CHAPITRE 16
- des centaines de ballons blancs -
Et il en était là. Allongé sur son lit, fixant le plafond, les yeux parcourant sans s’en rendre compte les fissures sur le bois. Marco n’avait rien obtenu de plus de la grand-mère et peu de temps après, son père était venu le chercher. Ils avaient visité l’aquarium, à deux, sa mère étant trop fatiguée. L’aquarium était l’un de ses lieux préférés. Mais Marco ne s’était pas autant gorgé que les années précédentes de nageoires gigantesques ou d’écailles multicolores. Son esprit était bien ailleur.
Il s’était arrêté longuement devant les tortues, les observant sous toutes les coutures. Mais il s’agissait de tortue de terre et elles étaient en pleine forme.
Il avait tenté de questionner les rares employés qu’il avait pu croiser. Aucun n’était vétérinaire et les réponses à ses questions sur la santé des tortues d’eau douce étaient restées plus qu’évasives.
— Tu as une nouvelle passion pour les tortues ? lui avait demandé son père.
— Hmmm, avait-il marmonné, occupé à refaire le tour du petit vivarium aménagé pour elles.
Il n’y avait, évidemment et sans surprise, aucun croque-cirqueule entre les touffes de plantes, ni brise intérieure à la boîte de verre. Les tortues ne bougeaient pas et semblait tout à fait tranquilles, les écailles luisantes et la carapace bien propre.
Peu de points communs avec une Grande Tortue d’eau géante, millénaire et recouverte d’arbres et de sédiments, envoyant crabes et papillons annoncer son mal être à un peuple absent d’habitants du lac.
Résumant la situation ainsi, allongé les mains derrière la tête sur son fin matelas, Marco peinait à croire que toute cette histoire était bel et bien devenue la sienne.
Il n’avait pas revu Lili. Après l’aquarium et comme la tradition le voulait, toute la famille était allée manger chez Pacci, en ville, pizzeria familiale que Marco adorait, mais qui l’avait éloigné de la plage pour toute la soirée. À son retour, les ados avaient déjà pris possession du bord de lac.
Pour tout avouer, il avait passé une bonne journée, d’habitude la meilleure des vacances. Il avait même pu voir des bébés caïmans dans la grande fosse, à peine sortis de leurs coquilles. Ils lui avaient semblé si fragiles comparés à ce qu’ils allaient devenir. Les lumières avaient été baissées et des panneaux avaient été placés demandant à ne pas faire trop de bruit. Cela aurait du être la meilleure des journées du monde.
Et pourtant Marco ne rayonnait pas. Car il n’avait pas avancé sur son mystère et ne voyait plus trop comment trouver de nouveaux indices.
Dehors le vent soufflait toujours plus fort. Des branches d’arbres venaient tapper contre la fenêtre du bungalow et dans la pièce à côté, il entendait la télé annoncer une tempête à venir.
Rien n’était résolu, tout était même de pire en pire.
Il avait nourrit ses yeux de poissons magnifiques, son estomac de pizza délicieuses et pendant ce temps, la Grande Tortue souffrait.
Il avait beau tourner et retourner le problème, il ne trouvait pas de solution. Un cycle, la solitude, des cercles, une plage, du vent. Un cycle, la solitude, des cercles, une plage, du vent.
Une Grande Tortue, un cycle, une plage, des cercles…
Ruminant ces reflexions, Marco s’endormit sans trouver de réponse.
Mais ses pensées continuèrent leur chemin sans sa conscience.
Dans un rêve agité, il vit la grand-mère de Lili courir sur la plage, chuintant et claquant, se changeant en arbre, en crabe puis en caïman. Il vit Lili elle-même, sur un coucher de soleil vibrant, qui tentait d’attraper le gros chien gris que ses maîtres avaient encore laissé échapper. La bête grandissait de plus en plus, jusqu’à devenir immense. Des arbres lui poussèrent alors sur le dos et elle se mit à creuser le sol, juste devant Marco. Un immense trou dans lequel elle trouva, sous les couches de sables, des centaines de ballons blancs, ronds et opalins, qui s’ouvrirent pour laisser échaper des papillons. Marco vit Bassim tenter de les attraper avec une épuisette sans filet, ses breloques claquant, se cassant et s’éparpillant sur le sol ; perles bleues roulant sur le sable. Puis Marco vit une silhouette lire sur la plage, le livre se changer en cartes à jouer et une partie de sept familles se lancer entre son père, sa mère et Lili. “Je demande la fille !” Ils rigolaient, rigolaient tous les trois ! Marco sentit son cœur se serrer, et lui alors, dans tout cela ? C’est alors que toutes les lumières disparurent. Marco vit l’oeil de la tortue, gigantesque, qui s’approchait de plus en plus de lui. Il n’eût d’autre choix que de plonger dedans. Marco se sentit flotter, en suspension dans une masse d’eau visqueuse. Autours de lui des parois brunes rougeoyantes ; à côté de lui, Lili dormait, tranquille, se laissant porter, ses cheveux flottant calmement. Une employée de l’aquarium avec un chapeau en forme de poisson pané fit un “chut” en posant un doigt devant sa bouche et montrant un petit panneau sur lequel était demandé de ne pas faire trop de bruit.
Puis tout devint noir, et clair à nouveau. Sur la plage, Marco vit sa mère et son ventre énorme, énorme, devenant de plus en plus gros, jusqu’à éclater.
Et il se réveilla, haletant.
Le jour s’était levé et il devait absolument courir rejoindre Lili sur la plage. Car il avait résolu le mystère de la Grande Tortue et il n’y avait pas un instant à perdre.
Et ce serait ça aussi pour la tortue ? (Comment aurait-elle pu le devenir dans cet état de caillou ?)
Beaucoup d'interrogations ^^ Hâte de découvrir la suite ^^
Hahaaa oui des indices commencent à tomber enfin. Effectivement la maman de Marco est enceinte : )
Pour le reste, je n'en dirai pas plus, comme d'hab ; )
Merci pour ta lecture assidue et tes commentaires qui m'encouragent beaucoup !
Je comprends en même temps que le personnage, c’est amusant.
Tu décris bien le principe de s’éloigner du problème pour mieux le comprendre.
J’ai relevé une coquille : la grande fausse, c’est plutôt fosse, non ?
Et oui, on arrive au bout de cette petite histoire (il faut bien ^^), plus que quelques chapitres !
Je suis contente si ce rêve a fonctionné, et le côté "prise de recul et association d'idée" car j'avais peur que cela fasse un côté un peu "deus ex machina" que tout à coup tout lui vienne.
J'espère que la fin réservera tout de même quelques petites surprises ; )
Merci pour ton commentaire !
(j'ai corrigé la faute, merci ^^ )
Je ne me souvenais pas que la mère de Marco l'était ? L'est-elle ?
J'ai bien aimé le passage de l'aquarium et le fait que tu prennes le temps de nous montrer rapidement une journée où il ne se passe rien. Cela donne le temps au temps, j'apprécie quand les histoires n'avancent pas trop vite (ni trop lentement non plus). Par contre, certaines phrases ou paragraphes répètent un peu les mêmes choses.
J'ai noté : "la famille était aller manger" allée.
A bientôt
Merci pour ton message, alors oui, la mère est belle est bien enceinte, mais je l'avais caché jusqu'alors, juste des micro indices (elle est souvent fatiguée, elle a un corps "imposant", elle se fait aider pour descendre du bateau...) mais c'était fait exprès que ce soit archi discret ^^
Quand à la tortue, je ne dirais rien, la réponse arrive vite ; )
Je vais voir à la relecture pour ces répétitions, ce n'est pas toujours évident de s'en rendre compte.
Merci encore pour ta lecture et ton commentaire !