Chapitre 16 : Arnitan

Par Talharr

Arnitan :

Le soleil était à peine levé qu’Arnitan marchait déjà vers la maisonnée où logeait le comte de Krieg.

La veille, il avait parlé à Wolfrharr. Aujourd’hui, il devait convaincre le roi de Balar de croire à l’histoire… d’un enfant.

Comment y parvenir ?

Le loup géant lui avait confié qu’en dernier recours, il pouvait l’appeler. Mais s’il pouvait éviter une panique générale, Arnitan s’y emploierait.

Selon Calir, le comte partait tôt pour la Tour de Balar. Il était hors de question de le rater. Ce qu’il allait lui révéler dépasserait l’entendement — mais il l’écouterait. Il en était convaincu.

Cela suffirait-il à obtenir son aide ? Peut-être pas.

Mais il avait deux atouts inattendus.

Draiss et Céleste.

Ils l’avaient suivi jusque dans les souterrains. Ils avaient vu le loup. Entendu une grande partie de sa conversation avec lui.

Arnitan s’était d’abord emporté.

      — Pourquoi m’avoir suivi ?! Vous n’avez aucune idée de ce dans quoi vous vous embarquez !

      — On voulait simplement voir ce que tu… avait commencé Draiss.

      — Si tu allais bien, l’avait coupé Céleste.

      — Et comment le pourrais-je ?

Sa sœur avait posé sur lui un regard triste.

      — Je sais que je te l’ai déjà dit plusieurs fois, mais… il me manque aussi. Enormément. Et Gwenn aussi, avait-elle ajouté.

Draiss les observait, les traits tirés.

Céleste s’était rapprochée de son frère et l’avait pris dans ses bras.

     — Elle reviendra parmi nous. J’en suis certaine, lui avait-elle murmuré.

Il l’avait serrée contre lui, et ils étaient restés là, silencieux. Le silence disait tout.

Draiss s’était éclairci la gorge.

Leurs regards s’étaient tournés vers lui.

     — Ça ne nous explique pas ce que faisait ce loup ici… Et surtout, pourquoi il parle !

Tous deux s’étaient tournés vers Arnitan.

     — Après que le loup m’a griffé, je me suis réveillé à Krieg. Mais le village était vide…

Il leur avait raconté ce qu’il n’avait confié qu’à une seule personne : Gwenn.

La maison déserte. La peur. La solitude. Puis la rencontre avec Talharr. Il ne l’avait pas su sur le moment… mais le loup venait de lui révéler la vérité.

Il leur raconta ce que lui avait dit le dieu : trouver l’Hirondelle, celle qui le protégerait. Se méfier du Serpent. Sauver la Terre de Talharr.

Puis il évoqua la douleur. La vision de son père, mort.

Il pensait mourir aussi. Il pensait avoir échoué.

C’est alors qu’il avait appelé le loup. Celui à qui Talharr lui avait dit de faire confiance.
Il avait cru à une illusion — mais il était apparu.

Il avait tué le mage, permettant à Arnitan d’affronter la guerrière aux dents limées.
Brelan avait fini par la tuer, le sauvant lui aussi.

Il leur avait alors avoué une vérité qu’il méprisait.

C’était l’homme qui l’avait secouru dans la forêt… qui avait enlevé Gwenn.
Et c’était de sa faute.

C’est lui qui l’avait désignée comme l’Hirondelle.

      — Un idiot… voilà ce que je suis.

     — Arrête ! Tu ne pouvais pas savoir, avait rétorqué Céleste.

Draiss n’avait rien dit. Mais son regard débordait d’empathie.

Arnitan reprit, sans laisser le temps aux émotions de le submerger.

     — Le jour de notre départ de Krieg, je suis allé sur la tombe de Pa.

Son regard se fixa dans celui de sa sœur.

     — Je lui ai fait tellement de promesses… Je ne sais pas si je pourrai toutes les tenir. Mais je ferai tout pour que plus rien n’arrive à ceux que j’aime.

Il avait presque crié les derniers mots.

Céleste posa une main douce sur son épaule.

     — Tu y arriveras. Tu es le garçon… et bientôt le guerrier, le plus fort que je connaisse.

     — Oui-da. Ta sœur a raison ! lança Draiss.

Céleste leva les yeux au ciel, exaspérée.

Arnitan sourit malgré lui, puis reprit :

     — Le loup était là, lui aussi. Il attendait que je me sois recueilli pour me parler. C’est la seule fois où nous avons échangé, avant hier. Ce jour-là, j’ai compris que tout ce que j’avais vécu était réel. Et que je devais agir.

Un silence les enveloppa.

     — Gwenn est à Drazyl. Ils ont attaqué Krieg pour enlever la fausse Hirondelle. Pour leur dieu, Malkar.

Il marqua une pause.

     — Je dois parler au roi. Il faut l’avertir du danger. Il faut attaquer au plus vite. Et moi, je dois retrouver l’Hirondelle. Je sais qui elle est. Je l’ai vue quand je me suis réveillé. Aelia de Vaelan.

     — Ça fait beaucoup d’informations, fit Draiss. Mais après ce qu’on a vu… Je suis avec toi.

     — Demain, on ira ensemble voir le roi, affirma Céleste.

Arnitan n’avait pas voulu les mêler à cela. Mais Céleste n’avait pas demandé son avis.

     — Demain, avait-elle simplement répété.

Et il avait accepté.

Lorsqu’ils étaient rentrés, il n’avait rien dit à sa Man ou à Piré, choisissant d'aller se coucher. Myriam aurait tout fait pour l’en empêcher et il ne pouvait pas se le permettre. Même si ça lui brisait le cœur. 

C’est ainsi qu’en cette matinée ils arrivèrent devant la maison du comte. Une bâtisse splendide, aux murs rouges étincelants, s’élevant sur trois étages constellés de fenêtres.

Calir n’avait pas menti : le comte sortit à cet instant, flanqué de deux gardes de Krieg.

     — Arnitan ? Que faites-vous ici à une heure pareille ?

Le garçon redressa les épaules. Il croisa le regard de Céleste, puis celui de Draiss.
Et il parla.

     —  Mon comte, s'inclina Arnitan. Il faut que je voie le roi. J’ai quelque chose d’important à lui dire.

Le comte haussa un sourcil.

     — Le roi ? Pour quelles raisons ?

     — La Terre de Talharr, telle qu’on la connaît, est sur le point de changer. Le dieu Talharr m’a demandé de protéger notre monde. Son ennemi, Malkar, veut le reconquérir.

Le comte se figea.

     — Monsieur ? demanda un garde.

Il leva la main pour dire que tout allait bien.

     — Comment connais-tu ces noms ?

     — Le loup qui m’a attaqué. Et Talharr lui-même. Ils m’ont parlé. Ils m’ont aussi dit de chercher l’Hirondelle. Et de me méfier du Serpent. Je pense que c’est Erzic… et qu’il est à Drazyl. Avec Gwenn.

Le visage du comte se ferma.

     — Alors tu as été choisi. Tu as survécu. Et désormais, il nous faudra affronter les forces de Malkar… comme lors de la dernière guerre.

Arnitan écarquilla les yeux.

     — Vous connaissez cette histoire, comte ?

Le comte vit sa surprise et répondit :

     — Sais-tu pourquoi si peu connaissent encore les noms de ces dieux ?

Ils firent non de la tête.

     — Parce que les anciens ont tout effacé. Par peur de réveiller les cultes. Par peur de voir renaître les guerres. Mais aujourd’hui… ils refont surface. Nous devons nous battre. Pour nos terres, pour notre peuple. Et pour tout ce que nous avons bâti depuis ces siècles.

     — Talharr nous aidera, dit Arnitan. Même s’il doutait un peu.

     — Puisses-tu dire vrai.

Céleste s’avança, sa tresse châtaigne flottant dans le vent du matin.

     — Le roi doit être informé. Drazyl doit payer pour ce qu’il a fait à Krieg.

     — Oui-da ! approuva Draiss.

Arnitan entendit Céleste souffler.

Le comte sourit.

     — Alors allons-y. Vos paroles feront avancer notre conseil. Et notre vengeance.

Ils suivirent le comte, prêts à se battre pour que Krieg soit vengée — et que le monde ne sombre pas.

Arnitan, lui, pensait déjà à l’Hirondelle. Aelia.

Il devrait la retrouver, après le conseil.

Et, dans le silence, une dernière pensée s’imposa à lui :
Gwenn… où que tu sois… reste forte. Je t’en prie.

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Scribilix
Posté le 10/08/2025
Haa le retour d'Arnitan avec un nouveau chapitre chargé d'émotion ^^. C'était très agréable à lire et je n'ai rien à redire sur la forme si ce n'est la façon dont Arnitan s'adresse au comte. C'est un roturier et le comte est un noble, sans tomber dans l'excès de politesse, un "seigneur ou comte" ne serait pas de trop lorsqu'Arnitan s'adresse à lui. Ou bien tu peux faire en sorte qu'Arnitan oublie de mentionner le titre sans le vouloir (potentiellement lié à un manque d'éducation mondaine) mais faire en sorte que le comte ne s'en offusque pas outre mesure.

Voilà, je continue ;)
Talharr
Posté le 10/08/2025
Aha toujours 😁
Oula oui j'ai complement zappé de faire en sorte qu'Arnitan rende grâce au comte. Je vais modifier ça de suite.
Merci et à plus pour le prochain chapitre ;)
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