Chapitre 16 : La porte des Enfers

Notes de l’auteur : Il est temps pour notre héroïne d'aller de l'avant. ;)

Les pleurs d’un bébé, le cri d’un monstre, la voix d’une femme. Koré… mon enfant… Koré… ma fille… Koré… où es-tu ?  

Cette voix, je ne la connais que trop bien. J’ouvre les yeux et me redresse en sursaut. Et je le regrette amèrement, car une violente douleur me parcourt tout le corps. À chaque mouvement, je me crispe et serre les dents. Un battant de volet en bois claque. Ce n’était que le vent…  

Il fait nuit, mais des flambeaux au mur éclairent assez la pièce pour y voir. Où suis-je ? Je ne reconnais pas cette chambre aux parois fissurées ! Je constate que je ne porte plus mes vêtements, mais une robe ocre en lin. Des bandages propres parsèment mes mains et avant-bras. Un brasero brûle non loin. J’aperçois un autre lit avec une silhouette qui ne m’est pas étrangère : Orphée. Je soupire, rassurée de découvrir un visage familier. Il dort paisiblement. Néanmoins, son bras est noué de telle sorte que je comprends qu’il a sûrement dû se le casser durant le combat et une de ses jambes est surélevée et bandée. Le pauvre, il doit être anéanti à l’idée de ne pas pouvoir jouer ou danser. Sa lyre brisée est au pied du lit.   

Près du mien se trouve un seau avec des linges rougis de sang et un autre où j’aperçois quelque chose de brillant. En l’examinant de plus près, on dirait un épais liquide doré. L’ichor, le sang des dieux. Jamais, je n’avais saigné comme une déesse. Je roule en boule le tissu et le jette, comme si en cachant cette preuve, je pourrai encore dissimuler qui je suis. La fille de Déméter et une meurtrière, à l’image des autres divinités. Les mortels craindront mon nom, Perséphone, celle qui apporte la mort…  

Je me rallonge dans le lit et m’emmitoufle dans les couvertures pour taire mes larmes. Quelle ironie ! Toute ma vie, j’ai rêvé de laisser libre cours à mon pouvoir. J’ai imaginé des milliers de fois ce que je ferais, si ma mère me permettait enfin de l’utiliser. J’étais sincèrement convaincue que j’accomplirais de belles choses. Créant des plantes incroyables, des fruits encore plus juteux et des fleurs aux parfums enivrants. À la place de tout cela, je n’ai fait que donner la mort. Je suis terrorisée à l’idée de le laisser s’échapper encore une fois.   

Habituée à vivre dans ce silence, ne jamais ressentir la force et l’appel de la nature, je remarque à peine son absence. Je suis à la fois triste et soulagée. Mon pouvoir s’est-il à nouveau endormi au plus profond de mon être ? Attendant son éveil, sous le coup d’une trop grande émotion. Je me sens perdue. Inapte à comprendre comment je suis censée l’utiliser. Avant je pensais pourtant être capable de le convoquer quand le fameux élixir prenait fin. Je suis tourmentée par tant de questions, ma mère savait-elle que mon pouvoir deviendrait si imprévisible ? Ou au contraire, est-ce dû au poison, qu’il s'est mué en une force incontrôlable ?   

Je saisis enfin la portée des mots qui ont régi mon existence. Ce discours qu’elle me répétait sans cesse. Je le haïssais, car il me faisait miroiter un pouvoir incroyable, dont je n’avais pas le droit de me servir. Néanmoins, je n’en comprenais pas réellement toutes les subtilités. Je ne peux m’empêcher de chuchoter à moi-même : « Notre pouvoir est de donner vie à la nature. Toutes les déesses, ayant reçu ce don, sont des divinités de la fertilité. Nous pouvons dompter et faire ployer par notre seule volonté les caprices de la terre. Nous pouvons donner vie à la nature la plus abondante sur les sols les plus stériles. De nos larmes, peuvent apparaître les plantes les plus vertueuses qui soient, de notre sang, les plus mortelles et de notre ventre peuvent jaillir des créatures aussi féroces que légendaires. Mortels et dieux convoitent notre pouvoir. »  

La déesse Gaia avait créé le monde dans lequel divinités et mortels vivaient. Cependant, elle avait également donné vie à Cetus qui détruisait tout sur son passage. Enfant, j’avais réussi à faire pousser quelques fleurs autour de notre maison, mais aujourd’hui, je ne sais que donner la mort. Les deux amazones au temple d’Athéna et maintenant la fille de Ponthos. Je me sens coupable et honteuse. Je ne vaux pas mieux que les autres divinités de l’Olympe.  

Koré… où es-tu ?  

Je frissonne d’effroi. Cette voix ! Ce n’était pas un rêve ? C’est bien la voix de ma mère qui me cherche ! Je l’entends dans le souffle du vent. J’en suis persuadée ! Une longue supplique désespérée. Mon cœur tambourine dans ma poitrine. En utilisant mon pouvoir, les autres divinités l’auront ressenti et ma mère Déméter pourrait très bien suivre ma trace ! Non, il ne faut pas que l’on me trouve, ni elle, ni personne d’autre !  

Je me redresse malgré la douleur. Je ne peux pas rester un instant de plus. Je dois m’éloigner au plus vite ! Mais pour aller où ? Hermès m’a dit de ne pas bouger d’ici… Mais je ne peux prendre aucun risque. Je dois quitter Adulis avant la venue de ma mère. Je cherche autour de moi mes affaires et retrouve seulement mes sandales et un xiphos. Près d’Orphée se trouvent l’arc et quelques flèches dans un carquois de cuir. Je jette un dernier coup d’œil vers mon ami endormi et sors de la pièce.  

— Tu comptes nous quitter comme une voleuse Persée ? demande une voix derrière moi.   

Je sursaute et découvre Andromède tapie dans l’ombre, appuyée contre le mur en pierre. Ses longues tresses noires ont disparu pour laisser place à un crâne rasé de prêt. Elle a certainement fait cela en signe de deuil pour son peuple. Cette nouvelle coupe met en valeur ses grands yeux. De légères égratignures parsèment son visage et des bandages entourent ses poignets. Elle a revêtu une robe sombre comme la nuit et je remarque qu’elle tient entre ses mains une couronne toute cabossée. Je reconnais celle du roi défunt. Mais quelque chose a changé outre sa coiffure. J’ai envie de la serrer dans mes bras, heureuse, de la voir saine et sauve. Pourtant je ne m’exécute pas. Je n’arrive pas à déchiffrer les émotions sur son visage, inquiétude, colère ou déception. Je ne crois pas qu’elle me rendrait mon étreinte.  

— Ou devrais-je dire Perséphone, fille de la grande Déméter ? continue Mèda d’un ton accablant.  

— Andromède écoute, je ne pouvais rien vous dire pour ne pas vous mettre en danger… je balbutie, car je ne m’attendais pas à des reproches.  

— Tu es l’une d’entre eux. Tu fais partie de ces êtres qui régissent le monde. Tu t’es bien jouée de nous ! s’exclame la jeune femme en me pointant d’un doigt accusateur.  

— Non, je t’assure que tu as tort… je ne suis pas comme eux.  

— Est-ce que tu t’amusais de nous voir endurer le courroux des dieux ? demande Andromède en avançant vers moi. Pourquoi nous avoir sauvés si c’était pour t’enfuir dans la nuit ? Je te croyais mon amie. Je te faisais confiance ! J’étais inquiète pour toi et en même temps, si en colère ! Comment as-tu pu !  

La colère submerge Andromède et je m’aperçois bien trop tard qu’elle est sur le point de me gifler face à mon silence. Alors que je m’attends à recevoir le coup et ferme les yeux, il ne se passe rien.   

— Qu’est-ce qui vous prend toutes les deux ?   

J’ouvre les yeux. Orphée vient d’intercepter le geste de Mèda. Il semble atterré et ses sourcils froncés font reculer la jeune femme. Le bras en écharpe, je m’aperçois qu’il titube péniblement en se servant d’un bâton d’appui. Le pauvre doit souffrir de ses anciennes et nouvelles blessures.   

— Ne restez pas dans le couloir, vous allez réveiller tout le monde.  

Je me mords la lèvre inférieure. Évidemment, je ne peux les quitter sans leur expliquer mes motivations. À peine, la porte est-elle refermée que je sens un bras m’encercler maladroitement.   

— Je suis si heureux de te savoir rétablie Persée. Tu nous as tous sauvés, c’était incroyable ! Grâce à toi et tes exploits je vais pouvoir réécrire une épopée qui sera sur les lèvres de tous en un rien de temps, à moi la gloire ! s’exclame Orphée espérant certainement détendre l’atmosphère.  

Son rire s’éteint lorsque le regard noir de Mèda se pose sur nous. La jeune reine jette négligemment sa couronne sur le lit et croise les bras. Orphée déglutit, recule d’un pas et la rejoint. Je souffle et retire l’arc et le carquois de flèches. Il est temps d’assumer qui je suis. Mais par où commencer ?  

— Je ne suis pas celle que vous croyez…  

— Nous l’avions remarqué ! me coupe Andromède.  

— Bon cela suffit, tu as beau être reine d’Adulis, comporte-toi avec sagesse Mèda et non comme une enfant. Tu étais aussi inquiète que moi lorsqu’elle ne se réveillait pas, ne prétend pas le contraire, alors maintenant laisse-la s’exprimer, déclare Orphée en s’asseyant péniblement sur le bord du lit.  

Andromède tape du pied et lève les yeux au ciel, puis s’installe à côté de lui. Je prends appui contre le mur et croise les bras.   

— Je comprends ta colère Andromède, mais sache que je n’ai jamais voulu vous mentir. Si j’ai agi ainsi c’est tout simplement, car moi aussi je me suis enfuie de chez moi, je déglutis. 

Le regard de Mèda s’adoucit. 

— Ma mère, la déesse des moissons, est à ma recherche. Je suis en effet la fille d’une divinité olympienne. Mon véritable nom est Koré. Cependant, durant toute mon existence, j’ai vécu cachée et sans pouvoir. Je ne savais pas que j’étais capable de faire ce qui s’est passé, je dis en baissant les yeux.   

— Si tu es la fille de la vénérable Déméter, pourquoi est-ce que tu la fuis ? demande Orphée intrigué.  

Je me dirige vers mon lit et m’assois pour leur faire face. Mais aussi pour gagner du temps avant de répondre. Prononcer à voix haute ce qui s’est déroulé avec Médusa me donne la nausée.   

— À cause de moi, mon amie Médusa, une mortelle, a été maudite par la déesse Athéna. Ma mère m’a empêché de la sauver et avait d’autres projets pour moi. Depuis, pas une journée ne s’écoule sans que je songe à elle. Hermès m’a mené ici afin que je reste cachée. Nous devions la délivrer ensemble. Hélas, depuis que j’ai fait votre connaissance, il n’est jamais réapparu.   

Je relève la tête pour découvrir Orphée pensif et Andromède abasourdie. La colère qui émanait d’elle s’est évaporée. Elle joue nerveusement avec sa couronne.  

— Tu n’es pas obligée de partir. Tu peux te reposer. Et puis, une fois que la ville sera rebâtie et les blessés soignés, je pourrais monter un groupe armé et nous pourrons t’aider à sauver ton amie, déclare Mèda d’une petite voix sans même me regarder.  

Un pâle sourire se dessine sur mes lèvres. La jeune reine se lève, s’assoit à mes côtés. Je prends délicatement ses mains entre les miennes.    

— Elle ne peut pas Mèda, répond Orphée en observant le ciel. Tu voulais fuir dans la nuit, car ta mère approche n’est-ce pas, Koré ? Je l’entends t’appeler depuis hier. 

Je sursaute lorsqu'il prononce mon véritable nom. Andromède est suspendue à mes lèvres. Je sens qu’elle espère qu’Orphée a tort.  

— Si elle me retrouve, jamais je ne pourrais sauver Médusa.  

Une larme roule sur ma joue. Les doigts de Mèda font pression sur les miens. Sa mâchoire se contracte. Elle se retient de pleurer.  

— Est-ce que tu sais au moins où aller ? questionne la jeune femme.  

— Je n’en ai pas la moindre idée. Le plus loin possible avant que ma mère arrive, je réponds en soupirant.  

— Il n’y a qu’un seul endroit où tu peux fuir ta mère et peut-être même retrouver Hermès : descendre aux Enfers, annonce Orphée.  

Mon cœur bondit dans ma poitrine en entendant sa théorie ! Andromède se lève d’un coup, comme si elle venait d’être piquée.   

— Tu n’y songe pas voyons ! C’est trop dangereux ! s’exclame-t-elle.  

— Après avoir affronté Cetus, je pense qu’elle ne risque pas grand-chose. C’est une divinité et elle est capable de tout, répond Orphée en me souriant.  

— Comme elle l’a si bien dit, elle ne sait pas utiliser son pouvoir !  

Andromède et Orphée se disputent. Elle est contre cette idée évidemment. Je m’avance vers la fenêtre et observe le ciel étoilé se confondre avec la mer paisible. Étrangement, je n’entends qu’un vague brouhaha derrière moi. Le plan d’Orphée est brillant, terrifiant, mais brillant. Je n’ai pas beaucoup de temps pour réfléchir, mais cette idée me semble tout à fait réalisable. Ma mère approche et je ne peux pas la laisser m’emmener. Et puis, à présent, que mon pouvoir s’est éveillé, il est possible que d’autres divinités me retrouvent avant ma mère. Jamais personne ne pourra ressentir mon aura, une fois dans le royaume des morts. Et avec un peu de chance, je pourrais y trouver Hermès. C’est la destination la plus proche et curieusement la plus sécuritaire. Alors que je sais pertinemment que mille dangers m’attendent là-bas si toutes les histoires sont vraies. Ma décision est prise, je n’ai pas le luxe de pouvoir réfléchir plus longtemps de toute façon. La brise marine secoue mes cheveux et je me retourne déterminée pour faire face à Mèda. Elle ferme les yeux, dépitée.  

Dans la nuit noire, nous traversons le palais partiellement détruit. Mes amis me narrent comment ils ont déjà commencé à rebâtir la ville et porter secours aux habitants. Les survivants ont à cœur de rendre sa splendeur à leur cité. Ils n’oublient pas qu’Andromède était prête à se sacrifier pour eux. Orphée est fier de raconter comment la population l’a acclamée lorsqu’elle a pris la parole et qu’on lui a remis la couronne.  

Nous pénétrons dans les cuisines. Malgré les décombres, elle et le garde-manger n’ont pas trop souffert durant l’attaque du monstre marin. À contrecœur, la reine d’Adulis m’aide à remplir une besace en cuir de pommes et de gâteaux au miel et d’une outre de vin sucré. Orphée clopine derrière nous et énumère quelques recommandations qu’il a pu entendre lors de ses recherches.  

— Supposons qu’il apparaît, ne songe pas à affronter Cerbère. 

— Tu crois qu’un chien géant à trois têtes existe réellement ? Tiens, attrape cette outre, dit Mèda en me lançant l’objet.  

— Ma mère disait toujours qu’il ne faut jamais accepter une faveur de Charon, reprend Orphée. 

— Penses-tu qu’il existe vraiment un vieillard qui transporte les âmes une par une ? Il te faut de quoi te couvrir. Allons te chercher un chlamyde ! s’exclame la jeune reine. 

Dès qu’Orphée commence à me donner une instruction, Andromède le coupe et espère le faire changer de sujet. C’est puéril, mais je crois que c’est sa manière de se dire qu’elle m’aide elle aussi. D’un autre côté je peine à retenir toutes les informations sur les Enfers. Plus nous avançons dans la nuit et plus je sens mon esprit s’emballer à l’idée de disparaître sous la terre. 

Orphée me raconte qu’une vieille dame lui aurait récité d’étranges recommandations qu’il ne comprenait pas, comme le fait qu’il ne faut se fier à la lumière, qu’il faut écouter le vent et surtout, qu'il faut suivre le courant de l’eau, sinon je me perdrais dans les galeries souterraines. Et enfin, plusieurs choses à propos de la nourriture quand soudain je l’entends à nouveau !  

Koré, mon enfant où es-tu ? 

Orphée me lance un regard inquiet. Je reste crispée sur le carquois de flèche offert à l’instant par Mèda. Ma mère semble si proche de nous. Je dois vite me cacher avant qu’il ne soit trop tard !  

Munie d’un flambeau, Andromède nous guide à travers le palais endormi. À mon grand étonnement, nous entrons dans la salle des termes. Ce devait être splendide avant l’attaque. Des colonnes se sont fracassées sur le sol, les mosaïques ne représentent plus aucune forme distincte et les eaux sont grises de poussières. Nous enjambons les débris. Orphée peine à nous suivre. Puis nous pénétrons dans une pièce où figure une statue colossale d’un serpent. Andromède actionne une écaille et une porte dérobée apparaît sous nos yeux ébahis. Devant les escaliers menant aux ténèbres, Orphée s’avoue vaincu. Mon cœur se serre à l’idée de le quitter. Nous avions passé de si agréables moments ensemble dans cette maisonnette sur la falaise.   

— Bon et bien c’est ici que nos chemins se séparent fille de Déméter et pourfendeuse de monstre, déclare Orphée.  

— Tant que je ne t’aurais pas entendu chanter, je ne croirais pas que tu es celui qui a navigué avec Jason et Héraclès, je plaisante en le serrant dans mes bras.  

— Si tu vois mon épouse, de grâce, dis-lui que j’arrive. Prends ce collier, dit-il en retirant le bijou autour de son cou. Elle me l’avait offert le jour de notre mariage pour me porter chance. J’espère qu’il t’aidera dans ta quête.  

L’escalier est étroit et m’oblige à me déplacer derrière la reine. Andromède descend les marches en silence. Seul l’écho ne nos pas résonne. Un étrange sentiment m’habite à chaque pas nous entrainant encore plus bas. La dernière fois que j’ai dû fuir ma mère, c’était dans la précipitation, les larmes et la tempête. Hermès devait veiller sur moi, je n’étais pas seule. Je caresse son anneau d’argent, toutes mes pensées se tournent vers lui et j’espère que nous nous retrouverons. À présent, je m’apprête à quitter mes nouveaux amis et je me sens assez forte pour le réaliser même si c’est terrifiant. Je déglutis lorsque nous atteignons enfin le fond.  

Andromède allume quelques flambeaux et je découvre une pièce vide et sans aucun ornement. Face à nous se trouve une porte cuivrée toute simple et sans aucune fioriture. Étrangement, je suis assez déçue. Cela doit transparaître sur mon visage, car Mèda rit en accrochant sa torche au mur :  

— Tu t’attendais à une immense salle bourrée de trésors et richement décorée ? Moi aussi la première fois j’ai été déçue.  

— Pour une porte qui mène aux Enfers, on pourrait croire qu’il s’agit de l’entrée du garde-manger, je rétorque.  

— Oui, en temps normal il y aurait eu un garde toutes les trois marches, mais tous ont péri dans les combats.  

Les flammes se reflètent sur la porte et teintent la peau d’Andromède d’un éclat ocre. Elle a remis sa couronne et je dois dire qu’elle lui sied à ravir. J’espire du fond du cœur qu’elle arrivera à surmonter le deuil de sa famille et de son peuple.  

— J’aurais tant adoré que tu restes Persée, dit-elle en serrant ses mains. Oui, je préfère ce nom à l’autre, il te va bien mieux.  

— Et toi aussi cette coiffure te va bien, je réponds en souriant  

— J’espère que tu aimes, car je pense qu’en tant que reine je vais garder cette apparence. Il faut dire que j’ai tout un royaume à rebâtir en t’attendant.  

—  Tu seras une merveilleuse reine Andromède. Tu n’es plus fâchée ? je demande en lui prenant la main.  

— Voyons tu m’as sauvée moi et ma cité, comment pourrais-je t’en vouloir ! J’étais en colère, car je savais déjà que tu ne pourrais plus rester avec moi…  

Elle se détourne et glisse la clé que m’avait montrée Orphée. Le bruit du loquet se déverrouillant résonne dans toute la salle. Puis un bruit sourd retentit et la porte s’ouvre dans un nuage de poussière, nous faisant sursauter toutes les deux. Un vent glacé s’engouffre dans le tunnel plongé dans les ténèbres. D’instinct nous reculons. Puis, comme par enchantement, des braseros s’allument comme une invitation à entrer.   

Andromède recule d’un pas sans me lâcher la main. Je dois contenir ma peur pour ne pas l’inquiéter. Ses grands yeux noirs humides m’observent. Elle aussi essaye de se retenir afin que nos adieux ne soient pas si difficiles.   

— Nous nous reverrons n’est-ce pas ? demande-t-elle d’une voix suppliante.  

— Bien sûr que oui, nous sommes amies Mèda, je réponds espérant du fond du cœur que cela se réalise.  

Toujours en tenant ma main, Andromède s’approche doucement et caresse de son autre main ma joue. Son visage n’est qu’à quelques centimètres du mien. Ses yeux aussi noirs et brillants que l’onyx me dévorent.   

— Je te fais la promesse que nous nous reverrons, murmure-t-elle, avant de poser ses lèvres humides sur les miennes.  

Je suis surprise par ce contact inattendu. Son baiser est chaud et a un goût de soleil. Jamais on ne m’avait embrassée et je n’ose pas la repousser. Lorsqu’elle met fin à cet échange, je la regarde sourire et nous rions de bon cœur. C’était comme si elle venait de sceller cette promesse de nous retrouver. Après une dernière étreinte, la reine d’Adulis recule tandis que je traverse la porte des Enfers.  

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Passionlivres
Posté le 12/11/2022
Le personnage de Koré est très intéressant, il est à la fois constant et plein de surprise ! Je ne saurais le décrire précisément ! C'est vraiment difficile de donner une dimension si grande à un personnage pendant tout un récit, jusqu'à maintenant vous avez réussi à le faire avec brillo !
Noe
Posté le 12/11/2022
Très belle conclusion pour ce pan de l'histoire. Rien n'est laissé au hasard, Koré ne cesse de grandir et de s'affirmer. Un plaisir de suivre ton récit!
Plumenchanté456
Posté le 12/11/2022
Après cette histoire on a qu’une envie, c’est de continué cette merveilleuse aventure qu’est l’histoire. En avant pour la suite des chapitres.
Néanmoins bravo ! Toujours aussi belle écriture.
LorenzoBook
Posté le 25/09/2022
On voit DE TRÈS BELLE amélioration comparé au début !!! J’adore ! J’ai super hâte de continué !!! Et de suivre encore et encore Kore ! Avec Hermès et Hades 😆
dollykitten
Posté le 22/09/2022
Jadore ce chapitre, c'est une belle transition pour la suite de son aventure!

J'ai repéré 2 petites choses:
qu’il ne faut se fier à la lumière : manqeue le "pas"
J’espire du fond du cœur qu’elle arrivera à surmonter le deuil : j'espire au lieu de j'espère
Ella Miller
Posté le 15/09/2022
Jolie mise en bouche
Une aventure se finit laissant le chaos et consolidant de belles amitiés.
En route pour un nouveau périple dont personne n'envie la destination, mais nous vous faisons confiance J.J. Canovas, nous allons vibrer !
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