Certaine journée semblait marquée par la poisse. Olivia s’était réveillée bougonne, après une nuit à se retourner sous sa couverture sans trouver le sommeil. L’esprit embrumé, elle se rendit à la boucherie où l’attendait une tonne de travail. Les bouchers ne purent même pas s’accorder une pause de la journée, submergée par leurs tâches. L’après-midi, Olivia parvint à s’entailler légèrement le doigt, ce qui ne lui arrivait jamais. Bruno lui fit un bandage.
Lorsqu’il finit par faire trop sombre pour continuer à travailler sans lumière, le boucher se résolut à fermer le labo. Olivia n’avait qu’une envie : prendre un bain et se coucher. Elle pénétra dans sa tente pour récupérer ses affaires de toilette, s’attendant à y trouver Tilma. Constatant son absence, Mahe présuma que son amie devait déjà être à l’onsen. Mais là-bas non plus, pas de trace de la jolie rousse. Ce n’est qu’à son retour qu’Olivia la retrouva : Tilma ne prit même pas la peine de la saluer, visiblement d’humeur massacrante. Telle une boule de nerf, elle s’agitait dans l’espace exigu de la yourte en maugréant dans sa barbe. Olivia l’observa, circonspect : Oclamel avait certes un côté lunatique, mais elle n’avait jamais eu à en subir les conséquences jusqu’ici. Elle soupira avant de lui demander :
— Que se passe-t-il ?
La réponse fusa aussi sec :
— Il ne se passe rien, justement !
Tilma venait surement de s’exprimer en Fara. Olivia n’était toujours pas en mesure de détecter les changements de langue (elle avait d’ailleurs cessé depuis un moment de s’entrainer). Néanmoins elle avait remarqué que pour certains dialectes le rendu en français comportait des spécificités, des accents qu’elle aurait pu apparenter à des usages régionaux. Les jumeaux Maine et Tarcle Tsuro par exemple employaient souvent les expressions « fichtre » ou « ventripotent » pour désigner quelque chose de lent.
— Où veux-tu en venir ?
Oclamel eu nouveau mouvement rageur.
— Nous sommes ici depuis trop longtemps ! Et toujours rien de concret, aucune information, rien, rien !
— Tu es allé voir le Commandant Medon, devina Olivia.
— Il se moque de moi ! S’il croit que j’ai rejoint la Résistance pour faire de la figuration ou pour accroitre le prestige de son armée minable ! Il ne connait pas le clan Fara, crois-moi.
Olivia fronça les sourcils : Tilma l’excluait carrément de ses propos.
— Et qu’est-ce que tu comptes faire ? dit-t-elle en insistant sur le tu.
— A ton avis ? Je vais me tirer de ce trou à rats, voilà ce que je vais faire !
Il y eut un silence.
— Tu plaisante j’espère ?
— J’en ai l’air ?
— Tu…tu me laisserais seule ?
Tilma la toisa méchamment :
— Tu sais ce qui me rend dingue ? C’est que tu pourrais tout changer, comme ça ! (Elle claqua des doigts) Mais… non. Tu te considères bien au-dessus de tout ça, pas vrai ? Qui sommes-nous donc, pauvre Lufzans, pour mériter ton intérêt ?
Ce fut comme si Olivia avait reçu une gifle. Après tout ce qu’elles avaient vécu ensemble… elle avait cru leur amitié sincère et profonde. Se trompait-elle depuis le début ? Est-ce que Tilma n’avait jamais eu pour d’autres objectifs que l’utiliser pour servir sa cause ?
Si elle avait su ce qui allait se produire juste après cet incident, Olivia n’aurait jamais quitté la yourte comme elle le fit. Elle aurait dû comprendre que les propos de Tilma étaient dominés par l’émotion et que sa colère ne lui était pas réellement destinée. Malheureusement, il n’existait pas de bouton arrêt ni marche arrière.
Une fois dehors, dans l’air frais de la nuit tombante, Mahe ressentit le besoin de parler à Alek, d’obtenir son soutien. A force de passer du temps en sa compagnie, elle en était arrivée à attendre avec impatience chaque rendez-vous : c’était un homme plein de tact, qui semblait la comprendre mieux que personne. De plus, il ne manquait jamais de lui apprendre de petites choses utiles, comme fabriquer une gourde en peau ou savoir reconnaitre les herbes sauvages comestibles.
Elle prit la direction de son territoire, s’enfonçant subrepticement dans la forêt bordant le camp. Dans l’obscurité, elle perdait ses repères : elle eut à un moment l’impression d’avoir dévié un peu trop loin sur la droite, et rebroussa chemin. S’était-elle perdue ? Elle aurait déjà dû entendre le bruit de la cascade.
Un craquement la fit soudain se retourner avec un sursaut. Brenair se tenait devant elle : il paraissait plus grand, plus ténébreux dans l’ombre des feuillages.
— Brenair, tu m’as fait peur ! expira-t-elle en plaquant la paume de sa main sur sa poitrine. Qu’est-ce que tu fais là ?
— Eh bien, je suis censé me trouver là, puisque je suis de garde ce soir. Mais je suis curieux de savoir ce que toi tu fais ici.
Il avança d’un pas, les yeux brillants. Son ton était trop mielleux pour qu’Olivia ne devinât la menace sous-jacente. Pourtant, ce n’était pas destiné à l’effrayer. Elle soutint son regard : il la dominait de toute sa taille, massif, dans une position de tension expectative.
Les intentions de Brenair étaient claires comme de l’eau de roche : il la voulait. Qu’avait-elle à perdre en répondant à ses avances, juste une fois ? Après tout, il était beau garçon, elle avait besoin de se changer les idées et cela pourrait même être agréable, fallait-il qu’elle soit difficile maintenant !
Olivia n’avait jamais accordé énormément d’attention à son corps : adolescente, elle avait observé sa métamorphose pubertaire avec une relative indifférence. Elle faisait l’amour de façon tout aussi détachée et jugeait étonnant que les gens accordassent autant d’importance à un acte si mécanique. Il s’agissait somme toute de soulager quelques pulsions.
Elle observa le cou de Brenair, où une jugulaire apparente palpitait discrètement. C’est ce petit détail qui eût raison d’elle : l’espace d’un seconde, elle imagina goûter la peau bronzée. Et son corps – ce traître – réagit instantanément : elle sentie son cœur s’accélérer et ses mains devenir moites.
Etait-ce une folie ? Et si on les surprenait ?
Brenair ne s’embarrassa pas de telles considérations. Comme s’il elle venait de lui donner le signal, il se jeta littéralement sur elle. Il exultait, le visage avide, comme s’il touchait enfin au fruit défendu. Il l’attira fermement à lui et pressa brutalement ses lèvres contre les sienne. Olivia eu la sensation de ne plus pouvoir reculer et se laissa embrasser.
Etait-elle faite pour l’amour ? C’est la question qui lui vint à l’esprit, constatant à quel point ce baiser ne lui faisait ni chaud ni froid. C’était même plutôt désagréable. Malgré cela, sans doute suivant l’habitude qu’elle avait eu jusque-là, Olivia se mit en devoir de terminer l’affaire. Le plus vite serait le mieux. Elle parvint à se soustraire à Brenair (qui avait commencé à s’attaquer à sa poitrine), lui défit son pantalon et baissa son caleçon. Des effluves malodorants s’échappèrent du pénis dressé devant elle.
Oh, Brenair était remarquablement bien bâtit, le ventre plat et musclé, les cuisses puissantes recouvertes d’un duvet foncé, le sexe imposant. Mais Olivia déjà perdu le peu de son excitation : elle se demanda une nouvelle fois ce qui lui avait pris tout en en tendant la main vers la toison brune. Pendant qu’elle le caressait, Balaya se mit à souffler bruyamment, si bien qu’elle eut la sensation d’avoir le goût de son haleine sur la langue.
— T’as envie de moi ? haleta-t-il.
Olivia s’abstint de répondre. Brenair essaya alors de lui retirer une partie de ses vêtements mais dans la précipitation, lui déchira le pantalon. Il mena ensuite une bataille rangé contre son anatomie – probablement avec l’intention honorable de lui donner du plaisir. Olivia était partagée entre le dépit et l’exaspération. Sans lui laisser le temps de lui toucher la vulve (elle s’attendait au pire, vu la manière dont il venait de malmener le reste de son corps) elle cracha dans sa main et lui humidifia la verge :
— Vas-y je suis prête.
Elle serra les dents : depuis le temps qu’elle n’avait pas eu de relation sexuelle, elle espérait ne pas avoir trop mal. De surcroit son vagin était resté désespérément sec.
Balaya la plaqua contre un arbre avec une expression de triomphe. Olivia sentit l’écorce s’imprimer dans son dos et se tortilla, vérifiant une dernière fois que personne ne les observait. Elle se sentie perdre l’équilibre : Brenair venait de s’emparer de sa jambe pour la soulever jusqu’à sa taille, l’obligeant à se cramponner à lui pour ne pas tomber.
Enfin, avec toute la délicatesse qui semblait le caractériser, l’homme s’enfonça en elle. Olivia étouffa une plainte de douleur.
Le vent se leva au même instant, filant entre les arbres comme un cheval au galop en agitant les feuillages. Il était accompagné des murmures, dont les voix s’intensifièrent jusqu’à supplanter tous les bruits de la nuit. Olivia se demanda sérieusement si ce n’était pas finalement le vent lui-même qui chantait. Son esprit se raccrocha à cette musique comme à une bouée, pendant que son corps, telle une poupée de chiffon, subissait les assauts de Brenair Balaya. L’écrasant de tout son poids contre le tronc, il allait et venait en elle à un rythme soutenu, comme il aurait accomplis une besogne. Mahe avait l’impression que son entrejambe était en feu, pourtant elle se laissa faire sans broncher, mâchoires serrées. Puis sans prévenir Balaya exécuta un long un râle et s’immobilisa, la tête enfouie dans son cou. Olivia mit quelques secondes avant de comprendre qu’il venait d’éjaculer. Cela lui fit l’effet d’une décharge électrique :
— Qu’est-ce que tu fais ! Tu n’as pas joui j’espère !?
— Je n’ai pas pu m’en empêcher, murmura-t-il dans ses cheveux avec le sourire aux lèvres, c’était tellement bon…
— Non mais je rêve, t’es con ou quoi !? Je pourrais tomber enceinte!
— Et alors ? Si tu avais un enfant je ne fuirai pas mes responsabilités, bien au contraire.
Olivia ne savait plus quoi répondre : elle fulminait. Contre lui, mais surtout contre elle-même.
— Je n’ai pas besoin d’entendre les mensonges que tu sers aux autres femmes !
— Ma chérie je suis sérieux… Tu te méprends sur mes intentions envers toi, dit-il en lui caressant la joue avec un doigt sale.
Mahe se dégagea de son étreinte. Elle avait le sexe endoloris et du sperme coulait sur sa cuisse, qu’elle tenta d’essuyer avec sa culotte ramassée à terre. Brenair l’observa pendant qu’elle enfilait rapidement son pantalon et sa tunique froissée, dans l’attente d’une réaction de sa part. Mahe - sonnée en réalité - réalisait avec horreur l’ampleur son inconscience. Non seulement elle risquait une grossesse, mais qui savait quelle maladie elle pourrait également attraper ? Si seulement elle avait su dire non tant qu’il était encore temps ! Olivia prit à cet instant la ferme décision de ne plus jamais se donner uniquement pour satisfaire son partenaire, ce qu’elle allait respecter sa vie durant.
— Brenair, c’était juste un coup comme ça, tu comprends ? Tu peux garder tes promesses, il n’y aura pas de nous, pas de chéri.
Balaya lui attrapa brusquement le bras. Son expression avait changé et cela l’alarma.
— Ne joue pas avec moi, Omahe. Je ne t’ai jamais caché mon amour, je ne supporterais pas que tu te détournes ou te moques de moi.
Le regard dur, il tenta de l’embrasser à nouveau mais Olivia parvint à reculer en libérant son bras d’un mouvement sec.
— Désolé… Je dois y aller.
— Non, attend !
Elle l’ignora et se mit à courir vers le camp, sachant qu’il ne pourrait la suivre à moitié nu.
Alors qu’elle atteignait enfin les premières yourtes du camp, Olivia se retrouva nez à nez avec Alek. Ou plus précisément, failli le percuter de plein fouet. Décidemment, la soirée allait de mal en pis.
— Qu’est-ce que tu faisais dans la forêt ? lui demanda-t-il précipitamment tout en la détaillant des pieds à la tête.
Olivia pouvait imaginer le tableau qu’elle lui offrait, avec ses cheveux en bataille, ses vêtements débraillés et déchirés. Elle se sentit rougir.
— Je…rien.
— Tout va bien ? insista-t-il tout en continuant à la fixer intensément.
— Oui…je… je vais me coucher.
— A demain matin alors.
— Comment ? …. Ah oui c’est vrai, corrigea-elle en se rappelant que durant leur jour de repos, les entrainements avaient lieu à l’aube.
Le visage d’Alek s’assombri : Brenair Balaya du clan Moade venait de débouler de la végétation, ses vêtements remis à la va-vite. Par miracle, une sentinelle qui stationnait à une cinquantaine de mètre l’aperçu immédiatement et l’interpela. La jeune femme profita de cette diversion pour s’évanouir dans le camp.
Olivia ressentait le besoin impérieux de se laver et se rendit directement à l’onsen : à cet heure, l’endroit était désert. Elle avait l’impression que la sueur de Brenair avait imprégné sa peau. Elle ramassa un savon oublié et se frotta énergiquement, seule dans le bassin. Enfin elle s’allongea nue au bord de l’eau pour sécher, tremblante de froid, comme pour se punir d’avoir été si stupide.
Tilma ne dormait pas ; elle avait cherché Olivia dans tout le camp puis attendu, l’inquiétude croissante. Elle se leva sitôt que son amie eut franchi la porte.
— Mahe ! Je me suis fait du souci pour toi, j’ai cru que tu étais partis ! (Elle se rendit soudainement compte de l’état de ses vêtements) Bon sang, que t’est-il arrivée ?
— Rien, répondit amèrement Olivia.
— Si tu savais comme je regrette ce que je t’ai dit ! J’étais énervée, les mots…les mots ont dépassé ma pensée. Je suis désolée. Sincèrement.
Au stade où elle en était, Olivia eu l’impression qu’on lui retirait un grand poids des épaules. Elle s’affala sur sa couche, vidée de son énergie.
C’est bon, c’est oublié. Dormons.
On retrouve là en effet plusieurs fois la Olivia d'avant, qui n'a pas confiance en elle :( J'espère que ça va s'améliorer (et si c'est le cas ce sera sûrement grâce à Alek :p)
Et je n'aime toujours pas Brenair xDD
Par contre, ton histoire, ça j'aime bien 😜
• "Certaine journée semblait marquée par la poisse" → certaines journées semblaient marquées ("certaines" veut dire qu'il y en a plusieurs ^^)
• "une pause de la journée, submergée par leurs tâches" → submergés
• "Olivia l’observa, circonspect : Oclamel" → circonspecte/d'un air circonspect
• "Oclamel eu nouveau mouvement rageur" → eut un nouveau
• "Tu es allé voir le Commandant Medon, devina Olivia" → allée
• "Tu plaisante j’espère ?" → plaisantes
• "Olivia eu la sensation de ne plus pouvoir reculer et se laissa" → eut
• "Oh, Brenair était remarquablement bien bâtit" → bâti
• "Il mena ensuite une bataille rangé contre son anatomie" → rangée
• "Elle se sentie perdre l’équilibre" → sentit
• "un rythme soutenu, comme il aurait accomplis une besogne" → accompli
• "Elle avait le sexe endoloris" → endolori
• "Désolé… Je dois y aller." → désolée
• "Ou plus précisément, failli le percuter de plein fouet" → faillit
• "Le visage d’Alek s’assombri" → s'assombrit
• "une cinquantaine de mètre l’aperçu immédiatement" → mètres / l'aperçut
• "Je me suis fait du souci pour toi, j’ai cru que tu étais partis" → partie
• "Bon sang, que t’est-il arrivée ?" → arrivé
• "Olivia eu l’impression qu’on lui retirait un grand poids" → eut l'impression
• "C’est bon, c’est oublié. Dormons." → il manque un tiret de dialogue, non ?
Heureusement comme tout un chacun elle évolue :)
Merci encore pour ton commentaire, j'ai l'impression que tu as presque tout lu en une soirée !