Chapitre 16 : L'élu de l'amulette

Notes de l’auteur : Triggers warning : magicophobie, traumatismes (je ne peux pas être plus précis sans spoiler)

Esther était roulée en boule par terre. Elle ne pleurait pas, elle n’avait plus vraiment l’énergie pour cela, mais elle ne se sentait pas bien du tout.

« Je suis désolée, finit-elle par réussir à articuler.

- Mais de quoi ? Qu’est-ce qui ne va pas ?

- C’est dangereux de me confier l’amulette. Je pense… Je pense que je suis possédée par un démon.

- Comment cela ? »

C’était difficile pour Esther. Elle n’en avait parlé à personne, seulement à Alain. Elle se fit subitement la réflexion que cela n’avait aucun sens. Pourquoi, de toutes les personnes à qui elle aurait pu en parler, avait-ce été Alain ? Enfin bon. Elle se dit que si elle pouvait en parler à Alain, alors elle pourrait aussi en parler à des professeurs de magie. Devant les maîtres, monsieur Victor et Chloé Bonnefour, elle résuma donc ses symptômes, ses trous de mémoire, ses changements d’humeur brusques. Et surtout, son étrange capacité à foudroyer les gens.

« Alain m’a dit que ça ne ressemblait pas à de la possession, mais…

- Il a raison, dit Chloé ; ça ne ressemble pas à cela, la possession. Mis à part la foudre, tous tes symptômes relèvent simplement de la psychiatrie. Il faut que tu en parles au docteur Olivier, il est le mieux placé pour t’aider. Quant à la foudre, je ne connais de toute façon aucun démon capable de la maîtriser. Je suppose que c’est lié à l’amulette d’une façon ou d’une autre.

- Mais je le sens ! Je le sens vraiment prendre possession de mon corps, parfois il me fait du mal…

- Comme lorsque tu t’es brûlée, tout à l’heure ? »

Elle hocha la tête affirmativement.

« Et les brûlures légères que tu as sur les poignets ? » demanda Maître Tanager, son professeur de thermomagie, qui connaissait l’existence de ces marques.

Non. Là, ce n’était pas le démon. C’était elle-même qui se les faisait, quand elle était terrifiée, ou en colère, et qu’elle avait besoin de ressentir de la douleur. Pour le coup, elle en avait parlé avec le docteur Olivier, et il l’aidait à s’en sortir. Il y avait aussi les gerçures qu’elle s’était infligées quand elle n’était qu’une petite fille, enfermée dans le sous-sol, pour se punir de ne pas réussir à contenir sa magie… Non, elle ne devait pas penser à ça.

« Et lorsque tu as foudroyé des gens ? »

La question de Maître Raymond la fit revenir au réel. Esther réfléchit. Non, les gens foudroyés, elle n’avait pas senti le démon. Juste elle, Esther-en-colère qui assumait de faire du mal à ceux qui lui voulaient du mal, plutôt que de se faire du mal à elle-même.

 

« Si cela peut te rassurer, je peux vérifier dans ton cerveau s’il y a un démon ou pas, intervint Maître Adèle. Par contre, il faudra que je pénètre assez loin. Je ne vais pas entrer volontairement dans ta vie privée, mais il se peut que je tombe sur des choses intimes…

- Vous pourriez faire cela ?

- Seulement si tu me donnes ton accord. Et tu as parfaitement le droit de refuser.

- Cela fait des semaines que je ne dors plus à cause de cette pensée. Allez-y. »

Maître Adèle se concentra. D’abord, Esther ne ressentit rien. Puis des pensées commencèrent à fuser dans son cerveau. « Eh, c’est quoi ça ? » ; « Qu’est-ce qui se passe ? » ; « T’es qui, toi ? » ; « peur peur peur », « tiens, on est où ? », « j’ai faim », « il fait froid ici », « c’est vrai ça, j’espère qu’il y a des crêpes », « saperlipopette c’est super joli ici » « c’est qui cette dame ? » « pourquoi » « j’ai peur » « calamités ! » « la réfraction de la lumière sur le cristal » « devoir » « Ana » « j’en ai une » « qui » « adoptée » « eh du cal » « confiture » « ta gueule Alain » « feu feu » « quelle heure » « papa » « qu’on mange » « je comprends rien » « Tout brûler, tout faire disparaître. »

Tout brûler, tout faire disparaître. Au milieu de cette tornade de voix disparates, cette idée se faisait de plus en plus présente. Mais l’idée n’avait pas le contrôle du corps d’Esther. En fait, plus personne n’avait le contrôle du corps d’Esther. Quelque part, loin dans sa conscience, elle prit note qu’elle était tombée sur le tas de plumes. Tout brûler, tout faire disparaître, ne plus être là, ne pas exister, ne jamais avoir existé, rien, plus rien, néant, quitte ce monde sale démon et retourne dans ta dimension infernale.

Et puis d’un coup, la force brute, la rage de vivre, Esther serra les poings jusqu’à se faire mal, pour bien ressentir les ongles qui s’incrustaient dans sa peau, pour bien garder le contrôle de son corps et de son esprit, parce qu’il était hors de question qu’une saloperie de démon soit là, à sa place, et elle n’allait pas quitter ce monde pour faire plaisir aux crétins, et sur le sol les dernières flaques de chocolat chaud gelèrent instantanément tandis que la température descendait plus vite qu’un faucon sur sa proie.

L’instant d’après, la chaleur était de retour. Vingt degrés. Vingt degrés que Maître Tanager s’efforçait de maintenir, tandis que Monsieur Victor et Chloé Bonnefour se précipitaient auprès d’Esther pour l’apaiser. Elle se détendit lentement et Maître Tanager put enfin souffler.

 

Maîtres Raymond et Dominique, de leur côté, entouraient Maître Adèle. La Maître télépathe était visiblement éreintée après l’opération. Elle était très pâle, tremblait et suait, et ne parvenait pas à parler.

« Ça va, Adèle ? lui demanda Raymond. Ce n’est quand même pas le démon qui t’a impactée à ce point, si ? »

Elle hocha la tête. Si, c’était le démon qui l’avait impactée à ce point.

« Attends, c’est vraiment le démon ? Ça veut dire qu’Esther est vraiment possédée ? »

Cette fois-ci, elle secoua la tête en signe de dénégation.

« Il n’y a pas de démon… mais c’est quand même lui qui t’a… ? OK, tu permets que je lise dans tes pensées pour comprendre un peu mieux ? »

Elle hocha la tête, et Maître Raymond se concentra. Il n'avait pas besoin de fouiller les tréfonds de son esprit, il lui suffisait d'accéder à ses pensées immédiates et c'était beaucoup plus facile. En plus, il ne risquait pas de se faire attaquer par un démon, étant donné que celui-ci, nonobstant son existence, se trouvait dans le cerveau d'Esther.

« Houlà ! C’est compliqué cette affaire. En bref, Esther… le démon que vous avez en vous n’est pas un vrai démon. C’est juste une partie de vous qui s’est auto-convaincue qu’elle est un démon pendant les exorcismes que vous avez subi quand vous étiez petite.

- Mais je n’ai pas subi d’exorcismes, répliqua Esther.

- Vous êtes sûre ? Parce que ce sont des souvenirs que Maître Adèle a trouvés dans votre cerveau, pourtant. »

Esther fronça les sourcils. Certes, elle oubliait tout le temps plein de choses ; mais des exorcismes, c’était trop gros pour être oublié, non ? Elle se souvint alors d’Esteban qui avait retrouvé le souvenir du meurtre de ses parents après des années d’amnésie. Peut-être que oui, finalement. Peut-être qu’elle avait subi des exorcismes et qu’elle les avait oubliés. Peut-être même était-ce « le démon » qui lui avait volé ces souvenirs ? C’était bizarre, quand même.

« La plupart du temps, ce n’est qu’une vieille blessure qui dort au plus profond de votre esprit. Mais lorsque quelque chose du monde extérieur appuie sur cette blessure, le démon se réveille.

- Mais pourquoi il met feu à mon corps ?

- Il essaie de faire ce qu’on lui a toujours dit de faire, répondit sombrement Maître Adèle. Retourner en enfer. »

 

Esther encaissa le choc. Elle n’était pas en état de ressentir des émotions. Elle ressentait bien des émotions qui s’agitaient quelque part dans son cœur, mais elle n’était pas là pour cela. On s’en occuperait plus tard. Pour l’instant, elle devait se défendre.

Se défendre de quoi ? Il n’y avait pas de danger imminent. Le démon, à l’intérieur d’elle, elle ne pouvait pas le chasser d’une simple insulte bien placée, comme elle le faisait par le passé avec Mathilde ou Charles.

Par contre, il y avait les magicophobes. Ceux qui lui avaient infligé cela. Elle se remémora les mots d’Alain, lorsqu’elle avait cru être une mauvaise personne à cause d’Auguste et des barbares : légitime défense. Ça, elle savait faire. Elle tâcha de se concentrer de nouveau sur la tâche que lui avaient confiée les Maîtres. L’amulette, les magicophobes. Le quartier général à Sidalan. Quelque chose de concret, une liste d'instructions très précise, pour ne pas avoir à réfléchir et à paniquer.

 

Mais elle n’eut pas le temps d’enflammer quoi que ce soit, car une épaisse fumée blanche se dégagea soudain du sol et commença à envahir la grotte.

« Esther, qu’est-ce que…

- Ce n’est pas moi ! se défendit la jeune fille. Je ne pensais même pas au feu, je me concentrais sur le Sidalan.

- Alors, qu’est-ce qui se passe ?

- Est-ce que ce serait une érup... »

Esther n’entendit pas la fin de la phrase. Au fur et à mesure que la fumée se répandait dans la pièce, les sons semblaient étouffés eux aussi. On ne voyait rien, on n’entendait rien…

 

Ana avait installé tout son matériel dans la bibliothèque de l’École, à l’entrée du tunnel découvert par Esteban. Cela avait été un peu compliqué de mettre au point un sortilège à la fois puissant et discret, mais elle avait fabriqué quelque chose qui se tenait. L’épaisse fumée s’était répandue dans les couloirs aux parois de cristal, et à présent, elle estimait que personne à l’intérieur ne devait voir ni entendre quoi que ce soit.

Personne, sauf elle-même.

« J’y vais, souffla-t-elle à Esteban. Continue à mélanger et surveille le feu. »

Le garçon hocha la tête. Il n’était pas jeteur-de-sorts, il devait se contenter de faire confiance à Ana. Ses cheveux prirent une teinte vert sombre tandis qu’il se concentrait sur la machine à produire de la fumée. De la fumée… Il n’aimait pas ça. Il souffla, se répéta que cela n’avait rien à voir avec l’incendie de la maison de ses parents biologiques, et entreprit de remuer lentement la mixture.

 

Elle n’entendait plus rien. Elle ne voyait plus rien. Elle avait l’impression d’être plongée dans du coton. Ou dans un nuage. Même si les nuages, au bout du monde, étaient bien plus collants et visqueux que la fumée. Esther sourit en repensant à la catastrophe nébuleuse du chemin qui menait jusqu’à Cristalline. Cela n’avait rien à voir avec ce qui se produisait actuellement. Tout était blanc, tout était silencieux. Seuls les battements de son cœur parvenaient à ses oreilles.

Et une main. Une main qui se glissa dans la sienne.

Une main qu’elle connaissait très bien.

« Ana ? »

Mais sa voix fut, encore une fois, étouffée par la fumée. Ana, ou du moins la propriétaire de la main, la tirait. Elle décida de suivre le mouvement, même si elle ne comprenait rien. La fumée devenait de plus en plus dense. Puis, elle sentit qu’elle montait, et l’air commença enfin à s’éclaircir.

Il fallut attendre encore quelques mètres avant qu’elle n’entraperçoive la chevelure rousse de son amie.

« Ana, c’est toi ?

- Yep. Ne t’inquiète pas, on est venus te chercher. Ils ne t’ont pas fait de mal, au moins ?

- Quoi ? Mais non, pas du tout ! Ils m’ont confié la responsabilité de supprimer la magicophobie des Îles civilisées ! »

Esther réalisa que son amie la croyait kidnappée par des grands méchants comme Auguste. Elle rétablit aussitôt la vérité et expliqua en détail ce qui s’était passé dans le sous-sol de cristal : l’amulette, l’incendie du gang de purification, Maître Adèle qui avait vérifié si elle était oui ou non possédée, Maître Cornélius qui avait voulu se débarrasser d’elle…

« Attends quoi ? Maître Adèle est allée en profondeur dans ton esprit pour jouer avec les traumatismes les plus graves que tu peux avoir au fond de toi, sans aucune précaution psychiatrique ? C’est complètement irresponsable ! »

Il était vrai qu’en temps normal, une pratique aussi extrême n’était autorisée que dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et ce, toujours sous somnifère et en présence d’un psychologue. C’était un énorme coup de chance qu’Esther ait tenu le coup. Et même si, à l’heure actuelle, elle avait l’air de se porter bien, elle verrait probablement les conséquences lui sauter à la figure dans quelques heures. Enfin bon, elle était trop focalisée sur la tâche confiée par les Maîtres pour y penser.

« Et puis c’est quoi cette histoire de brûler vifs les magicophobes ? reprit Ana. Enfin, c’est absurde, tu ne vas pas t’abaisser à leur niveau quand même !

- Comment ça, m’abaisser à leur niveau ? Eux, ils nous tuent parce qu’on a des pouvoirs magiques. Moi, je veux les tuer parce qu’ils nous tuent. Je n’aurais jamais cru que toi, tu allais me ressortir le coup d’être intolérante envers les magicophobes.

- Certes, mais ça reste tuer des gens. Et ça ne résoudra rien. Il y aura toujours des gens qui pensent qu’il faut éradiquer la magie. D’ici quelques années, le gang se sera reformé.

- Mais on aura au moins gagné quelques années, riposta Esther.

- Oui… Je reste quand même… Enfin, un meurtre, quoi ! »

Esther haussa les épaules. Elle savait qu’elle aurait dû éprouver des doutes. Peut-être que si elle n’avait pas été si épuisée, elle aurait pris le temps de réfléchir.

« Légitime défense, se contenta-t-elle de rappeler.

- Si tu le dis… Je ne suis pas sûre que… Enfin, c’est toi qui vois. »

Ana n’avait tout de même pas l’air convaincue. Enfin bon, elle ne se voyait pas attraper Esther et la retenir contre son gré.

« Donc tu y retournes ? Très bien, je vais prévenir Esteban. Prends soin de toi et ne fais rien que tu puisses regretter. »

 

Les deux filles se séparèrent donc, Ana continuant à remonter le tunnel et Esther replongeant dans les entrailles de la Terre. La fumée commençait à se dissiper. À l’intérieur du cerveau d’Esther, en revanche, cela restait bien brumeux. Elle tentait de faire comme si tout allait bien, elle restait extrêmement concentrée sur son objectif de prendre l’amulette pour détruire les « purificateurs », mais en arrière-plan dans son esprit, c’était un véritable vacarme. Les pensées fusaient dans tous les sens, d’un côté elle voulait des crêpes au citron et à la cannelle, d’un autre côté elle se remémorait toutes ses connaissances sur les parois de cristal – réfraction de la lumière, faible perméabilité aux ondes électromagiques, formation par solidification lente du magma – et entre les deux il y avait le démon auquel elle ne devait surtout pas penser sinon il risquait de venir. En plus, sa discussion avec Ana avait chamboulé ses certitudes. Jusqu’alors, elle s’était concentrée sur « brûler le QG de Sidalan », sans même se demander ce qu’il faudrait faire ensuite. Mais maintenant qu’elle avait remis l’ordre des Maîtres en question, il commençait à y avoir des hésitations quelque part dans sa tête. Elle les ignora et continua à avancer.

 

Alain talonna son dragon. Les informations que lui avaient communiquées Léo, le rescapé de la banquise, pouvaient sembler anodines ; mais en vérité, cela changeait tout. Esther était en grand danger.

Son histoire était triste, tout de même. On pouvait presque en faire un conte. Il était une fois une vingtaine de lutins, adorateurs des dieux du ciel et puissants thermomagiciens, qui vivaient dans un magnifique château de glace. L’une d’elle, une dénommée Stéphanie, avait reçu la visite d’un homme qui se présentait comme le fils du dieu de la foudre. « Un salaud d’affabulateur », avait pesté Léo, mais cela ne semblait pas absurde à Alain étant données les capacités hors norme d’Esther. En tout cas, Stéphanie avait accepté de s’unir avec l’homme, puis il s’était éclipsé aussitôt l’acte terminé. La jeune femme était tombée enceinte ; elle avait tant bien que mal passé l’hiver, et au début de l’été, avait donné naissance à une petite fille. Mais le climat rude de la banquise n’était pas fait pour les nourrissons. Aussi Stéphanie s’était-elle résolue à abandonner la petite dans un pays chaud où les gens avaient à manger tous les jours. Le duché de Nariflor, aux Îles civilisées.

Enfin, Alain arriva à l’École. Il fit se poser son dragon, sauta à terre et se précipita vers la porte d’entrée.

 

« Esther ! Esther, par ici ! »

Esther, qui s’était un peu perdue dans le dédale de cristal souterrain, tourna vivement la tête vers la voix. C’était celle de Maître Adèle. La professeure de télépathie l’avait sûrement perçue à distance. Elle s’élança dans sa direction ; et, au détour d’une stalagmite, elle retrouva les professeurs.

« Que s’est-il passé ? Il y a eu de la fumée, puis tu as disparu…

- Tout va bien ! Ana pensait que vous m’aviez enlevée pour me forcer à faire des choses horribles, et elle était venue me sauver. J’ai remis la situation au clair, et me revoilà !

- Des choses horribles ? s’esclaffa Maître Brigitte. On n’est pas comme ça, enfin !

- Il faut la comprendre, intervint monsieur Victor. Esther a disparu sans laisser de traces, les autres avaient de quoi s’inquiéter.

- Surtout qu’on était au milieu d’un… Attendez ! »

Esther s’interrompit brutalement. Elle venait de se rappeler d’un détail troublant.

« Les gens de la banquise. Ce n’est pas vous qui les avez tués, tout de même ? »

Monsieur Victor se tourna brusquement vers ses complices.

« Pardon ? Les gardiens de la prophétie sont morts ?

- C’est-à-dire que…

- On n’avait pas remarqué…

- C'était un accident... »

Esther ne savait plus où donner de la tête. Maintenant qu'elle n'était plus à 100% focalisée sur sa mission du moment, c'était de nouveau le chaos dans son cerveau. Pour retrouver quelque chose sur quoi se concentrer, elle commença à se réciter l'ode à Pâris. Elle plongea dans sa petite bulle tandis que les autres continuaient de se quereller.

« Vous deviez aller chez les gens de la banquise pour leur demander leur aide ! Pas pour les massacrer s'ils refusaient de collaborer !

- Ils ne se sont pas contentés de refuser ! Ils voulaient nous enfermer dans leurs sordides souterrains sombres et humides !

- Ce n'était pas une raison pour les assassiner ! »

 

 

Mais alors que les Maîtres sortaient des justifications plus ou moins convaincantes, un bruit de cavalcade interrompit leur dispute. Esteban, Ana et Alain déboulèrent dans la grotte.

« Arrêtez ! Arrêtez.

- Esther n’est pas l’élue, expliqua Alain. J’ai interrogé le survivant de la banquise, à l’hôpital. Esther, tu es née le premier jour du mois du dragon d’argent. Donc ça ne peut pas être toi, puisque tu n’es pas guépard ! »

Esther se figea. Comment ? Elle n’était pas l’élue ? Née le premier jour du mois du dragon d’argent, et pas le mois du guépard ? Tout cela n’avait donc été qu’une chimère ? Tous les pouvoirs magiques dont elle s’était imaginé disposer grâce à l’amulette, elle devait faire une croix dessus ?

Puis elle se détendit. Elle n’était pas l’élue. Elle était juste une elfe ordinaire, une simple magicienne dont le pouvoir se bornait à réchauffer ou refroidir. Elle n’aurait pas à prendre des décisions dont dépendaient des vies humaines et elfiques. On la laisserait tranquille. Elle se roula en boule dans un coin de la grotte et reprit l'ode à Pâris, indifférente à tout ce qui pouvait se passer autour d'elle.

 

« Pourtant, c’est l’un d’entre vous, reprit Maître Tanager. Lorsque nous avons passé l’amulette au szoplenoscope, cela nous a indiqué que l’élu était loin vers le sud. Ce n’est pas précis, évidemment, mais cela ne peut être que l’un de vous quatre.

- Ce n’est pas moi, en tout cas, dit Alain. Je suis né le quatrième jour du mois de la baleine blanche. D’ailleurs, je ne suis pas du tout orphelin.

- Treizième du renard de givre en ce qui me concerne, poursuivit Ana. Et mes parents sont jacalope et baleine bleue.

- Et moi, je suis né en automne, termina Esteban. Maître Cornélius n’a pas retrouvé la date précise, étant donné que mon acte de naissance a brûlé. Mais ce n’est pas le mois du guépard. »

Ils se regardèrent, perplexes. La prophétie disait pourtant bien que l’élu était un guépard, non ?

Soudain, Esteban comprit. Il sera guépard, né du dragon d’or et de l’ours brun. Ce n’étaient pas des dates de naissance. C’étaient tout simplement des animaux. Plus précisément, des magiciens polymorphes. Il ne savait pas en quelles bêtes ses parents aimaient se changer, mais une chose était certaine : le guépard, c’était lui.

Et il savait également ce qu’il allait faire avec l’amulette des étoiles.

En un éclair, il se changea en ce félin conçu pour la chasse ; il s’élança dans la forêt de jambes qui lui entravait le chemin, et mit la patte sur le bijou magique. Dès qu’il la toucha, il sut que c’était lui, qu’il était bien le successeur de Maître Merlin et Maître Marie-Gabrielle. Et il sut aussi qu’il n’aurait pas d’héritier. C’était terminé. Il ne voulait pas être manipulé, il ne voulait pas qu’on se serve de lui pour tuer des gens.

Il reprit sa forme d’elfe et roula sur le côté. Un instant plus tard, l’amulette des étoiles explosait en une gerbe d’étincelles.

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Azurys
Posté le 26/01/2024
Que de rebondissements ! On peine à respirer pendant ce chapitre haha. Je suis bien heureux de voir que les quatre camarades sont -pour l'instant- toujours soudés et braves.
Je trouve quand même que le chapitre est un peu trop dense en événements, surtout la deuxième partie. On enchaine rebondissements sur rebondissements, ça laisse peu de temps pour apprécier leur impact. D'ailleurs, je trouve Esther quand même très influençable, il lui en faut peu pour changer d'avis... Je l'aurais imaginée plus tourmentée dans son esprit après autant d'événements.
Aussi, la profusion de "Maitres" rend la compréhension un peu compliquée parfois. J'ai eu un peu de mal à mettre un nom sur ces personnages, surtout qu'ils sont très secondaires.

En tout cas, j'ai bien hâte d'assister au dénouement de cette histoire. J'ai beaucoup apprécié le twist de fin avec Esteban, c'est une idée intelligente que je n'avais pas vu venir. De même pour le nuage de fumée, j'ai trouvé ça très surprenant de constater que ça venait d'Ana. L'impact de chaque camarade est très équilibré dans ce chapitre je trouve, hormis Alain peut-être qui n'agit pas tant que ça.

Petite remarque, au début : "Attends, d’où c’était à Alain qu’elle en avait parlé ?" est une formulation trop vocale je trouve, elle ne rend pas top à l'écrit.
blairelle
Posté le 26/01/2024
Merci pour ton commentaire !
Je vais voir si je peux alléger, après les événements s'enchaînent effectivement très vite et les personnages sont potentiellement complètement perdus.

Pour Esther, techniquement son tempérament c'est plutôt "faire les trucs peu importe si c'est des conneries mais ne pas rester là à se demander si c'est bien ou pas pour ne pas risquer de paniquer", c'est plutôt Estelle qui paniquerait mais là elle est très dissociée et elle ne réfléchit pas du tout. Je pense que je vais garder les changements d'avis mais préciser pourquoi.

Concernant les Maîtres, c'est pas faux, je vais peut-être en supprimer quelques-uns ou au moins les réduire au rang de figurants.

Merci pour la remarque au début et pour m'avoir fait part de ta surprise concernant Esteban ! « Est-ce que les gens penseront à Esteban en tant que l'élu » est l'une de mes plus grosses questions :-)
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