Chapitre 15

Du coin de l'œil, Anastae ne pouvait s’empêcher de regarder Thalion qui s’installait sur un rocher avec son ami aux cheveux rouges. Depuis qu’elle avait eu cette petite conversation avec Emma, deux jours auparavant, et que cette dernière lui avait promis d’en toucher très rapidement un mot aux deux frères avec précaution, la jeune fée appréhendait le moment où il saisirait qu’ils allaient faire équipe. 

De plus, il allait découvrir ses petites manigances avec l’elfe élémentaire… Elle ne savait si cela le mettrait en colère, car il avait précisé lors de sa première rencontre avec Emma qu’elle ne devait en parler à personne et avec un regard appuyé, de se tenir éloignée d’elle.

Anastae se ressaisit : qu’il soit en colère, elle n’en n’avait que faire ! Ce Prince lui tapait sur les nerfs depuis qu’elle avait appris sa position royale et il n’avait fait que de la mettre dans des positions délicates, tout comme voler l’épée préférée et la plus puissante de son père. Si Emma avait su trouver les mots justes pour la rassurer au sujet de ce dernier, une certaine angoisse perdurait au plus profond d’elle

Malgré elle, une nouvelle fois, elle tenta de trouver le frère de Thalion, Hélios donc, dans la foule mais cela se solda par un échec cuisant, comme à chaque fois qu’elle essayait de le discerner. En effet, elle ne l’avait jamais vu de sa vie entière et elle ne savait s’il ressemblait à son frère ou non, il agissait comme un vrai fantôme. 

Curieuse, la fée aux cheveux blancs se pencha vers Luciana, qui était en train de déguster une tartine de miel avec appétit, et lui demanda : 

- Nous voyons très rarement le deuxième Prince… Sais-tu pourquoi ? 

Son amie lui jeta un regard rehaussé d’un sourcil levé. Elle se lécha la commissure de ses lèvres pleine de miel et posa sa tartine sur la nappe posée sur l’herbe. 

Lentement elle croisa ses jambes et fit mine de réfléchir : 

- Il semblerait qu’il n’apprécie les endroits remplis de monde, il ne viendrait qu’à l’Académie seulement pour les examens importants, examens qu’il réussit toujours haut la main. 

- Il est donc presque impossible de pouvoir lui parler…, en déduit Anastae, songeuse. 

Luciana s’appuya contre son bras et ses longs cheveux de jais frôlèrent son épaule, ce qui lui procura un léger frisson. 

Anastae savait que ses questions pouvaient sembler étrange, elle qui n’avait jamais abordé le sujet de la royauté avec Luciana, cette dernière lui soufflant seulement une fois à quel point Thalion ressemblait à une créature parfaite sur tous les points, chose qui avait fait grincer des dents Anastae : 

- Pourquoi, demanda son amie. Tu veux rendre visite à la Royauté ? 

- Oh que non, sourit Anastae, tout à fait honnête. Je me posais la question, tout simplement. 

Pour appuyer ses propos, elle saisit une des tartines de Luciana et planta ses dents dans cette dernière, sans aucune explication. Du coin de l'œil, elle jubila quand elle se rendit compte de l’effet escompté : Luciana la fixait, l’air horrifié, la bouche grande ouverte. 

Anastae en reprit une bouchée. 

Luciana se jeta sur elle, la renversa tant elle mit de force dans ce mouvement, et saisit son poignet qui tenait la tartine où le miel coulait désormais sur l’herbe : de suite une moue désespérée vint ternir ses traits et elle se mit presque à chouiner avec une voix de petite fille : 

- Anastae, mais qu’as-tu fait ?! C’était ma dernière tartine… ! 

- Elle me faisait de l'œil, soupira Anastae en étant d’humeur joueuse. Je n’ai pu résister à la tentation. 

Luciana s’empressa cependant de récupérer sa tartine et de l’enfourner dans sa bouche, la gobant littéralement. Anastae ne put retenir un début de rire face à sa tête si concentrée sur ce qu’elle mangeait, comme pour profiter des dernières saveurs de la journée. 

Puis, soudainement, une lueur de vengeance se tira sur son visage et Anastae comprit aisément qu’elle allait en prendre pour son grade et qu’elle ne pourrait rien faire pour l’en empêcher. Effectivement, Luciana tendit sa main, un haut le cœur la saisit, et alors qu’elle la bloquait avec ses jambes, de un seau rempli d’eau pour le cours suivant se dirigeait vers elle. 

En pleine lévitation par le don de Luciana, Anastae savait qu’elle ne pouvait rien faire pour l’interrompre et tenta donc de se débattre : seulement, Luciane, bien trop prise dans sa vengeance, semblait à tout prix vouloir la retenir et réussit à merveille avec ses longues jambes qui enserraient les siennes. 

La jeune fée aux cheveux blancs comprit facilement qu’elle ne pouvait rien faire pour l’empêcher et accepta son triste sort en fermant les yeux, se préparant à accepter sa punition. En effet, quelques secondes après, de l’eau froide s’abattit sur son visage, trempa ce dernier ainsi que sa robe et ses cheveux. 

Sous le choque, Anastae ouvrit en grand sa bouche et poussa un petit cri alors que son amie gloussait et lui susurra : 

- Ca t’apprendra à voler mes tartines de miel ! 

Anastae pouffa à son tour et ouvrit ses yeux rapidement, les gouttes d’eau s’accrochant à ses cils, et se redressa désormais que Luciana avait desserré son étreinte sur ses jambes. Elle avait conscience des regards curieux ou méprisants sur elle, mais en ce moment précis, elle n’en n’avait que faire : Anastae avait dû apprendre à passer l’avis des autres en arrière-plan depuis bien des années. 

Seulement, son regard se figea sur Thalion, qui l’observait, les bras croisés. Lorsque leur regard se croisa, il souleva ses lèvres dans une moue amusée : Anastae se remémora alors de la façon dont il avait coupé court à l’extase de Menfin de s’en prendre à elle, l’intensité qui était passée en un clignement d'œil. 

Cependant, le Prince détourna rapidement la tête et parla à son ami au cheveux rouges qui dirigea toute son attention sur elle. Toujours aussi détaché, il ne se priva pas de la dévisager de la tête aux pieds. Finalement, il esquissa un petit sourire en coin et adressa une dernière parole à son ami. 

Luciana s’appuya sur ses épaules, encore satisfaite de son petit effet, mais légèrement blanche d’avoir usé de son don. Elle s’empressa de lui demander : 

- Je rêve, ou le Prince vient de te sourire ? 

- Il faut dire que nous avons attiré l’attention d’un seul coup, se contenta de répondre Anastae. 

Son amie gloussa avant de se pencher encore plus en avant et de lui chuchoter à l’oreille : 

- Ton frère n’a rien raté du spectacle. 

Anastae s’empressa de poser son regard sur la direction que Luciana lui montrait du doigt pour rencontrer celui de Meludiz, les sourcils froncés, un fruit dans la main, aux côtés de Leith qui souriait de toutes ses dents. 

Les deux frères savaient qu’elle avait changé, ce n’était plus un secret depuis longtemps, et, au fond d’elle, elle espérait qu’ils considèrent tout deux cela comme un changement nécessaire qui ne devait pas rester unique. 

Peut-être que l'intercalation qu’avait eu Meludiz avec son père le ferait changer d’avis ? 

Intérieurement, elle en doutait.  

Son père avait une trop grande emprise sur ses enfants, d’autant plus que ses frères le cotoyaient sans cesse depuis leur naissance : si avec eux il montrait cependant une facette plus douce, plus conciliante, Anastae savait qu’il ne leur avait jamais montré ne serait-ce qu’une trace d’amour sincère, si ce n’était que des tapes sur l’épaule et des sourires carnassiers. 

Sa belle-mère avait le rôle de s’occuper de ce côté-là, lui avait un jour avoué son père pendant un énième combat qu’elle était en train de perdre : Meludiz et Luthias étaient de bons enfants mais avant tout, ils ne restaient que de simples héritiers. 

Anastae savait pertinemment que si l’un de ses frères venaient à entendre une conversation telle que celle qui s’était déroulée entre eux, il n’oserait en toucher un mot à leur père et se contenterait de faire la sourde oreille, comme souvent. 

Inconsciemment, elle plissa ses yeux et se mordit l’intérieur de sa joue, perturbée par ces pensées alors que des souvenirs remontaient à la surface de son esprit, souvenirs qui se résumait au regard colérique de son père, qui lui hurlait dans les oreilles que s’ils devaient tuer ses enfants pour survivre, il le ferait sans hésiter une seule seconde. 

Elle finit par hausser ses épaules : elle était habituée au comportement de son géniteur et tant qu’il s'abstenait de la frapper, Anastae vivait sans aucune difficulté avec. 

Elle espérait seulement une chose. 

Qu’elle n’allait pas lui donner une raison supplémentaire pour lever la main sur elle. 

Voir pire… 














 

Anastae, les bras croisés, attendait avec appréhension ce moment tant redouté : Emma lui avait fait parvenir un bref message, apparu subitement dans la fin de l’après-midi et qui était tombé avec légèreté dans ses mains entrouvertes. Seulement quelques mots avaient été écrits sur le papier jauni : Trois heures après le coucher du soleil, croisement de la forêt des Lumières. Si Anastae aurait pu cependant douter de l’identité de son expéditeur, un E soigneusement dessiné se trouvait en bas de la feuille : chose qui l’avait presque fait sourire en voyant à quel point elle avait essayé de ne pas dépasser. 

Désormais, elle patientait et angoissait en pensant à la porte de service qu’elle avait laissé légèrement entrebâillée pour pouvoir espérer rentrer par cette dernière et si jamais elle venait à être refermée… Anastae estimait assez maligne Luciana pour l’accueillir chez elle le temps d’une nuit sans se faire repérer. 

Plongée dans ses pensées, sa tenue de combat sur elle, son arc posé à côté d’elle par précaution, la jeune fée manqua de ne pas entendre la branche craquer. Sur les nerfs, Anastae se leva rapidement de son rocher, saisit son arme de prédilection et tendit la corde, flèche prête à se figer dans le cœur de l’individu au moindre doute. 

Heureusement, ou malheureusement elle ne savait pas vraiment, ce fut Thalion qui sortit des broussailles, mains levées, son sourire de chat collé aux lèvres, ses yeux rouges qui semblaient illuminer la nuit noir tant ils étincelaient : la famille royale avait la particularité d’avoir des yeux si brillants qu’ils pouvaient se voir dans les ténèbres les plus sombres : 

- Anastae, susurra-t-il. Quelle fougue… 

- Thalion, chuchota une voix derrière lui. Ne commence pas. 

Emma surgit de derrière son dos, petit sourire aux lèvres, yeux qui semblaient briller encore plus que ceux du Prince, sa longue robe blanche habituelle sur le dos. Anastae baissa de suite son arc face à elle avec la dérangeante impression qu’elle venait de lui manquer de respect. 

Seulement, l’elfe élémentaire la rassura d’un hochement de tête et contourna avec précaution son ami pour se poster à ses côtés : 

- Helios nous rejoindra plus tard, continua Emma. Il… 

Elle pinça ses lèvres comme si elle ne voulait en dire trop et le sourire de Thalion sembla frémir légèrement sur les commissures : Anastae n’en n’avait que faire, la vie du deuxième Prince ne l’intéressait pas et si elle était curieuse de voir à quoi il ressemblait, elle n’allait pas s'immiscer dans leur vie plus que nécessaire. 

Anastae se contenta donc de répondre honnêtement : 

- Ce n’est pas important. 

Thalion leva un sourcil et pencha sa tête sur le côté : 

- Pour quelqu’un qui ne voulait plus jamais me parler, tu changes vite d’avis. 

- Crois-moi, répliqua-t-elle immédiatement. Si je l’avais pu, je ne t’aurais plus jamais adressé la parole. Mais les circonstances sont trop graves pour que je passe mon besoin personnel avant celui du peuple elfique. 

- Au moins tu auras cessé de me vouvoyer, chantonna Thalion.

- Si c’est pour que tu me lances des piques tout du long, ce n’est pas la peine de venir tu… 

Devant ses yeux rubis brillants, elle se retrouva soudainement le souffle coupé et dans l’incapacité de dire ne serait-ce qu’un mot de plus. Surprise, elle déglutit et sentit comme quelque chose ramper dans sa tête, sensation des plus désagréables et un cri vint se bloquer dans sa gorge alors qu’elle… 

Soudainement, tout cessa et Anastae pu reprendre son souffle en toussant : tellement cela l’avait bouleversée, alors qu’elle avait encore l’horrible sensation d’avoir quelque chose dans sa tête, elle dût s’adosser à la roche et fermer les yeux pendant quelques secondes pour les rouvrir sur Emma, qui se trouvait devant elle, mains plaquées contre sa bouche, paniquée : 

- Anastae ! Tu te sens bien ?

- Qu’était-ce, chuchota-t-elle. 

- Mon don, répondit Thalion. Don indispensable en termes d’attaque et de défense : vous avez besoin de moi. 

Il lança un regard appuyé à Emma : 

- Toutes les deux. 

L’elfe élémentaire fronça ses sourcils, la bouche pincée, et se mit à fixer ses mains, comme si elle attendait une réponse qui ne viendrait sûrement jamais. Pour sa part, Anastae était encore focalisée sur le don de Thalion qui était aussi effrayant que désagréable, et encore elle pouvait imaginer qu’il n’en n’avait utilisé qu’une seule partie. 

Inconsciemment, elle porta ses doigts à ses tempes et les massa, comme pour chasser la présence pourtant déjà partie. Thalion remarqua son geste et eut un léger rictus : 

- Impressionnant, n’est-ce pas ?  

- Je ne saurais dire, répondit Anastae. Surprenant surtout. 

- Je prends cela comme un compliment.

Emma sembla alors se ressaisir car elle s’avança pour se positionner entre eux deux, mettant ainsi fin à leur sorte de querelle, ce qui les calma instantanément et coupa court à la présentation du don  de Thalion. Ce dernier croisa alors ses bras sur son torse et demanda à l’elfe élémentaire : 

- Alors… Qu’avais-tu en tête Emma ? 

- Nous devons trouver au moins une de leur base. J’ai déjà une vague localisation sur l’une de ces dernières. 

- Et comment l’as-tu trouvé, demanda alors Thalion, plus sérieux que jamais. 

Emma ne répondit rien, se contenta de détourner son regard et Anastae devina, sans très grandes peines, que ses techniques n’avaient pas été très “nobles”. Cependant, cela eut le mérite de l’étonner car la jeune elfe n’avait pas vraiment la personnalité et le physique a aller enfreindre les lois pour récolter des informations, à vrai dire elle n’avait pas vraiment non plus la tête à se charger elle-même des affaires du royaume. 

Thalion soupira face au silence d’Emma et leva ses mains au ciel, exaspéré : 

- Si tu nous dis rien, on ne risque pas d’avancer tu sais ? 

- Ce qui est fait est fait, rétorqua-t-elle. De plus, ce n’est pas important dans ce que nous allons faire, moins vous en saurez, moins vous paraîtrez suspect. 

- Très bien, interrompit Anastae, de peur que la discussion tourne au vinaigre. Après l’avoir trouvée, qu'allons nous faire ? 

L’elfe élémentaire ouvrit sa bouche avant de se figer subitement en tendant ses longues oreilles derrière elle. Thalion, sans plus attendre, plissa ses yeux, sans doute prêt à utiliser son don à n’importe quel moment. Anastae, quant-à-elle, prit la peine de tirer sur la corde de son arc, la flèche de ce dernier prête à finir dans la poitrine de n’importe quel individu. 

Emma se redressa de toute sa hauteur, se percha même sur la pointe de ses pieds, et arrêta d’un geste de la main la tension qui régnait pour déclarer : 

- Hélios tu pourrais t'annoncer… 

Une silhouette jaillit des pénombres et dévoila un jeune elfe qui ressemblait à Thalion si ce n’était que sa chevelure était d’un jais parfait. Anastae, en temps normal, se serait contentée de baisser son arme en constatant qu’il ne s’agissait pas d’une menace, cependant, elle jugea nécessaire de le tenir en joue encore un instant : son instinct lui soufflait que l’elfe qui se trouvait face à elle n’était pas digne de confiance et n’allait lui attirer que des ennuis. 

Comme pour confirmer ses pensées, il fronça du nez et et glissa un regard ennuyé vers Anastae : 

- Ce n’est pas la peine d’être si méfiante. Je ne viens pas ici en plein milieu de la nuit pour vous tendre un piège, j’ai mieux à faire.  

- Trop de compassion, railla Thalion avec un sourire aux lèvres. 

Cependant, il prit la peine de poser sa main sur son arc et de le baisser avec un regard qui devait sans doute apparaître comme réconfortant et, malheureusement, inconsciemment, Anastae se contenta de suivre le mouvement : quelques secondes après, son arc se trouvait près d’elle, et non tendu sur le deuxième Prince. Ce dernier la fixait toujours d’un air calme, ennuyé, et la jeune fée se posa rapidement la question de comment ces deux frères jumeaux pouvaient avoir un comportement si… éloigné. Quant à leur apparence, si ce n’était que le deuxième Prince avait des cheveux blonds qui tendaient plus vers le châtain, ils étaient semblables en tout point. 

Anastae prit une profonde inspiration pour remettre ses idées en place et demanda, plus calmement qu’elle ne se serait penser capable de faire : 

- Qu’allons nous faire une fois que nous aurons trouvé la base ? 

Ce Hélios ne sembla pas perturber de devoir reprendre le cours de la conversation si rapidement et s’adossa à un arbre, les bras croisés, près de son frère. Emma esquissa un bref mouvement d’hésitation avant de se résigner à parler : 

- Il faudrait y pénétrer, relever le nombre de personnes, d’armes, leurs dons… Mais avant tout, un talisman. 

Anastae ouvrit sa bouche, prête à rétorquer mais l’elfe élémentaire ne lui en laissa pas le temps : 

- Ce talisman est magique, il permettrait de faire fonctionner leurs armes magiques. 

- Des armes magiques, s’écria Thalion. Comment est-ce possible ? 

- Je ne sais pas, souffla son amie. Cependant, je sais que sans ce talisman leur plan tombera à l’eau ou tout du moins sera retardé. De plus, si nous parvenons à dérober ce talisman, il s’agira d’une preuve incontestable que quelque chose se trame bel et bien dans les limbes du royaume. 

La jeune fée songea un instant à se détourner d’eux, de rentrer chez eux, de faire mine qu’elle n’avait rien entendu, car cette mission semblait bien plus dangereuse que ce qu’elle avait pensé, elle qui avait seulement tué une fois par accident, qui savait seulement se servir de son arc et qui ne pouvait pas dévoiler son véritable don. Puis, elle se remémora la vie qui l’attendait, avec son père, ce sentiment d’être inutile et peut-être qu’en réussissant à déjouer un plan de renversement du royaume, elle gagnerait l’honneur de ce dernier et que son père sera obligé de la laisser tranquille, vivre comme elle le souhaitait. 

Finalement, elle pourrait peut-être enfin venger sa mère, sa mère qui s’était toujours occupée d’elle, qui l’avait aimée, éduquée, rassurée, chérie. Son cœur se serra quand elle pensa à cette dernière, quand elle revit ses yeux remplis de terreur, ses dernières paroles : 

- Qu’est ce qui te préoccupe pour qu’autant de nostalgie émane de toi, demanda alors subitement Hélios. 

Déconcertée, Anastae tourna son visage vers lui et, sans savoir réellement pourquoi, une sueur froide remonta le long de son dos et elle se sentit comme une idiote face à lui. Sa main se crispa et Emma expliqua alors en constatant son trouble apparent : 

- Hélios ressent les émotions des autres. 

- Don très agaçant, renchérit Thalion. On ne peut rien lui cacher. 

Un éclair traversa l’esprit de Anastae et elle tenta de refouler toutes les pensées angoissantes qu’elle aurait pu se remémorer, comme le fait qu’elle ne soit pas totalement une fée, et prit, une nouvelle fois, une grande inspiration : ce don était dangereux, beaucoup trop pour elle, si elle venait à se laisser dépasser ne serait-ce qu’un instant, elle pourrait instaurer un doute auprès du deuxième Prince et dans ce cas là, Anastae craignait le pire : 

- En général, continua Hélios. J’évite de côtoyer trop de personnes à la fois. Trop d’émotions me donnent le tournis. Ce don… 

- Ne dis pas n’importe quoi, rétorqua alors doucement Emma, sa longue robe blanche flottant dans le courant d’air. Ce don comme tu dis est très puissant, c’est pour ça que tu n’arrives pas à le contrôler et c’est justement pour cela que tu seras celui qui te rendra à cette base… Si tu le veux bien, bien entendu. 

Hélios hocha la tête, sans discuter, et sembla s’accoutumer de son rôle. Anastae, en voyant cela, ressentit une soudaine admiration pour lui. Agir dans l’intérêt du royaume sans protester, sans flancher, sans crainte, lui donna envie de faire exactement la même chose, de se rendre utile. Le second Prince coula son regard calme sur elle, fronça ses sourcils alors qu’elle le fixait, la bouche légèrement entrouverte. Quelque chose se passa dans leur regard, quelque chose dont on ne pouvait pas mettre les mots ainsi, et elle eut le vague sentiment qu’il savait ce qu’elle ressentait, qu’il avait vécu exactement la même chose, et la sensation d’être comprise d’un seul regard gonfla soudainement son coeur. 

Son regard qui était jusqu’à lors d’un calme légendaire se voila soudainement et la commissure de ses lèvres trembla légèrement. Anastae sentit tout son être se détendre et une soudaine envie d’aller lui parler, lui demander ce qu’il avait vécu la saisit : 

- Dites-le si on vous dérange, siffla alors Thalion.

Aussitôt ses mots franchir la barrière de ses lèvres que Anastae revint à la réalité et se demanda pendant un bref moment ce qui s’était passé et ce qui lui avait pris. Elle se racla la gorge, recula sur son rocher, et ignora la remarque de Thalion. 

Emma avait le regard rivé sur Hélios, les sourcils froncés, les bras croisés comme pour se réchauffer. Anastae s’apprêtait à lui demander si quelque chose n’allait pas quand son visage reprit son expression calme, sereine. La jeune fée déclara alors tout à fait autre chose : 

- Je souhaite venir avec lui, si cela ne dérange personne. 

- Hors de question, répliqua Thalion. Tu te ferais probablement tuer là dedans. 

- Qui es-tu pour décider de cela à ma place, rétorqua Anastae aussi rapidement. Si je suis aussi ici, c’est bien pour servir à quelque chose non ?

Thalion roula des yeux pour finalement les déposer sur Hélios, comme s’il s’attendait à ce qu’il appuie son propos. Il constata cependant très rapidement que ce n’était pas le cas et, abasourdi, il les posa sur Emma, toujours aussi calme que d’ordinaire. 

Anastae savait que cette dernière ne s'opposerait pas à décision, après que ce soit elle qui lui ait demandé son aide, pas après avoir su que quelqu’un avait tenté de la tuer pour cette organisation. Emma lui avait déjà fait part de son point vu et lui avait très clairement expliqué que chacune de ses décisions personnelles seraient prises en compte et respectées s’il s’agissait de sa propre vie : 

- C’est pas vrai, s’exclama le Prince. Vous voulez vraiment qu’elle se jette dans un repaire où sa tête est sans doute affichée partout avec une belle récompense ? 

- Je suis ici, lâcha Anastae. Je suis devant toi, et j’apprécierais que tu parles de ma situation en me regardant dans les yeux, pas en prenant des décisions à ma place comme si tu savais mieux ce que je voulais faire de ma vie. 

- Cela n’a rien à voir. 

Il se tourna vers elle : 

- Je suis parfaitement conscient que tu es devant moi alors je vais te le dire droit dans les yeux. Si tu te rends avec Hélios là-bas, tu te feras tuer. 

- Un des Prince se rendra dans cette base, répliqua Anastae en croisant ses bras. Cet argument ne fonctionne pas. 

- Ce n’est pas la même chose ! Hélios sait se défendre, il a un don utile pour cela, il sait repérer le danger, toi tu sais chanter et à peine manier un arc. 

Anastae tressaillit, touchée dans son égo, et en même temps énervée de ne pas pouvoir lui montrer le feu qui naissait de son sang. Elle se renfrogna légèrement sur elle-même. Emma s’interposa alors entre les deux jeunes créatures, les mains tendues sans pour autant les toucher, avec comme volonté de calmer le jeu entre ces deux derniers : 

- Calmez-vous. 

Elle prit une grande inspiration : 

- Anastae sait se défendre, Thalion. Elle ne sera pas seule, Hélios se trouvera avec elle. Si tel est son choix, nous devons le respecter, d’autant plus que je sais qu’elle n’est pas une débutante qui risque de se faire prendre au moindre mouvement, elle a déjà survécu à une première attaque sans l’aide de personne. 

Emma se tourna vers elle et ses lèvres rouges se levèrent dans un petit sourire qui n’en demeura pas moins magnifique et qui fait bondir de joie le coeur de Anastae qui ne réalisait toujours pas qu’elle avait son rêve d’enfant juste devant les yeux : 

- Je te fais confiance Anastae. 











Anastae poussa du bout de son pied la porte qu’elle avait laissée entrouverte deux heures auparavant, soulagée de constater qu’aucun domestique ne l’avait refermée : elle avait pouvoir passer la nuit dans son lit et si on venait la surprendre en remontant les escaliers, elle n’aurait qu’à prétexter une soudaine envie de s’entraîner à l’arc, ce qui ne lui causerait aucun soucis. Avec une grimace, la porte s’entrebailla suffisamment pour qu’elle puisse passer par l’ouverture laissée par cette dernière. 

Elle rentra le ventre, s’empressa de franchir ce mince espace et se retourna précipitamment sans même jeter un regard autour d’elle pour refermer la porte et ainsi effacer toutes traces de sa petite balade nocturne. C’est ce qu’elle croyait avec qu’une légère toux ne retentisse derrière elle. 

Sans même prendre le temps d’angoisser tant ce fut soudain, Anastae se tourna vers la source de ce bruit pour voir la Pixis qu’elle avait renvoyée chez elle alors que cette dernière se tuait tardivement à la tâche sur le parquet du hall d’entrée. Rassurée de constater qu’il ne s’agissait que d’une domestique, et non de son père ou de sa belle-mère, elle esquissa un petit sourire : 

- Bonsoir ? 

- Bonsoir mademoiselle, se contenta de répondre la créature aux cheveux violets. Vous avez passé une bonne soirée ? 

Anastae tenta bien de dissimuler son arc derrière son dos mais le regard équivoque de la servante lui fit comprendre que c’était bien trop tard. Avec un soupir, comprennant que cela ne servait à rien, elle commença à s’expliquer, du moins assez vaguement pour qu’aucun mot ne lui porte vraiment préjudice : 

- Pourrais-tu ne pas dévoiler que je suis sortie du domaine aussi tardivement, c’était assez important…? 

- Eh bien , sourit la Pixis. Que faites-vous encore ici dans ce sous-sol? 

Elle déplia une serviette : 

- Vous aviez besoin d’une serviette ? 

La jeune fée aux cheveux blancs comprit rapidement le petit manège et son sourire s’agrandit légèrement : 

- C’est toujours utile. Je te remercie. 

- Je vous en prie, répondit la Pixis en lui donnant la serviette. Passez une bonne nuit, mademoiselle. 

Anastae s’apprêtait à quitter le sous sol mais ressenti une petite envie, une certaine reconnaissance envers la Pixis qui s’était contentée de faire comme si elle n’avait rien vu et, prenant en compte le fait qu’elle ne pouvait pas mentir, bien que cela ne soit pas totalement vrai, elle lui avait trouvé une excuse. 

Alors elle s’approcha d’elle, saisit ses mains doucement alors que la servante écarquillait de grands yeux stupéfaits que quelqu’un de son rang soit en train de la toucher :

- Comment te nommes-tu ? 

- Axia, mademoiselle. 

- Alors je te remercie infiniment, Axia.  

Un grand sourire illumina le visage de cette dernière, elle lui serra doucement les mains et, aussi joyeuse que si on venait de lui offrir une prime, elle déclara du bout des lèvres : 

- Vous allez me faire rougir, mademoiselle. 

Anastae sentit un rire lui chatouiller la gorge. 

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Isahorah Torys
Posté le 04/10/2022
J'aurais une petite remarque à faire concernant le pouvoir de Thalion. On ne comprend pas trop ce qui se passe, ni ce qu'il fait... Son don est flou et on a pas vraiment une idée précise de ce moment. Il faudrait sans doute apporter quelques petites précisions ^^
Marlee2212
Posté le 26/10/2022
Je suis d'accord, j'ai relu le chapitre et ce qui était clair dans ma tête auparavant, ne l'est plus autant ( après tout il s'agit d'un premier jet) et j'aurais dû concentrer plus de lignes sur le don, d'autant plus que je l'ai introduit d'une façon un peu "extraordinaire".
Ce sera à modifier !
Isahorah Torys
Posté le 26/10/2022
ravie que nos avis convergent ^^
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