Le son résonnait à plein volume dans l'appartement des VIP, transformé en véritable boîte de nuit improvisée grâce à des boites à musique enchantées. Les basses faisaient vibrer les murs, et une lumière tamisée, oscillant entre doré et pourpre, baignait la pièce dans une ambiance luxueuse et enivrante. Petit à petit, une quinzaine de jeunes gens s'étaient entassés dans la suite, riant bruyamment, discutant avec effervescence, un verre à la main.
Tous étaient des fils et filles de familles influentes, habitués à un monde où l'apparence et le pouvoir prenaient le pas sur tout le reste. Ce soir, ils s'offraient une parenthèse de débauche, profitant de l'absence de leurs illustres parents, retenus par la cérémonie.
Dans ce chaos orchestré, Emrys s'était résigné à jouer les larbins une fois de plus. Il avait disparu avec Cyril pour une mission obscure, probablement un autre caprice sans intérêt.
Lya et Amanda, quant à elles, étaient restées sur place, plaquées contre un mur, en véritables spectatrices de cette déferlante d'excès. Elles observaient, incrédules, ce déchaînement d'hormones et de privilèges, sans oser réellement s'y mêler.
-Où est-ce qu'ils ont trouvé tout cet alcool ?, s'étonna Amanda en scrutant la foule, où des bouteilles luxueuses circulaient sans retenue. C'est interdit à l'école.
Lya, les bras croisés, haussa un sourcil avant de répondre d'un ton amer :
-J'ai l'impression que ce n'est pas si difficile de s'en procurer...
Elle songea un instant à Archi et à son talent pour dénicher tout ce qui était supposé être introuvable.
À cet instant, une jeune femme s'arrêta à leur hauteur, un verre de champagne à la main. Elle les observa avec une expression indéchiffrable, oscillant entre surprise et mépris à peine dissimulé.
-Amanda ?, demanda-t-elle d'une voix hésitante.
Puis, son visage s'illumina d'un sourire narquois.
-Amanda...
L'intéressée se tendit immédiatement, comme si la simple prononciation de son prénom par cette personne suffisait à la mettre sur la défensive.
-Laurie Bellemon, répondit-elle sèchement, coupant court à toute effusion inutile. Cela faisait longtemps.
Laurie haussa un sourcil, visiblement amusée par l'attitude fermée d'Amanda.
-Oui, c'est clair. C'est...
Son regard dériva vers Lya, la détaillant de haut en bas avec une condescendance à peine voilée, comme si elle évaluait une pièce de collection d'une qualité douteuse.
-C'est ta camarade ?, demanda-t-elle avec un léger rictus.
Amanda ne cligna même pas des yeux avant de répondre d'une voix glaciale :
-Mon amie.
Un silence tendu s'installa. Lya sentit une vague d'inconfort l'envahir, mais elle n'en laissa rien paraître.
-Ah. Ok... Je vois.
Laurie pouffa, avant de hausser négligemment les épaules.
-Bon bah, à plus tard... peut-être.
Elle tourna les talons et rejoignit aussitôt un groupe de filles non loin, reprenant leurs commérages sans même chercher à en dissimuler le sujet. Les éclats de rire feints et les chuchotements calculés trahissaient parfaitement l'essence même de leur monde : celui des apparences, des jugements silencieux et des relations superficielles.
Lya baissa légèrement la tête, troublée.
-Qui est-ce ?, demanda-t-elle enfin, brisant le silence entre elles.
Amanda laissa échapper un soupir discret avant de détourner les yeux.
-Personne, lâcha-t-elle d'un ton neutre.
Puis, plus doucement, elle ajouta :
-Ne fais pas attention. Ce sont des gens tristes et extrêmement seuls. Ils sont enfermés depuis leur naissance dans une cage dorée et un entre-soi malsain.
Son regard se perdit un instant dans le vide, et, pour la première fois, Lya remarqua quelque chose qu'elle n'avait jamais perçu chez son amie : une profonde mélancolie, une douleur enfouie qu'elle ne laissait transparaître que par bribes.
Jusqu'à cet instant, Lya avait toujours cru connaître Amanda. Mais à bien y réfléchir, que savait-elle vraiment d'elle ? Avait-elle grandi dans ce même monde ? Son enfance avait-elle été heureuse ? Avait-elle eu des amis avant l'école ? Les règles strictes de leur établissement interdisaient aux élèves de parler de leur vie passée, de leur famille ou de leur rang. Mais leur amitié ne dépassait-elle pas ces restrictions ?
Un frisson d'incertitude traversa Lya.
Peut-être était-il temps d'en apprendre un peu plus sur la personne qui, sans qu'elle ne s'en rende compte, était devenue sa meilleure amie.
-Allez les filles !
Drystan surgit de nulle part et interrompit le fil de leurs pensées. Sans leur laisser le temps de protester, il les attrapa par le bras et les entraîna au cœur de la foule déchaînée.
-C'est la fête ce soir !
Autour d'eux, la musique battait son plein, les corps se pressaient les uns contre les autres dans une danse effrénée et désordonnée. L'odeur de l'alcool flottait dans l'air, mêlée aux parfums coûteux des jeunes aristocrates. Amanda et Lya, complètement encerclées, n'eurent d'autre choix que de se retrouver piégées au centre de ce chaos.
-Non merci..., tenta de protester Lya en esquissant un pas en arrière.
Mais à peine avait-elle essayé de s'extraire qu'une main inconnue se posa dans son dos. Un contact léger, d'abord anodin, qui glissa lentement, dangereusement, vers son postérieur. Un frisson de dégoût la traversa. L'instinct de survie prit le dessus et elle se retourna vivement, prête à repousser l'importun d'un bon coup de coude bien placé.
Sauf qu'elle n'en eut pas le temps.
-Eh ! Tu fais quoi là ?!
La voix ferme trancha l'air comme une lame. Avant même que Lya ne puisse identifier l'assaillant, une main s'abattit sur le poignet du jeune homme coupable. L'agresseur sursauta et se retrouva brusquement immobilisé.
À sa grande surprise, son sauveur n'était autre qu'Evrin.
Le garçon, d'ordinaire railleur et insouciant, affichait un regard noir, ses mâchoires serrées sous la colère contenue. D'un geste assuré, il tordit légèrement le bras du malotru, assez pour lui faire comprendre qu'il avait dépassé les limites.
-Dégage !
Un ordre froid, sans appel.
L'autre ne se fit pas prier. Il se dégagea en grommelant quelques insultes inaudibles, le regard fuyant. Evrin ne le suivit même pas des yeux, reportant toute son attention sur Lya. Sans prévenir, il l'attrapa doucement par le bras et l'entraîna hors de la pièce, loin de la foule et du tumulte étouffant.
La terasse extérieure, baignant dans la lumière tamisée des lanternes murales, leur offrit un répit bienvenu.
-Ça va ?, demanda-t-il en la scrutant avec inquiétude.
Lya prit une inspiration tremblante. Son cœur battait encore à tout rompre, mais elle n'allait pas laisser cette mésaventure la dominer.
-Oui... merci, balbutia-t-elle en tentant de reprendre ses esprits.
-Ce n'est rien, répondit-il simplement.
Son ton sérieux contrastait violemment avec son attitude habituelle.
-Je ne supporte pas ce genre de comportement.
Ces paroles, inattendues dans sa bouche, la laissèrent songeuse. Jusqu'ici, elle n'avait vu en lui qu'un gosse de riche arrogant, un insupportable privilégié qui jouait de son statut. Mais peut-être s'était-elle trompée...
-Je ne te pensais pas comme ça, avoua-t-elle sans détours.
Evrin esquissa un sourire en coin, un brin vexé.
-Ce n'est pas parce qu'on s'amuse et qu'on agit parfois comme des gamins qu'on est dépourvus de morale, répliqua-t-il calmement.
Lya baissa légèrement la tête, honteuse de son verdict hâtif.
-Oui... désolée de t'avoir mal jugé.
Il haussa les épaules, comme si ça n'avait pas d'importance. Mais avant qu'il ne puisse ajouter quoi que ce soit, un bruit de pas précipités retentit.
-Où est-ce qu'il est ?!
Amanda déboula comme une tempête furieuse. Ses poings étaient déjà serrés, son regard flamboyant de rage.
-Qui est-ce que je dois frapper ?!
Lya écarquilla les yeux, tentant aussitôt de la calmer.
-Personne !, protesta-t-elle en se plaçant entre elle et la salle de fête.
Amanda, elle, n'entendait rien. Son souffle court, ses muscles tendus, tout indiquait qu'elle était prête à faire un carnage.
-Ne bouge pas, gronda-t-elle. Je vais le retrouver et lui faire passer l'envie d'être irrespectueux !
Lya savait qu'elle ne plaisantait pas. Elle avait vu Amanda démolir des mannequins d'entraînement en un seul coup de poing. Si elle retrouvait cet imbécile, il finirait dans un état bien pire.
-AMANDA !
Mais il était trop tard. Son amie s'était élancée comme une furie, bien décidée à retrouver l'auteur de l'affront.
-Laisse-la, intervint Evrin d'un ton calme, presque indifférent. Ce n'est pas plus mal qu'elle lui fasse comprendre les choses.
Lya hésita à protester, mais se ravisa. Amanda était bien assez grande pour se défendre seule, et puis... peut-être qu'elle avait raison d'agir.
La nuit était aussi douce et tranquille que la veille. Une brise légère caressait la peau de Lya, lui offrant un contraste apaisant avec l'atmosphère étouffante de la fête. Les bruissements des feuillages se mêlaient au bourdonnement lointain de la musique, assourdie par les murs de l'appartement. L'école, d'ordinaire si rigide et ordonnée, semblait à présent être un sanctuaire silencieux, une bulle hors du temps.
Lya sentit un malaise l'envahir. Pas à cause d'Evrin en lui-même, mais parce qu'elle n'était pas habituée à sa compagnie. Malgré la journée passée avec lui et ses amis, il restait un inconnu à ses yeux. Pourtant, il se tenait là, à quelques pas d'elle, les bras croisés, scrutant l'horizon avec un air détendu.
Elle aurait pu rentrer, mais l'idée de retrouver l'atmosphére irrespirable de la fête lui donnait presque la nausée. La tension accumulée dans son crâne pulsait plus fort, et elle se concentra sur sa respiration pour ne pas laisser la douleur la submerger.
-Tu as mal quelque part ?, demanda le garçon en la regardant du coin de l'œil.
Lya cligna des yeux, surprise par l'attention soudaine.
-Juste à la tête, mais j'ai l'habitude, murmura-t-elle en massant ses tempes.
Evrin la fixa un instant, comme s'il évaluait la situation, puis sans un mot, il tourna les talons.
Elle le regarda s'éloigner sans trop comprendre, avant de reporter son attention sur la végétation autour d'elle. Le vent frais lui faisait du bien. Ses pensées dérivaient malgré elle vers Emrys. Où était-il ? Elle aurait aimé qu'il soit là, qu'il la rassure. Un léger frisson parcourut son dos, et elle sentit une chaleur monter à ses joues.
Pourquoi pensait-elle à lui maintenant ?
-Tiens.
Elle sursauta presque. Evrin venait de réapparaître et lui tendait un verre. Lya jeta un regard suspicieux au liquide ambré qui ondulait sous la lumière tamisée des lanternes.
-Ce n'est pas de l'alcool, précisa Evrin en devinant son hésitation. C'est du jus de fruit. Je n'ai pas trouvé d'eau.
Elle hésita encore un instant, puis finit par accepter.
-Merci...
Elle porta le verre à ses lèvres et, plus par politesse que par réelle envie, le but d'une traite. Pourtant, il sembla que le liquide sucré, contre tout attente, lui fit du bien.
Evrin s'adossa contre le mur et la scruta un moment avant de reprendre la parole.
-J'espère qu'on ne vous a pas trop embêtés aujourd'hui ?
Lya haussa les épaules, cherchant une réponse neutre.
-Hmm... ça va, mentit-elle.
Il la dévisagea d'un air amusé, comme s'il ne la croyait qu'à moitié.
-Il ne faut pas trop prendre au sérieux nos taquineries, reprit-il. C'est notre manière de faire connaissance.
Lya pinça les lèvres.
-C'est un peu...
Elle tria ses mots.
-Peu conventionnel ?, proposa Evrin avec un sourire en coin. Mais en même temps, vous étiez fermés.
Elle releva la tête.
-Nous n'étions pas farmé...
Elle s'arrêta, se reprit.
-Je veux dire "fermés".
-Vous aimez bien paraître inaccessibles, vous les mages !
Lya voulut rétorquer, mais soudain, une sensation étrange lui coupa le souffle. Sa vision se troubla légèrement, comme si le monde autour d'elle tanguait doucement. Ses jambes flanchèrent.
-Oh...
Un vertige puissant la saisit, et elle aurait chuté si Evrin ne l'avait pas retenue au dernier moment.
-Eh bien, on ne tient plus debout ?, plaisanta-t-il en la stabilisant.
Lya s'agrippa légèrement à lui, les battements de son cœur s'accélérant sans raison.
-J'ai la tête qui tourne..., murmura-t-elle. Je n'ai plus de force...
Evrin raffermit sa prise sur elle, son sourire toujours accroché aux lèvres.
-Je vais m'occuper de toi, ne t'inquiète pas.
Un frisson glacé courut le long de la colonne vertébrale de Lya.
-Qu'est-ce qui m'arrive... ?
Sa voix était à peine audible. Une fatigue écrasante s'abattait sur elle, plus lourde que jamais. Sa conscience vacilla.
Les bras d'Evrin s'enroulèrent autour de sa taille. D'un geste trop brusque pour être accidentel, il la poussa contre le mur froid, son dos percutant la surface dure avec un bruit sourd. L'ombre du garçon se projeta sur elle sous la lumière vacillante des torches.
-Qu'est-ce que tu fais ?, murmura-t-elle, sa voix à peine audible, trahissant tout de même sa panique croissante.
-Je t'ai dit de ne pas t'inquiéter.
La voix du garçon était suave, presque douce, mais il y avait quelque chose de profondément dérangeant dans son ton.
-On va s'amuser un peu...
Avant qu'elle ne puisse réagir, il plongea son visage dans le creux de son cou, déposant un baiser humide sur sa peau. Un sursaut de dégoût lui parcourut tout le corps, mais elle ne parvint pas à bouger. Ses bras restaient inertes, son souffle saccadé, comme si son propre corps ne lui appartenait plus.
Elle voulut le repousser. Essayer de se débattre. Crier. Mais rien ne fonctionnait.
Son corps ne répondait plus.
Elle était comme figée dans une enveloppe de chair devenue inutile, spectatrice de son propre cauchemar.
-Evrin... la boisson..., parvint-elle à balbutier dans un souffle.
Un rire moqueur s'échappa des lèvres du garçon.
-Tss... Tu as mis du temps à comprendre, ma belle.
Il laissa ses doigts remonter lentement le long de son chemisier, défaisant un à un les boutons, effleurant sa peau brûlante. Son estomac se retourna. Lya voulut reculer, se fondre dans le mur, disparaître.
-Il y avait quelque chose... dans le verre, réussit-elle à articuler difficilement, ses lèvres à leur tour engourdies.
Son souffle lui manquait. Ses pensées devenaient floues.
-Juste de quoi obtenir ma récompense, lui susurra-t-il à l'oreille, mordillant sa nuque comme un prédateur savourant sa proie. Tu te rappelles le tournoi à l'arène ? Le trophée, c'était toi.
Les mots transpercèrent Lya comme une lame accérée. Elle voulait hurler. Elle voulait pleurer. Mais même ses larmes refusaient de couler. La nausée la prit de plein fouet, un vertige oppressant l'écrasant sous son propre poids.
-S'il te plaît... laisse-moi...
Sa supplique se perdit dans la nuit.
-Je ne l'ai jamais fait avec une mage...
Evrin souffla ces mots contre sa peau avec une excitation malsaine.
-On va voir si vous êtes si fantastiques.
Un goût de bile lui remonta à la gorge. Elle devait faire quelque chose. Mais quoi ? Son corps, son esprit, tout lui échappait.
Piégée.
Perdue.
Elle n'avait jamais ressenti une telle impuissance de toute sa vie.
Les mains d'Evrin caressèrent les jambes de sa victime et remontèrent sur ses cuisses tout en relevant sa jupe. Quand il glissa un premier doigt sous l'élastique de sa culotte, Lya pensa s'évanouir et elle ferma les yeux pour ne plus faire face.
Pourtant, elle entendit un grand fracas qui la fit instantanément tomber lourdement au sol. En rouvrant les yeux, elle vit son agresseur projeté à quelques mètres. Sa tête continuait à tourner encore et encore, au point où elle n'arrivait pas à voir ce qu'il y avait autour d'elle.
-Je vais te tuer !, hurla quelqu'un.
Lya reconnu instantanément Matt et réussit enfin à le discerner un peu plus loin. Il semblait se battre, ou plutôt battre, Evrin. Même si elle ne le distinguait pas complètement, elle arrivait à ressentir la colère immense que le garçon dégageait. Il pouvait réellement le tuer.
-Matt, arrête !, ordonna une nouvelle voix familière.
-Amanda ?, chuchota Lya.
-Oui je suis là, ça va aller.
La petite blonde sentit deux mains fortes et rassurantes se poser sur ses épaules, puis la relever. On la souleva aisément, un bras autour de son dos et un autre sous ses genoux. C'était Emrys.
-Je suis là aussi Lya. Pardonne-moi de t'avoir laissé seul avec eux, dit-il avec beaucoup de remords dans la voix.
Amanda s'avança d'un pas décidé, son visage fermé trahissant sa détermination. Les deux garçons étaient désormais au milieu de la pelouse, Matthew dominant toujours son adversaire avec une rage incontrôlée. Il ne semblait pas vouloir s'arrêter, alors Amanda intervint sans hésiter.
Elle leva une main et serra son poing. À cet instant, les mouvements de Matthew s'interrompirent brusquement. Ses bras se figèrent, comme pris dans une étreinte invisible qui le paralysait.
-Laisse-moi, Amanda !, cria-t-il, furieux, les muscles tendus.
-Non, répliqua-t-elle fermement. Tu vas le tuer, et c'est toi qui auras des ennuis.
-Je m'en fous ! Tu as vu ce qu'il lui faisait ?!, hurla-t-il luttant vainement contre la force qui le retenait.
-Cette raclure ne mérite pas que tu gâches ta vie pour lui, rétorqua Amanda, implacable.
-Lâche-moi !, rugit-il de nouveau, la colère toujours palpable.
Mais avant qu'il ne puisse s'emporter davantage, une voix faible mais distincte s'éleva derrière eux.
-Matt... s'il te plaît, arrête, murmura Lya.
Ces quelques mots suffirent à briser l'élan de rage du jeune homme. Ses épaules s'affaissèrent légèrement, et son regard se tourna vers sa coéquipière.
Amanda, comprenant qu'il avait repris ses esprits, abaissa sa main et relâcha son emprise. Matt resta un instant figé, son regard encore sombre, mais il finit par se détourner de l'homme à terre. Sans un mot, il s'éloigna pour rejoindre Lya, la colère cédant doucement la place à l'inquiétude.
-Je ne sais pas qui tu es, mais je vais te faire virer connard !, s'égosilla Evrin. Il m'a pété le nez ce chien !
-Ferme là avant que ce soit moi qui te casse autre chose !, le menaça Amanda qui gardait un œil sur lui.
Les invités étaient tous à la fenêtre de l'appartement pour ne pas en louper une miette, mais Matt referma tous les rideaux d'un seul mouvement de main, ce qui dissuada les voyeurs.
-Ça va princesse ?, demanda-t-il tendrement à son amie.
-Maintenant oui...
-Comment tu te sens ?
La voix de Lya trembla d'émotion.
-Il a mis... il a mis un truc dans mon verre.
Matt commença à chercher frénétiquement quelque chose tout en écoutant sa camarade.
-Ça a été très rapide, expliqua-t-elle en retenant ses sanglots. J'ai l'impression de ne plus avoir de force et... et c'est comme si toute ma magie avait disparu.
En prononçant ces mots, la jeune femme se blottit contre le torse d'Emrys, cherchant un semblant de réconfort. La peur la tenaillait encore, mais ce qui l'effrayait davantage, c'était l'idée que sa magie ne revienne jamais. Pourtant, bercée par les bras protecteurs du garçon, une douce torpeur commença à s'emparer d'elle, l'entraînant peu à peu vers le sommeil.
Pendant ce temps, Matt fouillait les environs, scrutant chaque centimètre du sol. Ses gestes étaient nerveux, précis, habités par une urgence qu'il peinait à contenir. Puis, soudain, il s'arrêta. Son regard s'arrêta net sur un verre abandonné, renversé sur la pierre, encore perlée de liquide ambré.
Il le ramassa avec précaution, plissa les yeux et le porta à son nez. Une seconde plus tard, ses pupilles se dilatèrent, son visage se ferma et une lueur d'alerte éclaira son regard.
-Je sais ce que c'est !, s'exclama-t-il, la voix chargée de tension.
Sans attendre, il se redressa d'un bond,et fonça vers Emrys, toujours agenouillé, serrant Lya contre lui avec un mélange d'angoisse et de tendresse.
-Donne-la-moi. Je sais comment la soigner. Il faut que je l'emmène à la capitale, immédiatement !
-Hors de question !, répliqua Emrys, ses bras se resserrant instinctivement autour de la jeune fille. Elle doit aller à l'infirmerie !
Matt grogna, exaspéré, et son visage habituellement joviable se crispa d'une colère froide.
-Tu réfléchis parfois ou ta tête est juste là pour le décor ?, lança-t-il sèchement. Si l'école découvre qu'elle a ingéré de la drogue, elle est fichue. Expulsée sans procès, tu m'entends ?
-Mais..., tenta Emrys, hésitant, les sourcils froncés par la peur et le doute.
Amanda les rejoignit à cet instant, résolue. Elle s'interposa entre les deux garçons, les mains levées, la voix ferme.
-Pour une fois, je suis d'accord avec Matt, dit-elle. Même si on dit toute la vérité, leurs familles sont bien trop puissantes. C'est toujours la même chanson : ils s'en sortiront sans une égratignure, et ce sera Lya qui le paiera
Elle jeta un regard vers Lya, allongée, le visage cireux et trempé de sueur.
-Faire le mur, ça passe encore... Mais la drogue ? Ça, ils ne lui pardonneront pas. Et Lya... elle n'a personne pour la défendre.
Un silence tendu s'installa, lourd de décisions impossibles. Emrys fixa le sol, déchiré, puis reposa les yeux sur la jeune fille dans ses bras. Sa mâchoire se contracta. Puis il hocha la tête, résigné.
-D'accord, souffla-t-il. Mais à une condition : je viens avec vous.
Matt le fixa un instant. Les deux garçons se jaugèrent, comme s'ils tentaient de lire dans l'âme de l'autre. L'air semblait vibrer entre eux, mais Amanda tapa dans ses mains, agacée.
-On n'a pas le temps pour vos concours de testostérone ! Matt, on te suit.
Sans perdre une seconde, ils s'élancèrent à travers les jardins silencieux, leurs pas étouffés dans l'herbe fraîche. Emrys portait Lya contre lui avec une douceur fiévreuse, comme si elle risquait de se briser au moindre faux mouvement.
Mais à peine avaient-ils franchi le premier bosquet qu'un cri furieux les poursuivit, résonnant comme une claque dans la nuit paisible.
-Je vais tous vous faire virer ! hurla Evrin, débordant de rage, toujours à terre, la joue tuméfiée et le regard incendiaire.
Amanda s'arrêta net. Elle se tourna lentement vers les garçons.
-Partez devant, dit-elle, calme.
-Qu'est-ce que tu vas faire ?, demanda Emrys, méfiant.
-Je ne vais pas le toucher.
-Rendez-vous à l'espace de magie élémentaire, dit Matt sans se soucier du reste, avant de repartir.
Amanda attendit qu'ils disparaissent, puis se retourna et marcha tranquillement vers Evrin. Il était pitoyable à voir, recroquevillé au sol, le visage déformé entre colère et humiliation.
-Je vais en parler à mon oncle. Le roi d'Everka !, siffla-t-il avec arrogance. Vous allez le regretter, je vous le jure !
Elle le fixa en silence, puis s'arrêta devant lui. Un petit sourire, sans chaleur, se dessina sur ses lèvres.
-Vraiment ? Tu es sûr de toi ?, murmura-t-elle d'une voix mielleuse, presque tendre.
Elle s'accroupit devant lui, calmement, son visage à hauteur du sien. Son regard accrocha le sien et y planta une aiguille de glace.
-Je n'ai rien dit de toute la journée, parce que j'aime respecter les règles, dit-elle. Je t'ai laissé jouer. Toi et tes petits copains. Mais maintenant...
Sa voix baissa d'un ton.
-Tu sais qui je suis, n'est-ce pas ?
Evrin déglutit. Son souffle était plus court. Dans ses yeux, la peur commençait à poindre, fine, discrète, mais réelle.
-Alors écoute-moi bien. Si j'apprends que toi, ou l'un de tes semblables, avez blessé mes amis... je ferai de vos vies un enfer. De vos familles, une disgrâce. Tu connais mon nom. Tu sais que j'en suis capable.
Le garçon ne bougea pas. Il acquiesça, sans dire un mot, la peur lui clouant la langue.
-Parfait, conclut Amanda avec un air satisfait.
Elle effleura doucement son nez brisé du bout du doigt, lui provoquant un hurlement de douleur.
-Tu devrais faire soigner ça. Ce n'est pas très joli.
Elle se redressa lentement, digne et implacable. Puis elle tourna les talons, aussi paisible qu'une promenade au clair de lune, comme si rien d'exceptionnel ne s'était produit.
Je rejoins l'avis de M.A.Frogerais, ce chapitre marque vraiment ton amélioration en terme d'écriture. Tu passe à " voilà ce que je veux montrer " à " ressentez ceci " d'une très bonne façon.
Concernant l'histoire en elle même, j'aime les secrets pas si cachés, on a senti dès le début que Amanda a une position sociale haute, estimé. Ce qui pourrait confirmer mon théorie entre les deux soeurs.
J'aime vraiment beaucoup ce que tu développe.
Merci pour ton analyse sur mon écriture, ça me fait énormément plaisir de lire que tu perçois cette évolution. Passer du "montrer" au "ressentir", c'est vraiment ce que j'essaie d'atteindre, alors ton avis compte beaucoup.
Et oui, ces petits secrets pas si cachés, j'aime bien les distiller et peut-être que d'autres petites choses prendront un autre sens plus tard... qui sait !
Awh ça ! Souvent quand on arrive à la fin d'une bonne histoire, on en ressort tout un univers. In y a des choses qu'on a ressenti et compris dès le début et d'autres où là on se dit " merde c'est vrai que c'était logique quand on y pense ".
satisfaisant pour la double raclé ( physique et emotionnel) que se prend se connard
et palpitant pour le passage d'amanda, on sens se dont elle est capable a defaut de le savoir et c'est magnifique. c'est precisement se qui manquait beaucoup au debut de ton histoire: faire ressentir plus que de montré les choses, ici c'est parfait