Chapitre 16 : L'art de la culpabilité

Par Malodcr
Notes de l’auteur : Un nouveau chapitre sera publié tous les 15 jours.
Me permettant d'avancer sur l'écriture et d'effectuer des réécriture, je trouve que mon style d'écriture a évolué et les premiers chapitres sont lourds à lire...

N'hésitez pas à me laisser un commentaire, je prendrai à coeur de vous répondre !

Assise sur une table éloignée de tous, Emy observait ces personnes qui semblaient vivre. Une histoire d'acceptation pour aller de l'avant qu’ils disent.

Une acceptation biaisée par l'ingestion de médicaments qui contrôle l'humeur.

Qui pensait comme elle ?

Comment peuvent-ils sourire dans une telle situation ?

Est-ce qu'ils ressentent les émotions ? Les assimilent ?

Pour elle, cela semble remonter à loin et c'était avec lui. Une pointe s'enfonce dans son cœur, son ventre se noue.

Qu'a-t-il fait pendant deux mois ? L'aurait-il oublié ? Non, impossible.

Et si ...

— Eh, tu t'appelles comment ?

Cette voix l'atteint de plein fouet et l'éveilla de cette tourmente mais au lieu de répondre, Emy lui décocha un regard noir. Loin d'effrayer le garçon qui se tenait devant elle.

— Moi c'est Rapahël mais appelle-moi Raph.

— Tu sais quoi ? Je t'appellerai carrément pas.

— Ah ouais, t'es du genre sarcastique toi, j'aime bien. il lui décocha un rictus amusé.

Emy ne lui répondit pas, laissant le champ libre à Raphaël de venir s'installer à côté d'elle.

— J'ai 17 ans et je suis ici pour me remettre de violences physiques et psychologies causées par mes parents, les séquelles psychologiques sont plus profondes.

Ne voulant le laisser sans réponse en raison d'une certaine pitié, elle tenta de trouver les mots juste :

— J'ai un ami qui a subi la même chose, j'espère que tu t'en remettras, sincèrement.

Elle tourna la tête vers lui pour appuyer ses propos.

— Tu as donc un ami avec ce sale caractère ?

— Oubli ce que j'ai dit, oubli même que j'ai une voix.

— Et même une très jolie voix, lui adressa-t-il les yeux remplit de malice.

Raphaël à les cheveux bruns mi-longs qui sont attachés en queue de cheval, ses yeux sont marrons, il doit faire dans les un mètre soixante-quinze.

— Je peux pas t'en dire autant.

— Touché.

Il y eut un petit blanc.

— Tu comptes ne rien me dire sur toi ?

— J’ai dix-neuf ans, Léon a dû avoir vingt-et-un ans, je suis ici car il m’a sauvé.

— Léon ? Sauvé ?

— Sauvé de moi-même, Léon est mon ami.

— L’ambiance de fou, je voulais te draguer mais t’es déjà focus sur un gars.

Emy vira au rouge, preuve que finalement elle ressentait encore des choses.

— Mais j’ai jamais dit que je l’aimais ! s’emporta-t-elle.

— Donc j’ai une chance ?

Elle réfléchit, et tous ses souvenirs avec Léon lui parvinrent, tout ce qu’il s’était passé, sa chaleur, sa présence, sa résilience, son écoute, tout. Une larme lui échappa et elle n’en avait que faire.

— Non, aucune.

— Tu as la veine d’avoir un type qui te fait lâcher une larme en souriant? Wouah, quel bonheur.

— Quel sarcasme, tu me surpasse. Et puis sache que je suis là en raison de ma Dépression et de mes trois tentatives de s**c*de.

— J’espère que toi aussi tu t’en sortiras, sincèrement.

Il la regarda à son tour, pour appuyer ses propos.

— Tu veux venir ? lui demanda-t-il avec un mouvement de tête en direction d’un groupe.

Emy déclina, prétextant le souhait de rester en retrait pour sa première venue. Raphaël n’insista pas et rejoignit les autres adolescents qui jouaient au Skyjo.

Qui était là pour les mêmes raisons qu’elle ?

Tapis dans l’ombre, elle attendait que les minutes passent, qu’on leur dise enfin de remonter dans leur chambre. Bien qu’Emy puisse faire ce qu’elle voulait – rester ou retourner dans sa zone de confort – elle préférait aller au bout de l’atelier malgré l’impatience et l’ennui qui la gagnait. Et hormis Raphaël, personne n’avait fait attention à elle, comme ce jour de février.

— Bientôt un an, chuchota-t-elle.

Raphaël lui lançait parfois des coups d’oeil, non pas pour l’inciter à se joindre à la bande mais pour vérifier qu’elle ne soit pas partie. Il l’aimait bien apparemment et cela la gênait un peu, et si elle essayait de remplacer Léon ?

Une sonnerie retentit, cela signifiait qu’il était l’heure de partir. Le brun alla la voir sans doute par crainte qu’elle ne disparaisse en l’oubliant.

— Eh, euh, tu ne m’as pas dit ton prénom, la sarcastique.

Elle releva un sourcil puis se résigna à répondre.

— Ah, oui. C’est Emy.

— C’est court, c’est cool, c’est jolie, j’aime bien ! il affichait un sourire particulièrement niais.

— Cool.

— Je peux te raccompagner ?

Emy paru surprise mais acquiesça, cela avait quelque chose d’étrange, un air de déjà-vu. Raphaël était lumineux et étonnamment, elle se sentait relativement bien après cette sortie hors de sa chambre, peut-être y avait-il contribué ?

****

La semaine qui suivie, Emy participa à deux activités et elle s’intégra à deux groupes différents chaque fois. C’était dérangeant mais cela l’amusait. D’ailleurs, elle se sentait trop heureuse par rapport à sa situation et elle en connaissait la raison : le traitement aux anti-dépresseurs faisait effet. Cette perspective la rongeait : la dépendance médicale.

Raphaël lui donna un coup de coude, c’était à elle de jouer.

— Oh pardon.

— T’inquiète, ça nous arrive tous, la rassura une fille rousse prénommée Isis.

Ils continuèrent la partie avec quelques rires mais jamais de discussions, au grand plaisir d’Emy. Quand finalement l’heure sonna, Raphaël lui proposa de discuter un peu, elle accepta mais au fond d’elle, elle regrettait d’avoir pensé trop vite.

Les deux camarades s’installèrent dans une salle de repos, Emy prit le pouf et Raphaël le canapé sur lequel il s’allongea sur le dos.

— Je t’apprécie Emy, déclara-t-il soudainement.

— Euh, merci ? Prise au dépourvu, elle ne trouva pas de meilleure réponse, ce qui fit s’esclaffer le garçon.

— T’es un drôle de phénomène.

— Tu me fais une décla’ ou c’est comment ?

— Houlà, non ! je te laisse à ton Léon mais par contre…, il hésitait à finir.

— Oui ? l’encouragea-t-elle.

— Tu as changé, trop changé.

Emy l’observa mais lui regardait le plafond.

— Je me suis faite la réflexion, oui. Je vais trop bien.

— La chute en sera très douloureuse.

Pour la première fois depuis le peu de temps qu’elle le connaît, Raphaël se montrait négatif, sombre et vraisemblablement, un peu effrayé. Avant qu’Emy réponde, il reprit :

— Je dis ça pour toi, fais attention, quand le traitement s’arrêtera tes vraies émotions reprendront le pas et garde en tête que tu les as réprimé longtemps, involontairement certes.

— Ça ne fait qu’une semaine.

— Crois-moi, ça suffit.

Emy sentait qu’il y avait une histoire derrière ces propos et elle voulait savoir et décida de ne pas se retenir.

— Raphaël, tu peux me dire de qui tu parles ?

Il tendit sa main vers le ciel.

— Ma grande sœur. Elle avait ton âge, vingt ans, quand… quand elle a décidé de mourir.

Tout prenait sens : il veillait sur elle, la surveillait, partageait de son temps, il était gagné par la peur qu’elle ne disparaisse aussi. Pas vraiment de la culpabilité – enfin pas entièrement – mais la crainte que cela ne recommence. Pour autant, elle ne pouvait pas faire un tel engagement envers lui.

— Tu sais que je ne peux rien te promettre, n’est-ce-pas ?

— Oui. Mais si tu craques, appelle-le. Si tu savais à quel point ton expression change quand tu parles de lui et on peut même deviner quand tu y penses.

Emy se recroquevilla, gênée de sentir mise à nue sur ce sujet.

— Emy s’il te plaît. On perd la boule quand on perd sa drogue.

— Je l’appellerai. Promis.

— Merci.

Pour changer au mieux de sujet, Emy lui raconta ses années passées dans son centre-équestre puis Raphaël lui conta comment il s’était retrouvé coincé dans un téléski : une sangle de sa combinaison de ski s’était prise dans l’assiette du remonte pente, l’empêchant de s’en retirer, il a bloqué la ligne pendant trente minutes car ça s’était emmêlé et personne n’arrivait à l’en défaire, finalement, la combinaison fut coupée et il se promis de ne plus jamais y retourner.

Il y avait du bon à être proche de quelqu’un, on se sent moins seul. Mais Raphaël n’est pas lui, et c’est de lui dont elle a besoin.

Après deux heures d’échanges, deux infirmières vinrent les chercher, elles n’étaient pas en colère mais ils avaient probablement inquiétés une bonne partie du personnel, ils se confondirent en excuses et chacun rejoignit sa chambre.

Emy s’assit à son bureau et observa les lumières artificielles qui s’émanaient des logements alentours. Ce soir là, elle prit une décision : elle stopperait son traitement. Bien que les vrais effets n’aient commencé à se voir que très récemment, elle sentait que son corps ne fonctionnait pas comme il le voudrait. Et c’était bien pire dans sa tête. C’était trop factice pour le supporter.

Ce n’est pas qu’elle trouvait la douleur rassurante mais bien que dès la fin des médicaments, elle fera une rechute et elle voulait l’éviter. Souffrir est une chose mais ne jamais guérir en est une autre.

On ne soigne pas une Dépression comme on soigne un rhume, prendre des cachets n’efface pas les symptômes, au mieux ils les déplacent. Qui plus est, si la maladie a déjà des racines partout en sois.

Emy quitta sa contemplation et se dirigea dans sa salle de bain, portée par un mouvement quasi-inconscient. Face à son miroir, elle prit peur. Elle se regardait sans se voir, ce n’est pas elle, ça ne peut pas être elle. Elle, elle ne va pas bien, pourquoi son reflet sonne faux ? Au final sa haine reprend le dessus mais beaucoup trop violemment.

Les cachets.

Les cachets ne font plus effets.

Là tout de suite, elle s’en fiche. Elle se fiche de beaucoup de choses.

— Pourquoi t’es encore en vie ?

C’est elle ou le reflet qui a parlé ? La démence la gagne ?

Une voix triste pose cette question sérieusement. Raphaël avait raison : on perd la boule quand on perd sa drogue. Et le plus ridicule, c’est qu’elle ne l’a perdu que depuis cinq minutes.

Ce miroir la rend dingue. Prise dans sa folie, elle tente de mettre un coup de poing dans son visage projeté mais en vain, le verre est protégé. Alors, elle tente de l’arracher du mur, elle s’épuise à la tâche : elle ne veut plus se voir. Luttant dans le vide, elle s’arrêta, plongea son regard dans la sien, il la nargue ? C’est à ce moment qu’elle perdit le contrôle. Emy se mit à hurler à plein poumons en essayant encore d’enlever la source de sa haine : elle-même. Euphorique, elle retourna dans sa chambre et se remit à crier de plus belle, en frappant les vitres à s’en détruire les phalanges, elle balanca sa chaise à travers la pièce, retourna son bureau et tambourina contre le mur. Elle agit hors d’elle mais pour elle.

Puis le calme revint, s’imposa à elle. Dos au mur, elle se laissa glisser au sol, à terre elle se mit à pleurer.

Avec fracas on entra dans sa chambre : Sandra.

L’infirmière accouru auprès d’Emy, la jeune fille à le regard complètement dans le vague, elle est déboussolée.

— Emy ?

Sandra la secoua légèrement mais aucune réaction.

— Emy !

Elle émergea soudainement, comprit ce qu’il se passe et ses larmes redoublèrent

— Pardon, pardon, pardon, pardon.

Les mots se noyèrent dans son chagrin en même temps elle enfonça sa tête dans l’épaule de l’infirmière.

— C’est rien ma grande, calme toi.

Sandra se veut rassurante, elle a toujours été comme ça, optimiste, réaliste et sensible. Mais face à une pré-adulte coincée avec des émotions aussi complexes, on se sent démunis.

Emy agrippa les bras de la femme.

— Je dois l’appeler. S’il te plaît Sandra. Je dois lui parler. Sandra,j’ai besoin de lui. Je t’en prie.

Elle suppliait l’infirmière, la tête baissée mais sincère.

— Emy ce n’est pas…

— S’il te plaît !

Sandra se releva en emmenant la jeune fille.

— Viens.

L’adulte tenait les frêles épaules de sa protégée, elles marchaient dans les couloirs sans qu’Emy ne fasse attention à son environnement. Le prénom tournait en boucle dans sa tête. Elle se réveilla quand Sandra lui tendit le téléphone portable, le sien.

— Appelle-le.

Emy prit le portable et l’infirmière sortit.

Elle l’alluma, patienta, tapa son code puis ouvrit directement la page contacts. Elle n’hésita pas, elle devait lui parler, aussi brièvement que cela leut était autorisé.

Il y eut seulement deux sonneries avant que cela ne décroche.

— Emy !

Sa voix, la voix de Léon, c’était bien lui. Une larme coula.

— Emy qu’est-ce-qu’…

Elle le coupa.

—Léon, viens, aide...non, sauve-moi.

À suivre

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