Chapitre 16 : Fin de transcription

William était en totale incompréhension. Il tentait malgré lui de comprendre les mots
prononcés à l’instant par le jeune garçon face à lui. Quand un semblant d’interaction se fit
dans sa tête. Maintenant que la réflexion lui était revenue, il comprit.


Il reposa son regard sur le petit cercle en or que lui tendit Morgan. Ce fut avec des
mains tremblantes qu’il le saisit pour le regarder avec précision à son tour. De son côté, le
châtain posa le pistolet du capitaine sur le bureau puis se pencha pour ramasser le sextant, qui
était resté au sol. Il plaça son oeil devant la lunette afin de regarder si le verre n’avait pas été
brisé et si les gravures se trouvaient toujours dessus. Ce qu'il craignait au vu de la violence de
l’impact. Par chance, le verre ne s’était pas brisé ni même fissuré. Il souffla donc de
soulagement. Après tout, il était sûrement utile. Il le savait, tout dans cette enquête était
important. Le moindre indice était crucial pour résoudre l’énigme de l’emplacement du butin
de La Buse.


Il fut sorti de sa cogitation par la main du brun lui tendant le disque à lettres doré, ce
qui le déconcerta. Ce qui était normal, parce que sur ce fameux disque à lettres tout y était.
Chaque lettre, chaque symbole avait une correspondance. Il pensait donc que son travail était
ainsi terminé, que le capitaine n'aurait plus besoin de lui et qu’il allait finir jeté à la mer, ou
abandonné sur une île. Sûrement la plus proche d’ailleurs.


-Je vois ce que tu penses Morgan. Pour te répondre, non je ne vais pas me débarrasser de toi.

Tu es utile. Je te rappelle également que La Buse a poussé au maximum les pièges et a
redoublé d'intelligence pour cacher ce trésor. Tu es la personne la plus intelligente que je
connaisse. J’ai besoin de toi Morgan.

-Je suis donc obligé de rester, j’imagine.

-Exactement. Je t’ai également promis quelque chose, tu te souviens ? Que si on trouvait ce
trésor je te ramènerais.

-Je me souviens aussi t’avoir entendu dire que si on ne le trouvait pas, tu me tuerais. Combien
de fois j’ai failli y passer, rappelle-moi ?

-J’avoue me laisser emporter assez souvent par mes émotions et je te demande de m'en
excuser. Mais je t’avoue aussi que cette aventure, j’aime la vivre avec toi. Comme nos pères
avant nous. Il faut dire que tu es l’enfant que j’ai vu naître puis grandir, naguère.

-Tu es carrément bipolaire, ma parole ! On dirait que tu es tiré entre deux personnalités. Cellelà
et celle du pirate sanguinaire. Mais bon je suis toujours vivant, c’est ce qui compte.

Finissons-en avec ce cryptogramme de malheurs.

-Tu as raison. Il est grand temps que l’on trouve le trésor le mieux caché de l’histoire.

-Je suis sûr que ce ne sera pas le seul à l’avenir.

-C’est fort possible.

Les deux hommes après cela étaient apaisés et la tension que l’on pouvait ressentir il y
a environ dix minutes avait totalement disparu. Envolée pour un très long moment, du moins
l’espéraient-ils. Cependant le brun redevient sérieux avant d’ajouter :

-Rien ne doit sortir d’ici, comprit ?

-A cause du ou des traîtres ?

-Oui. Je ne sais pas qui pourrait bien faire cela, mais crois-moi si je le découvre il gouttera à
mon épée.

-Oh je te fais confiance là-dessus.

-Je ne tiendrai au courant que très peu de matelots. Ceux en qui j’ai totalement confiance.

Le châtain le regarda sans dire un mot, toutefois William savait dans son regard qu’il
voulait dire quelque chose, ou au moins l’évoquer. Alors il demanda à ce dernier de lui avouer
sa crainte. Néanmoins il ne s’attendait pas à ce que lui confia le plus jeune.

-Doit-on prendre en compte l’armée Anglaise ?

-Les tuniques rouges ?

-Oui. Quand ils ont attaqué mon logis, ils ont vu mes recherches et ils voulaient me capturer.

J’imagine donc qu’ils doivent également me chercher.

-Je n’y avais pas pensé mais c’est fort probable. Si notre traître est intelligent il les aura
sûrement contactés, mais étant sur un navire pirate je ne sais pas s’ils auraient apprécié.

-Mais en passant par les brigands qui nous ont attaqués sur l’île ?

-Dans ce cas c’est mieux pris en compte par la marine, mais il faut que la lettre soit un mets
de choix et délicate pour ce genre de destinataire. Rahhh ça m’énerve ! Même avec ce genre
d’indices je ne vois pas qui aurait pu faire ça.

-Calme-toi, on trouvera et pour l’heure je ne dirais rien. De toute façon, tu veux que j’en parle
à qui ? Je ne sors pas d’ici. A Bic la plume ? Ciphère la carte ?

Dit-il avec ironie.

-Il te manque une case parfois.

-Pas facile la vie d’artiste. Pour ma part, être scientifique et astronome ne l’est pas non plus.
Sûrement à cause de ma marque dans le dos, qui me place en bas de tout. Pourtant j’avais une
belle vie, je faisais comme je pouvais pour vivre et faire ce dont j’avais envie, et ce qui me
plaisait par-dessus tout.

-Je comprends. Bon remettons-nous à ce cryptogramme.

Morgan acquiesça et se remit au travail, ayant pour aide le capitaine lui-même dont les
connaissances pourraient maintenant s’avérer utiles. Ce boulot fut tout de même long et pour
être sûr de ne pas s’être trompé, le châtain avait préféré reprendre le cryptogramme à zéro. Il
s’accordait maintenant plus de pauses et du temps pour dormir, étant donné que la
transcription était plutôt rapide contrairement à ces derniers jours.

Trois jours plus tard, alors que le brun prenait une pause pour boire un thé - ce qui était
rare vu le prix - et lisait un livre, reposant ainsi ses méninges. Morgan bondit de sa chaise,
faisant sursauter le plus vieux.

-Il t’arrive quoi à la fin ? Ne bondis pas de ta chaise aussi brusquement.

-J’ai terminé.

-Pardon ?

-J’ai dit que j’avais terminé.

-Tu es sûr ?

-A deux cent pourcents. J’ai même relu trois fois pour être sûr ,on ne sait jamais avec La
Buse. Mais il y a tout de même des phrases bizarres, j’ai peur que le cryptogramme ait bavé
ou je ne sais quoi.

-Quoi comme phrase par exemple ?

-Eh bien attend…ah là…je te la lis. Regarder par le portail là où la mort regarde.

-Là où la mort regarde ? Un portail ?

Le brun soupira.

-Je crois qu’on est loin d’avoir fini, finalement.

Tel furent les mots du capitaine. Cependant cela était-il vrai, ou était-ce seulement une
ruse de La Buse pour faire abandonner ceux qui, par miracle, arriveraient jusque-là ?

Personne ne savait. Celui qui connaissait la réponse dormait maintenant paisiblement dans son
tombeau, attendant toutefois son instrument préalablement dérobé.

Les deux hommes réfléchissaient à cette phrase. Ils essayaient de la comprendre mais
rien ne venait. Aucune idée. Pas une seule. C’est alors que le capitaine demanda au plus jeune
ce qui se trouvait juste avant cela. La moindre parcelle de texte pourrait sûrement les mettre
sur la voie. Pour répondre à cela Morgan se pencha pour relire et ainsi dire ce que le brun
voulait.

-Eh bien il y a des chiffres.

-Dictes-les moi je te prie.

-Alors c’est 55°32’ et 21°08’. Cela te dit quelque chose ? Parce que moi non.

-Ça ressemble drôlement à des coordonnées. C’est pour ça que cela ne te dit rien, tu ne les
utilises jamais sur la terre ferme. Mais ce n’est pas grave, je vais chercher ce qu’il faut.

William alla vers le coin de la cabine où étaient rangées les cartes. Il chercha pendant
quelques minutes celle qu’il lui fallait et la ramena. Il demanda au châtain de ranger un peu le
bureau pour qu’il puisse y étendre la carte, qui était celle du monde.

Une fois que tout le bureau fut rangé, les deux hommes ouvrirent la carte et
l’empêchèrent de s’enrouler de nouveau en plaçant des objets assez lourds aux quatre coins.
Le capitaine redemanda les coordonnées que le plus jeune répéta. Avec un compas il trouva
assez rapidement. Morgan alla à ses côtés et lui demanda :

-Alors ça donne quoi ?

-Cela nous mène à une île.

-Ah oui ? Où ça ?

-Elle se situe dans l’océan indien. Il s’agit de l’île de Bourbon.

William lui montra la petite île en question. Le plus jeune demanda ensuite leur
position actuelle et le plus vieux lui répondit. Avec leur position, il seraient à l’île en question
dans seulement quatre jours environ. Le châtain acquiesça mais sembla triste dans le fond. Ce
qui n’échappa au brun à ses côtés qui ne put s’empêcher de le questionner.

-Cela ne va pas ?

-Bah…je me disais seulement que mon travail allait bientôt se terminer et qu’ensuite tu vas
m'abandonner. Que tu n’auras plus besoin de moi.

-Morgan je t’ai dit que je respecterais ma promesse. Rien ne te sera fait, je te ramènerais juste
chez toi, comme tu l’as désiré au départ. Le trésor contre la liberté. Puis qui sait, La Buse est
rusé et toi seul peut déjouer tout ce qu’il a entrepris. Donc tu resteras jusqu’à la fin, me suis-je
bien fait comprendre ?

-Oui William.

-Bien. Maintenant je vais aller donner le cap. Attends-moi là.

-Je ne peux aller nulle part de toute manière.

Le brun ricana et quitta sa cabine. Il monta à la barre et tomba sur son second et son
homme à tout faire, dont il avait parfois du mal à se souvenir du nom. En même temps vu le
monde qu'il y avait sur le Liberty, se souvenir de tous les noms serait une véritable plaie pour
lui.

-Oh capitaine, que me vaut votre présence ?

-Je vois qu’on parle affaires vous deux ?

-Oh rien de bien méchant, juste quelques matelots se plaignant. Mais nous trouvons la
solution. Rien de bien méchant.

-Ils se plaignent de quoi ?

-Oh de la vie à bord apparemment. Nous cherchons donc des moyens pour que cela soit moins
rude.

-C’est moi qui dicte les règles, s’ils ne sont pas contents qu’ils viennent me voir.

-Justement, ils ont peur de vous.

-Un capitaine doit inspirer la peur. C’est donc tout à fait normal. C’est juste pour avoir du
respect.

-Bien capitaine. Mais revenons-en à vous. Si vous êtes là, c’est sûrement pour nous dire
quelque chose.

-Ah oui j’ai failli oublier. Il faudrait qu’on aille sur l’île de Bourbon.

-Maintenant ?

-Oui, on pense que là-bas on pourra avancer dans notre quête du trésor.

-C’est le gamin qui vous a dit ça ?

-Cela ne te regarde pas. Obéit seulement, Christian.

-Bien capitaine. J’espère que cela sera plus utile que quand nous avons accosté sur l’île du
tombeau.

-Fais-moi confiance Christian. Ça nous sera utile.

Le vent faisait virevolter doucement les cheveux de William. Son second regardait
vers l’horizon avec Marin, resté en retrait derrière et écoutant la conversation malgré lui. Le
regard quelque peu triste, au vu des mauvaises choses que son supérieur disait sur son seul et
unique ami, prisonnier du capitaine et qui était bien le seul à lui tenir tête. Il aurait aimé avoir
autant de courage et d’assurance que lui. Mais au lieu de ça il avait hérité d’autre chose.

-Nous avons encore besoin de ce gamin ?

-Oui Christian. La Buse est rusée et j’en ai donc encore besoin. Je profite de son intelligence
et de ses connaissances. Elles sont des atouts précieux pour trouver ce trésor et le collier de la
déesse des mers.

-C’est la seule chose qui vous intéresse dans ce magot ?

-Je veux avoir la gloire que mon père n’a pas eue. Je veux être plus que lui. Ma propre
légende. Je veux être le pirate le plus connu.

Son regard gris tempête devint noir, comme s’il sombrait de nouveau de son pire côté.
Celui du pirate sanguinaire dont tout le monde a peur. Soudain Morgan apparut dans ses
pensées.

-Tu sembles déchiré entre deux personnalités. Celle-là et celle du pirate sanguinaire.

William secoua la tête en mettant la main sur le côté droit de son visage et redevint
normal. Puis il dit ensuite à Christian ce qu’il pensait au plus profond de lui.

-On a encore besoin de lui pour arriver à nos fins, point. Avec ce qui nous est arrivé au
tombeau de La Buse, je ne permettrais pas que d’autres de mes hommes meurent. Je le cuisine
comme je peux pour ça.

-Je comprends. Alors il sera fort utile oui.

-Ensuite je tiendrais la promesse que je lui ai faite. Celle de le ramener. Nous lui devons bien
ça, après ce qu’il aura fait pour nous.

Avait-il avoué à son second tout en regardant l’horizon. Il mit le cap sur l’île Bourbon
où se trouverait, il l’espérait, le dernier mystère menant au trésor.

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Vous lisez