Archi semblait hésiter. Il secoua légérement sa tête. Ses cheveux blonds, humides de sueur, retombèrent sur son front, masquant partiellement ses yeux fatigués. Son souffle était lent, mesuré, comme s'il essayait d'ordonner le chaos qui envahissait son esprit.
-C'est juste que... j'aime les femmes. Ça, j'en suis sûr ! J'ai... du désir pour elles, tu vois ? Mais parfois, je ne peux pas m'empêcher de... de regarder des hommes d'une façon que... je ne pensais pas... enfin, tu comprends quoi !
Sa voix tremblait légèrement, marquant l'hésitation et l'inconfort qu'il ressentait à mettre des mots sur ses pensées les plus intimes. Il n'osait pas croiser le regard de Nata, de peur d'y voir une réaction qu'il redoutait sans vraiment savoir pourquoi.
Nata, quant à lui, esquissa un petit sourire, doux et compréhensif. Il ne semblait ni surpris ni troublé, comme si la question d'Archi était une évidence à laquelle il avait déjà réfléchi bien avant que celui-ci n'ose la formuler.
-Je vois, dit-il calmement. Et est-ce que tu t'es déjà dit, que peut-être, on pouvait aimer à la fois les femmes ET les hommes ?
Archi ouvrit la bouche, mais aucun son n'en sortit. L'idée l'avait pris de court. Il n'avait jamais envisagé cette possibilité. Pouvait-il vraiment ne pas avoir à choisir entre les deux ? Était-il possible d'être attiré par les deux sexes sans que cela remette en question qui il était ?
-Je... ce n'est pas quelque chose qui...
-De là où tu viens, ce n'est certainement pas quelque chose de très répandu, mais ça ne veut pas dire que ce n'est pas possible, l'interrompit Nata avec douceur.
Le blondinet fronça légèrement les sourcils.
C'était vrai. Dans sa famille, dans son milieu, tout avait toujours été strictement catégorisé. Il n'avait jamais entendu parler d'un tel entre-deux. C'était toujours noir ou blanc, jamais gris. Mais plus il y pensait, plus cette idée faisait sens. Ce qu'il ressentait ne disparaissait pas juste parce qu'il refusait de le nommer.
Nata, amusé par l'expression troublée de son camarade, le regarda peser le pour et le contre, comme s'il s'agissait d'un problème mathématique à résoudre. Il le laissa cogiter un moment avant de reprendre, sur un ton léger mais sincère :
-Ne te prends pas trop la tête avec tout ça ! Tu devrais juste suivre ton cœur. Femme ou homme, au final, qu'est-ce que ça change si les sentiments sont partagés ?
-Ça paraît tellement simple pour toi..., murmura Archi, envieux de cette facilité apparente.
-C'est parce que j'ai eu de la chance de vivre dans une tribu qui n'a aucun tabou avec ça. Depuis ma naissance, on ne m'a jamais imposé une vision unique du monde. J'ai toujours eu le choix. Je peux comprendre que pour toi ce soit plus difficile.
Il ne disait pas ça avec pitié, mais avec une réelle empathie. Archi réalisa alors que Nata connaissait sans doute déjà beaucoup de choses sur lui, sur sa famille et les valeurs rigides qu'on lui avait inculquées. Si lui savait qui étaient les Moaka, il était évident que ces derniers connaissaient également les membres de la famille Angels et leur façon de penser. Pourtant, Nata avait jamais laissé un jugement transparaitre.
Un long silence s'installa, mais il n'avait rien d'inconfortable. Il était de ceux qui permettent de digérer une conversation importante, de peser les mots échangés et d'en comprendre toute la portée.
Finalement, Nata rompit le silence en se levant avec souplesse.
-Tu devrais aller te coucher, conseilla-t-il. La magie de soin coûte de l'énergie à son utilisateur, mais aussi au patient.
-Et toi ?, demanda Archi, relevant enfin la tête.
-Je vais sûrement retourner un peu à la fête, mais pas longtemps. Demain sera également une longue journée, j'en suis sûr.
Le blondinet hésita. Il voulait encore parler, encore poser des questions, mais il sentait ses forces l'abandonner lentement. Il soupira, baissant les yeux avant de murmurer :
-Encore merci... pour tout.
Nata lui adressa un sourire complice, haussa les épaules comme si ce qu'il avait fait n'avait rien d'exceptionnel, puis disparut.
Enfin seul, Archi relâcha complètement son corps, laissant chaque muscle se détendre, chaque pensée s'échapper un instant. Il passa une main sur son front, puis couvrit ses yeux.
Est-ce que cette journée allait enfin se terminer ?
*****
Le bal se prolongea jusqu'à pas d'heure, la salle baignant dans une lumière tamisée alors que les chandelles se consumaient lentement. À la fin, seuls quelques couples restaient encore sur la piste de danse, oscillant doucement au rythme des dernières notes jouées par l'orchestre fatigué. Parmi eux, Matthew et Amanda ainsi que Lya et Emrys. Tout semblait figé dans une bulle intemporelle, où seul comptait l'instant présent.
Lya s'abandonnait au moment, la tête posée contre le torse de son cavalier, bercée par le mouvement lent de leur danse. Elle ferma les yeux et inspira profondément, mémorisant la chaleur rassurante d'Emrys contre elle. Si seulement tout pouvait rester ainsi : pas de menaces, pas de prophétie pesante, juste un instant de paix et de légèreté.
Malheureusement, lorsque l'horloge sonna deux heures du matin, l'orchestre arrêta enfin de jouer, signifiant la fin de la soirée. Un murmure de protestation monta de la part des derniers danseurs, mais les organisateurs insistèrent : il était temps de regagner les dortoirs.
Les deux couples quittèrent la salle à contrecœur, leurs pas résonnant dans les allées silencieuses. Pourtant, ils continuaient de rire doucement, échangeant quelques anecdotes sur la soirée, profitant des dernières minutes de complicité. On aurait pu les croire amis d'enfance, tant l'atmosphère était naturelle et fluide entre eux.
Lorsqu'ils atteignirent leurs dortoirs, ils durent se faire discrets. La plupart des autres élèves étaient déjà rentrés et dormaient paisiblement. Ils se souhaitèrent une bonne nuit à voix basse avant de disparaître dans leurs chambres respectives.
Dans le dortoir des garçons, Matthew jeta un coup d'œil furtif vers le lit de son coéquipier. Archi était rentré, mais les rideaux de son baldaquin étaient tirés. Matt hésita, avant de se glisser sous ses propres couvertures.
Dans le dortoir des filles, la mise au lit fut plus rapide, mais le sommeil restait insaisissable. Lya se tourna et se retourna sous sa couette, les événements de la journée tournant en boucle dans son esprit. Entre la tension de la soirée, l'inquiétude pour Archi et la douceur du dernier slow, elle n'arrivait pas à trouver le repos.
Dans le silence de la pièce, elle finit par murmurer :
-Amanda, tu dors ?
Un froissement de draps se fit entendre, suivi d'une voix étouffée.
-Non. Pourquoi ?
Lya hésita avant de répondre.
-Je ne sais pas si je vais pouvoir fermer les yeux.
Amanda soupira doucement, sa voix plus douce qu'à l'accoutumée.
-Moi non plus.
Un silence s'installa entre elles, lourd de rêveri. Une nuit agitée s'annonçait pour les deux jeunes filles, prisonnières des souvenirs encore brûlants de la soirée.
Lya se leva alors discrètement, prenant soin de ne pas faire grincer les lattes du parquet sous ses pieds nus.
Le dortoir était plongé dans une obscurité paisible, seulement troublée par le souffle régulier des autres pensionnaires endormies. Elle jeta un coup d'œil vers Amanda, dont la silhouette se dessinait sous la faible lueur argentée qui filtrait à travers les rideaux. Après une hésitation, elle prit son courage à deux mains et se faufila sous les couvertures de son amie.
Amanda sursauta légèrement, surprise par cette intrusion inattendue. Ses yeux s'habituèrent à la pénombre, distinguant la chevelure blonde de Lya qui se nichait contre elle sans la moindre gêne. La chaleur du corps de son amie la fit frissonner un instant avant qu'elle ne se détende. Lya se lova doucement contre elle, leur souffle se mêlant dans l'espace exigu du lit.
-C'est marrant !, chuchota Lya avec un sourire. Je n'ai jamais eu d'ami avec qui faire ça avant.
Amanda eut un petit rire discret. Ce moment lui remémora une époque révolue, une douceur presque oubliée.
-Ça me rappelle mon enfance, avoua-t-elle à demi-mot. Nous faisions souvent ça avec ma sœur...
Lya releva légèrement la tête, ses yeux pétillants d'intérêt malgré la pénombre.
-Tu as une sœur ? Je ne savais pas !
-Juste une, acquiesça Amanda, un brin mélancolique.
-Vous êtes proches ?
Un silence s'étira. Amanda détourna les yeux, l'ombre d'un souvenir douloureux passant sur son visage.
-Nous... nous l'étions, murmura-t-elle finalement.
Lya sentit immédiatement le poids de ces mots.
-Qu'est-ce qui s'est passé ?, demanda-t-elle tout bas, avec précaution.
Amanda resta silencieuse quelques instants avant de secouer la tête.
-On peut parler d'autre chose, s'il te plaît ?
-Oui, bien sûr ! Désolée...
Lya mordilla sa lèvre, déçue d'avoir ravivé une douleur chez son amie. Elle laissa planer un instant de silence qu'Amanda brisa.
- Alors... avec Emrys ?
Lya esquissa un sourire.
-C'était fantastique. Il est si gentil et attentionné...
-Tu vas sortir avec lui ?
La blondinette rougit instantanément et se réfugia sous la couette comme une enfant prise en faute.
-Que...quoi ?!, s'étrangla-t-elle, sa voix étouffée par le tissu.
Amanda rit doucement en voyant sa réaction. Elle tapota la couverture sous laquelle Lya s'était cachée.
-Je comprends pourquoi il craque pour toi, plaisanta-t-elle. C'est vrai que tu es mignonne !
-Arrête de me charrier !, protesta Lya en se découvrant légèrement. Et toi et Matt, alors ?!
Le sourire moqueur d'Amanda disparut aussitôt. Elle se retourna d'un coup pour lui tourner le dos, croisant les bras sous sa tête.
-Sans commentaire !, déclara-t-elle d'un ton faussement indifférent.
Mais Lya ne comptait pas la laisser s'en tirer si facilement. Avec un sourire malicieux, elle bondit sur son amie et commença à la chatouiller sans relâche. Amanda se tortilla en pouffant, tentant de se défendre sans réveiller les autres pensionnaires. Le lit grinça sous leurs mouvements désordonnés, et elles finirent par s'effondrer l'une contre l'autre, haletantes, les joues empourprées de rires réprimés.
Le silence retomba progressivement. Lya poussa un soupir satisfait et posa doucement sa tête contre l'épaule d'Amanda.
-Merci, murmura-t-elle après un moment.
-Pourquoi ?, souffla Amanda, intriguée.
-D'être là.
Amanda resta silencieuse, puis une expression sincère illumina son visage.
-Toujours.
-CHUT !, les disputa une autre des colocataires d'un ton agacé.
Les deux jeunes filles se figèrent un instant avant d'échanger un regard complice, réprimant un fou rire. Elles se calmèrent et se blottirent l'une contre l'autre sous les draps qui leur paraissaient soudain bien trop petits.
-Allez, supplia Lya à voix basse, impatiente. Dis-moi tout sur Matt et toi !
Amanda soupira, comme si elle pesait encore le pour et le contre avant de se confier. Finalement, un sourire énigmatique se dessina sur son visage.
-Ok, ok... Ça s'est très bien passé, on a même failli nous embrasser...
Les yeux de Lya s'agrandirent d'excitation.
-Non ! Tu plaisantes ?
-Si, si... Mais il vaut mieux que l'on prenne notre temps. Tu sais, ce serait ma première vraie histoire et je ne veux pas précipiter les choses.
Lya hocha la tête, comprenant cette hésitation. Elle-même n'avait jamais été dans une relation amoureuse et ne savait pas exactement comment ça fonctionnait en dehors des livres et des histoires qu'on lui racontait.
-Qu'est-ce qui te plaît chez lui ?
Amanda hésita un instant avant de rire doucement, à moitié amusée, à moitié perplexe.
-C'est bien ça, le problème. Je ne sais pas ! Ce n'est pas du tout le genre de garçon qui m'attire d'habitude. Il se comporte comme un gamin, il me taquine tout le temps, il est souvent imbu de lui-même, il ne réfléchit pas avant de parler... et pourtant...
-Pourtant tu craques !, s'amusa Lya en lui donnant un léger coup de coude.
Amanda leva les yeux au ciel mais ne put s'empêcher de sourire.
-On va dire ça... J'ai du mal à comprendre.
-Peut-être..., commença Lya en se frottant les yeux. Peut-être qu'il n'y a juste rien à comprendre...
Elle bâilla longuement, incapable de retenir sa fatigue. Amanda l'observa du coin de l'œil, son sourire s'attendrissant.
-Je ne sais pas, reprit le petite brune doucement. C'est la première fois que je me pose ce genre de questions. J'ai toujours suivi ce qu'on me disait de faire et mes seules occupations étaient les études. Je n'ai jamais pris le temps de réfléchir à mon avenir amoureux, tu vois ?
Aucune réponse ne vint. Amanda tourna légèrement la tête et découvrit que Lya s'était déjà endormie, sa respiration calme et régulière. Son visage, détendu par le sommeil, semblait encore plus doux sous la lueur tamisée de la chambre. Avec un geste tendre, elle écarta une mèche de cheveux blonds qui couvrait son front.
Elle se rendit alors compte que, tout comme Lya, elle n'avait jamais eu de véritable amie avant. Et maintenant qu'elle en avait une, son cœur se réchauffait à l'idée qu'elle ne soit plus seule. Un soupir paisible lui échappa alors qu'elle fermait les yeux à son tour, s'abandonnant au sommeil avec un sourire léger sur les lèvres.
******
~ Purge ce monde et devient ce que tu combats. N'aie pas peur d'être le monstre que l'on veut que tu sois ~
-Ça va ?
Amanda secoua doucement son amie, inquiète. Lya s'agitait, les sourcils froncés, se débattant contre une présence invisible. Des perles de sueur glissaient le long de ses tempes, et sa respiration était irrégulière, presque haletante. Soudain, dans un sursaut violent, elle ouvrit les yeux, son souffle court et paniqué, comme si elle venait de tomber d'une falaise.
-Lya !, insista Amanda en posant une main rassurante sur son épaule. Tu as fait un cauchemar ?
La blondinette mit quelques secondes à reconnecter avec la réalité. Son regard affolé se promena sur les draps défaits, puis sur le visage inquiet de son amie.
-Je..., balbutia-t-elle avant de se frotter le front. Oui... Je crois. Mais ça va maintenant.
Amanda haussa un sourcil, peu convaincue. Elle la connaissait trop bien pour s'y laisser prendre. Pourtant, elle choisit de ne pas insister.
-Ok... ,souffla-t-elle en se levant. Il faut qu'on se prépare. Les autres sont presque tous partis.
Lya acquiesça distraitement, tentant d'oublier l'étrange sensation qui lui serrait encore la poitrine. Son rêve lui échappait déjà, comme du sable entre ses doigts, mais un sentiment de malaise persistait.
Comme chaque matin, l'école bourdonnait d'activité, mais aujourd'hui, l'agitation avait une saveur différente. L'événement du jour n'était pas anodin : l'intronisation du futur seigneur d'Everka. Une cérémonie secrète et hautement codifiée, à laquelle seuls les nobles triés sur le volet pouvaient assister. Aucun élève n'y était convié, mais cela ne signifiait pas qu'ils allaient avoir quartier libre.
Matthew, comme une poignée d'autres élèves, avait été désigné pour assurer la surveillance des lieux. Son rôle consistait à patrouiller dans l'enceinte de l'école afin d'éviter toute intrusion ou débordement. Cette tâche, même si elle semblait monotone, lui convenait parfaitement.
Archi, quant à lui, n'avait pas eu cette chance. Réquisitionné aux cuisines, il devait seconder les commis, qui, pour l'occasion, travaillaient deux fois plus pour assurer un festin digne d'un couronnement. Rien de bien passionnant, mais il s'en accommoderait.
Quant à Lya, Amanda et Emrys, leur mission du jour était d'un tout autre genre. Ils devaient s'occuper des neveux du futur seigneur, des jeunes garçons de leur âge qui, bien qu'exclus de la cérémonie, restaient des invités de marque. Leur tâche était simple : s'assurer qu'ils ne manquent de rien et surtout... qu'ils ne se perdent pas.
Les trois élèves se retrouvèrent alors devant les appartements des invités VIP.
La porte s'ouvrit lentement, laissant apparaître un salon spacieux où le luxe transparaissait dans les moindres détails. Les rideaux en velours pourpre tamisaient la lumière matinale, projetant une lueur ambrée sur les meubles en bois sombre finement sculptés. Une large table trônait au centre de la pièce, jonchée de plats raffinés qui, à en juger par leur état, avaient été à peine touchés.
Sur les fauteuils et canapés, quatre jeunes hommes attendaient. Dès leur entrée, Amanda, Lya et Emrys ressentirent immédiatement une tension dans l'air.
Lya échangea un regard rapide avec ses amis. Cette mission allait être... intéressante.
-Bonjour, les salua Amanda avec politesse. Nous sommes les personnes qui allons vous accompagner toute la journée.
Un ricanement éclata aussitôt. L'un des garçons, assis nonchalamment sur l'accoudoir d'un fauteuil, les regarda avec un sourire moqueur.
-C'est vous les baby-sitters ?, se moqua-t-il en échangeant un regard amusé avec ses cousins.
Un autre, blond aux yeux clairs, afficha une grimace ennuyée.
-J'espère que vous avez des trucs marrants à nous proposer, déclara-t-il en s'étirant. Parce que pour l'instant, c'est bien de la merde, cette école !
Lya sentit ses muscles se tendre. Le ton était donné : ces jeunes aristocrates n'étaient pas ici pour leur faciliter la tâche.
Les quatre garçons se levèrent d'un même mouvement et tournèrent lentement autour du trio, les observant sous toutes les coutures avec des regards pleins de jugements.
-Alors c'est ça, des élèves de l'ESSM ?, railla un troisième, les bras croisés. Je m'attendais à plus de prestige.
L'un d'eux, plus grand que les autres et visiblement le meneur du groupe, saisit la cape de Lya du bout des doigts comme s'il s'agissait d'un chiffon sale.
-Vous êtes d'accord pour porter ces horreurs ?, demanda-t-il en la soulevant avec une moue dégoûtée.
Lya riva son regard dans le sien sans broncher, mais Amanda prit la parole avant qu'elle n'ait le temps de répondre.
-L'uniforme de notre école n'est pas fait pour être esthétique, expliqua-t-elle d'une voix posée mais ferme. Il est conçu pour être pratique et ne pas nous gêner durant nos entraînements.
L'un des garçons haussa les sourcils avant de pouffer de rire.
-Ah ouais, c'est vrai que vous êtes des "magiciens", ricana-t-il.
-Faites-nous un tour de magie pour voir !, lança un autre avec un sourire provocateur.
Amanda ne se démonta pas.
-Nous ne sommes pas autorisés à utiliser la magie pour des buts frivoles en dehors de nos cours. Nous en sommes désolés.
Le plus jeune des quatre roula des yeux.
-Ouais, en fait, vous savez rien faire, quoi.
Il croisa les bras et observa la pièce comme s'il cherchait une distraction.
-Allez, venez, on se tire d'ici. J'en ai marre d'être enfermé.
Il se tourna vers ses comparses avec un regard complice.
-J'ai vu qu'il y avait une arène en arrivant. On va faire un tournoi !
Sans attendre de réponse, ils filèrent en courant vers la sortie comme une bande d'enfants trop gâtés en quête de divertissement.
Amanda poussa un soupir en leur emboîtant le pas.
-Eh bien, ça promet..., marmonna Emrys en courant à ses côtés.
-Ils sont odieux, constata Amanda, le regard sombre. Mais ce n'est pas comme si c'était une surprise...
Lya ne dit rien, mais elle n'était pas sereine.
-J'espère que ça ne durera pas trop longtemps, souffla-t-elle finalement.
Lorsqu'ils atteignirent le terrain d'entraînement, l'endroit était vide. À cette heure, les élèves étaient en mission et seuls quelques mannequins de bois et des bâtons d'entraînement traînaient dans le sable.
Les jeunes nobles s'avancèrent avec enthousiasme.
-On va se battre !, s'exclama l'un d'eux, les yeux brillants.
-Comme ça, on verra qui est le plus fort, ajouta un autre en craquant ses jointures.
Le trio s'éloigna légèrement pour les observer, espérant que ce petit jeu les occuperait un moment. Mais rapidement, l'un des garçons pointa Emrys du doigt.
-Toi !, lança-t-il d'une voix autoritaire. Tu vas faire le tournoi avec nous.
Emrys hésita.
-Je... Je ne pense pas que j'aie le droit de faire ça, répondit-il prudemment.
Le plus petit du groupe se mit aussitôt à ricaner.
-Regardez-le ! Il a peur. Sans leur pouvoir, ils ne valent rien !
Amanda sentit une tension lui figer le visage. Elle serra les poings.
-Moi, je peux me battre, si vous voulez !, s'exclama-t-elle, piquée au vif.
Mais l'un des garçons éclata de rire.
-Reste à ta place, demoiselle, dit-il d'un ton condescendant. On ne va pas se battre avec une nana !
Un silence glacé s'abattit sur le terrain.
Amanda plissa les yeux, et Lya vit ses épaules se raidir. Elle connaissait suffisamment son amie pour deviner ce qui allait suivre.
Emrys, lui, n'osait plus bouger, sentant que la situation risquait de dégénérer à tout moment. Et il avait raison.
Une colère noire s'empara d'Amanda. Son sang bouillonnait face à tant d'arrogance et de condescendance. Ses poings se serrèrent, prête à leur prouver qu'elle valait largement mieux que ces prétentieux. Mais avant qu'elle ne puisse répliquer, Lya posa doucement une main sur la sienne et la pressa.
-Laisse, Amanda, murmura-t-elle avec calme.
Le regard de son amie croisa le sien, et elle y lut une supplication muette. Elle savait qu'Amanda était capable de leur tenir tête, mais les ennuis qu'elles risquaient de s'attirer n'en valaient pas la peine.
Emrys, qui n'avait pas perdu une miette de l'échange, inspira profondément et s'avança, le regard dur.
-Je vais y aller, déclara-t-il, une lueur de défi dans les yeux. Et ils vont regretter de nous avoir insultés.
Il descendit dans l'arène avec l'assurance d'un gladiateur prêt à en découdre sous les acclamations d'une foule imaginaire. Amanda et Lya ne purent s'empêcher de sourire en voyant la différence de carrure entre leur ami et ses adversaires. Emrys était grand, athlétique, bâti pour le combat. À côté de lui, même le plus grand des jeunes nobles paraissait chétif.
L'un des garçons s'avança avec un sourire narquois. C'était le plus petit du groupe, un certain Drystan. Malgré sa taille modeste, il affichait une arrogance qui trahissait un excès de confiance mal placé.
-Les règles sont simples, annonça Evrin, le plus âgé et apparemment leader auto-proclamé. Pas de coups bas, pas de magie et pas d'arme.
Tout le monde acquiesça.
-On commence avec Drystan !, déclara l'un d'eux en frappant dans ses mains.
Le concerné bomba le torse et se plaça face à Emrys, qui ne broncha pas. À peine le signal fut-il donné que Drystan fonça tête baissée, persuadé qu'une attaque rapide suffirait à déstabiliser son adversaire.
Mais ce fut comme s'il s'écrasait contre un mur.
Emrys ne bougea pas d'un pouce. Drystan, lui, vacilla en arrière sous l'impact. Mais avant qu'il ne puisse reprendre ses esprits, l'élève de l'ESSM le saisit sans effort par le col et le souleva du sol. En une fraction de seconde, il le fit basculer et le plaqua brutalement sur le sable dans un nuage de poussière.
Un silence abasourdi s'installa. Puis, Amanda et Lya éclatèrent de rire avant d'applaudir à tout rompre.
-Magnifique !, s'exclama Lya.
Emrys se tourna vers elles et leur adressa un salut théâtral, comme une star acclamée par son public. Toutefois, les autres n'étaient pas de cet avis.
Drystan, toujours au sol, émit un grognement de douleur en se redressant difficilement. Cyril, l'aritocrate blond, s'avança furieux.
-Tu es malade ou quoi ?!, vociféra-t-il.
Emrys haussa un sourcil.
-Qu'est-ce qu'il y a ?, demanda-t-il, sincèrement surpris.
-Tu n'as pas le droit de nous frapper ! Tu te prends pour qui ?!, s'emporta un autre, les bras croisés.
Emrys cligna des yeux, incrédule.
-Attendez, c'est vous qui vouliez vous battre...
-Si tu m'as cassé quelque chose, ma mère va te tuer !, menaça Drystan en massant son dos endolori.
Evrin, plus calme et visiblement plus réfléchi, prit alors la parole, les bras croisés et l'air supérieur.
-Ce que tu ne comprends pas, expliqua-t-il d'un ton posé mais insidieux, c'est que tu es ici pour assurer notre sécurité. Si c'est toi qui nous fais du mal, ce sera à ton groupe d'en assumer les conséquences.
Il marqua une pause pour savourer l'impact de ses paroles, puis ajouta avec un sourire en coin :
-Ça serait dommage que tes copines aient des problèmes à cause de toi, non ?
Emrys se figea.
Depuis le début, ces garçons n'avaient jamais eu l'intention de se battre à la loyale. Il n'avait été qu'un pion dans leur petit jeu. Loin de vouloir prouver leur force, ils avaient simplement cherché un bouc émissaire à humilier, en s'assurant qu'aucun d'eux ne se retrouve dernier.
Il serra les poings, la mâchoire crispée. L'envie de leur montrer à quel point ils n'étaient que des enfants gâtés lui brûlait les entrailles. Mais il jeta un regard à Amanda et Lya. Il n'avait pas le droit de leur attirer des ennuis.
Alors, il baissa lentement les bras et soupira.
-Très bien, concéda-t-il à contrecœur. Faites votre truc.
Un sourire satisfait illumina les visages de ses adversaires.
Le reste du "tournoi" ne fut qu'un simulacre de combat. Les quatre nobles s'affrontèrent entre eux dans des échanges maladroits, où les coups manqués étaient plus nombreux que ceux qui portaient. Emrys, fidèle à sa promesse, se laissa battre sans offrir de résistance, encaissant quelques coups qui, heureusement, n'avaient rien de réellement dangereux. Seul son ego s'en sortit blessé.
Amanda et Lya, installées en retrait, ne dirent rien. Elles savaient qu'Emrys avait fait le bon choix, même si cela leur laissait un goût amer dans la bouche.
Après une heure de ce pitoyable spectacle, le verdict tomba.
-Et le grand gagnant est Evrin !, s'exclama Cyril.
Le concerné bomba le torse, rayonnant de fierté.
-C'est moi qui remporte le gros lot ?, lança-t-il en écartant les bras. On va bien s'amuser.
Il jeta un regard narquois à Emrys, savourant sa victoire imméritée.
Ce dernier se contenta de croiser les bras, impassible.
-Tant mieux pour toi, répondit-il simplement.
Mais une lueur sombre dans son regard trahissait sa frustration.
*****
Toute la journée se déroula selon un schéma immuable : les quatre garçons se plaignaient de tout, trouvaient une nouvelle absurdité à faire et, dans le processus, prenaient un malin plaisir à rabaisser leurs accompagnateurs. Ce jeu semblait être leur seul véritable passe-temps, et ils s'en amusaient avec une insouciance désarmante.
Les heures s'égrenèrent dans un enchaînement sans fin de caprices et d'exigences absurdes. Ils voulaient explorer chaque recoin de l'école, tester les équipements d'entraînement, goûter à toutes les collations disponibles, et, bien sûr, jamais sans porter eux-mêmes leurs affaires. Petit à petit, Amanda, Lya et Emrys se retrouvèrent chargés comme des mules, accumulant capes, accessoires, vestes luxueuses, épées d'apparat et autres babioles que les jeunes nobles leur confiaient sans vergogne.
Et, bien entendu, ils ne cessaient de courir derrière eux.
D'un bout à l'autre du domaine, ils les suivaient, tentant tant bien que mal de limiter les dégâts. Tantôt, ils empêchaient un accident stupide, comme Drystan qui voulait escalader une fontaine, tantôt, ils contenaient leurs envies irréfléchies , comme celle de lancer des pierres dans les fenêtres du directeur.
Le crépuscule teintait enfin le ciel d'une lueur orangée. Pourtant, la journée n'avait pas l'air de vouloir s'achever pour le trio épuisé.
Lorsqu'enfin leurs bras n'eurent plus la possibilité de porter quoi que ce soit de plus, lorsqu'ils furent littéralement ensevelis sous le poids des affaires qu'ils transportaient, ils eurent l'insigne honneur d'être autorisés à rentrer aux appartements.
Ce fut un soulagement immédiat. À peine avaient-ils passé la porte qu'ils laissèrent tomber leur cargaison dans un fracas sourd avant de s'effondrer à même le sol, anéantis.
Lya, étalée sur le dos, laissa échapper un long gémissement.
-Ce n'est pas possible..., ronchonna-t-elle, à bout de forces. Je ne peux pas faire un mètre de plus !
Amanda, allongée sur le ventre, la tête posée sur ses bras croisés, grogna d'une voix assourdie :
-S'il me demande encore de faire un aller-retour, je les encastre dans un mur.
Emrys, assis non loin d'elles, massait doucement ses bras endoloris. Il jeta un regard amusé à ses amies, puis, d'un geste instinctif, prit la main de Lya pour la détendre également. Elle lui lança un sourire reconnaissant, trop épuisée pour dire quoi que ce soit.
Mais leur instant de répit fut brutalement interrompu.
-Ce n'est pas la pause !, s'impatienta Laurent, le dernier des quatre aristocrates, qui les observait de haut avec un air dédaigneux.
Amanda releva lentement la tête et inspira profondément avant de répondre d'un ton faussement calme :
-Il fait nuit. La journée a été longue.
Elle marqua une pause en se relevant légérement et tenta le tout pour le tout.
-Vous allez sûrement vous coucher. Vous n'avez plus besoin de nous... non ?
Elle y mit tout son espoir, mais la réponse tomba comme un couperet.
-Nous coucher ?
Un éclat de rire général s'éleva dans la pièce.
Lya sentit son cœur sombrer. Amanda se redressa brusquement, les yeux écarquillés. Emrys, lui, ferma ses paupières un instant, comme pour se préparer mentalement à ce qui allait suivre.
-Certainement pas !, s'exclama Evrin avec un sourire malicieux. Ce soir, les parents sont absents à cause de la cérémonie.
Cyril tapa dans ses mains, surexcité.
-Alors on a conviéles enfants des autres invités.
-On va faire la fête jusqu'au bout de la nuit !, s'exclama Drystan en jetant un regard triomphant au trio épuisé.
Amanda, Lya et Emrys n'eurent pas les mots.
Ils avaient espéré une délivrance, une fin à ce supplice... mais il semblerait que leur calvaire ne faisait que commencer.
La soirée s'annonçait longue. Très longue.
C'est fluide, bien dosé. J'aime le respect entre Archi et Nate, c'est vraiment bien amené. Quant aux petits indices sur l'émergence de la noirceur, je trouve qu'ils sont bien mis en valeur. J'espère vraiment que Lya se révélera un danger sans précédent pour ce système qui m'a l'air bien pourri de l'intérieur.
Je me demande également si la professeur de magie de combat et Amanda ne seraient pas sœur , ça pourrait coïncider.
Je file au prochain chapitre,le coeur rempli d'espoir de voir ces petits aristos tombés de leur nuage de supériorité.
Ça me fait super plaisir que tu sentes mon amélioration, j'essaye de faire de mieux en mieux.
Ton idée sur Obscuda et Amanda, est intrigante, on verra bien !
Ça me fait super plaisir que tu sentes mon amélioration, j'essaye de faire de mieux en mieux.
Ton idée sur Obscuda et Amanda, est intrigante, on verra bien !
Awh, cette idée me trotte en tête de plus en plus ! J'ai hâte de voir le dénouement.