il faut retrouver qui est ce gars.
— Tu as raison, répond Quentin. Il ne t’a laissé aucun indice sur son identité ?
— Seulement qu’il était dans ma classe d’espagnol.
— D’accord. Donc je pense qu’il faut que tu fasses une liste de tous les garçons de ta classe d’espagnol, et que tu procèdes par élimination.
Léa approuve et s’arme d’un stylo et d’un post-it. Elle réfléchit tout en essayant de se remémorer de la configuration de sa classe. Elle n’est allée en cours que quatre mois, elle a du mal à s'en souvenir.
— Dans ma classe d’espagnol, il y a deux secondes mélangées. La seconde deux, qui est la mienne, et la seconde cinq. A mon avis il est en cinq, sinon il aurait dit plus simplement « je suis dans ta classe ».
Quentin hoche la tête.
— Tu as raison. Alors, qui sont les garçons de seconde cinq en espagnol avec toi ?
Léa se met à écrire. Il y en a six. Damien, Lucas, Matthieu, Anthony, Jérémy et Jonathan.
— Je connais bien Lucas. J’étais à côté de lui en maths au collège, et je sais qu’il n’a pas du tout cette écriture. Anthony a une copine, ça ne peut pas être lui non plus.
Quentin écoute attentivement.
— Ok. Il en reste quatre. Dis-moi en un peu plus sur eux.
— Damien est au premier rang en espagnol. Il est très intelligent. Effectivement, je le verrais bien écrire des lettres anonymes, mais je ne vois pas ce qu’il aurait pu me faire de mal…
— D’accord, donc lui c’est possible. Et les autres ?
— Je ne pourrais rien te dire de spécial sur Matthieu. Il n’est pas dans ma classe, il n’était pas dans mon collège… En fait on ne s’est jamais parlé. Je ne pense même pas qu’il sache que j’existe, je suis presque sûre que ce n’est pas lui.
Quentin hausse les épaules.
— On ne sait jamais, parfois les gens aiment ce qu’ils ne connaissent pas. Ne le raye pas de la liste.
Léa continue sa caractérisation des suspects. Elle a l’impression de faire une enquête policière.
— Jérémy est le mec le plus méchant du lycée. Je ne crois pas qu’il ait assez de coeur pour aimer quelqu’un.
Son ami a l’air concentré dans ses souvenirs.
— Jérémy, ce ne serait pas celui qui te regardait bizarrement hier ? Celui qui avait demandé de tes nouvelles ?
Léa se sent bizarre.
— Euh… si.
— Moi je trouve ça louche. Ne le raye pas de la liste. Et Jonathan ?
— Je ne le connais pas très bien, mais c’est le meilleur ami de Marion. S’il m’aimait, je pense qu’elle me l’aurait dit…
Quentin ne répond pas et un blanc s’installe. Dans un élan de motivation, Léa attrape le téléphone et compose le numéro de son amie.
— Marion ? C’est Léa. J’ai un truc super important à te demander…
Une voix enjouée se fait entendre.
— Ah, re-bonjour Léa. Oui bien sûr, tout ce que tu veux.
— C’est à propos de Jonathan, je sais qu’il te dit tout… J’aurais besoin de savoir de qui il est amoureux, s’il l’est. Ne t’inquiète pas, je ne ferai rien de l’information, c’est juste pour savoir.
Marion rigole à l’autre bout.
— Pourquoi, tu as des vues sur lui ?
— Non, absolument pas, c’est beaucoup plus compliqué que ça. Je t’expliquerai peut-être un jour.
— Ok, ça va. Il pencherait plutôt sur Chloé, tu sais, la rousse en seconde trois.
— D’accord, merci Marion. Bisous.
— Bisous ma Léa, à plus tard.
Léa raccroche, et raye avec satisfaction le prénom de Jonathan. Il n’en reste plus que trois.
L’anonyme est Damien, Matthieu ou Jérémy.
— J’ai un plan.
L’annonce solennelle de Quentin fait sursauter Léa. Sans plus attendre, il lui expose son idée.
— Tu vas te rendre chez chacun des trois en expliquant que la personne qui te passe les cours depuis le début de ton absence a oublié de te donner un cours, et que tu en as besoin. Comme ça, tu verras leurs réactions et tu y verras un peu plus clair.

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