Sethy était affalé sur la rambarde du balcon, assassinant le reste du palais du regard. Derrière lui, quelques gloussements de filles du harem résonnaient, accompagné par la voix de sa sœur. Des babillages incessants lui sciaient les oreilles.
— Un peu de silence ! tonna-t-il.
Le groupe de jeunes femmes lui jeta un œil amusé.
— Son Altesse est toujours de mauvais humeur, à ce que je vois, remarqua l’un d’elles.
— Tsss.
— Sethy il est pas content ? demanda sa sœur, Miane.
Il se tourna vers sa silhouette rebondie et difforme.
— Ça se voit pas ?! gronda-t-il.
Miane, après un temps de sidération, se mit à pleurer.
— Allons, Votre Altesse, ne soyez pas si dur envers votre aînée, tempéra une des femmes tandis que les autres s’attelaient à consoler l’éplorée.
Leur front était marqué d’un tatouage représentant la caste des Hêks dont faisait partie la famille impériale. Ainsi, elles pouvaient vivre dans l’enceinte du palais et se reproduire avec les Empereurs. Mais elles, et leurs homologues masculins du bâtiment voisin, s’occupaient également de l’entretien de la demeure sacrée de Hêk et du service de ses descendants.
— Sethy il est méchant, pleurnicha Miane.
Il la foudroya du regard. Dire qu’elle lui était promise, maintenant que Hedverêt l’était du prince de Naotmöt. C’était une incapable, elle avait l’esprit d’un bambin. Elle ne ferait qu’attirer de nouveau la malédiction de Hêk sur la future génération.
— J’en ai marre de vous toutes ! cria-t-il. Dégagez !
Après une hésitation perplexe, les femmes du harem s’exécutèrent, le laissant seule avec son idiote de sœur. Sethy marcha à grands pas vers elle, elle se tassa.
— Je suis pas méchant, mais l’heure est grave ! Véra a ordonné notre évacuation, sans elle ! Tu comprends ?
Miane le dévisagea de ses yeux trop écartés. Impossible de dire ce qu’il se passait dans sa tête cabossée.
— Tu comprends ? On va devoir partir sans elle !
— Sans Véra ?
— Oui, sans Véra ! Mais je suis pas d’accord, on va monter un plan pour…
Il s’interrompit alors que Miane recommençait à pleurer.
— T’es pas possible !
Il se détourna et revint vers le balcon. C’est alors qu’il remarqua les flammes qui naissaient dans la ville, lâchant de longues trainées de fumée dans le ciel bleu. Une rumeur de cris fut portée par le vent.
— Qu’est-ce que…
— Votre Altesse !
Shaffra déboula dans la pièce, faisait sursauter Miane.
— Altesses, il faut fuir, tout de suite ! Nous allons avancer votre évacuation, l’Ordre a déclenché un feu dans notre cité !
Sethy recula en secouant la tête.
— Non, non ! Je partirai pas sans Véra !
— Sans Véraaaaa ! pleura Miane.
Le garde attrapa la princesse par le bras, redoublant ses cris.
— Ce n’est pas le moment de faire votre forte tête ! gronda-t-il en s’approchant du jeune garçon.
— Non !
Il sentit des larmes naître dans ses yeux. Il se percha sur la rambarde, sous les yeux horrifiés de son serviteur.
— Non, je peux pas la laisser ! Approche encore et je saute !
Shaffra se tendit, les yeux écarquillés.
— Votre Altesse, je vous en supplie…
— Sethy ! cria Miane dans un élan de lucidité.
Le jeune garçon déglutit en jetant en œil derrière lui. C’était haut, plus que ce à quoi il avait l’habitude. Il n’y avait aucune plante pour se rattraper avant le dallage de la terrasse en contrebas.
— Je veux pas que Véra reste ici… balbutia-t-il, c’est trop dangereux…
Il sentit soudain qu’on le poussait. Une grande force le lança vers le balcon où il s’étala, aux pieds de Shaffra. Il eut juste le temps de voir une brume sombre se diluer dans l’air suffoquant. Le rebelle en noir se profila à l’entrée de la pièce.
— Encore toi ! vociféra le prince.
Le dénommé Lohan s’avança.
— L’Impératrice prépare aussi sa propre évacuation. La cité est perdue, de toute évidence.
Sethy se redressa.
— Pourquoi tu me l’as pas dit ?! reprocha-t-il à Shaffra.
— Je…
Lohan l’attrapa par le bras.
— Nous n’avons pas le temps ! L’incendie se propage vite, il va bientôt atteindre le palais !
Le jeune homme l’entraîna à sa suite, imité par Shaffra qui tenait toujours Miane. Heureusement pour leurs oreilles, la jeune fille s’était calmée.
Sethy se laissa guider dans les couloirs pris de folie. C’est en voyant les visages paniqués qui défilaient autour de lui qu’il réalisa la gravité de la situation. Il sentit de nouveau les larmes couler. Il les essuya, honteux et rageur.
Shaffra guida le petit groupe jusque’à l’arrière du bâtiment principal. Là les attendaient l’héritier de Naotmöt et les deux larbins de Lohan, le vieillard et la jeune femme blanche.
— Où est Véra ?! s’écria Sethy en se dégageant.
— Je suis là.
Il se tourna vivement vers sa sœur qui venait d’apparaître à l’angle du mur, accompagnée par ses favoris. Elle s’approcha doucement, le visage étreint par un calme implacable.
— On prend le passage secret ? s’enquit Miane en roulant des yeux vers un motif de serpent peint sur la façade.
— Oui, souffla l’Impératrice.
Elle prit sa petite sœur dans ses bras, à la grande joie de cette dernière.
— J’aime le passage secret ! commenta-t-elle.
— C’est bien.
— Véra ?
Sethy fronça les sourcils devant son air mélancolique. Elle l’étreignit, et son cœur s’emballa. Il pressentait, atterré, ce qu’elle allait dire.
— Au revoir.
— Non !
Il s’agrippa à ses étoffes pâles.
— Non, t’as pas le droit ! T’as dit que tu venais !
— Je n’ai jamais dit ça…
— C’est moi qui menti, toute à l’heure, fit l’Ombre.
Sethy se tourna furieusement vers lui.
— Comment oses-tu ?!
— Merci, murmura Hedverêt.
Il contempla son visage serein de ses grands yeux effrayés.
— Je suis pas d’accord…
Elle fit un geste en direction de ses favoris.
— Je compte sur vous pour bien vous occuper d’eux.
Les trois femmes et les deux hommes hochèrent la tête.
— Non !
Sethy refusa de lâcher prise, il enfouit son visage dans la soie de sa sœur.
— Allons.
Elle le détacha, doigt par doigt.
— Ne fais pas l’enfant. Tu seras bientôt l’Empereur d’Hek-Rê, après tout.
— Non…
Des bras extérieurs le saisirent. Encore cet enfoiré d’étranger. Il se débattit.
— Lâche-moi !
Hedverêt caressa sa joue et lui déposa un baiser sur le front, puis elle se recula.
— Véra !
À quelques pas, Shaffra avait ouvert le passage secret, Miane s’y engouffra avec enthousiasme, suivie par le reste de la troupe. Sethy fut attiré dans la pénombre de l’escalier dissimulé malgré ses ruades. La porte commença à se refermer dans un grondement sourd, poussée par des gardes. Son cœur sembla jaillir de sa poitrine quand le battant de pierre lui arracha la vision de sa sœur.
— VÉRA !
*
Daïré trouva sa tante dans un des nombreux cercles de méditation perdus dans la forêt. Saoirse était assise en tailleur, les yeux fermés et les paumes jointes. Une petite brise souleva ses cheveux bruns striés de gris.
La vieille femme ouvrit lentement les paupières quand sa nièce franchit le cercle.
— Que me veux-tu ? demanda-t-elle en fixant les fourrés face à elle.
— Tu le sais très bien.
La jeune femme serra son poing autour du manche de la dague qu’elle tenait.
— Est-ce que c’est toi qui a tué ma mère ?
Saoirse frémit.
— Non.
— Menteuse !
Daïré se planta face à elle pour la forcer à la regarder. Mais les yeux gris de sa tante l’évitaient toujours.
— Je suis sûre que je n’ai pas rêvé, tu l’as dit !
— Non, c’était juste un de tes délires fiévreux.
— Je sens que tu mens, le Silh autour de toi s’agite !
Saoirse déglutit, ses mains tremblèrent. Elle ramena enfin ses prunelles âcres vers celle de sa nièce.
— Je n’avais pas d’autre choix, laissa-t-elle filer d’une voix incertaine.
La jeune femme se tendit, voulut pousser un cri de rage, mais se contenta de s’effondrer. Elle secoua la tête.
— Co… comment as-tu pu ? bégaya-t-elle alors que les larmes inondaient ses joues.
La bouche de son interlocutrice se tordit.
— Elle… elle m’a tout pris. Tu comprends ? Mon rang d’héritière de Moïa, mon céil… Je n’avais pas le choix. Elle… elle m’a volée ma vie. J’ai eu connaissance d’un certain enchantement… je… j’en ignorais les conséquences exactes. Elle devait juste sombrer dans la tristesse… je voulais qu’elle dise à Moïa de me nommer comme héritière, qu’elle abandonne son céil…
Daïré la frappa, interrompant sa litanie plaintive. Saoirse bascula en arrière sans un cri. Ses cheveux volèrent et retombèrent sur sa mâchoire en sang.
— MONSTRE !
Elle leva sa dague au-dessus de sa tante. Ses mains semblaient se disloquer tant elles tremblaient. Sa tante tenta d’articuler quelque chose, mais sa bouche ne lui répondait plus. Un borborygme gémissant en émergea, ses yeux pleuraient.
— Comment as-tu pu, ta propre sœur…
Les larmes de Daïré tombèrent sur le visage ensanglanté de sa moïa. Cette dernière leva une main incertaine vers elle. Puis d’un geste brusque, tenta de lui arracher sa dague. La jeune femme sursauta, et résista, elle sentit sa tante se débattre et agripper ses cheveux.
Elle abattit sa lame avec un cri de rage.
Elle buta sur un os, ripa, et s’enfonça dans l’orbite droit de Saoirse. Éprise d’horreur, elle lâcha le manche et recula. Sa tante sa cabra, ses mains allèrent convulsivement vers sa dague plantée dans son crâne. Mais elles furent trop pataudes pour l’arracher. Un hurlement désarticulé émergea de la gorge de la mourante. Puis les soubresauts l’emportèrent vers le sol, avant de cesser, la laissant immobile.
Daïré, essoufflée, voulut se griffer le visage. Elle remarqua alors que ses doigts étaient devenus bruns et longs. Leurs phalanges proéminentes tendaient une membrane naissante. Elle fixa sa main hybride, atterrée. De vraies griffes vinrent déchirer ses joues.
*
— Comment ?!
Caius rentra la tête dans les épaules.
— Il semblerait que… L’Impératrice ait réussi à contenir le feu dans la cité. L’incendie perd du terrain, et la nuit va tomber… Il y a fort à parier qu’ils vont parvenir à l’éteindre.
Valerio fit claquer sa langue contre son palais. Ces chiens s’accrochaient à la vie. Ne comprenaient-ils pas que cela les mèneraient à des souffrances encore plus grandes ? Il jeta un regard assassin à ville et ses fumées.
— Lancez l’assaut, les portes ne tiendront pas longtemps, ordonna-t-il.
— Une bataille, enfin ! s’exclama Longinus tandis que son collègue décampait. Depuis le temps que j’attends ça !
— Va commander la cavalerie, dans ce cas.
— Merci, VoTrE SaInTetÉ.
Il talonna joyeusement son cheval et s’élança vers les formations de soldats qui attendaient patiemment l’ordre de départ. Valerio gigota sur sa selle, la chaleur le faisait suffoquer sous ses habits noirs. La Grande Prêtresse et son maudit sens du symbole. Il poussa un soupir nerveux. La cité et sa misère criante le mettaient au supplice.
Caius revint quelques heures après. La nuit était tombée, à peine moins étouffante que le jour. Valerio avait tenté de faire une sieste dans sa tente, en vain.
— Votre Sainteté, la ville est presque sous notre joug mais…
— Mais ?
— Le palais résiste. Ils connaissent bien le terrain et mettent nos troupes à mal avec leurs pièges. Sans compter le soutien de la population locale qui tend des embuscades à nos soldats.
— Je vais voir ça.
— Co… comment ?
— Qu’on selle mon cheval, je me rends sur le front avec les renforts.
— Mais enfin Votre Sainteté ce n’est pas raisona…
— Mène-moi à Longinus et à ses troupes, Caius.
L’artrion hésita un instant, avant de hocher la tête.
Valerio fut soulagé de sentir un vent frais soulever son voile lorsqu’il lança sa monture au galop. L’incendie faisait encore rage dans certains quartiers de la ville, éclairant le paysage sombre d’une lueur sanglante. Guidé par son subordonné, il mena les renforts destinés au palais dans la cité à feu et à sang, leur chevaux piétinant cadavres et débris calcinés.
Les ruelles semblaient prises de folie. Les soldats sans-visage trainaient des prisonniers gémissants sur les allées pour les forcer à se convertir, exécutant ceux qui refusaient. D’autres se battaient encore contre des groupes armés de fourches et de bâtons. La fumée ceinturait l’horizon de son odeur grinçante, masquant le ciel étoilé.
Caius guida l’Atrê vers la rumeur de plus en plus forte d’une bataille. Là, sous les murailles blafardes qui entouraient le palais, se dévoila une bataille enragée. Les gardes Hâr affrontaient les Prêtres Noirs au milieu des corps éventrés et de la fumée dense. Valerio ne tarda pas à apercevoir Longinus, qui tenait tête à une dizaine d’adversaire. Un sourire dément étiraient ses lèvres ensanglantées.
— Si vous vous montrez assez braves, le Sinistre vous accueillera à sa table ! cria l’Artrê. À l’attaque !
Les renforts déferlèrent sur les lieux du combat, engloutissant les troupes ennemies. Non loin de là, la porte du palais céda, laissant s’engouffrer un groupe de soldats habillés de noir. Valerio se rasséréna, calme au milieu des hurlements et du fracas des armes. L’Empire d’Hek-Rê n’en avait plus pour longtemps.
Soudain, un garde impérial au regard fou surgit de l’ombre et agrippa ses larges manches. Valerio se sentit basculer. Il roula à terre, tendant sa main vers son fourreau qu’il ne trouva pas, affolé. L’ennemi lui donna un puissant coup dans le ventre qui le plia en deux. Il vit une lame flamboyer à la lumière du feu grondant, son cœur rata un battement.
Puis le sabre disparut, tandis qu’un poids lui tombait lourdement dessus.
— Qu’est-ce que…
Reprenant ses esprits, il se dégagea du corps du garde. La main rouge de Longinus lui donna une bourrade dont il ne serait bien passé.
— Vous m’en devez une, princesse, commenta le vice-commandant.
— M… merci.
Longinus se tendit, son regard passa au-dessus de son supérieur.
— Venez ! cria-t-il en l’attrapant sans ménagement.
Valerio eu juste de le temps de voir une marée humaine foncer vers eux, il fut tiré à l’abri d’une barricade.
— Les salauds, ils avaient encore des soldats en réserve, pesta son subordonné.
La barricade menaçait de céder. Autour d’eux, les prêtres noirs tombaient les uns après les autres. Longinus lui jeta un œil agacé.
— Pourquoi vous êtes venu ? Je dois vous protéger, maintenant !
— Je me pose la même question.
— Ah, les gosses de riche, je vous jure !
La barricade trembla, un Hâr bondit par dessus et lança son épée en direction de Longinus qui l’évita adroitement. Un trou béant s’ouvrit dans le torse de l’ennemi qui s’effondra.
— Faut pas rester ici !
Valerio fut de nouveau attrapé par son vice-commandant qui courut à l’abri des remparts du palais. Il en profita pour retirer prestement le voile qui obstruait sa vision. Un décor torturé s’offrit alors à ses yeux. Les cadavres s’amoncelaient dans les jardins délicats désormais en proie aux flammes. Un chaos de cri, de gémissements et de râles saturait l’air déjà gangréné par la fumée. Les soldats s’entretuaient, d’autres massacraient les servants dans une frénésie criminelle qui teintait les bassins de rouges. Longinus lui fit traverser une zone non incendiée qui les mena en face de ce qui semblait être la salle du trône. Un des piliers peints qui encadrait l’entrée avait été abattu au sol.
— Là ! s’exclama Valerio en pointant un groupe qui se battait sur les marches de marbre.
Au milieu des gardes d’Hekkora se dressait une femme parée d’une couronne représentant un cobra.
— C’est l’Impératrice, il faut la tuer !
— Pas de problème !
Longinus s’avança, faisant tournoyer sa lance meurtrière. Les trois prêtres de la Trinité qui se battaient étaient vaincus. Une dizaine de gardes entouraient la souveraine.
Le vice-commandant fondit sur eux, sa lame en embrocha un tandis que son pied en repoussait un autre. Il retira la lance du corps convulsé de sa victime et la lança à l’assaut des Hârs qui protégeaient farouchement Hedverêt. Valerio s’avança, dégainant sa spata. Il s’était remis de ses frayeurs et attaqua ses ennemis avec rage.
L’ivresse du combat le saisit. Il tua un adversaire, puis un autre. À côté de lui, Longinus s’en donnait à cœur joie. Les soldats restants tentèrent d’emporter leur souveraine à l’abri, mais ils furent vite rattrapés et tués.
L’Impératrice se retrouva face aux deux hommes essoufflés et couverts de sang. Loin de paraître effrayée, et les considéra avec dédain. Elle les écrasa d’une haine hautaine, avant de croiser ses bras sur son torse.
— Râ-merê-nefer, set-akorf, Hêk-bektmut ! psalmodia-t-elle.
Ses mains aux doigts joints semblèrent se convulser. Elle se parèrent d’écailles, dessinant des collerettes furieuses. Elle se changèrent en deux cobras.
— Votre Sainteté !
Des prêtres arrivèrent pour les épauler. Ils se figèrent face au spectacle de l’hybride.
— Ça doit être une Maudite, siffla Valerio, appuyé sur l’épaule de Longinus. N’ayez pas peur, chargez !
Les sans-visage obéirent en criant pour se donner du courage. Les deux cobras fondirent vers eux, si vifs qu’ils étaient presque indiscernables. Des éclairs brun-verts fusèrent, et les prêtres s’effondrèrent en hurlant.
— Du poison, comprit Valerio en fixant une main violacée qui émergeaient d’un voile agonisant.
— Restez derrière moi ! s’écria Longinus.
Le vice-commandant se dressa face à leur ennemie. Il ne souriait plus.
— Pas question que vous vous battiez tout seul, protesta son supérieur. Nous aurons plus de chance à deux !
— Si vous voulez, mais si vous mourrez, je vous tue !
Valerio n’eut pas le temps de lui faire remarquer que son trait d’humour était dispensable, il dut faire un bond en arrière pour éviter les crochets d’un cobra. Les bras écailleux de l’Impératrice s’allongeaient à leur convenance, semblant dotés de leur propre volonté. Il se mit en garde malgré sa spata tremblante. Une éraflure, et il était mort.
— On y va ! lança Longinus.
Ils se ruèrent en avant d’un même mouvement. Les serpents sifflèrent et firent de même. Celui de gauche s’enroula autour de la lame de Valerio et fondit sur lui, les crochets en avant. Le jeune homme l’évita de justesse et secoua violemment sa lame, ce qui fit reculer le cobra. Du sang perlait entre ses écailles. Il était donc aussi vulnérable qu’un reptile ordinaire
L’Artrê réarma. Ces monstres avaient beau être terriblement rapides, ils ne faisaient pas montre de stratégie et attaquaient bêtement. L’Impératrice fixait la scène, courbée, à quelques pas, tendant en avant ses bras transformés, encore bien attachés à ses épaules.
Valerio s’avança, et le cobra répondit par une attaque fugace, la même que les précédentes. Prévisible. Il fit pivoter sa spata, la lame trancha le cou de l’animal.
La souveraine cria alors que Longinus envoyait valser la tête du second cobra. Elle tomba à genoux, respirant par à-coups. Les écailles disparurent, ses bras rétrécirent pour reprendre une forme normale, sectionnés au niveaux des coudes. Ils répandaient son sang sur le sol déjà gorgé d’hémoglobine. Valerio s’avança vers elle, ses jambes tremblaient.
— C’est fini, asséna-t-il.
Des soubresauts agitèrent Hedverêt, il crut qu’elle se convulsait. Mais quand sa voix hachée s’éleva par vagues, il comprit qu’elle riait. Elle releva la tête vers les deux Hauts Prêtres, son sourire fou contrasta avec ses prunelles étrangement vides.
Longinus fit violemment reculer son supérieur. L’Impératrice sa cabra, se tordit. Son corps jaillit de ses vêtements, déchirant sans ménagement les étoffes pour bondir vers le ciel. La couronne dorée tomba un peu plus loin. À la place de la jeune femme se tenait désormais un gigantesque cobra au corps aussi large qu’un tronc d’arbre.
L’immense bête siffla, surplombant les deux hommes atterrés. Elle se jeta sur eux. Valerio fut poussé par son vice-commandant, lui permettant d’éviter la charge meurtrière. Il roula sur le côté et put voir Longinus faire de même. Sans peur apparente, l’artrion se releva et contre-attaqua. Sa lance traça une zébrure sanglante sur le flanc du serpent géant qui feula de douleur.
Valerio se releva, il ne sentait plus la fatigue. Hors de question qu’il meure ici. Il avait sacrifié trop de vies pour se permettre de ne pas accomplir son objectif. Il resserra sa prise autour de sa spata et attaqua. Les crochets du monstre, aussi longs qu’un bras, heurtèrent la lame. Il se sentit reculer devant la force de l’animal. Une goutte empoisonnée perla au coin des crocs démoniaques.
— Valerio ! s’écria Longinus.
Il lança sa lance dans le corps écailleux qui se cabra. Le reptile répliqua, mais le vice-commanda dévia sa charge, parvenant à briser l’un de ses crochets. Valerio eut un sourire plein d’espoir alors que son subordonné s’apprêtait à porter le coup de grâce.
La queue du monstre fouetta l’air, percutant brusquement Longinus. Son corps valsa un peu plus loin. Il n’eut pas le temps de se relever, la gueule du serpent se referma sur lui. Son torse fut broyé en un instant. Il poussa un semblant de cri, comme un jappement. Lorsque le cobra le relâcha, il s’affaissa au sol, agité de spasmes. Sa peau vira vite au violacé, ses mouvements se turent.
Valerio tituba, les yeux écarquillés. Il n’eut pas le temps de réaliser, le monstre fondit sur lui. Il tendit sa spata par réflexe.
Une gueule béante emplit son champ de vision, mais ne l’engloutit pas. Le serpent s’était figé. Il se rendit compte que sa lame avait transpercé le palais de l’animal pour ressortir par le sommet de son crâne. Dans le même temps, le crochet survivant s’était enfoncé dans le bras portant la spata.
Le jeune homme fut entrainé au sol par la chute du reptile. Ce dernier se convulsa un instant avant revêtir une forme humaine, celle d’une silhouette maigre aux bras coupés. Ce faisant, il libéra le bras de Valerio qui tenait toujours sa spata. La lame était désormais plantée en travers de la tête de l’Impératrice, dont les yeux vitreux fixaient Valerio.
Il recula, mais perdit sa force et s’affaissa. Ses prunelles dorées roulaient sur leur orbite, affolées. Il vit le pilier renversé, le mur de fumée, et le cadavre de Longinus. Très vite, une douleur déchira son bras, avant de remonter vers son épaule, consumant sa peau. Le mal ardent se répandit jusque dans son torse et son crâne, paraissant l’ouvrir en deux. Il hurla, voulut résister. Il tenta de se lever mais retomba brusquement. Des soubresauts puissants secouèrent son corps déchiqueté par la douleur. Il eut un râle, les yeux exorbités tournés vers le ciel de cendre.
Non, il ne pouvait mourir.
Malgré cette pensée, il sentit l’inconscience l’enserrer. Il lutta, se rebella de toutes ses forces, mais elle l’emporta. Il s’immobilisa sur le carrelage livide du palais impérial.
"Dire qu’elle lui était promise, maintenant que Hedverêt l’était du prince de Naotmöt. " -> J'ai pas compris la construction de la phrase haha
J'ai beaucoup aimé la partie de Sethy, elle est très très touchante, surtout avec la séparation avec sa soeur haha j'avais le coeur serré en la lisant, c'était vraiment très émouvant. C'est un très joli passage et une très jolie relation que tu nous as décrit là. Du côté de Daïré, j'avoue que ça m'a un peu plus laissée de marbre haha j'arrive pas à m'attacher à elle et j'ai trouvé le petit discours de Saoirse moins convaincant, mais bon, je pense que c'est parce que cet arc me parle moins haha ptêt que qqun dira qq chose de différent. C'est pareil pour Valério et Longinus, en fait, même s'ils douillent bien à la fin haha je trouve ces persos trop trop. Trop forts, trop confiants, brefouille haha jles aime pô. Par contre, la scène du combat face à l'Impératrice était bien écrite, c'était très immersif. Mais ouais, ce point de vue et celui de Daïré, ils font partie de ceux qui me laissent un goût de trop, dans des registres différents cependant
J’avais cru comprendre que tu les aimais pas trop oui… pour Longinus je comprends le trop mais pour Valério ?
Merci pour ton passage <3