Chapitre 16 - L'autoportrait

Par Gaspard
Notes de l’auteur : Par lequel, ça y est, on est dedans :)
Merci d'en être arrivés jusque-là.
J'ajouterai la suite plus rapidement, cette fois.

Je marche pieds et torse nus. J’ai réglé ma combinaison d’entrave, qui me recouvre tout le corps, de façon à ce qu’elle laisse vent et pluie la traverser. Elle pèse ses habituels 40 kilos, mon poids de cœur, de sorte que mes déplacements ne sont plus un automatisme mais un effort conscient que je dois maintenir en permanence. Lourd comme je suis, je sens mes sésamoïdes s’enfoncer dans le sol à chacun de mes pas, sculptant la terre humide en starting-block pour une parfaite optimisation de la foulée suivante. Chaque appui me procure une sensation délicieuse de maîtrise et m’encourage à augmenter la cadence. Alors, petit à petit, j’accélère.

Je marche entre les arbres noirs d’une forêt touffue de conifères. Au-dessus de moi, leurs cimes fières fouettent en vrombissant d’indignation l’air mutin qui ne cesse de les pousser hors de leur place naturelle. Une houle disparate, mais violente, agite la canopée comme une méchante fièvre. Je distingue mon chemin grâce aux extravagances du ciel de guerre qui nous surplombe ; ses invraisemblables décharges de foudre illuminent d’un bleu diffus, passées mille branches densément entrecroisées, un épais tapis d’épines claires flottant sur un océan d’humus. Par intermittence, des explosions orangées viennent réchauffer le temps d’un clin d’œil ce panorama digne d’une scène de colère de la créature du Dr Frankenstein.

Je marche seul au milieu du monde furieux contre une humanité que j’espère ne plus représenter, que je porte pourtant avec moi ; je transmets, pour la deuxième fois de ma vie. Cinq Libellules volettent autour de moi : les trois miennes, que dirigera la même application automatique que la dernière fois, et les deux de Fiona dont elle a récupéré le contrôle. Une fois son offrande acceptée, je la lui ai rendue en lui demandant, un genou en terre, de bien vouloir être ma réalisatrice d’un soir.

Avant de couper mon accès à ce genre de données, afin de pouvoir me concentrer sur ce qui m’attend, j’ai perçu la réception par Diane de quelques centaines de mes congénères, ce qui m’a permis de découvrir que mon don fonctionne aussi à cette échelle. Cependant que je sortais de l’auberge et me dirigeais vers la falaise qui la protège, à la recherche du passage que venait de me recommander Fiona, j’ai passé en revue une myriade de paysages mentaux, au rythme des connexions de leurs propriétaires, comme autant de billes multicolores qui auraient défilé devant mes yeux avant de s’étioler dans le lointain. À moins d’un gros effort de concentration, le détail de chacune m’échappait mais j’en tirais naturellement une impression d’ensemble sur l’humeur de mon public. En deux mots : bienveillance et curiosité. Il y avait là, ai-je pensé, dans l’existence de cette audience, aussi bigarrée qu’attentive, d’inconnus me voulant du bien de quoi être fier des siens et heureux de vivre.

Certaines présences familières m’ont néanmoins sauté au visage. Maxwell, aussi discret qu’un hippopotame au centre d’un champ de pâquerettes, déboulant parmi les tout premiers en criant – je l’imaginais : « À l’AVENTURE, GAMIN ! » Fiona, que je venais de quitter, toute en calme intensité. Luciole, dont la présence m’a arraché le cœur d’allégresse. Je me suis interdit d’explorer plus avant son état d’esprit malgré les intrigantes demi-teintes que je recevais d’elle. Kaya, ma petite sœur, folle d’excitation. Mon père, là. Ce cher Senga, enfin, que j’ai deviné accompagné d’Artan et qui, par les puissants rayons d’amitié qu’il m’envoyait, m’a aidé à atteindre rapidement les niveaux nécessaires d’assurance et de sérénité dont j’avais besoin.

Que peuvent-ils bien ressentir tous ces gens, mes amis, ma famille, elle, ces femmes et ces hommes de valeur, à l’intérieur de moi ? Ceux qui pèsent lourd sont-ils surpris de leur légèreté ? Ceux qui sont petits s’étonnent-ils de mes longs bras ? Les nerveux me trouvent-ils mou ? Les sages, excité ?

Suis-je agréable à être ?

Pour l’heure, oui, sans aucun doute. Je me sens si bien. Allez, les copains, c’est pour vous ! Je fais quelques pas bondissants, les muscles relâchés, pour mesurer la souplesse de mes épaules, de mes hanches, de mes genoux, la puissance de mon dos et de mes cuisses, l’assurance de mes appuis. Je tiens une forme olympique !

Alors je cède à cet appel que je reçois de tout ce qui m’entoure, des arbres, de l’air, de mon sang, de mes semblables, et je commence à courir. À petites foulées, d’abord, comme pour m’échauffer, en accompagnant ma course d’un léger balancement de mon torse puis de mon cou.

Le terrain devant moi monte en pente légère ; c’est une large bande de forêt qui grimpe doucement depuis la vallée jusqu’au plateau fourmilier, en longeant la falaise au pied de laquelle Fiona, Rodolf et moi avons passé notre soirée. Quelque part à ma gauche, à une distance que j’évalue mal, se trouve un précipice qui s'approfondit un peu à chaque pas que je fais. J’en ai une conscience mentale approximative grâce au vacarme lointain que produisent les rafales s’écrasant en bloc contre la lisière des bois avant de penser à s’affiner pour s’infiltrer, avec force sifflements, entre les denses rangées d’arbres. Ce sont ces maigres têtes de couleuvres affaiblies, de pauvres mèches folles, qui déjà, pourtant, en glissant sur ma peau, parviennent à en arracher d’infimes lambeaux que j’imagine ensuite trainer en banderoles sanguinolentes derrière leur gueule ouverte, accrochés à leurs crocs torves, tandis qu’elles poursuivent leurs charges de banshees. Je subis ces estafilades, ainsi que celles commises par les quelques malheureuses branches sur lesquelles je viens m’érafler, sans broncher. Le vrai monstre, le réel ennemi, la mythique Méduse, à la chevelure mortelle de mambas noirs et de najas, aux victimes innombrables, frappera avec une puissance incomparable lorsque je sortirai du couvert de cet immense bouclier naturel.

Je dois être fou mais l’idée de ce combat perdu d’avance, contre un adversaire invulnérable, me galvanise. Je déborde d’impatience. Je voudrais moi aussi être doté d’une force divine ; d’un geste de la main, je pulvériserais ce hérissement de brindilles qui me sépare du Cataclysme et, enfin, nous y serions. Face à face. Deux titans débordant de morgue.

La bataille.

Profitant de son innocuité passagère, je laisse l’adrénaline m’envahir tout entier et former une boule de rage adolescente, d’absurde fierté, que je crie à l’invisible lune. YAAAAAAH !

Autour de moi, de loin en loin, par grappes ou en points isolés, s’élève en réponse à mon appel involontaire un concert de hurlements …

Les loups !

J’étais persuadé que Pépé Rodolf les avait inventés pour faire peur à Fiona !

Aussitôt, mon environnement semble beaucoup moins inoffensif. Tandis que j’allonge encore mes foulées, protégeant mon visage de mes avant-bras chaque fois que je m’apprête à traverser une zone plus opaque encore que les ténèbres omniprésentes, je commence à étudier les formes et la mobilité de toutes les ombres que je croise. Ma vision périphérique se peuple de créatures menaçantes et éphémères qui s’évanouissent dans le néant dès que mon regard se pose sur elles, pour mieux réapparaître quelques mètres plus loin, à l’orée de ma conscience, poils hérissés, rictus sauvage, griffes, canines et pupilles luisantes. Derrière l’incessant bruissement d’un milliard d’épines orgueilleuses mises au défi, par le vent malin, d’élire en une nuit leur plus fine lame, je crois deviner des galopades et des grognements de plus en plus proches.

Décidément, j’ai le chic pour tomber sur des meutes de bestioles mal lunées, cette semaine. Mais quel plaisir de constater en personne la belle densité de la biodiversité sur notre planète. Quelle pouilleuse, cette Terre ; c’en est à croire qu’elle tient absolument à être infestée de microbes. On a beau faire des pieds et des mains pour l’en débarrasser, à peine est-elle sortie du bain que la voilà à nouveau couverte d’une effroyable quantité de saleté. Ça me fait penser à un vieux personnage de bande dessinée, du temps jadis, dont mon père m’a souvent parlé quand j’étais gamin … « Lupus » ? Ce serait de circonstance !

J’en ai compté cinq, jusqu’ici. Trois d’un côté, deux de l’autre. Il m’en manque sans doute quelques-uns pour situer la troupe au complet.

J’espère qu’aucun des membres de cette famille-là n’a été atteint de gigantisme comme le gorille de Iori ou ma petite Big Mama. J’ai beau être au top de ma forme, je ne sais pas quelles seraient mes chances de survie si je devais me battre contre un loup de la taille d’un éléphant.

On l’appellerait Fenrir.

À mesure que j’avance, la déclivité du terrain augmente et mes efforts avec. Je laisse ma respiration accélérer un peu et en joue pour contrôler le rythme de mes battements de cœur. Je suis content de constater qu’ils restent d’une stabilité imperturbable ; comme lors de mon duel contre Fiona, mes facéties de surface, légères hésitations, inquiétudes ou tergiversations en tous genres, n’ébranlent pas mon noyau. Grâce à l’enseignement d’Askeladd et à l’indéniable supériorité physique qu’il m’a permis d’acquérir vis-à-vis de tant de choses et d’êtres, je peux, dans ce genre de situations, me concentrer sur le plus important : ne pas blesser ceux qui s’en prennent à moi. Et prendre du plaisir.

Lorsque le premier loup bondit, j’entame un pas de danse.

3 kilos au genou gauche, que je fléchis une fraction de seconde avant d’intercepter les crocs de mon assaillant avec mon avant-bras droit, levé un peu au-dessus de l‘épaule. J’ai gonflé ma combinaison d’entrave au point de contact pour que la morsure ne déchire pas ma chair.

5 kilos à l’épaule gauche, que je fais pivoter vers le sol. Je mobilise mes abdominaux et tord ma colonne vertébrale dans un tonneau à pleine vitesse. Je sens mes jambes, auxquelles je n’ai laissé qu’un kilo à chaque pied, quitter le sol.

7 kilos à la main droite, auxquels s’ajoute le poids de l’animal qui y est accroché, pour donner un puissant coup de taille, tandis que je tournoie dans les airs, vers le ciel et plus loin, dans mon dos, là où était ma gauche il y a une seconde, vers le précipice. Le mouvement, parfaitement synchronisé avec la charge du loup, me donne un élan et une vitesse de rotation formidables. Juste avant que mon pied gauche ne touche terre – j’ai plié ma jambe droite, je dégonfle ma combinaison d’entrave et mon partenaire pour cette jolie figure de rock acrobatique en milieu naturel, privé de prise, est éjecté au loin, à un angle idéal de 45°. C’est un lancer splendide ; il faudra bien 3 ou 4 secondes avant que la pauvre bête atterrisse et doive décider si elle réitère ou non son engagement dans la poursuite. Cependant que son jappement, dérisoire, se disperse dans le boucan qui règne alentour, je conclus ma vrille par une réception maitrisée. Juste à temps pour m’élancer vers une branche, que je distingue à la faveur d’un éclair, et éviter ainsi qu’un deuxième adversaire me grignote un talon. Je leste mes chevilles et profite du mouvement de balancier pour me faire gagner quelques mètres et, avec, quelques secondes de répit, sur cette bande d’affamés. Après quoi, je me déleste de 20 kilos et me lance dans un sprint effréné.

Je pète le feu, je n’en reviens pas !

Depuis que je sais le prénom de ma Graine, la fluidité de nos interactions a grimpé d’un cran supplémentaire. Comme si Diane, plutôt que de répondre à mes impulsions, prenait les décisions en même temps que moi. Je n’ai plus besoin de demander, je n’ai qu’à vouloir !

C’est ébouriffant d’évidence … Et grisant.

Je caracole en tête de la meute et me figure, dans mon exultation, en être le mâle Alpha, plutôt que la cible. Nous partageons une intention, celle d’aller de l’avant, celle de manger, mais la direction du groupe est ma responsabilité. D’un geste, d’un grognement, je modifie notre formation : Bazalte passe à gauche, Dogan se laisse distancer, Havelock part en éclaireur … Leurs yeux sont mes yeux, leur odorat, leur ouïe, la dureté du sol sous leurs coussinets me renseignent sur nos environs, m’indiquent des tactiques qui assureront notre victoire : la perte de notre proie, le bipède récalcitrant qui s’est débarrassé tantôt de l’impatient Barnabé.

Si j’avais une armée de sensilles et que je les semais au sol, y’aurait-il une chance que certaines s’épinglent par hasard aux bons nerfs de mes poursuivants ? Et saurais-je alors établir une communication, tout en continuant à les fuir ? Impossible. Iori ou Shandia peut-être y arriveraient. Ils viendraient six mois à l’avance, se familiariseraient avec les habitudes des loups, prépareraient le terrain et feraient une dizaine de tentatives en solitaire avant de nous convier à se joindre à eux. Bref, ils agiraient avec patience, professionnalisme, et attendraient d’être sûrs d’avoir quelque chose d’intéressant à proposer avant de se soumettre à notre curiosité. De mon côté, je n’ai comme outils à ma disposition, pour éviter la déception de mes hôtes, que leur indulgence naturelle et ma bonne fortune de débutant.

Devant moi, un mur noir approche trop vite. Peut-être est-ce un dense sous-bois marquant la lisière de la forêt, peut-être est-ce la falaise, peut-être le vide d’un immense ravin. Ma course a sans doute dévié de quelques degrés lors de ma vrille, mais dans quelle direction ? Je n’en sais rien. Je m’en moque. Je croise les bras devant mon visage, contracte mes abdominaux, gonfle ma combinaison d’entrave sur tout mon côté face. Et je fonce dans les ténèbres.

Un méchant coup dans les cotes me renseigne rapidement sur la décision du jury : ce sont des arbres. Je me courbe en deux et charge en avant, façon rhinocéros. Les branches, bien souples, glissent en les éraflant sur mes épaules, mes flancs, mes cuisses, puis fouettent l’espace que je viens de libérer dans un claquement sonore. Je guette avec appréhension le gémissement plaintif d’un loup, sa truffe coupée en deux d’une gifle de pin pour récompense de m’avoir trop bien suivi, mais rien ne vient. Ils ont abandonné. Me suis-je révélé une victime trop coriace ou craignent-ils ce qu’il y a de l’autre côté de ce rideau opaque ?

Après une ultime couche de griffures, je débouche à pleine vitesse sur un espace dégagé dont je ne vois pas grand-chose, sinon son étendue, tant le contraste avec l’obscurité qui régnait dans la forêt est violent. Je plisse les yeux, mets ma main en visière pour les protéger du ciel trop lumineux et retrouve tout juste ce qu’il faut de ma vue pour constater que je n’ai plus que deux mètres de sol devant moi. Au-delà, c’est le vide. Je n’aurai jamais le temps de m’arrêter.

Eh bien tant pis ! Foutu pour foutu ... Je saute.

Je tombe.

Je crie. Un bref « Waaah ! », involontaire mais bien accordé, qui pousse son bon goût jusqu’à m’extraire de ma transe de marathonien et à m’ancrer derechef dans la réalité.

Je tombe.

La terre est lointaine, sous moi, à quelques centaines de mètres, mais nous serons bientôt réunis – voire mêlés, si je ne fais rien. Je profite tout de même un moment de cette sensation, si inhabituelle dans la vie courante, de chute libre : les cheveux au vent, la tête légère, mon poids annulé, je fends les airs comme une flèche. Un sourire de dingue écarte mes joues. Je me sens si solide, si compact, que j’aurais presque envie de poursuivre ma course naturelle, droit devant moi, pour aller me planter dans la plaine en contrebas. À quelle profondeur m’enfoncerais-je ? Jusqu’aux épaules ? Jusqu’aux hanches ? Ou bien serais-je avalé tout entier ? Intégré, littéralement, au monde. C’est une belle idée …

Je pourrais aussi tomber sur un gros caillou et m’y aplatir comme une vieille crêpe sans même l’ébrécher d’un pet.

Alors, voyons voir. D’abord, retirer les 20 kilos que j’ai gardés sur le dos et ensuite … Comment a fait Shandia ? Elle a étiré les manches et les jambes de sa combinaison d’entrave pour en faire des ailes. Diane saura bien me faire çLWARF !

 

*

 

Hein ?!

Où suis-je ?

Je crois que j’ai perdu connaissance une fraction de seconde, à la suite d’un choc fracassant avec … Quoi ? Est-ce que j’ai percuté quelque chose ? Je suis encore en vol pourtant. Je me secoue, essaye de donner un sens à ce que je vois, mais je suis en train de tournoyer à toute vitesse ; je n’arrive même pas à savoir si je chute encore ou pas. Je tente de ramener mes bras vers ma poitrine, ils me paraissent comme entravés, tendus derrière moi comme si j’étais tenu dans les airs par des chaînes redoutables, tyranniques, à la fois souples, impalpables mais violentes et capricieuses. J’ai déjà vécu cette expérience, tout récemment, avec Shandia : en hissant les voiles, j’ai donné au vent une prise sur moi et le bougre ne s’est pas gêné pour en profiter.

Je comprends ce qui m’est arrivé trop tard pour éviter une deuxième baffe titanesque, puis une troisième, une quatrième et dix et vingt de plus. Une bourrasque me prend à revers et m’envoie valdinguer en loopings incontrôlables dans le courant furieux, et inverse, de sa voisine qui, à son tour, m’éjecte d’un uppercut vicieux dans le smash triomphant d’une autre camarade. Pendant une minute insupportable, je suis malmené par le Cataclysme comme un vieux chiffon dans une machine à laver remplie de silex. Les coups se succèdent trop vite et viennent de directions trop aléatoires pour que je puisse y réagir. J’ai la tête qui tourne, mal aux muscles, aux os et surtout, je commence à avoir peur. Je ne comprends rien. Je n’arrive pas à savoir où je suis. À tout instant, je pourrais m’écraser au sol, contre une paroi, ou m’empaler sur un arbre. Comment, diable, Shandia a-t-elle pu réussir à dompter un tel destrier ? Chaque fois que je crois être sur le point de parvenir à me repérer dans l’espace, une nouvelle rafale m’envoie tournebouler à l’autre bout du ciel, en m’arrachant gratuitement une jambe au passage, par pur sadisme. Le vacarme est assourdissant au point que je n’entends même pas mes propres hurlements. Des trombes d’air, parfois pimentées d’un déluge de pluie ou de glace, me frôlent, m’emportent ou me percutent comme des rames de train lancées à plein régime sur un réseau ferroviaire dément. Impuissant, désarticulé, je rebondis d’un bolide à l’autre, en infortuné mannequin d’essai de choc pour aberration climatique.

Néanmoins, à mesure que le temps passe, malgré le vertige qui se saisit de moi petit à petit et l’approfondissement continuel de ma désorientation, la bastonnade dont je suis la victime me cause de moins en moins de douleurs. Diane et moi affutons nos réflexes et progressons à pas de géants dans l’art d’amortir les calottes d’Éole. Aussi peu conventionnel que soit un assaut, il ne peut déjouer une défense parfaite. À considérer en permanence que je peux recevoir un coup de n’importe quel angle sur n’importe quelle partie de mon corps, je suis en mesure d’en réduire largement les dégâts. La concentration requise pour réussir ce tour de force est considérable, ainsi que l’énergie consommée, mais c’est précisément ce talent qu’Askeladd m’a aidé à ciseler des années durant. Si seulement, je pouvais démêler le haut du bas, j’arriverais peut-être à reprendre forme humaine, ainsi qu’un semblant d’influence sur ma destinée.

La solution à ce problème est aussi simple qu’abjectement effroyable étant donnée mon ignorance totale de l’altitude à laquelle je suis. Il n’y a pourtant pas à hésiter. Encore quelques minutes à subir ce tour de manège infernal et j’aurai un tel tournis que je ne serai plus en état de tenter quoi que ce soit. Suivraient implacablement le vomi, l’évanouissement et la mort.

Non merci.

Alors, j’y vais. À l’occasion de ce que je m’imagine être, à l’instinct, une remontée, je rembobine ma combinaison d’entrave autour de mes membres, dans sa configuration initiale, me roule en boule, et, par bravade, pour faire croire, au panache, que je conserve une portion de contrôle sur la situation, je commande à voix haute.

- 500 kilooOOOOs !

Quelle bonne idée j’ai eue là …

Cependant que mes cordes vocales explorent hardiment des fréquences oubliées des hommes depuis la fin tragique de l’art Tyrol, je secoue déjà intérieurement la tête de dépit en pensant à Senga, Luciole, Fiona, ma famille, tous ces affreux moqueurs qui viennent de pousser avec moi cette exclamation de castrat. Comme s’ils avaient besoin de matériel supplémentaire pour se foutre de moi.

Ça m’apprendra à vouloir frimer …

Et donc, si mes testicules me sont sortis de la gorge par cet angle-ci, c’est que la Terre est dans cette direction-là. Bien. On va pouvoir reprendre sur de bonnes bases, oublier ce mauvais départ, effacer l’ardoise, provoquer chez les quelques milliers de compères qui doivent partager mon enveloppe une amnésie passagère. Du moins, si je ne meurs pas écrasé dans les secondes qui suivent.

Sinon, « kilooOOOOs » sera, à jamais, mon infamant dernier mot.

Je jette un regard vers le sol et soupire de soulagement de le voir si distant.

C’est un tapis sombre, compartimenté en zones indistinctes qui se détachent les unes des autres de quelques nuances légères allant du gris cendre au noir, parfois effleurées par un étrange rougeoiement dont je ne saisis pas bien la provenance. Un grand lac, à quelque distance de mon éventuel point de chute actuel, dessine de ses reflets d’orange sanguine un œil courroucé sur la face aplatie, terne, rapiécée, du démon borgne et paresseux qui attend patiemment ma chute inévitable dedans les tréfonds fétides de sa gueule ouverte.

Il me vient à l’esprit qu’en jouant bien mon coup, je pourrais sans doute l’atteindre, ce lac, et y effectuer une bombe légendaire. De quoi faire pâlir de jalousie Aldo, notre copain rondouillard, parti de Tremble-la-Blanche pour étudier la bio-robotique à Wukong il y a quelques années, dont les gerbes monumentales quand il sautait depuis le Pont au Change dans la Seine restent aujourd’hui encore, pour moi, un exploit éblouissant. Je devrais peut-être l’appeler, si je survis à toute cette histoire, il aurait sans doute quelques informations intéressantes à m’apprendre sur l’androïde graveur de Iori.

Tandis que je file à toute allure, à la manière d’une météorite de pacotille, vers la surface de la planète, un petit rire souterrain vient me secouer les cotes et la gorge. Si j’ai le loisir de penser à ce genre de sottises, c’est que j’ai récupéré mon sang-froid.

Le regard rivé sur l’œil rouge sang du Diable, dont je me fais crânement un point de repère, j’entreprends, avec mille précautions, de me déplier, tout en faisant décroître très rapidement le poids qui me plombe. Entre mes jambes, entre mes bras tendus et mon torse, je laisse à ma combinaison, muée en fine membrane, une grande souplesse. En jouant de façon assez rudimentaire sur la flexibilité de ces voiles – je laisse les rafales transversales les transpercer et m’appuie sur celles qui partent du bas vers le haut, je parviens déjà, lorsque le sort m’est favorable, à interrompre ma chute par à-coups. Ce qui me donne l’impression plutôt agréable de tomber de coussins en coussins. En reliant mes doigts écartés par une peau plus épaisse, plus rigide, j’affine encore mon confort de vol. Les vents sont toujours aussi furieusement déchainés, toujours aussi dangereux, mais j’ai retrouvé mon centre de gravité et, avec lui, un genre d’enracinement dans le monde. Le point que j’occupe dans l’espace, bien qu’impalpable, est devenu un point d’ancrage, au même titre qu’une bonne branche dans un arbre ou une prise sur une piste d’escalade. J’ai physiquement intégré son existence, si bien que quand une bourrade tente de m’en déloger, mon corps réagit instinctivement, soit en épousant le mouvement, soit en s’y opposant, pour que je reste à ma juste place.

Là où je ne valais pas mieux qu’un bouchon de liège ballotté en tous sens par d’impitoyables rapides, je fais maintenant plutôt le capitaine fou, torse droit dans ses bottes, à découvert sous le feu ennemi, faisant fi des éraflures que laissent les balles dans son uniforme.

Je dois beaucoup à Diane, dont la virtuosité égale invraisemblablement mon imagination. Alors que je n’ai, en fait, pour faire ma part du boulot, qu’à me tenir bien droit, les voiles que nous contrôlons ensemble virevoltent à une folle vitesse dans toutes les directions. En réponse à nos ordres, et afin de compenser les forces qui nous assaillent, elles gonflent telles d’immenses bulles de savon devant, derrière puis au-dessus de moi à un rythme impossible à suivre autrement qu’en pensée.

Pourtant, me voilà stabilisé. Debout dans le vide, en équilibre sur rien, en vol stationnaire au milieu de la tourmente. Suffisamment à l’aise, enfin, pour m’intéresser au phénomène naturel au creux duquel je me suis jeté en dépit de tout bon sens.

Lentement, pour ne pas chambouler ma boussole interne, je détache mon regard de l’ancre à laquelle je l’avais arrimé, le lac rougeoyant en forme d’œil démoniaque, et embrasse enfin le paysage dans son ensemble.

C’est une pure vision de fin du monde. D’une extravagance telle que je suis d’abord saisi par un sentiment absurde d’incrédulité, avant qu’il ne soit rincé par une vague brûlante de terreur et de soulagement. Suis-je donc suicidaire ? Quelle inconscience passagère ? Quelle surestimation flagrante de mes capacités ? Enfin, quelle folie a pu s’emparer de moi pour que me prenne et subsiste l’envie d’aller me frotter à l’un de ces cavaliers de l’apocalypse que sont les Cataclysmes ? Personne ne peut résister à cela. Pas même les demi-dieux ni les héros légendaires de nos ancêtres, malgré leurs exploits fabuleux ; l’ampleur des catastrophes naturelles d’aujourd’hui est sans commune mesure avec celles d’antan. L’imagination des plus paranoïaques, des plus grandiloquents, des conteurs chinois, égyptiens, grecs, hindous, incas, celtes ou mésopotamiens n’aurait jamais su donner vie à une telle Plaie.

Devant moi, à une distance d’une dizaine de kilomètres auxquels je dois d’être encore en vie, ondule à un rythme trompeusement lent une tornade colossale. Depuis sa base, large comme cent Dômes, jusqu’à son invisible sommet, caché par l’épaisse couche de nuages noirs qu’elle pourfend et agite, elle roule, rue, feule et siffle sa colère divine par chacun de ses mille anneaux enragés. Eux lacèrent vicieusement de leurs griffes supersoniques l’atmosphère traumatisée. C’est cela que j’entends depuis que je suis sorti de l’auberge : les hurlements de douleur de l’air qui s’automutile.

Des traits brisés de foudre écarlate traversent en saccades le corps serpentin de cette déesse du chaos lâchée sur Terre, comme si sa folle rotation ne suffisait pas, et de loin, à évacuer l’énergie qui lui retourne les entrailles, ni à exprimer la rancœur infinie qu’elle porte contre le monde. Brûlant du désir exclusif de tout détruire, elle a embrassé en connaissance de cause la haine ineffable, aux proportions mythiques, qui désormais la consume de l’intérieur. C’est une guerrière berserker de 30 kilomètres de haut qui piétine le continent en trombe, déchiquetant tout sur son passage. Freyja, la première des Valkyries, prise de démence.

Autour d’elle, au sein d’un cylindre au périmètre incommensurable aux bords duquel je plane, les lois de la physique semblent avoir perdu toute influence. Comme une jumelle maléfique de Fiona reprenant la danse de la pluie de sa sœur à son compte, la tornade entraine dans sa ronde meurtrière les malheureuses traines de sa robe aux allures de linceul. La vilaine, par ailleurs, n’est pas snob dans le choix de ses hardes. Tout est bon pour l’habiller. Des briques, des pierres, du foin, des tuiles, du sable, de l’eau, de la terre composent la trame principale de son miteux costume d’apparat ; tout ce qui, sur l’ensemble de la région, n’était pas solidement accroché à une lourde structure pollue désormais, dans un état d’extrême agitation, l’espace aérien local. Un peu partout, cependant, des objets bien plus étranges et bien plus volumineux fendent de leur sillon imprévisible les flots grumeleux de ce tourbillon infernal. Un vieux silo, couvert de rouille et de lierre, pivote paresseusement à mi ciel, comme une fusée de feu d’artifice en fin de course, sa longue chevelure végétale faisant office de panache d’étincelles. Une bâche en plastique d’une taille immense, qui devait servir en un temps révolu à couvrir des vignes ou un terrain de football, telle une méduse céleste, se tord et se déploie en une danse frénétique aux abords immédiats du cœur du Cataclysme. Devant mes yeux ébahis, cette intrépide ballerine fait l’impardonnable pas de trop ; en un instant, il n’en reste plus rien que quelques lambeaux lamentables, déchiquetés, que la tornade éparpille aux quatre vents sans le moindre état d’âme. Un peu plus bas, je dois plisser les paupières pour m’assurer de n’être pas en train de délirer, un troupeau de vaches bien grasses traverse placidement ce paysage insensé, leurs pattes raides pointant vers les étoiles.

En dépit du comique visuel de la scène, une grande tristesse s’abat sur moi à mesure que la réalité du monstre parvient à pénétrer l’une après l’autre mes défenses psychiques et repositionne dans mon imaginaire les murs héréditaires qu’ont construit mes ancêtres au fil des âges, ceux-là qui leur permettaient de définir avec un certain degré de certitude les limites du possible, de ce qu’ils étaient susceptibles, au cours de leur courte vie, de rencontrer sur Terre. Aujourd’hui, contrairement à ce que plusieurs millénaires d’évolution ont imprimé dans mon ADN comme envisageable, j’ai surpris la Mort en promenade. Pas la mienne, c’est déjà ça, mais celle de tout ce qui est là-bas dans la plaine, de tout ce qu’Elle a touché, touche et touchera. Pas une bête, pas une plante ne survivra à son passage. Derrière elle, déjà, je perçois dans l’obscurité les contours de la balafre hideuse qu’elle laissera pour une décennie à la surface de la Terre, une bande marronnasse, aux bords dentelés, suffisamment large pour être vue de l’espace, un trait de plus à ajouter à la honteuse signature de nos aïeuls sur leur œuvre monumentale. Ha … Merde ! J’espère au moins qu’ils en étaient sacrément fiers, de leurs accomplissements, ces vandales …

En sentant mon thorax gonfler sous le coup d’une colère inouïe, presque comme si j’étais entré en symbiose avec le Cataclysme, je me souviens soudain de la vision qu’avait eue Luciole de mon monde intérieur : une tornade allant dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, tout comme celle qui sévit devant moi.

Drôle de coïncidence !

Ou bien est-ce plutôt un augure ?

Pourquoi ne croisons-nous que des cadavres, putréfiés, ensevelis ou en suspens, Iori, Shandia, Luciole et moi, depuis que nous poursuivons notre quête ? Sommes-nous destinés, d’une façon ou d’une autre, à semer la destruction ?

Je caresse un moment l’idée de nommer cette vision étrange, cette prophétie factice, soufflée par la petite voix qui parfois nous sort de l’arrière du cerveau et nous empoisonne les pensées pendant des heures sans qu’on n’y puisse rien faire. Et pourquoi pas, après tout ? L’expression d’un instinct vaut peut-être quelque chose. Mon audience en fera ce qu’elle veut.

Alors je titre le tableau vivant qui a bien voulu se révéler à moi.

- Autoportrait.

Voilà. C’est dit.

Plus tard viendront, ou pas, des débats sur les possibles justesses de ma proposition. Pour l’heure, ayant dit ce qui me pesait sur le diaphragme, je chasse toute pensée parasite résiduelle et m’en retourne à l’observation.

Loin en arrière-plan de la tornade et de son cortège hélicoïdal de poussières, entre l’horizon et le couvercle tempétueux qui masque le firmament, un amoncellement de nuages immobiles dessine en teintes de gris, par couches successives, les remparts imprenables d’un royaume de ténèbres. Au sol, arrachées par le vent au lit d’une rivière, des colonnes d’eau forment des rangées de silhouettes mouvantes et floues, comme les statues polymorphes d’un temple invisible dont le dieu commercial s’adapterait aux fantasmes de chacun de ses fidèles. Et toute la scène, sous les flashs incessants de la foudre, semble se produire alternativement au ralenti puis en accéléré.

C’est un spectacle fascinant et terrible, d’une beauté rare et dangereuse, à la fois pour l’intégrité physique du spectateur bien entendu mais aussi, je le ressens confusément, pour sa santé mentale. Il y a quelque chose d’insidieusement communicatif dans ce déchainement de violence ; depuis le fond de mes entrailles, je sens remonter, à son appel, des tiraillements dont je me croyais vierge jusqu’alors : l’envie aveugle, sans objet, pure pour ainsi dire, de casser, de briser, de prendre, d’imposer mon existence en allant contre le gré d’un autre, peu importe quoi ou qui. De faire du mal.

En songeant à tous ceux de mes semblables que je suis en train de contaminer, je décide qu’il est temps de mettre un terme à cette transmission, comme à cette aventure. Mais je ne peux pas me séparer des autres sur cette note amère.

Fort heureusement, j’avise sur ma droite, à une distance de vol raisonnable et dans une direction qui n’exigera pas de moi que je m’enfonce plus avant vers le noyau du Cataclysme, un nouveau lac. Par un effet de lumière, ses couleurs sont inversées par rapport à celles de son grand frère, celui, repéré plus tôt, que j’avais appelé l’œil du Diable. Sa surface est noire et c’est la terre qui l’entoure qui rougeoie ; un point de Yin dans une mare de Yang.

J’y fonce.

Les bras tendus en arrière, mes voiles encore déployées pour amortir les bourrasques qui voudraient me dévier de ma trajectoire, je dévale une pente imaginaire sur une luge impalpable jusqu’à arriver à l’aplomb de l’étendue d’eau. Là, je resserre ma combinaison autour de mes membres et me laisse choir comme ça vient. Une rotation lente amène mes pieds vers le ciel et mon nez vers le sol. Je laisse faire. L’abandon momentané que je m’autorise pendant que je suis encore haut dans le ciel me fait un bien fou ; comme à chaque fois que cela m’arrive, je ne constate l’assombrissement de mon humeur à cause des contraintes physiques qui pèsent sur mon organisme que lorsqu’elles s’envolent. La tête à l’envers, j’ouvre les bras et respire de grandes bouffées d’oxygène. Les poisons psychologiques qui s’étaient insinués entre ma chair et mes os s’évaporent sous le feu du brasier de la joie qui m’incendie. Je suis vivant !!

Oh ! Et il serait judicieux que je le reste … Je demande à Diane de me confirmer que le lac que je vise dispose d’une bonne profondeur en son milieu.

150 mètres.

Ça devrait aller.

Bon, voyons voir. À quel poids vais-je la tenter, cette bombe ? 100 ? 200 kilos ?

Ce qui compte vraiment, m’expliquerait Aldo, c’est la position au moment de l’impact mais, étant donnée ma vitesse, je crois que je n’ai pas d’autre choix que de me mettre en boule, si je ne veux pas me faire arracher un membre à l’impact. Je vais devoir compter sur la force brute. C’est parti pour 300 kilos.

J’en répartis une bonne partie sur mes fesses et mes talons, de sorte qu’ils soient les premiers à frapper la surface. Bien entendu, j’ai gonflé ma combinaison d’entrave de façon à amortir le choc au maximum. Ensuite, j’enserre mes jambes de mes bras, jette un dernier regard au Cataclysme avant de caler ma tête contre mes genoux et attends, le cœur battant la chamade.

Est-ce vraiment une bonne idée ?

En guise de réponse, le monde explose. Deux fois.

PWOO-JBOOAAAM !!!

Waaah ha ha ha ! Je l’ai bien sentie ! Elle a dû faire une gerbe digne d’un geyser islandais. Celle-ci est pour toi, Aldo !

Malgré mon euphorie, je pense à annuler en urgence le poids supplémentaire que je m’étais alloué et qui me tire trop vite vers d’insondables abysses. Cela fait, je reste un moment immobile, entre deux strates d’eau glacée, les yeux tournés vers la surface, à regarder me fuir un troupeau apeuré de bulles multicolores, chapelet chatoyant de sphères luminescentes au cœur d’une mer noire. Après mon numéro de funambule sur une toile de gaz, la portance du liquide qui m’entoure me parait formidable ; bien que, lentement, je coule, j’ai l’impression de reposer sur un matelas bien ferme. Je pourrais relâcher mes muscles, clore mes paupières et dormir. Mais si je veux découvrir Uruk et rencontrer la femme que je crois aimer, il me faut fournir un petit effort supplémentaire.

Juste avant de couper la transmission et d’entreprendre ma remontée vers la surface puis vers l’auberge de Rodolf et Fiona, je ne peux résister à l’envie de me déclarer devant le monde entier, délibérément cette fois, histoire de reprendre un peu le contrôle de mon destin. Juste la nommer et offrir à tous le plaisir que j’ai à faire rouler ces quelques syllabes sur ma langue.

« À demain, Luciole. »

- Ablebloluleuleu.

5/5.

Bravo Art’.

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Vous lisez