Ils avaient gagné à pieds la lisière de la ville. La démarcation était bien trop nette pour être naturelle ; à quelques mètres à peine des bâtiments, des sapins élevaient leurs cimes vers les cieux. L’odeur des résineux emplissait l’atmosphère, et Lucas adorait cette senteur qui lui rappelait sa maison.
L’air était vif, mais pas piquant, avec une légère brise qui l’incitait à gagner les cieux. Le Messager discutait toujours avec Lisko, et la jeune fille avait resserré sa cape bordée de fourrure autour d’elle. Lucas retint un sourire. Si elle avait froid maintenant, alors qu’ils n’étaient qu’à la fin de l’été, elle ne tiendrait pas l’hiver !
–Alors, on rêvasse, Envoyé ?
La voix sèche le ramena au présent.
–Je ne vous avais pas vu, Émissaire, répondit poliment Lucas en saluant aussitôt.
Un frisson désagréable courut le long de son échine. Certes, tous les Émissaires n’étaient pas des Mélior en puissance, mais ce ton désagréable, volontairement provocateur… il lutta pour éviter de serrer les poings et se trahir.
–Allons, Zack, inutile de le rabrouer ainsi, intervint un autre Émissaire.
Il était bien plus jeune que l’autre, nota distraitement Lucas. Ses yeux noisette étaient rieurs, ses ailes grises comme son uniforme où brillait un unique cercle doré sur la gauche de sa poitrine. Nulle trace de blanc dans les cheveux noirs coupés courts ; si Lucas ne se trompait pas, il avait tout juste la vingtaine.
–Je m’appelle Matthias, je suis Émissaire du Premier Cercle, poursuivit-il. Voici Zack, il est plus agréable que tu n’as pu le croire au premier abord. Et la dernière de notre groupe est Sybil.
–Enchantée, dit-elle avec un sourire.
Avec ses trois Cercles brodés sur la poitrine, elle était la plus gradée des Émissaires. Ses cheveux blonds étaient noués en un chignon classique, ses ailes sombres de la même teinte que ses yeux. Un instant, Lucas aurait presque cru avoir l’un des membres des Faucons Noirs devant lui. Mais quelques plumes grises se devinaient au travers du noir ; il respira mieux. Qu’allait-il imaginer ? Jamais la guilde des assassins n’agirait ainsi au grand jour !
–Tu lui as fait peur, Sybil, se moqua Zack.
–Je ne t’ai pas sonné, rispota-t-elle, poings sur les hanches.
–Bien, vous avez donc déjà fait connaissance, à ce que je vois, intervint le Messager Arcal.
Les Émissaires saluèrent immédiatement, poing droit sur le cœur. Lucas fut impressionné par leur maitrise ; leur salut était impeccable, leur corps incliné à l’angle parfait pour le rang du Messager. S’il s’était agi du Djicam, ils auraient plongé de quelques centimètres supplémentaires ; un peu moins pour le Djicam ou la Seycam d’un autre Royaume, et bien plus pour le Souverain ou son Durckma.
Il tardait à Lucas d’acquérir cette grâce innée qui accompagnait tous leurs mouvements ; il commençait à peine à comprendre qu’il n’était qu’au tout début d’un entrainement laborieux.
–Je vous présente Lisko Travira, et sa fille, Satia. Nous les escorterons jusqu’à la Cité d’Émeraude, où ils ont choisi de développer un nouveau commerce.
Sybil siffla.
–À pieds, cela va être long. Pourquoi ne pas prendre un aquilaire ?
Sur le relief escarpé de Massilia, il était impensable de relier les grandes villes avec un attelage classique. Des aigles géants transportaient les voitures d’un point à un autre, raccourcissant les distances – du moment qu’on n’avait pas le vertige.
–Ils sont recherchés, rappela Arcal. Un aquilaire serait une évidence. Nous irons à pieds.
Les Émissaires se raidirent, les Envoyés baissèrent la tête, mais nul ne protesta.
–Bien. En route. Sybil, tu t’occupes des cieux. Zack, l’arrière-garde. Matthias, tu trouves la voie. Prends Lucas avec toi.
–À vos ordres, Messager, répondirent-ils d’une même voix.
*****
La journée s’écoula lentement, au terme d’une progression toute aussi lente. La forêt était suffisamment clairsemée pour que l’Émissaire Sybil vienne se poser à leurs côtés de temps à autre, souvent pour un bref échange avec le Messager Arcal.
Ils auraient certes pu communiquer par le lien du Wild qu’ils partageaient avec leurs Compagnons, mais échanger de vive voix était important pour Arcal.
Syrcail trainait des pieds, surpris que la jeune fille à leurs côtés ne soit pas en train de râler. Elle avançait sans se plaindre, déterminée à aller de l’avant. Son père s’enquérait parfois de son état, mais le plus souvent il discutait avec Arcal. Impossible de capter quoi que ce soit de leur conversation, ils étaient bien trop prudents.
Aux yeux de Syrcail, tout n’était que mystère à élucider. Le Djicam en personne qui leur confiait une telle mission ? Quatre Mecers de plein droit, deux apprentis, pour deux terrestres ? C’était étrange. Qui pouvait donc leur en vouloir à ce point ?
Son regard balaya les alentours. Les arbres n’étaient pas suffisamment denses pour leur cacher un ennemi ; ils faisaient trop de bruit pour espérer apercevoir les animaux sauvages qui résidaient en ces lieux ; le tapis d’aiguilles était à la fois ferme et souple sous ses pas. Il s’étonna que les deux terrestres se déplacent si aisément sur ce type de terrain ; avant de reconnaitre qu’il ne savait rien d’eux.
L’homme se prénommait Lisko ; il était grand, dépassait à peine le Messager. Ses cheveux bruns étaient courts, et il blanchissait sur les tempes. Syrcail lui donnait une bonne quarantaine d’années. Ses traits burinés montraient qu’il avait l’habitude du grand air ; pas étonnant s’il était bien marchand comme il le prétendait. Ses vêtements étaient simples mais solides ; colorés comme ceux de sa profession, suffisamment amples pour qu’il ne distingue pas sa musculature. Il ne portait pas d’épée, contrairement aux Massiliens, mais une dague pendait à sa ceinture.
Une saine précaution.
Pour la fille, il ne la situait pas précisément. Peut-être était-elle de l’âge de Lucas, peut-être du sien. Elle était petite et menue, donnant une impression de fragilité démentie par un regard empli de détermination. Ses cheveux étaient noirs et longs ; elle les avait attachés pour ne pas être gênée par le vent. Le plus perturbant étaient les yeux violets ; Syrcail n’en avait jamais vu que sur les Prêtres et Prêtresses d’Eraïm. Mais il réserva son opinion : il n’avait encore jamais quitté Massilia, et ce qui lui paraissait étrange était peut-être normal sur les autres planètes.
Les Niléens avaient bien la peau bleue, après tout.
Lucas et Matthias revinrent sur ces entrefaites.
–Il y a une grotte pas très loin, annonça l’Émissaire Matthias à Arcal. L’ascension sera un peu difficile à pieds, mais nous serons en sécurité pour la nuit.
–Je te fais confiance, répondit le Messager.
Le groupe, qui avait marqué une petite pause, reprit son chemin, guidé par Matthias. Ils quittèrent bientôt le sentier pour couper à travers une végétation rase, mais dense.
–C’était bien plus facile par la voie des airs, maugréa Lucas qui peinait aux côtés de Syrcail.
–Toi, tu as déjà pu voler, commenta son ami.
–Tu crois que c’était drôle ? Il allait très vite, avec des changements de direction qui me prenaient au dépourvu… je suis bien content de reposer mes ailes !
L’Émissaire Zack, qui décrivait des cercles autour d’eux, piqua soudain vers Arcal.
–Il y a plusieurs colonnes de fumées suspectes, dit-il après avoir salué. Doit-on effectuer une reconnaissance ?
Le Messager réfléchit quelques secondes. Ils étaient encore très proches de Citrine, à l’aune des capacités de déplacement massilienne. Ils n’avaient fait que grimper depuis le début de la journée, avec de rares pauses, mais tout ce chemin pouvait être parcouru en moins d’une heure par des Massiliens exploitant au mieux les courants aériens.
–Si toi ou ton Compagnon ne pas vous faites repérer… ce serait appréciable de savoir ce qui nous attend. Je suppose d’autres groupes de voyageurs, après tout, il y a toujours quelques étrangers en visite sur Massilia, et nous sommes encore très proches de la Porte, mais mieux vaut nous en assurer.
–Très bien, Messager, répondit Zack avant de s’envoler à nouveau.
Il était puissant, nota Lucas, pour se passer des quelques pas d’élan qui favorisaient l’envol. Il étouffa un bâillement et jeta un coup d’œil au ciel qui commençait à s’obscurcir. Il commençait à douter qu’ils arrivent au refuge promis avant la nuit. Et l’ascension promettait d’être raide. Pourquoi Arcal tenait-il donc tant à ce qu’ils restent au sol ? Son pied glissa comme son appui se dérobait sous lui. Lucas se rattrapa en jurant.
—Ils arrivent, dit Arcal en dégainant.
Surpris, Lucas et Syrcail échangèrent un regard avant d’imiter le Messager. Zack n’était nulle part en vue ; soit il avait eu peur d’être repéré, soit il savait qu’il n’arriverait pas à temps pour les prévenir. Grâce au Wild, son Compagnon avait pu prévenir celui d’Arcal.
Le sourire de Sybil avait quitté son visage. Elle aussi avait tiré l’épée, et les reflets du soleil jouaient sur la lame en Ilik. Elle était plus orange que jaune, remarqua Lucas ; elle s’était battue récemment. L’Ilik gardait la mémoire du sang versé.
Lisko s’était rapproché de sa fille et ses dagues brillaient dans ses mains. Lucas doutait qu’il s’en serve ; les Mecers étaient là pour le protéger. C’était néanmoins une précaution utile.
Cinq Massiliens crevèrent la cime des arbres tout proches ; s’abattant sur eux depuis les airs. Matthias et Sybil avaient bondi au contact ; quelques secondes plus tard, Zack les rejoignaient. Resté au sol, le Messager contenait deux adversaires.
Lucas et Syrcail se trouvaient désœuvrés, mais l’angoisse transparaissait sur leur visage.
L’air tourbillonnait autour d’eux sous les duels aériens. Les battements d’ailes puissants créaient des bourrasques, les Mecers et leurs adversaires virevoltaient, l’acier croisant l’Ilik, chantant, troublant la tranquillité des lieux.
Rapidement, Sybil prit le dessus. Quelques passes pour juger du niveau de son opposant, quelques secondes pour juger de son utilisation de l’environnement ; puis alors que son adversaire pensait prendre le dessus, elle s’effaça, entra dans son centre, détourna sa force. Elle aurait pu le tuer, se contenta d’un violent coup sur la tempe qui l’assomma. Sybil le retint en grimaçant tandis qu’il chutait vers le sol : par Eraïm, il était lourd !
Le Messager lui adressa un regard appréciateur. Ses adversaires étaient morts, et pouvoir interroger un survivant serait intéressant pour connaitre les causes de leur attaque. Après tout, il s’agissait peut-être d’une simple coïncidence.
Les deux Massiliens aux prises avec Zack et Matthias mesurèrent l’étendue du désastre ; poussant les Émissaires sur la défensive, ils s’élevèrent ensuite rapidement avant de prendre la fuite. Dépité, Zack rengaina en maugréant. Matthias et lui se posèrent souplement au sol.
—Personne n’est blessé ? s’enquit le Messager Arcal.
—Une simple écorchure, répondit Matthias.
Il avait remonté la manche de son uniforme gris pour dévoiler une légère estafilade. Zack piocha dans son escarcelle, nettoya la plaie avec un peu d’eau de sa gourde, puis noua un bandage.
Le Messager s’approcha de leur prisonnier, inconscient. Lucas ne vit pas comment il s’y prit, mais soudain les yeux de l’homme papillonnèrent et s’ouvrirent. Il pâlit quand il comprit qu’il était en mauvaise posture.
—Pourquoi nous avoir attaqué ? demanda posément Arcal.
—Je… vous… nous vous avons confondu avec des proies sans défense, balbutia l’homme, terrifié. Pourquoi marcher quand on peut voler ? Nous ne nous serions jamais attaqués à des Mecers !
—Vous nous avez pris pour des Mecers blessés, commenta sombrement Zack en croisant les bras. Ça, c’était une proie facile.
L’homme se recroquevilla comme pour disparaitre.
Arcal se releva.
—Sybil, tu le raccompagnes.
—À vos ordres, Messager, s’inclina-t-elle.
*****
Les Émissaires Zack et Matthias avaient volé jusqu’à la grotte et préparaient le diner lorsque Lucas et Syrcail, essoufflés, arrivèrent enfin à l’abri. Le Messager Arcal avait refusé leur demande d’accompagner les Émissaires et leur avait ordonné de poursuivre l’ascension.
Si Lisko et sa fille s’étaient tirés sans encombre de l’escalade, les deux jeunes Massiliens avaient souffert. Les ailes dans leur dos étaient un contrepoids qui les gênaient et compliquaient leur approche sur ces surfaces qui s’apparentaient à la verticale. L’Émissaire Matthias les accueillit avec un sourire.
—Venez vous reposer près du feu, les jeunes !
Le Messager distribua les tours de garde ; Lucas et Syrcail furent soulagés d’être épargnés. Épuisés par leur longue journée, ils se blottirent dans leurs ailes et s’endormirent.
*****
Trois jours durant ils marchèrent sans un incident. La routine s’était installée dans le petit groupe ; le Messager en était le chef incontesté, et Lisko et Satia participaient à la bonne marche du camp. Les Émissaires s’étaient détendus en voyant que les terrestres n’étaient pas des poids.
Ils progressaient à un rythme soutenu, franchissant les vallées, traversant des torrents, allant au travers de bosquets de sapin ou de hêtres selon leur altitude. Si Arcal discutait beaucoup avec Lisko, il n’oubliait pas de consacrer son temps libre aux Envoyés. Les Émissaires participaient de bon cœur, aiguillaient Lucas et Syrcail sur les bonnes réponses. Au sein de la nature, il était plus facile de mémoriser les noms des plantes et des arbres en les côtoyant de nombreuses heures.
Le matin, après le petit déjeuner, Lucas et Syrcail s’efforçaient de suivre le rituel d’échauffement de leurs ainés. Le soir, après le repas, Arcal leur faisait travailler le combat à l’épée. Lucas finit par songer que cette mission, bien que routinière, lui permettrait quand même de progresser.
*****
Quatre jours de pluie ininterrompue. Les plumes détrempées, les Massiliens étaient maussades. Lisko et Satia étaient mieux abrités sous leur cape huilée ; mais même le meilleur cuir avait ses limites.
Impossible de voler dans ses conditions.
En cette fin de matinée, ils progressaient sur un sentier étroit, qui serpentait entre les sapins et les épicéas. Des écharpes de brume s’enroulaient autour des branches au-dessus d’eux. L’air était humide, et à cette altitude, glacial. Le tapis des aiguilles était moelleux sous leurs pas, ils avançaient en silence, courbant la tête sous l’averse, rêvant de chaleur. Et d’un abri au sec.
Le Messager Arcal s’immobilisa, si brusquement que Lucas, juste derrière, le percuta. Il releva les yeux, ne distingua rien d’autre que le brouillard dans les ombres des conifères.
—Silence ! ordonna le Messager.
Les Mecers furent aussitôt sur le qui-vive.
—On ne bouge plus !
Une douzaine de silhouettes surgirent de la brume. Une bande organisée, songea Lucas en avisant le brassard coloré autour de leur bras. Leur chef s’avança crânement vers eux, bras croisés.
—Ce territoire nous appartient. Si vous voulez passer, il faudra payer.
Le Messager Arcal ne se démonta pas.
—C’est une plaisanterie ? Cette forêt est sur le domaine du Clan de la Péninsule. Je ne vois pas son symbole sur votre bras.
Le chef renifla.
—Clan ou pas clan, nous sommes nos seuls maitres.
Le regard d’Arcal se durcit.
—Des renégats, donc ?
—Des hommes libres, contra-t-il. Payez votre droit de passage, ou assumez les conséquences.
—Attaquez-nous, et vous mourrez, rétorqua le Messager avec le calme qui le caractérisait.
Une attitude si contraire à leurs victimes habituelles que le chef hésita un instant. Dans les yeux clairs posés sur lui, nulle crainte. Juste la profonde conviction de sortir vainqueur de l’affrontement.
Puis il découvrit les sept autres personnes derrière le Messager et se ressaisit. Trois gamins, un terrestre qui ne ferait pas le poids… ça laissait quatre adversaires. Ils étaient plus d’une vingtaine. Tous Mecers qu’ils soient, ils ne pourraient pas accomplir un miracle. D’un geste, il donna l’ordre à ses hommes de passer à l’attaque.
Des ombres floues bondirent du haut des arbres et les encerclèrent ; bientôt, ils furent aux prises avec plusieurs adversaires.
Côte à côte, Lucas et Syrcail combattaient pour leur vie. Ceux qui les avaient pris pour des proies faciles en étaient pour leurs frais.
Après s’être cantonné à la défensive pour juger son adversaire, Syrcail attaqua, avec toute la rapidité qui était la sienne. Une touche à l’épaule qui enragea son opposant ; aussitôt Syrcail se porta sous sa garde et sa lame pénétra la cuisse de son adversaire. Il avait visé l’artère ; l’homme s’écroula aussitôt, tentant vainement de juguler l’hémorragie.
Désireux d’imiter son ainé, Lucas prit le temps de discerner les failles de son adversaire. Trompé par son jeune âge, il ne se méfiait pas et avait négligé la plus élémentaire des prudences. Parfait pour tester la dernière technique montrée par son frère Aioros. Les lames cliquetèrent de parades en parades ; un sourire méprisant apparut sur le visage de l’ailé, certain de sa victoire. Aussi fut-il surpris quand Lucas esquiva sa lame au millimètre, se glissa le long de celle-ci pour remonter jusqu’à son cœur dans un contre fulgurant. Il s’écroula, l’étonnement encore peint sur ses traits.
—Bien joué, commenta Syrcail.
Les deux Envoyés échangèrent un sourire.
—Attention !
La voix de Matthias.
Lucas bondit en arrière, évita de justesse d’être décapité. Syrcail jura à ses côtés, la main libre posée sur son épaule d’où sourdait du sang.
—Ça va ? s’inquiéta Lucas.
—Rien de grave, le rassura Syrcail.
Les deux Massiliens en face d’eux semblaient plus expérimentés que ceux qu’ils avaient vaincus. Lucas resserra sa prise sur son arme. Cette fois, le combat ne serait pas si facile.
L’épée de son adversaire s’abattit sur lui avec un sifflement ; Lucas bondit de côté, stupéfait par la brutalité de l’attaque. Quelle force ! Inutile de chercher à parer un coup pareil ; se faire toucher serait encore pire.
Un coup d’œil sur les alentours lui apprit qu’il ne pourrait pas espérer d’aide. Si l’Émissaire Matthias avait essayé de se rapprocher d’eux, il était tenu en respect par trois Massiliens. Les corps jonchaient le sol, mais il s’en fallait encore de longtemps que le combat se termine.
Lucas serra les dents, concentré. Il n’était qu’Envoyé. Ce serait difficile. Il luttait pour esquiver les coups de butor assenés par son ennemi. Comment contrer une force pareille ? Il s’essoufflait déjà sans entrevoir de solution.
—Lucas, attention !
Syrcail le plaqua au sol ; juste à temps pour esquiver un coup qui l’aurait coupé en deux.
—Vous ne m’échapperez pas, les minus !
Étalés au sol, Syrcail et Lucas n’en menaient pas large. Le terrain détrempé devenait boueux sous le piétinement ; l’eau glacée s’infiltrait partout. Une bourrasque souffla à travers les arbres. Plus qu’une simple bourrasque, réalisa Lucas comme leur adversaire était projeté à vingt mètres.
Lucas s’assit. Les bandits étaient tous morts ou inconscients, assommés contre les troncs d’arbre, composant un arc de cercle trop régulier pour être naturel. Devant eux se dressait un Massilien, les ailes d’un gris très clair, comme ses yeux.
—Vous allez bien ?
—Oui. Merci, répondit prudemment Syrcail en aidant Lucas à se lever.
Le Messager Arcal avait rengainé, et tandis que les Émissaires s’occupaient de regrouper les brigands, il s’avança vers eux.
—Nous avons gagné du temps grâce à votre intervention. Soyez-en remercié.
—J’étais à proximité lorsque j’ai senti… (son regard balaya leur groupe en s’attardant sur les terrestres). Puis-je faire un bout de route avec vous, Messager ?
Lucas trouvait le nouveau venu de plus en plus étrange. Il avait passé la trentaine, c’était sûr, mais une assurance sereine se lisait dans sa posture. Entouré de Mecers, il aurait peut-être dû se montrer un peu plus intimidé.
D’un autre côté, Lucas n’avait toujours pas compris comment il s’était débarrassé de leurs adversaires.
—Notre mission est d’escorter ce marchand et sa fille, répondit Arcal après de longues secondes de réflexions. Nous nous déplaçons lentement.
—Cela ne me pose pas de problème. Avons-nous un accord, Messager ?
—Nous avons un accord, Maitre des Vents. Je suis Arcal, se présenta-t-il.
—Cérulis, répondit le Massilien tout aussi sommairement.
Sur un regard du Messager, Lucas et Syrcail saluèrent.
—Enchanté, Maitre des Vents !
"le tapis d’aiguilles était à la fois ferme et souple sous ses pas." C'est fou, tu as une espèce de génie pour les notations qui sont à la fois précises, légères, poétiques et évocatrices... mais tu t'en sers à peine, alors que c'est tout ce qui manque à tes textes pour se remplumer 😄 vraiment !
¯\_(ツ)_/¯
"L’Ilik gardait la mémoire du sang versé." ▶️ Quelle superbe idée !
Remarques :
▶️ J'ai eu du mal au début, les paragraphes sont dans un ordre qui ne permet pas vraiment de comprendre... logiquement, ça serait plutôt :
"–Allons, Zack, inutile de le rabrouer ainsi, (...)"
"Il était bien plus jeune que l’autre, nota distraitement Lucas.(...)" qui peut former un seul paragraphe avec "Un frisson désagréable courut le long de son échine (...)"
Et pourquoi "distraitement" à cet endroit ? Lucas vient d'être surpris, il semble un peu mal à l'aise... ça brouille les cartes.
▶️ "–À pieds, cela va être long. Pourquoi ne pas prendre un aquilaire ?
Sur le relief escarpé de Massilia, il était impensable de relier les grandes villes avec un attelage classique. Des aigles géants transportaient les voitures d’un point à un autre, raccourcissant les distances – du moment qu’on n’avait pas le vertige."
Typiquement le genre de chose que tu peux préparer avant, la vision "d'aquilaires" dans le ciel. Sinon, c'est invoquer un fait (plutôt) saillant juste au moment où tu en as besoin... ça se voit ! En revanche, quand tu remontes pendant l'écriture pour trouver le meilleur endroit d'insertion, la manœuvre reste tout à fait invisible ;)
▶️ "Cinq Massiliens crevèrent la cime des arbres tout proches ; s’abattant sur eux depuis les airs. Matthias et Sybil avaient bondi au contact ; quelques secondes plus tard, Zack les rejoignaient. Resté au sol, le Messager contenait deux adversaires."
Fait saillant ▶️ insiste un peu plus quand même, comme pour la seconde attaque... ça arrive de manière trop expédiée, là... Soudain... bruit, alerte, etc.
▶️ "Sybil le retint en grimaçant tandis qu’il chutait vers le sol : par Eraïm, il était lourd !"
Notation interne alors qu'on est toujours en externe sur elle... et pour cause, c'est un personnage mystérieux (ce qui est intéressant) : Lucas la voit lutter pour le retenir.
▶️ "les coups de butor"... boutoir ? Butor, c'est "maladroit, rustre, inculte, brute"... ça pourrait correspondre (si le gars est mauvais au combat), mais l'expression "coup de boutoir" est tellement figée qu'on pense à une coquille.
Bisous 🦋
Merci, oui les coups de génies ne sont qu'éphémères hélas, je vais leur demander d'être présents plus souvent :p
Bon comme d'hab tu tombes juste sur des points où j'hésitais / sentais un truc sans le "voir" réellement. Je m'en veux du point de vue celui-ci j'aurais dû le voir et le modifier ^^
Je vois ce que tu veux dire pour les faits saillants. Les aquilaires, je les avais déjà en tête pour le tout début de l'écriture, c'est juste qu'ils me sont revenus en tête là en mode "mais pourquoi ils vont à pieds si ce moyen de locomotion plus pratique existe, en fait ??" (et l'explication se rajoute parce que j'ai calculé que je n'avais pas encore explicité le terme dans ce texte). Vrai que pour des ailés ils commentent peu ce qu'ils voient dans les cieux... faudra que j'en saupoudre ça et là dans les chapitres précédents. Ne serait-ce que des trucs à décharger ou autre.
Pour l'attaque, elle survient peut-être de manière assez abrupte, mais j'avoue que je suis un peu lassée des intro "quand soudain"... je vais me rabattre sur les bruits annonciateurs, du coup.
Merci tout plein, ça m'aidera pour les corrections ^^