Chapitre 15 : Patricia – Hélène - Ramsès III

Patricia dut sortir de ses pensées une fois arrivée à l'aéroport. Elle fut surprise d'être directement sur la piste. Une voiture déposant un passager au pied de l'avion, elle n'avait vu ça que dans les films. Elle ne s'était jamais attendue à le vivre un jour. D'autant plus que l'avion était un jet privé.

Un homme en costume bleu les accueillit avec un grand sourire et leur proposa de monter à bord. Olly l'avait fait avant même d'y être invité. Patricia suivit en remerciant le steward d'un sourire.

Une fois à l'intérieur, il lui semblait être un agent secret en mission pour le gouvernement. Il ne manquait plus que James Bond pour que l'endroit soit parfait. Cette pensée lui arracha un petit sourire.

- Asseyez-vous s'il vous plaît et bouclez votre ceinture. Nous n'allons pas tarder à décoller, annonça la voix du pilote dans les hauts parleurs.

Patricia s'exécuta tandis qu'Olly, à demi affalé, ne prenait aucunement la peine de s'attacher. Lorsque, juste après le décollage qui se fit sans attendre, le steward apporta de quoi boire et manger, Olly lança "Enfin" avant de se jeter sur les petits fours.

- Vous aviez faim, on dirait, monsieur, remarqua le steward en souriant.

- Vous n'avez pas idée. Si vous avez de la viande, faites-m'en.

- Je connais les préférences alimentaires des clients, monsieur. Elle est en train de cuire. Saignante, je suppose.

Olly hocha la tête et quelques minutes plus tard, une assiette contenant un steak d'un kilo au moins accompagné de frites se présenta. Patricia ouvrit de grands yeux mais ne dit rien. Elle préférait le voir manger un steak que le steward.

- Mademoiselle ? Que puis-je vous servir ?

- Je… Je n'ai pas très faim, merci.

- Il faut que tu manges, prévint Olly. Il est hors de question que tu sortes de l'avion sans l'avoir fait. J'ai promis à Chen que je prendrais soin de toi, je ne compte pas me désavouer. Ne t'inquiète pas, compléta Olly en voyant que la jeune femme allait réagir, le vol durera un peu moins de cinq heures alors tu as le temps. Tu peux dormir un peu si tu veux. Il y a un lit derrière la porte là-bas. Vas-y et je viens te chercher dans trois heures. Tu trouveras également une salle de bain et des vêtements de rechange. Être en chemise de nuit n'est pas forcément agréable.

Patricia se rendit seulement compte de ses vêtements et elle en rougit. Elle eut soudain extrêmement envie de se changer.

- Merci, dit-elle avant de se lever pour rejoindre la chambre.

Si Patricia n'était pas montée à bord quelques minutes plus tôt, elle aurait juré se trouver dans un grand palace parisien et non dans un avion. Elle ouvrit une porte qu'elle pensait mener à la salle de bain mais découvrit un dressing dans lequel elle pouvait entrer et se déplacer aisément. Elle observa les vêtements et se choisit un ensemble jean, tee-shirt, basket les plus simples possibles. La salle de bain proposait une baignoire et une douche. Patricia choisit le bain.

L'eau chaude recouverte de mousse la délaissa efficacement. Elle se rendit compte qu'un bouton lui permettait d'écouter de la musique. Elle choisit la liste nommée "Relaxation" et se laissa bercer. Rapidement, elle s'endormit. Il était une heure du matin. Son harassement était total.

D'abord, le sommeil fut agréable puis elle commença à avoir des flashs et le rêve commença vraiment. Elle était dans le noir mais quand la lumière se fit, elle était attachée nue sur un autel de pierre et des Vampires aux dents proéminentes s'approchaient d'elle.

Elle se réveilla en hurlant. À peine avait-elle ouvert les yeux et constaté qu'elle était dans une baignoire remplie d'eau froide qu'Olly apparut comme par enchantement.

- Ça va ? s'enquit-il en posant une main sur le bras de la fillette.

Patricia se recula dans le bain, glissa et se fit mal.

- Tu as fait un cauchemar, comprit Olly en se reculant.

Patricia hocha la tête, le cœur battant fort contre sa poitrine.

- Je suppose que ça va t'arriver souvent à l'avenir, continua le Vampire. Sors de l'eau ou tu risques d'attraper froid.

Patricia acquiesça et le Vampire sortit. Elle mit un moment à se remettre de ses émotions mais finalement, elle pénétra dans la cabine principale, habillée et coiffée. Dans le miroir, elle n’avait vu qu’une jeune femme pâle aux cernes marqués.

- Vous préférez de la viande ou du poisson ? interrogea le steward.

- Des frites et un hamburger, c'est possible ?

- Naturellement, mademoiselle. Avec un coca cola ?

- Volontiers, oui, dit Patricia.

Le steward sortit.

- Entre moi qui mange du steak saignant et toi qui choisis du fast food, le cliché est complet, tu ne crois pas ? dit Olly en souriant.

Patricia s'assit sans rien répondre. Elle n'était pas capable de s'amuser de la blague mais apprécia l'effort du jeune homme pour essayer de détendre l'atmosphère.

- Où va-t-on ? interrogea Patricia.

- Au Mexique, répondit Olly.

La jeune femme fut surprise que le Vampire lui réponde. Elle s'attendait à se faire rembarrer et en profita pour insister.

- Plus précisément ?

- Nous atterrirons à l'aéroport de Cancun. De là, nous prendrons un autre avion, plus petit car notre destination finale ne dispose pas d'une piste d'atterrissage suffisamment longue pour ce jet long courrier.

- La destination finale qui est ?

Olly leva les yeux du magazine qu'il feuilletait et sourit. Le steward entra à ce moment-là et Olly ne dit rien de plus. Le hamburger, les frites et le coca cola furent apportés comme promis et Patricia les dégusta avec plaisir. Après avoir expulsé le contenu du dîner sous le coup des images d'un Vampire torturant une pauvre femme, l'estomac de Patricia criait famine.

- Chichen Itza, annonça Olly.

- Pardon ? dit Patricia.

- Notre destination finale est Chichen Itza, précisa Olly.

- Les temples mayas ?

- En effet, belle culture pour une gamine de onze ans.

Patricia rayonna de fierté sans trop savoir pourquoi.

- C'est là que vit d'Helmer ? interrogea Patricia.

- C'est là qu'il se trouve en ce moment, modifia Olly. Il bouge beaucoup.

Patricia hocha la tête et finit de déguster son hamburger en silence. Le fait de parler du chef des Vampires l'avait ramenée à la raison de sa présence dans ce magnifique jet privé. Elle se renfrogna. Qu'était-elle censée dire à ce d'Helmer ? Qu'était-elle censée faire pour rester en vie ? Elle allait passer un entretien d'embauche pour devenir sherva sauf qu'elle n'avait pas la moindre idée de ce qu'était un sherva. Quelle qualité devait-elle mettre en avant ? Comment était-elle censée se vendre au mieux ?

- Qu'est-ce que vous me conseillez de lui dire ? interrogea Patricia après de longues minutes.

- À qui ?

- À d'Helmer, précisa Patricia.

- Rien. Je ne suis même pas sûr que tu le voies.

- Je ne comprends pas.

- Il veut te voir. Qu'il te permette de le voir, en revanche, est beaucoup moins sûr. Il va probablement te confier à l'un de ses hommes.

- Et que devrais-je dire à cet… homme ?

Olly sourit à l'hésitation de la jeune femme sur le dernier mot.

- Réponds à ses questions de manière franche et sincère. On ne te demande rien de plus. Quand d'Helmer t'a demandé de venir, la situation venait juste d'éclore. Quand nous arriverons près de lui, il aura eu plus de six heures pour y réfléchir.

- J'aimerais avoir le temps d'y réfléchir mais je ne sais pas quoi dire pour ma défense.

- Un conseil : évite de dire "Pitié, ne me tuez pas". N'importe lequel d'entre nous a entendu ça des millions de fois dans sa vie et c'est juste insupportable pour nous.

- Que suis-je censée dire d'autre ! s'exclama Patricia qui se mit à pleurer.

- Tu sais quoi ? commença Olly. Je comprends Chen. Tu es attachante comme fille.

Patricia ne sut comment elle était censée prendre ça.

- Je vais te faire une fleur, continua Olly. Je ne suis pas censé te dire ça alors écoute bien, je ne vais pas répéter.

Patricia hocha la tête.

- Si d'Helmer a décidé que tu devais mourir, ça sera tellement rapide que tu n'auras même pas le temps de t'en rendre compte. Si tu parles avec quelqu'un là-bas, c'est qu'il a choisi de te garder en vie et tout ce que tu diras n'y changera rien. Là, tu es rassurée ?

Patricia ne sut que dire. Était-elle rassurée ? C'était une excellente question. Elle réfléchit et conclut que oui, la déclaration du Vampire l'avait soulagée. Non pas par le côté « parole = survie » mais plutôt parce qu’en cas de refus, sa mort serait rapide. Elle ne serait pas torturée. Patricia sentit un poids être retiré de ses épaules et elle se sentit étrangement bien, calme, tranquille.

- Ravi d'avoir pu t'aider, dit Olly.

Patricia le regarda en ouvrant de grands yeux. Olly sourit et précisa :

- Je ne lis pas dans les pensées. En revanche, j'entends ton cœur et ta respiration.

Patricia montra d'un geste qu'elle comprenait.

 

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- Tu t'appelles Hélène Troulier, annonça le Vampire.

Patricia hocha la tête. Du temple de Chichen Itza, elle n'avait pas pu voir l'extérieur. Elle était entrée par une porte en pierre au milieu d'une forêt épaisse. Après de nombreux couloirs et escaliers, elle était arrivée dans un complexe souterrain complexe et moderne. Elle ne s'était en rien attendue à ça. Après s'être crue dans un James Bond, elle était désormais dans X Men. On l'avait fait attendre dans une pièce, seule, pendant plus d'une heure et puis cet homme était arrivé. Il tenait un papier dans sa main qu'il lisait. Ce qui comptait était qu'il parlait. Elle se retenait difficilement de sourire. S'il parlait, c'est qu'elle avait la vie sauve. Elle aurait aimé pouvoir hurler sa joie mais préféra rester sobre.

- Hélène Troulier, répéta Patricia.

- Tes parents sont décédés dans un accident de la route.

Patricia perdit son sourire à cette déclaration.

- Ils revenaient du supermarché et ont été renversés par un poids lourd. Le chauffeur était sous l'influence de l'alcool. Il est en prison.

L'homme leva les yeux de son papier une seconde avant de reprendre.

- Un détail est laissé à ton appréciation. Préfères-tu qu'il soit dit que ton frère est mort dans l'accident, qu'il est toujours envie ou encore que tu n'as jamais eu de frère ?

Patricia avait le choix de sa nouvelle vie, de sa nouvelle identité. On lui laissait le champ libre.

- Je n'ai jamais eu de frère, annonça-t-elle sombrement.

L'homme hocha la tête et gribouilla sur son papier. Il tira ensuite une feuille qu'il tendit à Patricia.

- Là-dessus, tu trouveras l'adresse où tu vivais avec tes parents, à Nancy. Apprends-la par cœur, ainsi que le numéro de téléphone, le nom de ton collège… Toutes ces informations sont nécessaires pour donner consistance à ta nouvelle identité.

Patricia prit le papier et le regarda rapidement. Il y avait pas mal de choses à retenir.

- Tu auras tout le trajet de retour en France pour en apprendre le contenu.

Patricia hocha la tête.

- Qu'est-ce qui va se passer pour moi ?

- Tes parents sont décédés et tu n'as aucune famille, ni oncle, ni tante, ni cousin, ni grands-parents… De plus, tes parents étaient de simples ouvriers, très pauvres. Leur héritage comportait davantage de dettes que de gains, alors le notaire t'a conseillé de le refuser. La DASS t'a prise en charge. Tu vis en foyer mais tu as choisi un internat.

- Ah bon ? dit Patricia.

- Ramsès III est un établissement scolaire de premier ordre. Il accueille des élèves du collège à la prépa en internat. C'est un établissement privé mais le directeur est lié aux services sociaux. Il accepte volontiers, de temps en temps, des cas sociaux.

Cas sociaux, se répéta mentalement Patricia. Était-ce ce qu'elle était devenue ? La veille encore, elle avait des parents riches, un frère, deux oncles, une tante et nombre de cousins. Aujourd'hui, elle n'avait plus rien.

- Tu vivras toute l'année dans cet internat, y compris pendant les vacances. Aucun foyer ne te verra jamais. Tu verras que Ramsès III propose de nombreuses activités, surtout pendant les vacances : sorties à la mer, parc d'attraction, sport, jeux… Bref, tu y seras bien.

L'homme avait ça d'un ton neutre. Il semblait s'en moquer éperdument. Il lisait son papier sans accorder un réel intérêt à son interlocutrice.

- D'accord, dit Patricia.

- Maintenant, tu vas bien écouter, prévint l'homme.

Patricia sentit un changement subtil mais sensible : ce n'était plus simplement un messager qui lui parlait mais un Vampire.

- Si tu veux vivre, tu devras te comporter de manière parfaite : aucun incident, aucune incivilité, d'excellents résultats, jamais de redoublement, jamais de punition. Tu as le brevet avec mention très bien et le bac avec mention, peu importe laquelle. Est-ce que tu as compris ?

Patricia hocha la tête. Elle était trop apeurée pour parler. Ces gars-là avaient un don pour la terroriser d'un simple regard.

- Bien, les choses ayant été dites, tu vas être raccompagnée dehors pour ton retour en France.

- Attendez ! s'exclama Patricia alors que l'homme s'apprêtait à sortir.

Il se retourna et attendit.

- Qu'est-ce qui se passera après le bac ?

- Tu entreras en formation pour devenir sherva.

- C'est-à-dire ?

- Tu verras bien à ce moment-là.

Le Vampire disparut avant que Patricia ait pu dire quoi que ce soit. Ainsi, son passé et son avenir venaient d'être décidés. Elle n'avait eu le choix que d'un misérable détail : son frère. Elle repensa à Richard. Dire qu'elle avait craint pour sa bonne santé, qu'elle avait voulu le protéger. Tout ça parce qu'elle l'aimait, parce qu'elle tenait à lui, parce qu'elle voulait l'aider.

Elle avait été tellement stupide. Elle avait craint qu'il fut entre les mains de mauvaises personnes mais finalement, c'était lui la mauvaise personne, le monstre, le démon. Plus jamais elle n'aurait de contact avec lui. C'était mieux ainsi. Elle ne voulait plus jamais entendre parler de lui.

 

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- Je te présente Tasha, dit la surveillante. Tu partageras ta chambre avec elle. Vous serez également dans la même classe.

Hélène regarda sa colocataire et sut immédiatement que ça n'irait pas. Tasha était le genre de fille qu'elle détestait : une blondasse ne sachant parler que de maquillage et de garçons, alors qu'elle n'était même pas encore entrée dans l'adolescence.

- Tasha, voici Hélène, continua la surveillante alors que la blonde faisait une moue irritée. Et oui ! Elle arrive en cours d'année et du coup, tu n'as plus cette chambre pour toi toute seule. Il faut apprendre à partager dans la vie ! Bon, les filles, je vous laisse faire connaissance.

- Salut, dit Hélène.

Tasha lui répondit de la même manière mais ne l'aida pas à porter sa valise sur le lit. Le bagage contenait des vêtements qu'Hélène n'avait jamais portés mais qui semblaient usés. C'était ce qui était censé lui appartenir. Les Vampires avaient joué le mensonge jusqu'au bout. Rien n'avait été laissé au hasard.

- Alors, tu arrives en plein milieu de l'année, dit Tasha.

- Oui. J'ai eu… quelques difficultés dans ma vie dernièrement.

- T'as pas choisi de venir là, je comprends, assura la blonde.

- En fait, j'ai choisi de venir ici, parce que c'était mieux que ce qu'on me proposait ailleurs, mentit Hélène en suivant les indications de la fiche apprise par cœur la veille dans l'avion.

- Le foyer, ça pue, hein !

Hélène plissa les yeux.

- J'en viens, expliqua Tasha. Je sais reconnaître ça quand je le vois. Ma mère est une camé. Elle passe son temps en désintox mais replonge dès qu'elle ressort. On m'a proposé de venir ici et ça m'a semblé sympa.

- Et ton père ?

- Inconnu, dit Tasha. Ma mère n'a jamais voulu dire qui c'est. Pas sûre qu'elle le sache, en fait. La coke lui fait oublier la plupart de ses journées.

- J'en suis désolée, dit sincèrement Hélène.

- Et toi ? C'est quoi ton histoire ?

- Je… Je viens de perdre mes parents… un accident de voiture.

Hélène n'eut pas à feindre sa tristesse. Après tout, elle venait de perdre ses parents, et bien plus que cela.

- Oh ! Pardonne-moi, dit Tasha. Je manque de délicatesse. Tu verras, c'est bien ici. Les profs sont supers. Par contre, attends-toi à être rejetée des autres.

- Les autres ? répéta Hélène sans comprendre.

- Les riches, cracha Tasha.

Dans sa bouche, le terme était visiblement une insulte.

- Ils nous méprisent.

- Il y en a d'autres dans notre cas ?

- Il y a Michel en troisième et Angélique en première. Michel est sympa mais n'espère rien d'Angélique. Elle a réussi, je ne sais comment, à se faire accepter par les autres alors elle ne nous parle jamais. Michel et moi avons été seuls. Allez ! Ça me fait plaisir que tu sois là. Désolée pour l'accueil. Je croyais que t'étais l'un d'eux.

Hélène sourit. C'était étrange car elle faisait partie des autres. Ses parents, ses vrais parents, étaient très riches. Naturellement, tout cela était du passé désormais. Elle allait devoir accepter sa nouvelle condition. Elle soupira puis sortit ses affaires de sa valise et les rangea dans l'armoire.

 

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- Installe-toi, proposa monsieur Sérapis.

Hélène obtempéra.

- Est-ce que tu sais qui je suis ?

- Vous êtes monsieur Sérapis, le psychologue du collège.

- Exact. Sais-tu pourquoi tu es là ?

Hélène secoua négativement la tête.

- Nous faisons régulièrement des points sur nos élèves. Tu en fais partie. Hier, monsieur le directeur, le CPE, Lydie, l'infirmière scolaire, le médecin scolaire, l'assistante sociale et moi-même nous sommes réunis et nous pensons qu'il serait bon que tu aies quelqu'un à qui parler.

Hélène se demanda ce qui avait motivé le dérangement d'autant de personnes. Elle eut soudain très peur. On l'avait prévenue : aucun dérapage, aucun incident, aucune punition, aucun rapport. Elle se devait d'être parfaite. C'était une condition non négociable à sa survie.

- Que je parle de quoi ? demanda Hélène.

- Il semblerait que tes nuits soient agitées, expliqua le psychologue.

Hélène recula dans son siège. Elle ne pensait pas que tout le collège était au courant.

- Si tu dors mal, continua monsieur Sérapis, tu auras du mal à apprendre. Le sommeil est essentiel à l'apprentissage. Une bonne façon de se libérer de ses cauchemars est de parler. J'ai de nombreux diplômes en psychologie, comme tu peux le voir.

Les murs portaient de nombreux cadres remplis de diplômes. Hélène ne pouvait en lire le contenu exact mais il y en avait vraiment beaucoup.

- Je suis un expert alors n'hésite pas à me parler, poursuivit monsieur Sérapis. Tout ce que tu diras ici restera dans ce bureau. Secret professionnel oblige.

Hélène douta que lui dire que ses cauchemars étaient dus au fait qu'elle avait vu son frère, un Vampire, violer puis manger vivante une femme, avant de tuer ses parents, était possible. Il y avait une forte chance que l'homme ne la croit pas. Et s'il la croyait, il serait en danger de mort car s'il y avait une chose qu'Hélène avait compris, c'était qu'un humain ne pouvait vivre s'il savait que les Vampires existaient.

- Je vous remercie mais je vais bien, promit Hélène.

- Je ne te force pas, assura monsieur Sérapis. Je t'offre juste une possibilité. Si un jour tu as envie, n'hésite pas. Ma porte te sera toujours ouverte.

Hélène le remercia puis sortit de son bureau. Elle courut en récréation retrouver Tasha.

- Tu as cafté sur mes cauchemars ? interrogea-t-elle.

- Non ! s'exclama Tasha. Je te jure que non. Pourquoi ?

- Parce qu'ils savent, dit Hélène. Ils veulent m'aider.

- Super ! Je vais enfin pouvoir dormir tranquille.

- J'en veux pas, de leur aide, répliqua Hélène.

- Dommage, soupira Tasha. Je n'ai pas eu de nuit complète depuis ton arrivée. Ça me manque.

- Autant que de passer tout ton temps toute seule ?

- Non, admit Tasha. Je t'adore !

- Moi aussi, répondit Hélène.

 

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- Nous nous faisons du souci, dit monsieur Sérapis.

Leur première rencontre datait de six mois et jamais Hélène n'était allée voir le médecin. C'était lui qui avait demandé à la revoir.

- Tes résultats ne sont pas bons, et ceux de Tasha baissent également. Vous manquez de sommeil, c'est évident. De plus, on me dit qu'en étude, tu n'es pas très concentrée.

- Mon esprit a tendance à s'évader, avoua Hélène. Je n'arrive pas à le contrôler. Je pense à pleins de trucs. J'ai vraiment envie de réussir.

- Je sais, dit monsieur Sérapis. Tu vas voir les professeurs pour avoir de l'aide, tu poses des questions, tu fais des exercices supplémentaires… Nous voyons les efforts que tu fais, mais le résultat n'est pas à la hauteur des efforts fournis. Ce n'est pas la motivation qui manque de ta part. Ton cerveau est simplement connecté sur autre chose. Il faut que tu en parles. Comme ça, ton esprit pourra clore ce chapitre, le classer, le mettre de côté. Perdre ses parents n'est pas une chose aisée et je suis là pour t'aider.

Hélène secoua la tête. Elle ne pouvait pas parler. Elle n'en avait pas le droit.

- Bon, ok, dit monsieur Sérapis et l'ambiance changea brusquement.

Du médecin compréhensif, le trentenaire passa à l'homme sûr de lui, autoritaire, supérieur et hautain.

- Cette salle est sécurisée, annonça-t-il et Hélène montra qu'elle ne comprenait pas.

Le psychologue soupira, sourit puis compléta :

- Nul à l'extérieur ne peut entendre ce que nous disons ici. Pas même les oreilles les plus fines. Tu as le droit de dire ce que tu veux, de prononcer les mots que tu veux, y compris Vampire si tu veux.

Hélène sursauta et recula dans son siège, soudain horrifiée.

- Évidemment qu'on te surveille de près, qu'est-ce que tu crois mais pour le moment, ce qui nous importe est ta santé. On ne peut décemment pas t'en vouloir de tes mauvais résultats si nous sommes la cause de ceux-ci, n'est-ce pas ? Nous voyons les efforts que tu fais mais si ça ne change pas rapidement…

La menace resta en suspens mais Hélène la saisit totalement.

- Donc, tu peux me parler… tant que tu restes respectueuse envers moi, c'est compris ?

Hélène hocha la tête.

- Tu peux sortir mais reviens me voir assez vite, d'accord ?

- Je le ferai, promit Hélène avant de sortir en courant.

Elle venait d'avoir la peur de sa vie. Après s'être de nouveau réveillée en hurlant cette nuit-là, Hélène se leva et sortit de la chambre en disant à Tasha de se rendormir. La jeune femme alla frapper à la porte de la chambre du psychologue, qui, naturellement, dormait sur place. Hélène doutait fortement que le médecin, un Vampire, ait besoin de dormir la nuit. Elle le trouva pourtant en pyjama.

- Attends-moi dans mon bureau. Ma chambre n'est pas sécurisée, annonça monsieur Sérapis.

 

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- Je ne te comprendrai jamais ! s'exclama Hélène.

- J'ai la chance de ma vie et tu voudrais que je la laisse passer ! répliqua Tasha.

La jeune femme blonde avait bien grandi et avec elle sa propension au maquillage et aux vêtements sexy.

- Tu vas réellement partir ? Me laisser seule ?

- Il va vivre en Angleterre. Je veux le suivre. Ma mère ne s'y opposera pas, vu qu'elle nage dans l'héroïne.

- Et tes études ?

- J'ai la possibilité de devenir l'épouse d'un homme riche, de n'avoir jamais à travailler de ma vie et tu voudrais que je laisse passer ça ?

- Tu as quatorze ans, Tasha ! Comment peux-tu être aussi sûre que c'est le bon ?

- Je suis sûre, répondit Tasha. Mickaël est l'homme de ma vie. Je vais l'épouser, avoir des enfants, et vivre heureuse jusqu'à la fin de mes jours.

- Tu vis dans un monde de conte de fées, répondit Hélène.

- Dans ce cas, tu es la méchante sorcière !

- Je suis la voix de la raison, répliqua Hélène. Je t'aime, Tasha, je ne veux pas qu'il t'arrive de mal ! S'il venait à briser ton cœur, il ne te resterait plus rien ! Pense à toi, à ton avenir !

- C'est tout vu. Je fais confiance à mon instinct.

- Et moi ? Qu'est-ce que je vais devenir, ici, toute seule ?

- Tu es forte. Tu vas t'en sortir. On reste en contact, hein ! Promis ?

- Promis.

Hélène se retrouva seule. Aucun élève ne lui parlait à cause de sa soi-disant pauvreté. Les cas sociaux étaient source de moquerie continue. Hélène avait espéré que ça cesserait avec le temps mais ça n'avait pas été le cas.

Mickaël était différent. Il leur avait parlé dès son arrivée et lorsqu'il avait choisi Tasha parmi les nombreuses prétendantes, ça n'avait pas amélioré leur réputation.

Seulement voilà, il n'appréciait pas l'ambiance de ce collège. Il avait donc demandé à ses riches parents de l'envoyer dans un collège à Londres et Tasha comptait bien l'y suivre. Pas au collège, évidemment, mais chez lui. Les parents de Mickaël, toujours en voyage, n'étaient en fait quasiment jamais là si bien que Mickaël pouvait faire ce qu'il voulait.

Monsieur Sérapis fut la seule personne à qui Hélène put parler et il devint son confident. À lui, elle pouvait tout dire. Il avait toujours le mot juste ou le silence approprié. Même si sa nature de Vampire la terrorisait toujours autant, elle était parvenue à être bien en sa présence.

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