Quand Lyne émergea du sommeil dans lequel elle se débattait depuis plusieurs jours, elle se demanda pourquoi les dortoirs de Lonvois étaient aussi inconfortables et qui trouvait que c’était une bonne idée d’y brûler des herbes aromatiques. Elle se remémora ensuite sa mission, bien loin de son ancienne vie, et, les paupières toujours closes, grimaça en se rappelant de Brevois et de leur fuite éperdue.
Au moins, son flanc ne la faisait plus souffrir. Mobilisant ses pensées désordonnées, elle en tira des bribes de souvenirs durant lesquelles Soreth opérait sa blessure, lui donnait une mixture amère à boire, ou lui expliquait d’un ton rassurant pourquoi il avait posé d’étranges anneaux sur son abdomen. Elle les sentait d’ailleurs encore, pulsant lentement contre sa peau. Après une éternité de douleur et de fièvre, c’était réconfortant d’éprouver autre chose, d’être reconnectée avec soi-même. Elle ne ratait enfin plus rien des vieilles lattes appuyées contre son dos, du feu crépitant au rez-de-chaussée, de la température trop basse à son goût et de la ritournelle populaire que son équipier murmurait à deux pas d’elle. Elle esquissa un sourire, plus vivante qu’elle ne l’avait été depuis des jours, et se laissa quelque temps bercer par le plaisir enivrant d’être simplement là.
Quand elle se sentit finalement prête, elle ouvrit lentement les paupières et, avec d’infinies précautions, tourna la tête vers son partenaire.
— Je ne savais pas que tu chantais.
Tâche floue pour ses yeux fatigués, Soreth cessa de fredonner dans un sursaut et pivota un visage aux traits indistincts vers elle.
— Cela m’occupe lorsque je voyage seul, répondit-il d’une voix gênée, mais je crains que cela ne m’ait pas aidé à être juste.
La prétorienne arbora une moue discrète, intriguée par l’embarras de son interlocuteur, et ajouta pour le rassurer.
— Je ne trouve pas cela désagréable pour autant.
— Ma foi, tu dois être plus touchée que je ne le pensais.
Ils échangèrent un sourire dans la pénombre, un de ceux que l’on réserve aux vieux amis que l’on vient de retrouver. Puis, ses yeux se remettant de son long sommeil, Lyne constata que le prince ne portait pas de chemise et sentit ses joues s’empourprer. Trop fatiguée pour se retourner, elle balaya d’un regard fuyant le reste de la mezzanine, et centra son attention sur l’écuelle fumante posée à côté de son partenaire. Si celle-ci le renseigna sur ce qu’il était en train de faire avant de rendosser maladroitement sa tunique, elle ne l’intéressa pas assez pour l’empêcher d’analyser, avec une curiosité qu’elle n’aurait pas admise sous la menace, ce qu’elle venait de voir. D’une part, elle apprécia plus que jamais d’être en vie. D’autre part, elle nota que de nombreuses cicatrices parsemaient le corps du prétorien. La plupart étaient facilement identifiables, lame, massue ou flèche, mais d’autres ressemblaient à des blessures que l’on trouvait rarement chez les militaires, encore moins en une telle quantité. Probablement à l’origine du trouble de Soreth, elles inquiétaient cependant trop sa partenaire pour qu’elle les ignore.
— Ta peau, commença-t-elle d’un ton incertain, pourquoi a-t-elle autant de brûlures ?
Elle s’était attendue à bien des réactions du prince, plaisanter était sa technique d’évitement habituelle et s’offusquer aurait été son droit, mais pas à sa grimace désemparée et au regard contrit qu’il lui adressa. Déglutissant comme voleur pris sur le fait, il chercha longuement ses mots avant de répondre.
— À force de danser sur le fil de l’épée, on finit par en tomber. Quatre mois avant ton arrivée, j’ai dû m’occuper d’un groupe d’esclavagistes dans le sud-est. Ils vivaient dans une forêt en Aquétie et passaient la frontière pour organiser des raids. Nos troupes ne pouvaient pas intervenir sans l’accord de la principauté, pour lequel nous manquions de preuve, alors j’ai tenté d’empoisonner leurs provisions.
Il s’arrêta un instant, les yeux perdus dans ses souvenirs, puis poussa un long soupire avant de conclure.
— J’ai échoué et ils m’ont emprisonné… longtemps.
Sa voix diminua jusqu’à s’éteindre. Puis, comme Lyne l’avait vu faire si souvent, il porta une main à sa tempe droite pour la masser. Elle sentit son cœur se serrer. Les cicatrices, les migraines, les silences, les cauchemars, tout s’éclaircissait et lui donnait soudainement la nausée.
Le regard rivé sur son ami, elle essaya de se lever sans y parvenir. Elle voulait le prendre dans ses bras, le rassurer, et lui jurer que cela n’arriverait plus. Hélas, aussi sûrement qu’elle était clouée au lit, elle savait qu’elle ne pourrait pas tenir une telle promesse. Alors elle ravala la rage et la tristesse qui bouillaient en elle, et fit le seul serment qu’elle pouvait respecter.
— Même si je dois donner ma vie, je ferai tout pour empêcher que cela se reproduise.
Elle crut le voir dissimuler un sourire dans la pénombre, puis il secoua la tête.
— Cela ne m’étonne pas de toi, mais ne t’en fais pas. Je me débrouillerai.
La réponse la fit frémir, elle l’avait trop entendue, et amplifia sa colère.
— Pourquoi veux-tu le faire seul alors qu’on m’a engagé pour te protéger ? grogna-t-elle. Penses-tu que j’en sois incapable ? Que je sois uniquement là pour montrer que même une bâtarde peut devenir garde royale ?
La tirade sortie plus sèchement qu’elle le souhaitait. Plus dramatiquement aussi. Peut-être parce qu’elle était trop épuisée pour se contrôler, ou, plus simplement, car elle en avait assez que Soreth ignore ses inquiétudes. Elle était ici pour changer les choses avec lui, mais elle ne le pourrait pas s’il continuait de repousser son aide.
Ils se dévisagèrent quelques secondes, chacun hésitant à rebondir sur la déclaration emportée de Lyne, puis Soreth secoua la tête.
— Tu es une garde royale, mais, quoi qu’en pensent Milford ou le conseil, tu es avant tout une prétorienne. Ma mission est la tienne, et ma protection n’a pas besoin de dépasser celle que tu accorderais à n’importe quel équipier.
— Ne dis pas n’importe quoi. Toi, tu es un prince. Te surveiller est…
— … un sacré gâchis de talent. Pour remplir ton rôle, tu aurais pu être domestique, dame de compagnie, ou que sais-je d’autres, mais nous avons fait de toi une garde royale. Tu es la première roturière à rejoindre leurs rangs parce que, bien avant la politique, tu le mérites amplement. Alors cesse de vouloir n’être qu’une protectrice, quand tu pourrais faire bien plus. Je n’ai pas accepté les désirs de ma famille pour ma sécurité. Je l’ai fait parce que tu étais doué, parce que deux prétoriens n’ont pas œuvré côte à côte depuis des siècles, et car je crois qu’ensemble nous dépasserons les limites de ce que nous pourrions faire seuls. Néanmoins, cela n’arrivera que si tu es concentrée sur notre véritable mission, comme tu l’as été à Brevois. En puis, je te l’ai déjà dit, mourir ne m’effraye pas.
Étonnée par la sincérité de son partenaire, il n’avait jamais été aussi clair sur ses objectifs, Lyne hocha la tête et ravala les arguments qu’elle s’apprêtait à lui opposer. Elle n’était pas d’accord avec la vision qu’il avait de leur travail, mais il n’en avait pas moins raison quant à son statut et au duo qu’ils pourraient devenir. C’était une pensée agréable pour leur avenir. Elle préférait en rester là. Ils parleraient une autre fois de mort et de sacrifice stupide. Quand elle irait mieux, et quand elle aurait compris pourquoi l’idée de perdre Soreth l’inquiétait davantage qu’elle n’était prête à l’admettre.
Une fois le calme revenu dans la mezzanine, le prince attrapa le chiffon posé sur ses genoux et surprit son équipière en demandant.
— Veux-tu de l’aide pour te laver ?
Plus terre à terre que leur précédente discussion, la proposition ramena Lyne à sa triste condition, ainsi qu’à l’odeur de sueur, de crasse et de sang qui s’échappait de sous sa couverture. Elle ne pouvait hélas ni bouger le bras droit ni se relever, et n’avait donc guère de choix si elle espérait que son état s’améliore.
— Je veux bien un peu d’aide, admit-elle à contrecœur, si cela ne te dérange pas.
— C’est la moindre des choses, répondit Soreth en attrapant l’écuelle d’eau, tu nous as sauvés en détruisant ce pont.
Elle acquiesça pendant qu’il se rapprochait, puis le laissa saisir son poignet et remonter la manche de sa chemise. Un frisson la parcourut, quand il posa le tissu tiède contre son bras, puis elle se détendit pour savourer la chaleur qui se répandait dans ses muscles las.
Quand son partenaire eut nettoyé jusqu’à sa main droite, encore douloureuse d’avoir trop serré son épée, il la rallongea délicatement et changea de côté. Lyne le regarda faire, les yeux entrouverts et les lèvres closes pour s’empêcher de sourire. Elle appréciait la dévotion de Soreth envers les autres, et regrettait seulement qu’il n’en garde pas une plus grande partie pour lui. D’ailleurs, il ne s’était écoulé que deux mois entre son retour de captivité et leur nouvelle mission. Cela semblait peu. Trop peu.
— La dernière fois que tu es rentré, l’interrogea-t-elle d’une voix douce, n’as-tu pas eu envie de t’arrêter plus longtemps ? Pour te reposer ou faire autre chose.
Il la dévisagea en essorant son tissu, puis haussa les épaules et bougea vers son flanc. Elle hésita à l’arrêter, aussi bien par peur de la douleur qu’un peu gênée, mais décida qu’il était le mieux placé pour nettoyer de sa blessure. Elle opina donc lorsqu’il lui jeta un coup d’œil interrogateur, puis se concentra sur sa réponse pour oublier ses mains chaudes posées contre sa peau.
— Pas vraiment. Je serais même reparti dès la fin de ma convalescence si j’avais pu, mais ils n’ont rien voulu me confier avant ton arrivée.
Lyne ne répondit pas pendant qu’il nettoyait sa blessure, elle n’était pas certaine de maîtriser sa voix, puis grimaça lorsqu’elle dû se tourner sur son côté valide pour qu’il accède à son dos. N’ayant cette fois plus à s’efforcer de garder le contrôle de son visage, elle réussi demander d’un ton parfaitement neutre.
— Cela ne te fatigue pas de toujours risquer ta vie sans t’accorder de pause ?
— Je ne dirais pas que je ne repose pas. Je le fais lors d’une journée de voyage tranquille ou dans un bon bain à l’auberge. De toute façon, quand je suis au château je pense aux dangers qui nous menacent et cela me donne envie de me mettre en route.
— Il est vrai que, les courbatures mises à part, notre chevauchée n’était pas si mal.
Un sourire s’épanouit sur le visage de Lyne alors qu’elle se remémorait leurs discussions, leurs entraînements et les paysages qu’ils avaient visités. À nouveau détendue, elle se rallongea en poursuivant.
— Néanmoins, ce n’est pas la même chose qu’un véritable repos. Par moments, on a besoin de pouvoir fermer les yeux et d’apprécier le monde sans s’inquiéter de ce qu’il va se passer dans les prochaines heures.
Soreth eut une moue crispée, qu’elle ne sut déchiffrer, puis rinça le linge et le lui tendit.
— Je te laisse finir. Je vais nous concocter un repas chaud.
Tout en cachant sa frustration de le voir s’arrêter, la toilette n’était pas aussi déplaisante qu’elle l’avait supposée, la prétorienne récupéra le tissu de son bras valide.
— Merci. J’ai l’impression de revivre.
Le prince acquiesça d’un air satisfait, se releva en faisant attention à ne pas heurter les poutres de la grange, et descendit les escaliers en boitant. Lyne ne le quitta pas des yeux avant qu’il sorte de son champ de vision, puis se frotta lentement le visage. Au fond d’elle, elle aurait aimé que son ami s’en occupe. Qu’il reste assis à ses côtés, le regard plongé dans le sien, son éternel sourire sur les lèvres et ses mains chaudes posées sur son front. Alors, elle aurait pu le prendre dans ses bras. Pas pour le consoler ou le rassurer, seulement pour sentir son corps contre le sien.
Elle secoua la tête, l’estomac noué, les joues en feu. C’était idiot. Elle était vraiment fatiguée. Troublée, elle reposa le linge sur le bord de l’écuelle, se rallongea et remonta sa couverture jusqu’à son menton. Un chant marin s’éleva au même moment du rez-de-chaussée, chassant aussi bien son agitation que ses inquiétudes. Elle esquissa un sourire apaisé, et s’endormit au gré des fausses notes de Soreth.
Réveillée par une délicieuse odeur de viande grillée, mais toujours incapable de se lever, Lyne attendit le retour de son équipier en se demandant comment le reste du monde évoluait depuis qu’ils étaient coincés ici. Elle espéra d’abord que Jalith soit bien rentrée, puis que la citée de Hauteroche ait reçu le ravitaillement dont elle avait besoin. Elle s’interrogea ensuite sur la réaction de Milford face à leur silence involontaire et, à force de contempler le plafond, sur la durée de vie d’un toit en chaume. Hélas, son état l’empêchait d’obtenir la moindre réponse. Elle laissa donc les questions flotter dans son esprit, rebondissant les unes contre les autres et s’entremêlant à leur gré, jusqu’à ce qu’une étrange idée lui vienne. Elle se redressa alors pour balayer la mezzanine du regard, à la recherche de la flèche qui l’avait blessée.
Elle la repéra à quelques mètres d’elle, trop loin pour qu’elle puisse l’attraper, et pas assez éclairée pour qu’elle en distingue autre chose que des contours. Cela changea une poignée de secondes plus tard, lorsque les pas de Soreth retentirent dans l’escalier. L’espace d’un instant sa bougie éclaira le trait couvert de sang et, surtout, son empennage. Rouge. Comme ceux des projectiles qui avaient tué les parents de Jalith.
— J’ai fait cuire un peu de gibier et bouillir quelques plantes, annonça nonchalamment le prince, mais je ne te promets rien sur le g…
— La flèche ! l’interrompit Lyne dont les pensées fusaient trop vite pour qu’elle les explique. Brevois ! Hauteroche ! Comment est-ce possible ?
— Eh bien, reprit son interlocuteur en comprenant miraculeusement où elle essayait d’en venir, le plus probable serait que nos deux groupes aient le même fournisseur.
— Si c’est le cas, cela veut dire que la « patronne » du chariot et la « femme brune effrayante » de Brevois sont la même personne ! Il faut…
— … que tu boives ta soupe, la coupa Soreth en tendant un bol. Ne t’inquiète pas, les preuves n’iront pas loin et, hélas, nous non plus.
La guerrière accepta l’offre malgré son impatience, son estomac gargouillant ne lui en laissant guère le choix, et avala le bouillon à l’odeur de pin. Il la réchauffa agréablement, mais lui ouvrit aussi l’appétit. Sans reprendre la parole, sous le regard amusé de son équipier, elle attrapa un bout de viande grillée et un quignon de pain presque sec. Elle posa le premier sur le second, formant un ensemble qui aurait révolté son beau-père et ses talents culinaires, puis les dévora sans en perdre une miette.
Dès qu’elle eut fini, elle demanda d’une voix encore agitée.
— Quand partons-nous pour Hauteroche ?
— Dès que tu pourras monter à cheval. Je suis allé repérer les environs quand la tempête s’est calmée, nous sommes à moins d’une journée de la frontière erellienne.
Lyne acquiesça et attaqua un nouveau morceau de pain.
— Penses-tu que nous ayons une chance de trouver leur fournisseur ?
— C’est possible. Nous disposons d’un excellent réseau de renseignement là-bas. En tout cas, je doute que qui que ce soit puisse recruter une telle bande sans laisser des rumeurs ou des traces.
— Il faudra aussi que nous allions inspecter les silos du quartier nord. Je ne comprends pas comment, mais je commence à croire que ces évènements sont liés.
— Attention, ricana son interlocuteur, à force de réfléchir comme une prétorienne, tu verras bientôt des complots partout.
Ils échangèrent un sourire, conscients de la fine ligne qui séparait la méfiance nécessaire à leur métier et la paranoïa, puis Lyne changea de sujet et interrogea son équipier sur ses talents de soigneur.
Il lui parla alors des smeros, résumant brièvement leur fonctionnement, des leçons de Beorthne sur les plantes, ainsi que, pour son plus grand plaisir, des anecdotes qu’il avait entendues à propos d’Erell et de ses dons.
Il se tut toutefois au troisième bâillement de sa partenaire, et alla s’asseoir un peu plus loin pour la laisser se reposer. Lyne essaya de lutter contre le sommeil, elle en avait plus qu’assez de dormir, mais se retrouva rapidement entraînée dans une guerre contre l’empire, sous les ordres du libérateur. Avec l’aide de Zmeï elle combattit vaillamment les militaires d’Ostrate, protégés derrière leurs lourdes armures rouges et leurs pavois, et contribua à la prise des premières villes de ce qui deviendrait l’Erellie. Hélas, sa chevauchée héroïque s’arrêta lorsqu’une chevalière au harnois d’or brisa son bouclier et enfonça une lance dans son flanc.
Elle se réveilla en hurlant de douleur, le cœur tambourinant et la respiration saccadée. Soreth monta les escaliers en trombe et, pendant qu’elle retrouvait un peu de calme, l’examina avec inquiétude. Il lui trouva une forte fièvre, qui ne le préoccupa toutefois pas outre mesure, et lui apporta un nouveau bouillon à l’odeur âcre. Lyne hésita à l’avaler, les mixtures dégoûtantes secondaient le sommeil sur sa liste des interdits, mais ne regretta pas son choix quand elle sentit ses élancements s’évanouir et rejoignit des rêves plus tranquilles.
Le ciel se déchaîna la journée suivante, le vent et l’orage s’ajoutant à la neige. Incapable de chasser ou de ramasser du bois, Soreth leur prépara un peu de viande séchée et d’eau froide, qu’ils mangèrent blottis sous leurs couvertures en se racontant des anecdotes sur l’été passé.
Heureusement, la tempête disparut au petit matin, leur permettant de se consacrer à la rééducation de Lyne. Le premier jour, elle réussit se laver seule et à faire quelques pas dans la mezzanine. Le second, elle sortit dehors pour la première fois depuis presque une semaine, contemplant un long moment le paysage que le soleil et la neige faisaient miroiter comme un tapis de diamant. Le troisième, Soreth retira ses smeros, qu’elle louait pour leur aide et maudissait pour la façon dont ils lui compliquaient la vie, et elle put faire quelques exercices sans vertiges ou douleur. Satisfait par sa récupération, qui aurait paru miraculeuse à quiconque ne connaissait pas les pouvoirs des lignes d’Eff, le prince lui apporta son épée dans l’après-midi. Un sourire taquin sur le visage, il lui proposa de vérifier qu’elle n’avait pas perdu ses talents. Elle lui prouva que ce n’était pas le cas durant plus d’une heure, puis, à bout de souffle et gelés, ils décidèrent qu’ils repartiraient le lendemain et rentrèrent se réchauffer.
Installé devant sa partenaire, Soreth brisa un biscuit de voyage en deux et déclara d’une voix enjouée.
— Il ne fait pas très chaud, mais je crois que je vais regretter cette grange quand on arrivera à Hauteroche.
— Je doute de déplorer l’odeur, le froid ou les lits, mais je suppose qu’il y a une certaine tranquillité qu’on ne retrouvera pas là-bas.
— D’après mon expérience, cela risque effectivement de plus ressembler à la criée. Les effluves de poisson en moins.
Ils échangèrent un sourire, puis le silence retomba dans la mezzanine jusqu’à ce que Soreth inspire profondément et ajoute d’une voix mal assurée.
— Je suis désolé de ne pas t’avoir mieux accueilli à Lonvois. J’aurais dû venir te chercher dès la fin de ton entretien. Je me suis convaincu qu’il fallait que je te laisse de la place, mais j’avais juste peur et honte.
Surprise par la tournure de la conversation, Lyne secoua la tête pour le rassurer.
— Ne t’inquiète pas, répondit-elle en plaisantant, tu n’es pas le premier que j’effraye. De quoi avais-tu honte ?
— Je… nous sommes le premier duo de prétoriens depuis des dizaines d’années, et c’est parce que j’ai raté l’une de mes missions. C’est… enfin c’était assez ennuyant.
Il passa une main gênée dans ses cheveux crépus et esquissa un sourire.
— Je ne le vois plus comme cela maintenant. Nous sommes vraiment une bonne équipe et… je suis content que tu sois là.
Lyne baissa la tête en se sentant la chaleur lui monter aux joues. Ce n’était pas une réaction normale pour un compliment, mais elle doutait de plus en plus que sa relation avec Soreth ait quoi que ce soit de normal. Ils ne s’étaient pas entendus rapidement pour rien. Pas plus qu’ils n’étaient aussi efficaces par hasard. C’était à la fois intrigant, un peu effrayant et particulièrement déroutant. Elle n’était cependant pas sûre de la façon dont elle devait réagir, et préféra repousser ses émotions pour relever ses yeux vers le prince.
— Je suis contente moi aussi. Tu es quelqu’un de très intéressant.
La surprise changea de camp. Une expression ahurie traversa sur le visage du prétorien, et il détourna aussitôt le regard.
— Merci… euh… je vais aller ranger nos affaires en bas. Repose-toi un peu.
Il disparut maladroitement dans les escaliers. Lyne esquissa un sourire en attrapant son épée pour la nettoyer. Il n’y avait pas de raison pour que son ami ait le monopole des compliments gênants.
J'ai bien aimé ce chapitre qui est très fluide et très intéressant alors qu'il n'y a plus d'action... tu as su rendre la revalidation de Lyne et sa relation avec Soreth très vivantes ! Je vois bien qu'il y a des éléments qui préparent la suite de l'aventure, mais de plus en plus ce n'est pas ça qui m'intéresse le plus, mais la manière dont tu vas faire évoluer la collaboration entre Lyne et Soreth !
Vivement la suite !
A bientôt !
Les scènes de guérison sont parfois un peu longue alors j'ai essayé d'éviter ce travers. Je suis content de voir que j'ai un peu réussi ^^
Tout le but du roman est de jouer entre la suite de l'aventure et la relation entre les personnages principaux. C'est déjà bien quelle t'accroche, j'espère que la suite réussira à t'intéresser sur les deux tableaux !
À bientôt et bonnes fêtes !
J'ai été un peu occupée par la vraie vie, mais je suis toujours les aventures de Lyne et Soreth avec plaisir ! (j'avais d'ailleurs lu ce chapitre dès sa sortie mais pas trouvé le temps de commenter)
Je sais pas pourquoi, mais autant de "calme" m'inquiète beaucoup...
Quelques remarques / questions:
- "Ta peau, commença-t-elle d’un ton incertain, pourquoi a-t-elle autant de traces de brûlures ?", tu as de très bons dialogues en général, du coup j'ai un peu buté sur cette ligne, qui n'est pas "mauvaise" en tant que tel, mais plus "lourde" que les autres.
- "Quand son partenaire eut nettoyé jusqu’à sa main droite, encore douloureuse d’avoir trop serré son épée" > Je t'avoue que je n'ai pas compris exactement ce qu'il a nettoyé ... ou pas XD. Je n'ai pas d'opinion à donner sur le niveau de tolérance à la nudité des deux personnages (ou des lecteurs), mais je pense qu'il va te falloir choisir ton camp ^^ Soit tu restes dans le "mimi" et tu dis clairement qu'elle est habillée / pansementée partout, et que du coup il nettoie que les bras et le cou, soit tu pars dans le plus ou moins tous nus (et pas tout bronzés) et, par exemple, tu la laisse reprendre le chiffon toute seule au bout d'un moment en disant qu'elle va terminer ? Je ne sais pas vraiment, mais ici comme tu restes vague on sait pas trop ce qu'on doit visualiser et ça donne un peu l'impression que tu as pas osé écrire ce que tu voulais.
- "à force de contempler le plafond, sur la durée de vie d’un toit en chaume" > Parce que je ne commente pas que le négatif, j'ai adoré ce petit passage, qui met bien en exergue à quel point elle peut s'ennuyer sur son lit ! :D
- "qui aurait révolté son beau-père" > Lequel ? Le compagnon de sa mère ? Au début j'ai cru que tu parlais du père noble, mais il m'avait semblé qu'elle ne le connaissait que de vue.
- "mais se retrouva rapidement entraînée dans une guerre..." > En bonne lectrice "avisée" j'ai relu le rêve plusieurs fois, quelque chose me dit que tu y as caché des indices sur la suite ...
Je crois que je n'étais pas trop sûr moi même de ce que je voulais écrire avec cette scène quand je l'ai écrite la première fois (il y a longtemps maintenant), c'est plus clair aujourd'hui mais peut-être que dans ma tête. Dans tous les cas, il ne lui a nettoyé effectivement que le bras ^^
Son beau-père est effectivement le compagnon actuel de sa mère. Il serait révolté par le repas parce qu'il est cuisinier au château. Je crois que je suis allez un peu loin sans rappel avec cette remarque, je vais essayer de l'expliciter.
Sinon, tu as raison pour le dialogue, rien qu'en la lisant j'ai envie d'en retirer un bout. Merci, c'est bien d'être un peu poussé là-dessus !
Bonne semaine et à bientôt pour la suite !