CHAPITRE 15
Sorc était de retour dans la chambre de son hôtel.
Grive les avait chassés, Malisé et lui, de l’appartement du graffeur. L’idée d’une véritable collaboration avec une sorcière ne lui était visiblement pas possible au delà de ces quelques heures passées à enquêter ensemble.
Sorc avait du reprendre les recherches seul, avec son escorte.
Un passage au siège de la Fondation des Trois Parentes, au cœur de la petite zone, lui avait permis de découvrir que la déité était devenue figure de proue d’un vaste réseaux d’aides aux femmes précaires. Difficile de faire le lien avec la fresque de l’appartement de Peet.
Quant à la signification du “dragon”, elle restait encore un mystère.
L’après-midi n’était pas encore finie, mais Sorc avait prétexté une grande fatigue et un besoin de réfléchir au calme pour pouvoir enfin se trouver de nouveau seul.
Il ouvrit la fenêtre pour aérer la pièce et regarda un instant au dehors. Il était encore trop tôt pour tenter une sortie en projection, Malisé pouvait venir frapper à tout moment à sa porte si une nouvelle avancée dans l’affaire se présentait.
Alors il s’assit à son bureau et tenta de mettre au clair dans son carnet les derniers événements. En deux jours, il avait rencontré deux sorcières, une doctoresse discrète et une autre, inconnue, qui semblait enquêter elle aussi sur les meurtres. Il avait visité l’un des lieux des crimes, découvert les grandes griffures dans le parquet, mais l’examen avait été raccourci par un arrêt violent de sa projection. Puis il était allé voir les krats, retrouvés incendiés dès le lendemain. Il y avait aussi Peet, son corps calciné, son appartement, son pouvoir de Voyant. Et il y avait ses fresques, qui semblaient prédire l’avenir mais dont la plus récente avait été détruite afin que personne ne puisse la lire.
Le noeud était difficile à démêler. Les intervenants devenaient nombreux et Sorc n’avait toujours pas accès aux familles des victimes pour en apprendre un peu plus sur le contexte des meurtres et sur leurs vies privées. Seuls les résumés de celles-ci, disponibles dans les journaux qu’il achetait chaque jour, lui donnait un aperçu du profil des victimes. Des médecins, des magistrats, un haut commissaire de police. Des hommes, aisés, habitant plutôt les quartiers hauts de la ville. Leurs morts avait créé une panique chez les riches et tous les yeux se tournaient vers les quartiers ouest, la “petite zone”, exacerbant une tension déjà bien installée depuis des années. Qui gagnait à renforcer cette atmosphère ?
Sorc avait un très mauvais préssentiment et attendait la nuit de pied ferme pour pouvoir aller confirmer ses a priori.
*
Elle finit par tomber, alors que Sorc noircissait encore son carnet de notes. Pris dans ses réflexions, il n’entendit pas tout de suite les discrets coups portés à sa fenêtre. Il fallut que des piaillements impatients viennent s’y ajouter et que Cro, perché sur la chaise, vienne lui mordiller l’oreille pour que la sorcière lève enfin la tête.
Sur le rebord de la fenêtre toujours ouverte, une frêle mésange, toute de noir charbonnée, tappait de son bec contre les carreaux. Elle stoppa son mouvement lorsque Sorc se leva enfin pour s’approcher.
La sorcière se pencha doucement à hauteur du rebord. L’oiseau se figea quelques instants, prêt à repartir, mais il n’eût pas à redécoller, Sorc ne montra aucune hostilité.
― Bonjour, dit Sorc.
L’oiseau pencha la tête puis siffla, “bonjour” comprit Sorc.
La mésange avait un minuscule message attaché à sa patte qu’elle détacha de quelques coups de bec agiles, pour le tendre à Sorc. La sorcière tendit lentement la main et se saisit délicatement du morceau de papier. Son contenu était bref : “Suivez-moi”. L’oiseau plongea ses yeux dans ceux de Sorc qui sourit. Il était à peu près sûr d’avoir déjà croisé ce brillant regard noir quelque part.
― J’arrive, dit Sorc.
Il se releva et rejoignit son bureau. De sa cape il sortit une petite fiole, celle contenant la potion de projection fabriquée la veille. La sorcière s’allongea tranquillement sur son lit et avala une gorgée du breuvage.
Comme la première fois, sa vision se brouilla et son esprit s’échappa.
Comme la première fois, la sorcière revint à elle, mais dans le corps d’un chat.
Elle s’ébroua afin de mieux reprendre possession de ce corps, puis se dirigea vers la fenêtre.
L’oiseau l’attendait toujours.
― Suivez-moi, dit-il.
Et il s’envola.
Sorc sauta sur le rebord de la fenêtre, accompagné de Cro qui avait bien envie de profiter de l’escapade pour se détendre les ailes.
Sorcière et corbeau suivirent comme ils purent la mésange. Le petit oiseau se posait régulièrement, vérifiant qu’il était toujours accompagné, puis repartait, voletant de cheminées en balcon, de ruelles en toits d’immeubles. Cro planait loin au dessus, le regard porté vers le sol, Sorc suivait en bondissant entre les jambes des passants ou escaladant les habitations, les yeux tournés vers le ciel.
Puis enfin, ils arrivèrent tout trois devant les baies vitrées d’un grand immeuble de fer et de glaces.
― Attendez-moi là, dit la mésange à Sorc, je vais vous ouvrir.
Sorc acquiesça et regarda l’oiseau et son corbeau s’envoler vers les étages pour s’engouffrer dans le bâtiment via une fenêtre laissée entre-ouverte.
La sorcière patienta, se léchant consciencieusement patte et oreille pour se donner une contenance.
La nuit était définitivement tombée et le bâtiment dans lequel s’étaient glissés les deux oiseaux n’était plus éclairé. Seuls quelques rares fenêtres allumées dans les étages indiquaient qu’une présence humaine pouvait encore s’y trouver. Sorc fixait tranquillement le vaste hall d’entrée, vide et sombre.
― Pssst, par là ! entendit-il chuchoter.
Sorc se releva tranquillement et se dirigea vers l’appel. Sur la gauche du bâtiment, une discrète porte de service s’était ouverte, lui permettant de se faufiler à l’intérieur.
Il ne fut pas surpris de découvrir que la personne qui l’invitait ainsi à entrer était la jeune sorcière rencontrée le matin même dans les sous-sols de la petite zone. Elle avait les cheveux courts et portait par dessus ses vêtements noirs une grande blouse blanche. La jeune femme ne s’attarda pas dans le couloir. D’un geste rapide, elle referma la porte derrière Sorc et prit un escalier pour monter dans les étages.
Lorsqu’ils arrivèrent au quatrième, elle dût présenter un badge à un petit boitier et attendre qu’une lumière verte s’allume en un bip strident. Elle poussa alors une lourde porte qui les mena dans un corridor au sol dalé de gris. À leur entrée, des lumières blanches s’allumèrent en clignotant. Sorc suivit la sorcière jusqu’à une porte bleue qu’elle dût de nouveau déverrouiller, puis ils s’engouffrèrent dans une pièce étrange. C’était une sorte de bureau très lumineux aux meubles blancs compliqués chargés d’engins encombrants et étonnants. La jeune sorcière referma la porte sur eux et se détendit enfin un peu.
― Personne ne nous dérangera ici, dit-elle. C’est mon bureau et tous mes collègues sont partis depuis un moment. Venez, j’ai quelque chose à vous montrer.
Sorc resta sur le seuil et la dévisagea, cherchant à comprendre à qui il avait vraiment affaire.
― Oh, reprit la jeune femme. Je suis Kinna, sorcière et chercheuse.
― Chercheuse ? demanda Sorc.
― Oui, scientifique si vous préférez.
― Oh. Et que cherchez-vous ?
― Et bien cela dépend. Il y a mes recherches publiques et celles que je mène pour moi, en privé. Ce sont ces dernières que j’aimerais vous présenter.
Elle se dirigea vers un table immense, chargée de plusieurs écrans et ordinateurs. Sorc vit Cro perché sur le dossier de l’impressionnant fauteuil qui leur faisait face. Kinna s’y assis sans que l’oiseau ne bouge. Il avait le regard penché sur des petits points lumineux qui clignotaient sur les moniteurs.
Chapitre court, ou ressenti comme tel en tous les cas ! C'est une porte ouverte, un recapitulatif qui nous lance dans la suite. À voir si ce récapitulatif reste utile dans une forme finale de ton histoire, mais ici il passait bien pour moi!
J'adore la magie technologie, et je suis très curieux de découvrir ce que tu vas nous faire !
Une note :
"Elle finit par tomber," -> on parle de la nuit, mais il y a eu une "grosse" coupure avec une "*", donc ça fait bizarre.
À bientôt !!
Merci de continuer ta lecture : )
Oui ce chapitre amène à autre chose, j'espère que cet autre chose ne tombera pas comme un cheveux sur la soupe, j'ai quelques inquiétudes à ce sujet ^^"
Merci pour ta remarque, je note : )
À bientôt !