Chapitre 17

Notes de l’auteur : Notes de l’auteur : 02/05/2022: J'ai décidé de réécrire certains aspects de l'histoire et de reposter, en raccourcissant les chapitres sur Plume d'Argent pour que ce soit plus facile à lire pour les lecteurs de PA.
Je serai reconnaissante de tout commentaire, tout avis constructif pour améliorer mon récit.

Merci, et bonne lecture!

 

17

 

Je fus violemment jetée au sol. Une nouvelle fois, ma respiration fut coupée. Mon corps refusa d’obéir. Mais je finis par trouver le courage, à moins que ce ne soit par peur, d’ouvrir les yeux en entendant un grognement qui me glaça le sang. La chose la plus horrible que je n’avais jamais vue se dressait là.

Un ogre, grand comme les sapins, cinq mètres de haut de graisse, de saleté et de puanteur, se tenait au-dessus de moi. Il portait des vêtements faits de peaux d’animaux et sa tête était déforme et couverte de crasse. Il me fixa puis releva le visage.

Je suivis son regard et frissonnai de terreur en voyant des dizaines d’ogres tout autour de moi.

— Majesté ! J’ai trouvé un apéritif bien appétissant ! Une humaine à l’odeur alléchante !

Des pas lourds résonnèrent et de nombreux ogres s’écartèrent pour laisser passer celle qui devait être leur reine. Une ogresse, encore plus imposante que les autres ogres, apparut. Sa tête était la chose la plus hideuse que je n’avais jamais vue, pire que les orcs. Son visage était plein de verrues et de boutons rouges, il y avait aussi des coupures infectées d’où s’écoulaient un mélange de sang et de pue. Ses dents pointues et jaunes aux taches sombres (des caries géantes ou des morceaux d’animaux coincés entre les dents) dépassaient de ses lèvres graisseuses. Son nez était gros et gonflé, plein de points noirs énormes. Ses yeux étaient jaunâtres et vicieux, avides de manger encore plus de pauvres biches. Ses cheveux étaient blonds délavés et partaient en mèches courtes et hirsutes, grasses et sales, ratatinées sur son crâne énorme.

— Un apéritif ! s’écria-t-elle d’une voix rauque en me fixant. Cela ira à merveille avec l’autre apéritif que l’on a capturé !

Ils avaient capturé un autre être humain ? Ou tout ce qui était plus petit qu’eux et mangeable était considéré un apéritif ?

— Bien joué ! Tu auras une place d’honneur à mes côtés pour avoir capturé un apéritif et ne pas l’avoir écrasé, ils sont moins savoureux lorsqu’ils ne sont pas frais et juteux !

J’allais hurler, ou pleurer, quand l’ogre qui m’avait capturée et amenée jusqu’ici, tout fier d’avoir les grâces de sa reine, se pencha vers moi. Ne voulant pas finir dévorée par ces monstres après avoir survécu aux orcs, la peur me donna des ailes. Je me redressai et essayai de partir vers la forêt, misant sur la lenteur des ogres. Mais ma jambe droite me fit hurler et je retombai au sol.

— Apéritif ! rugit l’ogre, fronçant les sourcils.

Sa voix était rauque, grave et horrible. Je tentai de me relever, mais il m’attrapa. Je hurlai lorsque cette fois-ci, il ne fit pas attention à sa poigne et manqua de m’écraser. Il sourit d’un air vicieux en entendant ma douleur et s’amusa à serrer un peu plus.

— Cela suffit ! s’écria la reine, fronçant les sourcils. Pas d’apéritif écrasé !

Déçu, mais obéissant, l’ogre relâcha la pression. J’essayai de m’échapper de sa poigne mais sans succès. Les ogres se mirent à suivre leur reine, plusieurs d’entre eux transportaient des immenses sacs remplis de choses grouillantes, sûrement des animaux attrapés pour le festin. Je me laissai transporter, m’éloignant de plus en plus de la route à mesure que je m’enfonçai dans le territoire des ogres. Le sol était un tas d’arbres écrasés pour circuler, couverts d’ossements en tout genre. D’ancienne constructions se devinaient tout autour. Il me fallut un moment pour réaliser qu’il s’agissait d’une ville en ruines, envahie et adaptée par les créatures répugnantes. Au loin, un immense feu brûlait, sans doute pour le festin pour lequel je serai un simple apéritif.

L’ogre me lança sur le sol et ses compagnons posèrent les sacs d’animaux.

— Toi ! Apéritif ! Tu ne pars pas, parce que tu es juste apéritif ! ordonna l’ogre en me pointant du doigt.

Il se retourna pour aider ses compagnons à sortir les animaux capturés des sacs tout en maugréant pour lui-même :

— C’est devenu assez difficile de trouver de quoi faire des festins, avec toutes ces guerres qui font fuir les animaux de la forêt… et tous les apéritifs qui n’y entrent plus !

— La forêt n’est plus ce que c’était, renchérit un autre avec des hochements de tête tristes.

— Exactement ! Dans ma jeunesse, c’était bien plus accueillant ! Mais on ne trouve plus le moindre apéritif…

Une idée émergea dans mon esprit. J’y réfléchissais quand j’entendis la reine des ogres intervenir depuis son trône :

— Amenez-moi mon apéritif ! Je veux le faire jouer avant de le manger, il sera meilleur ! On rira !

Un ogre se pencha pour m’attraper mais je le stoppai en remuant mes bras comme si ma vie en dépendait – ce qui était le cas.

— Non ! Non ! Non ! Arrêtez ! m’écriai-je.

Il releva sa main et me toisa de son regard jaunâtre.

— Pourquoi m’arrêter ?

— Parce que… parce que je dois vous livrer un message ! Oui, je suis… une messagère de Melahel ! m’exclamai-je.

— Un message ?

Il haussa l’un de ses sourcils épais et gras et je me tournai vers la reine.

— J’ai été envoyée par le Royaume de Melahel pour délivrer un message de la plus haute importance à Sa Majesté, la Grande Reine des Ogres ! continuai-je, espérant que mon plan fonctionne.

— Un message ? fit la reine d’un air curieux.

— Melahel ? Apéritifs de Melahel être bons à manger ! remarqua l’un des ogres, l’air d’avoir encore plus faim qu’avant.

— Tu as dit avoir un message pour la Reine Kawtar ? La forte, la sublime, la très belle Reine Kawtar ! intervint l’ogre qui m’avait capturée, me regardant d’un air suspicieux.

Tous les ogres hurlèrent de joie à ces beaux compliments. Je me redressai pour faire une révérence maladroite, tentant d’ignorer la douleur qui me traversa la jambe. Je mis tout mon poids sur ma jambe gauche.

La Reine Kawtar bomba la poitrine, toute fière.

— Oui, j’ai un message pour le peuple des ogres concernant la guerre entre Agram et Melahel.

— La guerre est bruyante ! Faire fuir festin ! Je veux qu’elle cesse ! siffla la reine.

Des murmures d’agrément y firent écho. Si on m’avait dit que je rencontrerais un peuple d’ogres militant pour la paix, je n’aurais jamais cru cette élucubration. Même si ces derniers jours, rien n’avait le moindre sens.

— C’est pour cela que Melahel vous demande de l’aide, continuai-je.

— De l’aide ?! s’étonna l’ogresse.

— Oui, réfléchissez, Ô grande Reine des Ogres, la… très belle Reine Kawtar...

Encore des acclamations. Elle devait vraiment être un exemple de beauté ogresse pour obtenir de telles réactions de son peuple, dis donc.

— Si vous nous aidez à retarder les Agramiens, votre forêt si riche en animaux sera en paix, les animaux ne fuiront plus.

— Vous voulez que mes beaux et grands ogres vous aident à gagner la guerre pour qu’on ait à nouveau la paix dans la forêt ? conclut la reine.

Beaucoup rugirent et sourirent d’un air béat au compliment de leur reine, qui serait matière à débattre, mais l’idée était là et ma vie était encore sauve.

— C’est… le but de cette… alliance, effectivement.

Elle se gratta le menton avec ses doigts créant un bruit de raclement atroce pour mes oreilles. Elle semblait réfléchir plus qu’elle ne l’avait jamais fait dans sa vie. Elle me toisa, tentant de savoir si je mentais…

— Nous pouvons manger Agramiens ? demanda-t-elle, méfiante.

— NON ! hurlai-je avant de me reprendre. Non, ils seraient…

Je repensai aux événements de la nuit dernière. Mon cœur se serra en pensant à William, prisonnier des Agramiens, s’il était encore en vie. Mais cela me permit de trouver quelque chose à répondre à cette ogresse :

— Ils seraient difficiles à digérer si vous voulez mon avis, comme les Melaheliens, d’ailleurs ! C’est une très mauvaise alimentation, je suis certaine que si vous évitiez de manger des apéritifs humains, votre beauté n’en serait qu’encore plus grande !

La reine me fixa d’un air suspicieux, et hésita longuement. Après avoir pesé le pour et le contre, elle prit sa décision :

— D’accord ! Ogres aider Melahel !

Elle se releva de son trône.

— Allons attaquer ces Agramiens pour retrouver notre belle forêt ! hurla-t-elle, tous les ogres acclamèrent la sage décision de leur reine. Puis nous aurons notre festin ! Kerko ! Surveille cet apéritif et le reste du festin ! commanda-t-elle.

— À vos ordres ! s’écria-t-il d’un air fier.

— Quoi ? Non, non, non ! m’écriai-je. Vous ne pouvez pas me garder ou me manger ! Ce serait mauvais ! Pour les relations politiques avec Melahel ! Si vous me dévorez ils viendront vous attaquer ! Vous ne pouvez pas faire ça !

La reine se retourna vers moi, me toisa de haut, puis se mit à rire. Tous les ogres, confus mais joyeux, suivirent son exemple.

— Cela fera encore plus d’apéritifs pour nous ! Qu’ils viennent !!

— Non ! Vous ne pouvez pas faire ça, on avait un accord !!

— L’accord était d’aider Melahel en attaquant Agram, pas de te garder en vie, petit apéritif !

— Mais !

Kerko m’attrapa et m’amena vers le tas d’animaux qui avaient été rassemblés dans un enclot.

— Non, non, non !

— Mes beaux ogres, aux armes !! vociféra Kawtar.

Ils attrapèrent leurs armes puis suivirent leur reine, quelques-uns restèrent derrière pour surveiller le bétail pour le festin. Leur marche de bataille fit un bruit tonitruant.

— Toi pas bouger ! ordonna Kerko en me lâchant au sol.

Comme si j’allais l’écouter.

Je le foudroyai du regard mais rapidement, il fut distrait par les autres ogres. En l’absence de la reine, il en profita pour donner des ordres à qui mieux-mieux, mais cela voulait aussi dire que les autres ogres ne daignaient pas l’écouter.

Je me trouvais dans un immense enclot remplis d’animaux à moitié écrasés, mourant, et ceux qui étaient encore en bon état étaient terrorisés. La barrière était trop haute pour qu’ils puissent s’enfuir et tous réalisaient le sort qui nous attendait.

Voyant un corps étendu sur le sol, j’étouffai un cri. Je me trainai jusqu’à l’homme, qui avait encore un arc et un carquois miraculeusement intacts dans son dos. Il s’agissait sans doute de l’autre apéritif. Je le retournai mais il était couvert de sang et de boue.

— Oh non… murmurai-je, couvrant ma bouche de mes mains.

Hésitante, j’approchai ma main, essayant de capter son pouls mais… il était trop tard.

— Je suis désolée… J’espère que tu n’as pas trop souffert… mais je ne peux pas rester ici.

Même si j’étais condamnée avec ce mauvais sort, je devais au moins essayer d’arriver chez les vampires, peut-être qu’ils pourraient aider William, et il fallait les prévenir de l’arrivée des orcs près d’Azraald.

Je lançai un regard à mes geôliers. Kerko était en train de se disputer avec le « cuisinier » qui préparait les herbes et les sauces qui iraient avec le festin, tous deux prétendant connaître les goûts de leur reine mieux que l’autre. Les ogres étaient bien trop distraits pour me surveiller. Je grimpai par-dessus la barrière, essayant d’ignorer les animaux qui me regardaient d’un air triste. Je fis quelques pas puis me mis à boitiller le plus rapidement possible vers la forêt pour m’y cacher :

— Hey, toi !

Un autre ogre, plus petit que les autres et que je n’avais pas vu derrière un arbre, m’attrapa. Il n’avait pas été remarqué par le reste du groupe. Il se retourna, sans doute pour les prévenir mais changea d’avis au dernier moment.

— S’ils ne savent pas que je t’ai attrapée, ils ne sauront pas que je t’ai mangée. Après tout, je n’aurais qu’à dire que tu t’étais enfuie ! fit-il en me regardant avec des yeux brillant de gourmandise.

— Non, non, non ! KER–

L’ogre me remua pour m’empêcher de hurler et je fus tellement secouée que je ne réalisais pas ce qu’il se passait avant qu’il ne me soulève au-dessus de sa tête, me tenant par la robe.

— Keto !! hurla Kerko en le repérant de loin. Repose l’apéritif de Sa Majesté !! Ne le mange pas !!

— Mais Kerko ! gémit-il. Tu pourras en avoir aussi, on partage !! s’écria Keto en me balançant du bout de ma robe.

Kerko était tenté. Les autres ogres les regardèrent tous les deux.

— J’en veux un bout aussi !

— Moi aussi !

— Ce serait pas juste !

— Allez, Kerko, juste un petit bout des jambes, comme ça, l’apéritif ne s’enfuira pas ! renchérit Keto.

Kerko était partagé. J’essayai de m’extirper mais c’était impossible. Mes mouvements étaient trop limités quand Keto tenait ma robe du bout des doigts. Alors que Kerko tergiversait, Keto décida de ne pas attendre sa décision et me souleva. J’hurlai. J’étais juste au-dessus de sa bouche, il n’avait qu’à me lâcher pour que j’atterrisse directement dedans. Son haleine était répugnante, mais je voyais surtout la langue baveuse et les dents qui me réduiraient en bouillis en une bouchée. Ma robe se mit à craquer, et me fit encore plus paniquer.

— Non, non, non ! NON ! hurlai-je, essayant de m’accrocher à sa main pour ne pas tomber.

Il rigola en me remuant légèrement. La robe se déchira encore plus.

Soudain, les ogres hurlèrent. Tous les animaux capables de s’échapper se mirent à courir, libérés de leur enclot. Les monstres immondes se mirent à leur courir après pour ne pas les laisser s’enfuir. Quelques-uns, sur le chemin des animaux, furent tellement surpris qu’ils tombèrent sur leurs derrières en essayant de les attraper.

Trop paniqué, Keto ne se soucia plus de moi et j’étais éloignée de sa bouche, mais ce fut le moment où ma robe craqua. J’hurlai en tombant, droit vers le sol et la nuée d’animaux paniqués qui se ruaient. J’allais finir écrasée, non pas par une main d’ogre, mais par ces animaux.

Tout ce qu’il se passa ensuite semblait être au ralenti : une silhouette sauta du dos d’un animal à un autre avec un équilibre surhumain. L’homme sauta en hauteur et m’attrapa dans ses bras avant d’atterrir avec une souplesse inhumaine sur un rocher surélevé, et donc hors de portée des animaux qui s’enfuyaient. L’homme, que je reconnus comme celui qui était mort il y avait encore quelques minutes, baissa ses yeux bleus de glace vers moi avec un grand sourire enchanteur :

— Bien le bonjour ! s’écria-t-il joyeusement.

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Vous lisez