Chapitre 16 : L’étrange validation-avertissement

Notes de l’auteur : Bonne lecture !

 

Playlist Charlie :

These boots are made for walkin’ – Nancy Sinatra

 

 

***

 

 

Lorsque je rentrai chez moi ce matin-là, j’étais d’une étonnante bonne humeur. Rien, absolument rien ne saurait effacer le sourire qui me bouzillait les joues.

Rien de rien de rien.

Sauf peut-être le sourire de Tom lorsque j’entrai dans le living. Un sourire qui n’annonçait rien de bon. Rien de bon du tout.

— J’en connais une qui va avoir des ennuis, chantonna-t-il en passant devant moi pour se vautrer sur le canapé.

— Quoi ? bredouillai-je.

Ma joie laissa place à une profonde perplexité.

Tom se contenta de sourire encore plus largement. Je n’eus pas le temps de lui demander s’il ne souffrait pas d’une commotion cérébrale ou tout autre souci grave au cerveau que mes poils se hérissèrent.

— Charlotte Nadine Mercier ! tonna la voix furieuse de Nick à l’autre bout de la pièce.

Il était apparu comme un diable bondissant de sa boîte. Et comme une biche prise dans les phares d’un camion, je me figeai tout net.

Je rentrai instinctivement la tête dans mes épaules. Non, définitivement, ce sourire ne me disait rien qui vaille. En me retournant, je découvris Nick debout à l’entrée de la cuisine. Les bras croisés sur sa large poitrine il me fixait d’un air tout à fait furieux.

Et merde… jurai-je en moi-même.

— Où as-tu passé la nuit ? gronda-t-il, ce qui me fit sursauter.

Je pris le temps de reprendre mon souffle – pas longtemps, juste une petite fraction de seconde – et soupirai lentement.

Devant moi, mon frère aîné se mit à tourner furieusement en rond. On aurait dit un véritable lion en cage. Surtout avec ses cheveux en bataille. Une vraie crinière de fauve.

J’en aurais volontiers ri si mon attention ne s’était pas tournée vers Tom, étendu nonchalamment sur le canapé à regarder la télé pour le fusiller du regard. Cet abruti m’avait balancé. Sans doute à cause de la dernière crasse que je lui avais faite. Elle-même réponse à une ancienne crasse qu’il m’avait faite qui était une réponse d’une autre et ainsi de suite.

Nés dans la même année mais parfaitement incapables de s’entendre, on dirait.

Je me retournai vers notre aîné. Il s’était subitement arrêté, attendant visiblement une réponse qui tardait à arriver. Je me mordis les joues. Sous ses airs furibonds, je percevais une sincère inquiétude. Et brusquement, j’éprouvai une culpabilité atroce en me souvenant de ce qu’il m’avait fait promettre avant de partir. La permission de trois heures, songeai-je piteusement, on dirait bien que je ne l’aurais plus jamais.

— J’étais chez les jumeaux, tentai-je de l’apaiser d’une toute petite voix, pas la peine de t’inquiéter autant.

— Et leurs parents ?

Je déglutis, mal à l’aise.

— Aussi absents que les nôtres aux dernières nouvelles, répondis-je à contre-cœur. J’ai cru comprendre qu’ils avaient eu une nuit chargée au Billie’s. Je ne comprends vraiment pas ce qui t’inquiète tant, ajoutai-je tout de même un peu agacée. J’étais en sécurité, que veux-tu qu’il me soit arrivé ?

— Qu’un certain garçon ait butiné ta petite fleur ? proposa sournoisement Tom depuis le canapé.

Une furieuse envie de l’étouffer dans son sommeil m’envahit.

— Oh ta gueule Tom, crachai-je en me tournant vers lui, excédée. On sait tous que ton pistil tu le fourre partout où tu peux.

— Tu me traites de quoi là ? s’insurgea-t-il en bondissant de son siège.

Oh oh, mais c’est qu’il mordrait le bougre !

— Du calme, tenta de nous tempérer Nick. Sans grand succès, cela va sans dire.

— De branleur, évidemment, répondis-je hors de moi. T’es pas foutu d’aligner deux phrases sans avoir le nez collé à ton téléphone, mais le cul des bécasses, ça c’est plus à ta portée !

— Répète un peu pour voir !

Il était à présent à quelques centimètres de moi. Quand avait-il enjambé le canapé ? Je n’avais même pas remarqué.

— Quoi, tu vas me frapper ? le provoquai-je avant d’écarter les bras. Vas-y, je t’attends !

Nous étions à deux doigts d’en venir aux mains pour de bon quand Nick nous asséna à tous les deux une bonne claque derrière la tête. Si le coup n’était pas assez fort pour nous faire vraiment mal, la surprise qu’il suscita nous arrêta tout de même dans notre élan et c’est d’un même mouvement que nous nous tournâmes vers notre aîné.

— C’est bon ? Vous avez fini ? grogna celui-ci, excédé. Bien, fit-il sans nous laisser le temps de répondre. Tom, poursuivit-il en se tournant vers ce dernier, je ne veux rien entendre. Je me fiche éperdument d’où tu traînes ton cul du moment que tu te protèges.

— Mais…

— Pour ce qui est de cette affaire, continua Nick sans se laisser démonter, elle ne te regarde en rien alors arrête de chercher des poux à Charlie et va plutôt t’enfermer dans ta chambre avant que je ne t’y enferme moi-même.

Son ton comme son regard ne souffrait d’aucune réplique. Les dents serrés, Tom s’en alla sagement, non sans nous lancer à tous les deux son plus beau regard noir. J’étais fortement tentée de fêter cette victoire, un sourire triomphal éclairait même déjà mon visage, mais le regard que posa Nick sur moi me fit ravaler la réplique cinglante que je m’apprêtais à prononcer.

— Ne crois pas que j’en ai terminé avec toi, asséna mon frère. Tout ce que j’ai dit vaut aussi bien pour toi et je n’apprécie pas ces petites guérillas que vous menez l’un contre l’autre. S’il t’agace, ignore-le, tu sais très bien le faire alors fais-le.

J’en restai coite.

— Je…

— Quant à cette nuit, me coupa-t-il à nouveau. Je veux bien que tu aies passé la nuit chez tes amis, tu peux même avoir couché avec Alex je m’en cogne du moment que vous vous êtes protégés.

— Nick ! m’étouffai-je, le visage brûlant.

— Ce que je te reproche, poursuivit Nick sans se démonter, c’est d’être partie de la fête et de ne pas m’avoir prévenu. J’ai passé la nuit à essayer de te joindre ou de joindre tes amis et seul Romy m’a répondu.

Mon téléphone avait en effet rendu l’âme dans la nuit et je n’avais pas pensé à demander un chargeur à Alex.

— Je veux bien que tu t’amuses, continua-t-il, je n’ai même rien contre ça, mais je continuerai de te demander de me donner des nouvelles quand tu sors même quand tu seras une petite vieille entourée de tes enfants et petits-enfants. Compris ?

Lâcher une telle réplique sans jamais reprendre son souffle, ça tient presque autant du miracle que de la maîtrise. J’en restai un moment sans voix, saluant l’effort de ses poumons avant de me fendre d’un timide sourire.

— Même quand je serais une petite vieille fripée ? relevai-je malicieusement.

Sa façade furibonde se morcela pour laisser entrevoir le sourire tendre que je lui connaissais.

— Oui, même là, alors que je serais sûrement en maison de retraite.

Je pouffais de rire et vins le serrer dans mes bras, heureuse malgré moi.

— C’est promis.

— Bien, sourit-il en m’embrassant le front avant de s’écarter.

Il retourna à la cuisine où je le suivis pour me servir un verre d’eau.

— Alors ? demanda-t-il innocemment. Tu as couché avec Alex ?

Je recrachai instantanément le contenu de mon verre, écarlate. Et alors que je toussais à en recracher mes poumons, ce grand nigaud éclata de rire.

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