Partie III : Machina
Blow a kiss, fire a gun
All we need is somebody to lean on
Lean on — Style Major Lazer F.T. Mykal Kilgore
144.
Maja vérifie que les portes de l’entrepôt sont bien fermées ; après tout, on n'est jamais mieux servi que par soi-même. Toute la zone est parfaitement sécurisée à présent. Ils ont réuni les copains de l’usine et gardé pour eux le monopole du carburant : plus personne ne peut voler sans passer par la résistance, ça va en faire réfléchir certains. Les voilà maîtres du ciel pour ainsi dire.
— C’est bien, tu as fait un super boulot, Martial. C’est un soulagement de ne pas devoir se planquer à chaque fois qu’un vaisseau vrombit au-dessus de nous.
— Fais attention, Maja. C’est sûr qu’ils ont aussi leur propre réserve de carburant au Mur.
Maja hausse les épaules, mais elle garde bien en tête le conseil du Chef Martial. Que se passe-t-il dans la Machine ? C’est à n’y rien comprendre... Les enfants du Mur ont l’air perdu, désorganisé et les attaques répétées des résistants demeurent sans réponse. Depuis que Chien est sorti, tout part à vau-l’eau pour le gouvernement. Ils n’ont même pas fait d’annonce depuis que Loup les a rejoints, pas plus depuis que la révolution a éclaté officiellement.
Maja fronce le nez, méfiante. Et si tout ça était un piège ? Elle descend les escaliers de la fabrique et remonte le cours des canaux pour arriver sur la place du Châtaignier. Plusieurs de ses hommes lui font un signe de la main, équipés pour certains d’armes à feu et d’autres de balais tandis que d'autres encore chantent en chœur la chanson du Châtaignier. Elle leur rend leur salut. Il n’y a aucune trace de civils ni d’enfants du Mur, tous planqués : les premiers dans leurs appartements et les seconds dans leur énorme forteresse blindée.
La situation est avantageuse, mais pourrait ne pas obtenir de stabilité tant que le Mur et la Machine ne tomberont pas. Concernant cette dernière, Maja n’a d’autre choix que de compter sur Berry. Se trouve-t-il déjà à l’intérieur ? Tandis qu’elle tourne la tête, une tache bleue attire son regard vers le palier d’un escalier de secours.
Les jambes pendues dans le vide, son chien dans les bras, Honorine Italique observe la ville d’un œil sombre, une rivière de cheveux turquoise coulant de la capuche rabattue de son sweat. Maja se rappelle cette grosse fille qu’elle a déjà aperçue à une réunion. Elle semble très préoccupée, mais qui n’aurait pas cette expression vu les récents événements ? Toute sa bande de punks s’est installée à l’étage du dessous et sirote des bières tièdes qu’ils ont trouvées on ne sait trop où, en fumant des cigarettes roulées.
— Hé vous !
Les marginaux s’immobilisent tandis qu'Honorine baisse les yeux vers Maja qui la fixe, les poings sur les hanches :
— Hé là-haut ! C’est toi la chef du groupe ?
— ça dépend qui la d’mande.
— Tu ne veux pas descendre deux minutes qu’on cause ? J’ai du boulot pour vous.
Honorine se remet debout mollement avant de lancer à la résistante :
— Très bien, j’arrive.
La jeune femme descend les escaliers de métal en faisant un boucan abominable, ce qui semble beaucoup amuser les punks. Arrivée en bas, son chien sur les talons, elle s’accoude contre un mur et Maja est saisie par sa différence d’expression. Toute trace de tracas a disparu de ses traits ; Honorine sourit maintenant d’un air un tantinet moqueur, ses yeux brillant d’espièglerie.
— Qu’est-ce que j’peux faire pour toi, Cap'taine ?
Maja a l’impression que la jeune femme se moque d’elle, mais elle est au-dessus de toute cette provocation débile de punk.
— On a bien besoin de petites mains par ici. Je t’ai vu au Troll Radieux l’autre fois. Si la cause t’intéresse, tu voudrais pas nous rejoindre avec tes camarades ?
— C’t’une possibilité.
— Personne n’a essayé de vous recruter avant ?
Honorine hausse les épaules et répond de sa voix rocailleuse :
— Oh tu sais, Cap'taine, nous on appartient à aucune administration... et en général, les gens passent sans nous voir.
— Sincèrement, ça vous intéresse ?
— J’dois voir avec mes matelots. Si j’mets leurs vies en danger, j’ai pas l’droit d’le faire sans leur demander leur avis. Mais tu peux d’jà compter sur moi, Cap'taine.
— Bien, j’en suis contente. On se réunira aux abords du Mur d’ici deux heures. Rejoins mon régiment avec le plus d’hommes possible à ce moment-là.
— Bien noté.
Honorine accompagne sa décision d’un léger mouvement de tête auquel Maja répond avant de s’éloigner. Quand la femme se trouve suffisamment loin pour ne pas l’entendre, Raclure s’assied sur son arrière-train aux pieds de l’humaine et gronde :
— Je veux pas.
— Y a pas le choix.
— Je veux pas. Guerre. Souffrance. Je veux pas.
Honorine a retrouvé des traits fatigués et inquiets.
— Y a peut-être que moi qui puisse faire quelque chose.
145.
Loup longe le bassin de décantation en compagnie de Radje. C’est là le centre de la Machine : la station d’épuration de la Rivière Bleue qui alimente en eau potable toute la ville. Le doux ronronnement des cuves le détend après les dernières heures.
Il est heureux que son rôle d’ingénieur ait pu l’éloigner des discussions, car il ne supporte plus d’entendre les cris de Carpe remettant en question chaque nouvelle directive de Rhinocéros, car sans les codes de S.I.T.A.R., le petit frère ne reconnaît pas du tout l’autorité du grand. Loup soupire, escalade une échelle de métal qui surplombe les installations et parcourt du regard le poste de relevage, le dégrillage, le dessablage, le dégraissage, les traitements biologiques, le clarificateur et le traitement des boues... Il y a des contrôles de S.I.T.A.R. à tous les niveaux ; il ne voit vraiment pas comment désamorcer ça en trois jours.
Radje monte à côté de lui et sa présence rend Loup nerveux. Il contemple longuement le masque de papier mâché qui représente le visage de Serpent avant de détourner les yeux. Le sylphe murmure :
— Je sais que tu as des questions, pose-les présentement. Elles te déstabilisent et nous ne pouvons nous autoriser le luxe de gaspiller ton intelligence.
Les doigts d’Isonima se crispent sur la rambarde de métal noir.
— Tu es mon père, pas vrai ?
— Pas exactement. Tu es un clone et en tant que tel, tu es simplement un fœtus en gestation dont j’ai transformé l’ADN. Ta version initiale a aussi été conçue artificiellement en inséminant un ovule de Lù avec un spermatozoïde de ma version initiale personnelle, mais pas seulement. Ton ensemble chromosomique a aussi enchâssé des morceaux d’ADN d’une souche inexpliquée, sans doute pour constituer un ciment entre les deux espèces. Je ne suis pas susceptible de fixer sa provenance.
— Comment as-tu été capable de me créer si tu ne sais pas d’où provient cet ADN ?
— Je t’ai reconstitué grâce à la reproduction de ton stock chromosomique, analysé sur la base du sang de ton original. Je suppose que lors de ta naissance initiale, mon alter ego avait considérablement puisé dans les prospections d’Héquinox qui est native d’une dimension où les hybrides et les cyborgs sont une chose usuelle. Malheureusement, si j’ai reçu ses résultats, la progression s’est perdue. Je n’ai fait que suivre une recette, en quelque sorte.
— Je suis donc une sorte d’expérience ?
— Plus ou moins. Tu es un des trois composants cruciaux qui me fusionnerait à mon Ki.
Loup riposte :
— Arrête de jouer avec tes « s » quand tu me parles sérieusement. Tu n’es pas un serpent !
Le sylphe lève les mains en signe de reddition.
— D’accord, d’accord...
La lumière glauque de l’éclairage artificiel traverse la chair de ses doigts pour faire briller ses phalanges. Il s’approche et Loup le laisse toucher doucement son visage tandis que Radje incline son masque de papier sur le côté.
— Tu es tellement humain. Tu as beau avoir de mes gènes en toi, tu ne sais rien du Ki et des jeux qui l’entraînent, et je sais ce que tu te demandes. Tu veux savoir si j’ai de l’affection pour toi ? Tu m’es infiniment précieux, plus que n’importe quoi dans ce monde... mais je ne connais pas ce sentiment que les humains appellent amour.
— Qu’est-ce ?
— Quoi ?
— Le Ki qui t’a amené à me créer. J’ai le droit de savoir.
Radje reste silencieux un instant avant de murmurer :
— Je ne l’ai jamais dit à personne. C’est interdit.
Pourtant Loup sent que Radje va parler. Un sylphe peut-il connaître le remords ?
— Aide-moi, s’il te plaît.
Loup lève ses longs bras pour dégager le visage de la créature de son masque de papier et les yeux mauves du vieillard brillent doucement dans la pénombre. Il susurre d’une voix chargée d’émotion :
— Ils se retrouveront : le père qui n’a jamais été enfant, la mère qui a été enfant plusieurs fois, l’enfant qui ne peut exister.
Il ajoute :
— Je ne l’avais jamais dit à voix haute et ne l’ai entendu qu’une fois. C’est ma mère qui m’a donné mon Ki et je ne l’ai plus jamais revue par la suite.
— Je suppose que je suis l’enfant qui ne peut pas exister. La mère qui a été enfant plusieurs fois doit être Lù... et le père ? Il ne s’agit pas de toi, puisque je suppose que tu as été enfant un jour.
— L’automate qui t’a élevé lors de ta première vie et a été créé sous sa forme d’adulte. Il ne s’en souvient pas pour l’instant, mais je m’emploie à lui rendre progressivement sa mémoire, mais pas trop vite, je ne le connais pas suffisamment pour être sûr de pouvoir le contrôler.
— Où se trouve l’original ?
— Je n’en sais rien. Il doit être arrêté puisque Gyfu a pu me fournir sa mémoire en échange d’informations.
Loup s’humecte les lèvres et remonte ses lunettes sur son nez, songeur. L’espace d’une seconde, l’image du robot démantelé qui repose torse ouvert dans le QG l’effleure. Il a besoin de trouver un moyen de s’occuper l’esprit pour ne pas se sentir mal, alors il sort un bloc-notes et se met à faire un croquis grossier de toutes les installations. Son cerveau bouillonne, mais il ne doit pas se concentrer sur les aspects douloureux, malgré le trou froid sous ses côtes. Au bout d’un moment, on s’habitue aux déceptions. Il soupire avant de demander :
— Et les autres ?
— Les autres ?
— Les clones : Tony et Grenade. Ils existaient dans la première occurrence... enfin je veux dire... des gens qui partageaient le même code génétique. Je pense que tu n’y es pas étranger, pour Tony du moins.
Le sylphe acquiesce lentement.
— Oui, c’est Honorine Italique qui m’a demandé de « ressusciter » Tony et Grenade. Tu sais qui elle est, n’est-ce pas ? Elle m’a indiqué comment reprendre contact avec Gyfu et m’a appris que je pourrais trouver le moyen de te créer en marchandant avec elle. Auprès de Gyfu, j’ai récupéré le patrimoine génétique de Tony, Grenade, et le tien et je vous ai clonés, ce qui se rapproche le plus d'une « réincarnation ». Bien sûr, je ne lui ai pas parlé de la demande d’Honorine. En échange de la coopération de Gyfu, j’ai éliminé le double de cette dernière — Gyfu existant à l'époque de Héquinox et Morrigan, elle avait été reconstruite par l'apoptose, mais l'original étant revenue d'un autre univers, nous nous retrouvions avec deux exemplaires du même individu — et je lui ai fourni des informations sur la Famille.
Loup fronce les sourcils. Une trahison de plus ! Berry était-il au courant de tout ça ? Savait-il quand Loup lui avait montré le sang cryogénisé ?
— Pourquoi Honorine avait-elle besoin de faire recréer Tony et Grenade ?
était-ce à cause des souhaits ? Si Grenade n’existait pas dans ce monde, comment lui donner ses masques ? En revanche, le vœu de Tony ne requerrait pas spécialement sa renaissance.
— Je l’ignore, mais je sais que la jeune fille que tu appelles Grenade était le portrait craché de la prostituée qui a été tuée le jour de la mort de Dame Héquinox.
Loup lâche son carnet des yeux et lève un regard surpris vers lui :
— Quoi ?
— Oui, le jour où la mère de Griffon et Bebbe est morte, Cerf fréquentait une femme. Officiellement, c’est ce qui a déclenché la dispute, et la prostituée a été tuée. Les articles des journaux ont dit qu'Héquinox et sa rivale s’étaient entre-tuées, mais en réalité, Cerf l’a simplement empêchée de parler.
Loup reste songeur. Grenade serait alors la troisième version d’elle-même qui existe dans ce monde ? La deuxième version, morte dans le lit de Cerf avant qu’Honorine ne puisse lui transmettre les masques, celle-ci aurait gagné une résurrection de plus ? Voilà pourquoi ils étaient tous contemporains !
Loup se grignote la langue ; le croquis du système d’épuration de l’eau est terminé. Le reste de la Rivière Bleue s’écoule en direction de gigantesques turbines qui vont œuvrer à produire suffisamment d’électricité pour alimenter en énergie cinq millions d’habitants.
Pour encore deux jours.
146.
Taïriss fait tourner la borne entre ses doigts. Nouvelle mémoire, nouveau souvenir. Petit à petit, il se reconstruit...
*
Plus d'un millénaire plus tôt... Après que Lù et Taïriss se soient retrouvés et avant la mort de Isonima et Tony.
« 23 765e jour
Tartine, confiture, jus d’orange.
Nappe à carreaux. QG de Vlariakovsk.
Lù/Tony/Isonima/Gyfu/moi
Élimination des données...
23 766e jour
Brioche, œufs, bruquons
Nappe à carreaux, QG de Vlariakovsk
Lù/Tony/Isonima/Gyfu/moi
Élimination des données...
23 767e jour... »
— Qu’est-ce que tu fais, Taï ?
Tony s’était penché sur lui, ses longues mèches noires coulant devant son regard fardé et sur ses clavicules nues, tandis qu'enfoncée jusqu’aux coudes dans un énorme pouf, Lù répondit sans lever les yeux de son magazine :
— Il n’a plus de place, alors il vide sa mémoire.
— Ah ouais, on ne pourrait pas les mettre sur des bornes mémoires au lieu de les jeter ?
Lù leva les yeux de sa lecture et lui fit un sourire ouvertement méprisant.
— On te laisse stocker dans ta chambre les souvenirs de plus de 23 767 petits déjeuners.
Tony lui fit un doigt d’honneur, Lùshka lui tira la langue et il grogna :
— Bon d’accord, mais tu pourrais accorder un peu plus d’importance à tous ces moments précieux passés ensemble...
— Mec, tu voudrais que je m’émeuve du spectacle de la tartine que tu mâches la bouche ouverte tous les matins ? Au contraire, j’essaie d’oublier.
Tony tenta de protester, mais Taïriss secoua la tête doucement.
— Laisse-la. Elle est pénible aujourd’hui.
Lù fusilla le robot du regard avant de crayonner sur sa gazette.
— Alors, d’après ce magazine, je suis chevaucheuse de comète à 63 % et exploratrice de cratère à 37 %. Mais pas du tout bureaucrate de satellite.
— D’où vient cette idiotie ? Pas d’ici en tout cas.
— D’Amaree. Tu veux faire le test ?
Lù se redressa et tendit la gazette à Tony qui s’assit derrière la table. Gyfu émergea d’une autre pièce.
— Lù ?
— Humm ?
— C’est bientôt le flit-burm pour les octlantes. Tu m’avais demandé de te le rappeler.
— Ah oui. Merci ma méduse d’amour.
La sylphide ne frémit pas d’un cil face à l’absence de dignité du surnom.
— Si jamais tu trouves, ramène-moi un objet carré, orange et doté de tentacules.
— Je le mets sur ma liste de course.
Lù sortit de la pièce au moment où Isonima y entra. Ce dernier posa un baiser sur la tempe de Tony avant de loucher sur sa lecture. Sur certains points, ils n’avaient vraiment pas les mêmes valeurs.
« 23 791e jour
Poisson grillé, oignons sautés, infusion
Nappe imprimée, QG de Vlariakovsk
Lù/Tony/Isonima/Gyfu/moi
Élimination des données... »
Lù repassa devant l’ouverture de la porte avec une passoire sur la tête, sans s’arrêter ; il y eut un instant de flottement, avant qu’Isonima ne gloussât et Taïriss se força à sourire. D’accord, la situation rentrait dans la catégorie de l’absurde, donc c’était drôle. Tony redressa la tête de son test :
— Hein, quoi ?
— Rien, t’as raté un truc. C’est pas important.
Taïriss se leva, il avait supprimé suffisamment de données pour aujourd’hui et pourrait encore tenir deux ou trois ans comme ça. Il quitta le salon pour s'engager dans le couloir où une lanterne suspendue au plafond teintait de couleurs la terre cuite des murs. Lù était dans la salle des Portes.
Pour un néophyte, ç’aurait été plutôt perturbant de voir toutes ces moitiés de tubes de papier toilette flotter dans les airs, mais Taïriss était habitué. Lù était penchée en avant et regardait successivement à travers le trou de certains rouleaux.
— Oulah, les choses ne sont plus ce qu'elles étaient du côté de Devfir, c’est quoi toutes ces pubs bizarres ? Hum, ah non, ce n’est pas celui-là non plus.
Elle finit par se stabiliser devant une ouverture.
— Ah voilà !
Elle remarqua sa présence.
— Tiens ? Qu’est-ce que tu fais là ?
— Je peux t’accompagner ?
Lù le considéra avec sérieux, ce qui était un peu remis en question par la passoire qu’elle portait toujours sur la tête.
— Pourquoi pas ? conclut-elle tandis que ses doigts crochetaient les bords de la trame du monde dont elle avait bloqué l’ouverture avec un énième rouleau de papier hygiénique. Celui-ci tomba sur le sol et roula contre plusieurs de ses congénères. Le robot et le Pilier enjambèrent l’ouverture et Lù referma la faille derrière eux en la bloquant avec un nouveau tube.
Taïriss observa l’univers où ils avaient atterri : le moins qu’on puisse dire est que cette planète était très humide, et très verte. Des fougères aussi grandes qu’eux poussaient sur chaque carré d’espace libre et l’air chaud était si chargé d’eau qu’il paraissait visqueux. Le robot n’avait pas besoin de respirer, mais il remarqua que la poitrine de Lù se soulevait avec plus de gêne.
— Par là.
Il la suivit, Lù avait l’air de savoir où elle allait. La rosée trempait leurs vêtements dès qu’ils frôlaient la végétation et il n’y avait pas vraiment de montagnes, mais d'immenses blocs de granit rose modelaient un semblant de paysage. Pratique pour se repérer. Ils ne marchèrent pas très longtemps, une dizaine de minutes tout au plus, avant que Lù ne commente :
— On est arrivé.
Les fougères s’ouvraient sur un cercle de terre nue et Taïriss avança jusqu’au centre. Trois statues sculptées dans la même pierre rosâtre étaient disposées en triangle équilatéral ; la végétation les avait recouvertes d’un épais désordre de plantes grimpantes et de lichens. Lù avait un sourire malicieux et Taïriss pencha doucement la tête sur le côté en signe d’incompréhension :
— Quel est cet endroit ?
— Regarde.
Lù arracha les tiges entremêlées devant la première statue, la plus petite des trois. C’était une femme ; ses mains étaient tendues en avant et tenaient une pierre — ou peut-être un œuf.
L’androïde dégagea la deuxième : un homme cette fois.
La troisième était une femme de taille moyenne et Taïriss caressa du doigt les perles grossièrement taillées sur son cou :
— Mais... c’est toi ?
— Moi, Tony et Eli. Il y a vraiment très longtemps maintenant.
Et pendant qu’elle parlait, Lù ôta la passoire de sa tête et la posa au milieu du triangle au moment où une pluie fine comme des cheveux se mit à tomber en silence.
— C’est bientôt l’heure du flit-burm. On devrait aller se cacher si on veut voir quelque chose.
Lùshka entraîna l’automate qui la suivit sur le flanc d’un des énormes blocs qui sculptaient la plaine. Elle essaya de grimper, mais glissa et Tairïss l’aida à se hisser sur une sorte de promontoire naturel qui leur assurait une assez bonne vue d’ensemble. De plus, la corniche se trouvait sous une petite grotte qui leur permettait d’être protégés de la pluie.
La fille et le robot s’allongèrent à plat ventre.
— Qu’est-ce qu’on attend ?
— Ça ne devrait pas trop tarder.
Elle avait raison : plus loin à l’horizon émergeait une file indienne de petits points lumineux qui dépassaient au-dessus des fougères et se dirigeaient vers le lieu du culte. Taïriss s’appuya sur ses avant-bras pour mieux les distinguer, mais Lù posa une main sur son épaule.
— Fais attention, ils ne doivent pas nous voir.
— Qu’est-ce que c’est ?
Les lanternes dansaient au-dessus de la verdure, accrochées au bout de bâtons, mais l'on ne voyait pas les créatures qui les tenaient. Elles étaient moins grandes que des humains, à l’évidence.
— Ce sont des bipèdes d’un autre genre, souffla Lù. Des octlantes.
Le ciel n’était pas suffisamment clair pour qu’on pût distinguer les petits êtres au milieu de la végétation, mais Taïriss pinça les lèvres pendant que son œil unique faisait un zoom sur les silhouettes. C’était poilu des chevilles jusqu’à la mâchoire et ça avait six bras.
— Tu les verras mieux quand ils seront dans le cercle.
Lù souriait d’un air mutin qui creusait des fossettes dans ses joues, excitée comme une enfant, les prunelles brillantes. Les octlantes étaient entrés dans le triangle des statues et ils avaient trouvé la passoire. Taïriss observa leur long museau pointu et leurs yeux intelligents tandis que les petites mains griffues soulevaient l’objet et se le passaient de main en main tout en murmurant dans un langage qui s’accompagnait d’un curieux cliquetis de la langue.
Lù riait sous cape.
Les octlantes semblaient très respectueux avec leur nouvel objet sacré et le placèrent de nouveau au centre de la clairière où chacun d’entre eux put venir le toucher et l’admirer avant de déposer des colliers de fleurs et de coquillages neufs aux cous des statues.
— Ils vénèrent la passoire que tu leur as offerte ?
— À vrai dire, je ne saurais même pas te dire pourquoi, j’ai fini par oublier. Mais avec Eli et Tony, nous sommes venus dans cet univers, il y a longtemps, et nous avons dû y faire quelque chose qui a suffisamment marqué les autochtones pour qu’ils nous dédient leur religion. Depuis, je me rends dans ce monde chaque année, à l’occasion du flit-burm — leur fête la plus sacrée — pour leur offrir un objet béni. Ce sera ensuite le rôle des jeunes adultes de se réunir et de trouver un rôle et une utilité à cet objet au sein de la communauté. C’est un rite de passage vers l’âge adulte, symbolisé par une première décision importante qui influencera tout le clan.
— Tu as l’air de beaucoup t’amuser.
En effet, Lù avait les joues rouges et sa bouche souriait toute seule. Cependant, son visage se referma en entendant cette dernière remarque.
— Ce n’est pas ce que tu crois.
Elle hésita avant d’ajouter :
— Je ne fais pas ça parce que je suis gentille, tout au fond, désolée de te décevoir. D’ailleurs, je ne sais même pas si ces objets ne créent pas plus d’angoisse et d’ennuis qu’autre chose.
— Même si tu t’en défends, personne n’est au-delà du bien et du mal. Toi aussi, il t’arrive de prendre plaisir à faire plaisir et d’avoir de la peine quand d’autres souffrent.
Tout doucement, il approcha sa main de son épaule et elle grimaça :
— Ne fais pas ça, Taï.
— Je sais bien que sous toute ta carapace, il y a encore cette enfant que je connais par cœur.
Lù lui saisit les doigts avant qu’il ne touche sa peau et tourna vers lui un regard glacial.
— Si c’est ce que tu crois, alors tu es un imbécile.
Elle se releva, épousseta sa robe blanche, maculée de terre rouge et Taïriss fit un geste pour lui dire de se coucher.
— Attention, ils pourraient te voir !
Lù l’ignora et sortit de sa besace un pistolet.
— À l’instant où ils ne m’amuseront plus, je les éliminerai sans états d’âme. Ce pourrait être maintenant. On essaie ?
La pupille mécanique de Taïriss se dilata tandis qu’il la regardait ôter la sécurité et tendre son bras en direction de la plaine. Au moment où il vit l’index de la jeune fille presser la détente, il hurla en se précipitant sur elle :
— NON !
Le pistolet tira, la balle se perdit dans le ciel et les octlantes s’éparpillèrent en piaillant, abandonnant la passoire.
Lù tomba de la corniche.
147.
La jeune fille n’est visible nulle part quand Griffon balaye le jardin du regard, puis marche jusqu’au saule pleureur. Il observe des marques d’orteils sur la terre fraîchement retournée de la tombe. Est-ce que la fille a pu quitter le sanctuaire où elle se trouvait en sécurité ? Pourtant, la petite 2 lui a certifié que Lù était là. Il se frotte les mains l’une contre l’autre et un nuage de buée s’échappe de sa bouche dans l’air glacial.
Bon.
Il se retourne et sursaute violemment, car la fille s’est glissée derrière lui. Les épaules voûtées, elle le regarde d’un air à la fois maussade et méfiant. Elle a un peu changé depuis leur dernière rencontre : ses cheveux sont gras, ses vêtements terreux et ses yeux gonflés comme si elle avait beaucoup pleuré.
— Tu sais où est Tony ? demande-t-elle.
Georges est désarçonné :
— Tony ?
Il ignore quelle est la bonne réponse à lui donner, mais il a besoin de son aide. La fille le regarde avec des yeux farouches, infiniment plus bizarre que lors de leur première rencontre.
— Tony a besoin de ton aide, dit-il finalement, avec prudence.
Mais la fille siffle :
— MENTEUR !
Elle le pousse violemment, Georges s’effondre dans la terre et Lù tourne autour de lui en lui lançant des regards furieux.
— Tony est MORT ! Il n’a pas besoin de mon aide !
Elle se met à pleurer et s’échappe pour se rouler en boule à l’autre bout du jardin. Griffon s’accorde quelques secondes avant de se relever ; ses vêtements sont maculés de terre et son pantalon déchiré derrière le mollet. Il se rapproche de la fille qui sanglote toujours et s’agenouille à côté d’elle.
— Je ne connais pas le Tony dont tu parles, mais il y a une personne dans mon monde qui lui ressemble beaucoup et cette personne a besoin de toi. En fait, dans mon univers, nous avons tous besoin de ton assistance.
Elle relève le visage de sorte qu’il puisse voir ses yeux gris au-dessus de ses bras, mais pas sa bouche.
— Bien sûr, raille-t-elle, tout le monde a toujours eu besoin du pouvoir de Lù, mais Lù n’appartient à personne et n’obéit à personne.
— Ce n’est pas pour avoir du pouvoir. Mon monde se meurt, il ne reste qu’une seule ville et nous allons tous mourir si tu n’ouvres pas de porte pour nous aider à nous sauver.
— Juste une ville ?
— Tout le reste a été détruit par la Brume. C’est une brume très acide et la vie a été éradiquée partout où elle passe.
La fille détourne les yeux, puis se lève et lui tourne le dos.
— Je ne peux pas t’aider.
— Mais pourquoi ?
— Mon Chapelet est incomplet et ainsi est mon pouvoir. Et même si je l’avais en entier, je ne voudrais pas. On a pas le droit de faire de changement aussi gros, ça fait trop de monde.
— Je n’ai même pas dit combien.
Elle ne répond pas et il insiste :
— Et si nous faisions une transaction ?
Elle croise ses bras devant sa poitrine.
— Tu essaies de marchander avec moi ?
— Je sais où se trouve ton Chapelet.
Elle bondit légèrement et Griffon recule instinctivement, au cas où elle l’attaquerait de nouveau. Le corps de Lù reste tendu, dans une attitude de fureur contenue.
— Où se trouve-t-il ? Il est à moi ! Rends-le-moi !
— Il n’est pas ici. C’est quelqu’un de mon monde qui le détient.
Elle se met à marcher de long en large, comme un félin en cage et Georges se demande si le problème vient de sa croissance accélérée. Comment redevenir normale en deux minutes après être restée morte pendant tant d’années ?
Georges reprend la parole doucement :
— Je peux essayer de le récupérer, mais ce sera dangereux pour moi, alors il me faut quelque chose en échange. Je te rapporte le Chapelet si tu ouvres une faille entre mon monde et un autre.
— Je ne choisis jamais mes destinations. Même si j’arrivais à trouver ta dimension d’ici, tu ne sais pas où vous pourriez atterrir.
— Je suis un Ver de rêves, je devrais pouvoir t’orienter vers le monde où se situe mon corps ainsi que pour choisir l’univers d’arrivée.
Elle se tient les bras et les frotte doucement. Pas étonnant qu’elle ait froid avec sa robe sans manches. Sa main erre autour de son cou, à la recherche de perles qui ne sont pas là.
— La personne qui garde mon Chapelet. Est-ce qu’elle essaie de me le prendre ? Est-ce qu’elle le porte ?
Griffon soupire :
— Non, il ne le touche pas, il le garde juste. Personne n’a le droit de le toucher. Et ce n’est même pas une personne, c’est un robot.
— Un robot, répète-t-elle mécaniquement.
— Oui, je ne pense pas qu’un robot puisse « prendre » le Chapelet, n’est-ce pas ?
Après un silence, elle finit par hocher la tête en signe de négation.
— Il ne le peut pas. Mais... ce robot... est-ce que...
Elle se tait, fronce les sourcils et Griffon voit son visage se refermer, puis elle ne dit plus rien.
— Est-ce que nous avons un marché ?
Elle recule et ajoute avant de se détourner :
— Rapporte-moi mon Chapelet et je te le dirai.
— Je ne rapporterai rien sans accord.
— Alors le Chapelet reviendra tout seul. Ne crois pas que j’ai besoin de toi.
Griffon veut ajouter quelque chose, mais il aperçoit une ombre derrière lui et reconnaît avec surprise la silhouette d’Anton. L’homme a l’air mal à l’aise et ses yeux fixent un instant le corps coloré de Lù qui s’éloigne, avant de revenir sur Georges.
— Que se passe-t-il ? demande Griffon d’un ton plus irrité qu’il ne l’aurait voulu.
Il n’était pas prévu que qui que ce soit puisse voir Lù. L’obèse baisse les yeux :
— C’est que... C’est votre frère. Il ne voulait pas vous réveiller comme la dernière fois, alors je suis venu vous chercher.
— Mon frère ? Chien ?
Anton acquiesce, tandis que ses doigts jouent avec les bobines colorées qui ornent son collier. Griffon est perturbé. Peut-il vraiment terminer cette conversation comme ça ? Il n’a pas le choix et tant qu’il ne décide pas d’en parler avec les autres, nul ne doit savoir pour Lù. À présent, la priorité est de s’entretenir avec Taïriss afin d’obtenir le Chapelet. Il esquisse un sourire forcé à Anton et lui prend le bras.
— Allons-y...
Le jardin du Deck se brouille et Georges papillonne des paupières tandis que le relief de la salle circulaire du rêve réapparaît devant lui. Le voyageur, assis à ses côtés, se réveille au même moment ; ils sont seuls et Anton précise :
— Chien attend dehors.
— Très bien.
Georges se lève et remarque en grimaçant que son pantalon est vraiment déchiré.
— Vous voulez de l’aide ?
Les doigts d'Anton se portent à son collier dont il tire un long fil de coton. Le bijou est composé de bobines multicolores, ce que Griffon n’avait jamais remarqué. C’est donc cela, tous ses rapiéçages ?
— Je n’ai pas le temps.
— Ça ne prendra qu’une minute.
Anton glisse le fil dans une aiguille épinglée sur sa veste sombre puis esquisse quelques points grossiers pour qu’un pan du pantalon de Griffon arrête de pendre lamentablement sur sa jambe.
— Maître Griffon ?
— Oui, Anton ?
— La fille avec laquelle vous parliez... ce n’était pas une rêveuse, elle était comme nous : une voyageuse.
Griffon soupire :
— Je suis navré, Anton, mais sur ce sujet je ne peux que te conseiller de garder ta bouche fermée et de te mêler de ce qui te regarde.
L’homme baisse la tête servilement, fait un nœud rapide, puis coupe le fil.
— Je suis désolé, j’ai outrepassé mes droits.
Griffon regrette d’avoir été sec. Anton lui a toujours été fidèle, dévoué et ce n’est pas son genre d’aller bavarder. De plus, la situation récente ne lui dit rien qui vaille. Il aimerait chercher conseil auprès des autres Piliers, mais lors de ses dernières connexions, ni Nimrod ni FantOme ne s’étaient montrés.
— N’en parlons plus, merci pour la couture.
Georges quitte la salle, troublé, tandis que Tony l’attend, appuyé contre le mur, seul.
— C’est bon si je te réveille comme ça ?
— Où est Loup ? Je croyais que vous vous étiez mariés ?
Chien hausse très haut les sourcils.
— Très drôle, il est avec Serpent pour essayer de trouver un moyen d’assainir l’eau potable sans passer par le centre d’épuration, mais c’est sans espoir si tu veux mon avis. Si c’était possible, on l’aurait construit avant que Cerf ne cane la bouche ouverte. Enfin, ça vaut mieux que de rester au salon pour écouter Carpe et Rhinocéros s’engueuler.
Griffon hoche la tête lentement avant d’ajouter :
— Qu’est-ce que tu veux ?
— Il faut que tu viennes avec moi, je dois te montrer quelqu’un.
Georges est fatigué et la priorité est vraiment d’aller voir Taïriss.
— Ça ne peut pas attendre ?
— Je ne sais pas, à toi de me dire : c’est ta petite protégée, elle errait dans les tuyaux du Mur quand je l’ai attrapée.
Griffon ouvre de grands yeux.
— Grenade ?
— Elle dit qu’elle veut te parler. Alors, tu me suis ou pas ?
Griffon reste silencieux pendant quelques secondes avant de conclure :
— Mène-moi à elle.
148.
La jauge de carburant se met à clignoter devant le visage d’Andiberry qui ne cille pas. Il a déjà eu de la veine que Maja soit assez coopérative pour lui donner un peu de gazole. Il en aura assez pour arriver à destination et encore un bidon pour repartir, si la chance est avec lui. La Berrybou mobile fait une embardée et quitte l’artère où coule la Rivière Bleue.
Berry se mordille la lèvre. C’est maintenant ou jamais ! Le minuscule vaisseau remonte les rues en bourdonnant de façon à apercevoir les parois brillantes de la Machine qu'il contourne pour arriver à revers.
Heureusement, l’endroit est complètement désert. Les arrière-cours de la Machine, — là où débouchent les cuisines, vides depuis les premières grèves — sont maintenant au pouvoir de l’opposition.
Le vaisseau se met à tousser et fait quelques bonds maladroits avant de s’immobiliser devant la porte d’acier cadenassée. Puis l’engin se tourne, nez vers le ciel alors que quatre pattes ventousées se collent au métal. Une foreuse laser sort des entrailles de l’appareil pour découper un trou dans la porte ; le rond d’acier incandescent est récupéré et un tuyau ignifuge glissé à l’intérieur, dans lequel Andiberry se faufile pour pénétrer à l’intérieur des cuisines.
L’immense pièce est plongée dans le noir. Une camitraillette pointe son œil sur lui et Berry fait un salut ironique à la bête éteinte. Berry appuie sur l’interrupteur de la lumière, mais rien ne se passe. Il sort une lampe torche du gros sac qui lui pèse sur la hanche, l'allume, puis inspecte d’un œil concentré ce qui l’entoure avant de repérer ce qui l’intéresse : il y a un passe-plat fermé par un volet métallique.
Berry dépose le sac sur le sol. Le passe-plat est large, mais la hauteur est trop étroite pour faire passer un homme. En revanche, le tuyau doit être suffisamment grand pour le laisser monter, mais autant le vérifier avant de se mettre au travail. Il pose ses affaires sur le sol et explore la salle jusqu’à trouver le compteur électrique. Il débranche les fils qui correspondent aux caméras tueuses, puis pousse la manette vers le haut et tous les néons s’allument en clignotant.
Très bien. Tout est facile pour l’instant, même si rien n’aurait été possible sans la grève générale et la révolte de la population qui mobilise toutes les forces du Mur.
Andiberry retourne au passe-plat, appuie sur l’interrupteur du volet électrique et celui-ci s’ouvre sans protester. L’ingénieur se penche pour observer l’intérieur, puis s’agenouille et récupère dans son sac sa scie laser. Puisqu’il ne peut pas passer, il n’y a qu’à élargir le trou ! À genoux, il allume l’appareil et aussitôt le laser s’enfonce lentement dans le métal du conduit comme dans une motte de beurre.
— Kri kri kri...
Le bruit fait réagir Andiberry, qui éteint son outil et se jette à plat ventre avant de rouler derrière un billot. Sa main agrippe la crosse de son pistolet, rangé dans son blouson. C’est raté pour la discrétion !
— Qui est là ? crie-t-il.
Rien ne lui répond si ce n’est un ronronnement étouffé puis un léger choc métallique. Andiberry sent son cœur se mettre à cogner bruyamment dans sa poitrine. Il rampe pour se rapprocher du bruit.
— Montrez-vous !
Il jette un coup d'œil par-dessus le meuble : rien, pas l’ombre d’une silhouette ! Qui que ce soit, il se cache, lui aussi. Soudain, Andiberry voit quelque chose sortir de derrière un plan de travail ; il se colle sur le sol et pointe son pistolet devant lui avant de laisser la moitié de son visage émerger au coin.
Un petit robot passe mécaniquement la balayette sur le carrelage avant de se cogner contre un pied de la table. Il se retourne alors et continue son travail dans une autre direction et Andiberry se laisse glisser contre le sol avant d’être secoué d’un rire nerveux. Ha ha. Il n’y a pas de danger. En rallumant l’électricité, il a tout simplement remis en route le système de ménage robotisé. Le contact du carrelage glacé contre ses paumes lui fait du bien.
Quelle frousse !
Laissant là le robot et sa balayette, l’ingénieur retourne à son travail : le bout de mur cède sans réelle difficulté, Andiberry le pose sur le sol avec douceur.
Bon, ça, c’était la partie facile, mais il y a peu de chances que la sortie soit plus large que l’entrée. Andiberry rassemble son matériel et le remet dans sa besace avant de le poser à l’intérieur du conduit.
Le robot de ménage avance lentement avant de se cogner contre la jambe de Berry qui lui lance un regard perplexe tandis que l’appareil se tourne vers de nouveaux horizons, puis l’ingénieur se contorsionne pour rentrer dans la cheminée.
La Machine est en haut.
Andiberry n’a jamais été à l’aise dans les milieux confinés et il n’a pas l’agilité de Grenade en ce qui concerne l’escalade. Il sort de sa poche des gants dont les paumes comportent des griffes de métal. Ses chaussures sont également garnies de crampons. Il inspire et expire.
Infiltrer la Machine. L’ouvrir au peuple. Et Loup qui se trouve en haut... S’il le voit, que doit-il lui dire ? Est-il vraiment capable de mettre ses états d’âme de côté s’ils se retrouvent face à face ? Au contraire, n’est-ce pas à lui qu’il devrait s’adresser en premier ? Pour essayer d’arranger les choses avant que Maja n’obtienne son bain de sang ?
Andiberry prend une grande inspiration, accroche sa lampe sur son front et commence son ascension ; les crochets d’acier s’enfoncent dans l’aluminium du conduit.
C'est à la fois complexe et parfaitement compréhensible, riche mais pas lourd, non vraiment woaw.
Les commentaires sont censés être constructifs... mais j'avoue, même si je cherchais absolument quelque chose à redire, j'aurai du mal.
Ha si, j'ai trouvé que les personnages "papillonaient" vraiment souvent des paupières... et euh, voilà...
À la limite - et plus sérieusement - je me suis demandée s'il ne serait pas intéressant de faire évoluer un peu plus le caractère des personnages qui vivent très longtemps... par exemple durant l'interlude 2, Isonima et Tony vivent près de 2000 ans si j'ai bien compris (700 + 1300 c'est ça ?) et pourtant ils évoluent assez peu dans leur caractère... sans tomber dans des clichés de grande sagesse ou autre, je me dis que quand même plus on vit plus on est marqué par la vie non ? Je ne sais pas, il y a une très forte constance de caractère de tous les personnages, aucun ne semble vraiment prendre un tournant au fur et à mesure des événements alors que des centaines d'années s'écoulent. Même Lù est finalement très constante dans sa manière d'être une éternelle ado. Enfin voilà, je me posais la question, mais c'est vraiment histoire d'essayer de dire un truc xD
Un gros bravo pour ce projet, je suis accro et j'ai besoooooooin de la suite ! Viiiiiite !!! : D
Ca me fait plaisir que tout te semble clair à ce stade de l'histoire et je ferai bien gaffe à ces papillonement d'yeux intempestifs XD. De façon générale, je parle beaucoup trop des yeux dans mes textes, c'est de la déformation professionnelle.
Concernant l'évolution de mes personnages, c'est à la fois intéressant mais ça montre aussi que j'ai dû oublier de parler de quelque chose.
En fait c'est tout à fait fait exprès que les personnages qui sont "bloqués" n'évoluent pas. Effectivement ce n'est pas le cas d'Isonima, mais on le voit assez peu à la fin de l'interlude.
Pour Lù le cas est un peu différent. Elle reste "bloquée" dans l'adolescence et à priori ça ne peut pas changer, mais elle change tout de même mais uniquement si elle meurre et qu'elle "additionne" une nouvelle enfance. Par exemple, la Lù du départ est beaucoup moins sûre d'elle que les suivantes. La deuxième est plutôt taiseuse, alors que celle qu'on croise dans le QG de la FT est un peu une drama queen. C'est vrai qu'on voit moins la différence avec la troisième partie de l'interlude 2 encore une fois. Il faudrait peut-être que je la retouche, surtout qu'on revoit beaucoup cette incarnation là dans la partie 3 générale.
En tout cas merci pour cette remarque, j'y repenserai pour l'ultime relecture <3.
DEs poutoux et à bientôt! Je pense poster bientôt la suite!