Chapitre 17

Notes de l’auteur : Au début du chapitre, se trouve une scène un peu "hot". Rien de choquant, bien entendu, c'est même très léger, mais je préfère prévenir. Bonne lecture :)a

Anastae se roula dans ses draps, pensive. Elle avait pourtant tenté de ne pas y songer, d’oublier ce qui s’était passé, les mots de son père. Seulement, entendre qu’il lui portait si peu de considération, d’affection, et que la voir vivante le dégoûtait, lui avait remué de vieux souvenirs. Ce n’était pas tant les coups, cela elle y était habituée, mais ces paroles si violentes et si… vraies. 

Avec un soupir, elle se redressa, son drap tomba et elle repoussa ses cheveux poisseux de transpiration qu’elle n’avait pas pris la peine de laver. Anastae s’adressa un piètre regard dans le miroir en face de son lit et se désola de voir une mine aussi déconfite de sa part. 

La jeune fée semblait tout simplement au bout du rouleau, seule, et elle mourrait d’envie que quelqu’un vienne, la prenne dans ses bras, la rassure, lui donne un minimum d’affection. Elle avait bien songé à toquer à la porte d’un des deux frères, mais comme lui avait rappelé son très cher père, elle n’était proche de personne ici. 

Elle se mit alors à observer la lune à travers la fenêtre et se demanda si elle devait continuer à mener cette mission avec Emma, Thalion et Hélios, ou alors tout simplement tout abandonner et retrouver sa vie monotone ponctuée de bals et de faux semblants. 

Aujourd’hui, elle avait aimé se sentir importante, prendre les rênes en main, sauver sa propre vie et celle de quelqu’un d’autre. Elle aimait cette sensation d’avoir le pouvoir, de prendre ses propres choix sans personne pour lui dicter sa vie. S’il n’y avait pas eu lieu cette altercation entre son père et elle, jamais l’idée d’abandonner ce sentiment derrière elle lui serait venue à l’esprit cependant, maintenant… elle craignait d’y perdre la vie. 

Aussi désespérée qu’elle était, elle ne souhaitait pas mourir. 

Elle prit une grande inspiration, s’apprêta à tout repousser au lendemain pour espérer fermer l'œil bien que ce n’était que le début de la nuit quand on vint frapper à sa porte. Anastae se figea, craignant qu’il s’agisse de son père, quand la voix douce d’une pixie retentit : 

- Mademoiselle, vous êtes là ? 

- Oui, s’étrangla presque Anastae. Qu'y a-t-il ? 

- Monsieur Laliz souhaite que vous le rejoigniez dehors. 

Sa première envie fut de lui dire de lui indiquer de rentrer chez lui, qu’elle était fatiguée, qu’elle voulait dormir, oublier, et qu’il n’aurait qu’à repasser demain matin si c’était quelque chose d’important. Puis, elle se rappela à quel point elle se sentait seule en ce moment précis, à quel point elle voulait se sentir aimée, appréciée, et elle savait que Leith avait le chic pour cela.

Elle se savait en robe de chambre, les cheveux sales, le regard perdu, mais elle indiqua cependant à la pixie : 

- Dis lui de venir me rejoindre. 

- Dans votre chambre, s’étonna la servante. 

- Oui, dans ma chambre. 

Elle sembla hésiter un moment sans qu’aucun bruit ne retentisse, puis Anastae l’entendit marcher dans le couloir pour aller le chercher. Anastae eut la présence d’esprit de se demander si cela était judicieux de le faire rentrer au début de la nuit dans la demeure, alors qu’elle ne savait pas où se trouvait son père ni sa belle-mère, mais, après quelques secondes, elle se rendit compte que c’était justement ce qu’ils souhaitaient d’elle : qu’elle se rapproche de lui. 

Elle se redressa alors, s’efforça de passer ses doigts dans ses cheveux qui reprirent un aspect plus normal, et ajusta le décolleté de sa robe de chambre bien qu’elle savait que cette dernière était légèrement transparente. 

Leith frappa alors à la porte : 

- Entre, déclara-t-elle d’une voix qui ne lui ressemblait pas. 

Effectivement, ce fut bien Leith qui entra, simplement vêtu d’une chemise ample rentrée dans un pantalon noir, mais plus beau que jamais avec ses magnifiques yeux océans. Anastae sentit sa bouche s'entrouvrir, entendit son cœur qui lui hurlait de se jeter dans ses bras, de le serrer fort. 

Elle se contenta pourtant de repousser une mèche de ses cheveux et de lui adresser un sourire pincé. Elle le vit hausser ses sourcils pour finalement les froncer : 

- Tout va bien ? 

- Ferme la porte je t’en prie. 

Leith obéit, referma cette fameuse porte et les plongea ainsi dans l’intimité la plus totale avec seulement le clair de lune comme lumière : 

- Je venais te chercher pour une balade nocturne mais je suppose que tu n’as pas la tête à sortir ? 

Elle secoua sa tête, repoussa complètement son drap sur son oreiller et lui fit signe d’approcher. 

Bon sang Anastae, qu’es-tu en train de faire ? 

Leith s’approcha lentement et eut son sourire malicieux : 

- Cette tenue laisse peu place à l’imagination. 

Il ajouta après un silence : 

- C’est pour cela que je t’adore, tu n’en n’as que faire que je sois Leith de la famille Laliz. Tu restes toi. Juste toi. 

Anastae sentit son coeur frémir. 

Enfin, quelqu’un lui donnait de l’intention et de l’affection. 

Sans plus réfléchir, totalement déboussolée, sans aucun repère, sentant encore les coups de son père et ses mots, elle se redressa sur ses genoux, attrapa la nuque de Leith et plaqua ses lèvres sur les siennes. Elle sentit la bouche de ce dernier s’entrouvrir sous le choque mais avant qu’elle ne puisse penser à ce qu’elle avait fait, il lui attrapa la taille et déposa son genoux sur le lit pour approfondir leur baiser. 

Ses lèvres avaient le goût de la cerise, de la passion, de cet envoûtement si profond qu’elle y plongeait tête la première… Elles avaient le goût du danger, de ce qu’elle n’avait jamais vécu, de la folie, de l'enivrement. Le premier baiser qu’elle partageait avec quelqu’un lui donnait l’impression qu’elle venait de se jeter dans un feu ardent. 

Ses doigts frôlèrent ses cheveux, elle les saisit doucement, tira dessus une fois, puis une deuxième, et Leith agrippa avec plus de force ses hanches. Sa robe de chambre se souleva légèrement, elle tendit son corps de tout son cœur pour sentir plus violemment le goût de ses lèvres sur les siennes. 

Anastae se sentait libre, elle avait l’impression de tenir les rênes de sa vie entre ses doigts frêles. Elle avait l’impression que ce soir-là, elle pouvait tout changer, se fiancer avec Leith, partir loin de cette famille, essayer de vivre une nouvelle vie. 

Leith parcourut la courbe délicate de ses hanches avec ses doigts, finit par la renverser en arrière pour se retrouver au-dessus d’elle : Anastae sentit sa tête se poser délicatement sur son drap et elle se retrouva, malgré elle, détachée des lèvres de son compagnon de cette nuit. 

Elle observa son visage au-dessus du sien, ses lèvres rouges sang étaient légèrement gonflées, ses joues étaient rosées et ses yeux brillaient de ce quelque chose d'insaisissable. Le côté humain d’Anastae le trouva beau comme un dieu et cette partie-là parla ce soir. 

Elle posa ses mains sur son torse, le caressa du bout de ses doigts, la respiration haletante, ses propres cheveux autour de sa tête, et, doucement, elle se mordit la lèvre inférieure en sentant ses muscles en dessous de ses paumes : 

- Anastae, commença Leith. 

- Tais-toi, répliqua-t-elle avec une voix qui ne semblait pas être la sienne. On parlera plus tard. 

Sans plus d’explications, elle saisit à nouveau sa nuque et approcha son visage du sien pour déposer un baiser au coin de ses lèvres. Leith saisit ses deux mains, lui fit tendre ses bras au-dessus de sa tête en lui tenant toujours les poings et l’embrassa à pleine bouche. 

Ce baiser n’avait plus rien en commun avec le précédent : ce dernier était doux,le tout premier qu’ils partageaient, il ressentait la surprise, l’invitation. Celui-là était violent, pressé, comme s’ils n’avaient pas de temps et que seuls leur corps parlaient. 

Anastae mordit la lèvre de Leith, après tout elle était totalement inexpérimentée, et leurs dents s’entrechoquèrent. La jeune fée haleta contre ses lèvres, rougit quand elle le sentit s’appuyer contre son corps. Elle entoura ses jambes autour de sa taille, ainsi elle le rapprocha d’elle. L’elfe lâcha ses mains ainsi que ses lèvres, descendit ces dernière sur sa mâchoire puis sur sa nuque. 

La jeune fée rejeta sa tête en arrière, poussa un léger soupir de contentement, et trembla quand sa bouche descendit jusqu’à la naissance de son décolleté. A la façon qu’il avait de parcourir son corps, Anastae devina que Leith était expérimenté mais qu’il ne souhaitait pas la brusquer, qu’il y allait doucement pour lui faire comprendre qu’il était à son écoute et à celles de ses réactions. 

Elle agrippa ses épaules, ou du moins sa chemise, ses jambes s’enroulèrent encore plus fortement et la première main de l’elfe passa en dessous de sa robe de chambre pour caresser sa cheville puis remonter jusqu’à sa cuisse du bout de son pouce. 

Sa main passa à l’intérieur de sa cuisse. Anastae s’entendit pousser un petit couinement et une décharge remonter le long de son corps.

Le bouche de Leith remonta, déposa un petit baiser sur sa nuque puis son cou avant de remonter à son oreiller. Il la mordilla gentiment, ce qui lui fit pousser un deuxième couinement avant de lui sussurer sensuellement : 

- Je veux te faire l’amour. 

Ces mots firent écarquiller en grand les yeux d’Anastae et elle eut soudainement l’impression de reprendre ses esprits. Elle avait apprécié ce qui s’était passé mais elle ne pouvait pas aller plus loin, pas ce soir, pas avec lui… 

Elle se figea, Leith le sentit, enleva sa main d’en dessous sa robe et lui offrit un sourire confit devant sa mine déboussolée : 

- Mais toi, tu ne veux pas, c’est ça ? 

Elle déglutit : 

- J-Je viens tout juste de te donner mon premier baiser je… Je ne peux pas. 

- Je comprends, répondit-il avec un sourire tendre. 

Habilement, il quitta sa position initiale pour rouler à côté d’elle pour déposer sa tête sur le drap. Elle l’observa croiser ses mains derrière sa tête et son profil se mit à briller grâce à la lumière de la lune. Anastae sentait encore le goût et la forme de ses lèvres sur les siennes et si elle ne pouvait dire précisément ce qu’elle ressentait, elle savait tout de même qu’elle avait apprécié ces baisers échangés. 

Elle songea ensuite à ses propres pensées, notamment celle où elle avait envisagé qu’il la prenne comme fiancée pour qu’il l'emmène loin de tout cela. Maintenant, elle se rendait compte qu’elle ne voulait pas cela, qu’elle souhaitait juste trouver une autre vie mais ne pas dépendre d’un quelconque mariage. 

Leith tendit alors sa main vers elle, effleura une mèche de ses cheveux pour finalement l’enrouler autour de son doigt. Surprise, elle tourna sa tête vers lui et, encore plus étonnée, il caressa sa lèvre inférieure du bout de son pouce : 

- Je ne suis pas certain de pouvoir oublier quel goût ont tes lèvres, murmura-t-il. 

Anastae rougit, peu habituée à ce genre de compliments. 

Ce qu’il lui disait ressemblait étrangement à une déclaration, et après tout ils venaient de s’embrasser, mais Anastae ne souhaitait rien de concret avec Leith. Elle était dépassée par ses émotions, chose qui ne lui était pas arrivée depuis quelques années, et ce trop plein de sensations l’avait plongée dans un trouble où tout ce qui importait était qu’elle se sente aimée et considérée. 

Les mots de son père résonnaient encore dans sa tête et elle avait l’impression de sentir sa main, son pied, frapper contre sa peau. Elle sentait qu’elle n’était pas encore totalement elle-même, que quelque chose lui échappait, mais elle savait avant tout qu’elle ne voulait pas donner plus d’espoirs que cela à Leith : 

- Tu sais que je te parlais juste par intérêt, chuchota-t-elle.

- Tu me parlais, releva Leith. 

- Je t’apprécie également, répondit Anastae en décidant d’être totalement transparente avec lui. Je ne le pensais pas mais… tu es quelqu’un de beaucoup plus sympathique que je ne le pensais. Et je sais également que tu veux une belle histoire de moi.

L’elfe esquissa un début de sourire et tira légèrement sur sa mèche de cheveux : 

- Je veux une belle histoire, c’est vrai. Ce n’est pas pour autant que je ne t’apprécie pas également.

Il plongea son regard dans le sien, tenta de lui faire comprendre quelque chose, mais Anastae détourna presque aussitôt les yeux. Pour l’instant, elle ne voul ait rien saisir : 

- Ce soir j’ai vécu… des choses difficiles. Et, je ne sais pas vraiment pourquoi, je n’étais plus la même. J’ai comme été guidée par mon instinct, sans aucune réflexion derrière ce que je faisais et je ne souhaite pas que tu t’imagines que ce qui s’est passé ici… veut dire que nous sommes quelque chose.  

Une lueur passa dans la couleur océan des iris de Leith avant que ce dernier ne ferme ces derniers un court instant. Quand il les rouvrit, Anastae y lut une soudaine détermination. 

Il se rapprocha d’elle, leur nez se frolèrent et la jeune fée sentit le souffle de l’elfe sur ses lèvres : 

- Je te convaincrai, déclara-t-il d’une voix plus forte. Je te convaincrai que je pourrais être celui que tu veux. 

- Leith, souffla-t-elle. 

- Ce ne sera pas pour tout de suite, mais j’y arriverai. Cependant, avant tout cela, est-ce que je peux te demander une faveur ? 

Elle plissa ses yeux : 

- Tu peux. 

- Embrasse-moi une dernière fois. 

Elle s’apprêta à secouer sa tête, à lui dire que cela ne servait à rien parce qu’ils n’étaient rien et que ce soir ne voulait rien dire, cependant elle se sentait soudainement honteuse. C’était elle qui lui avait sauté dessus, qui avait agrippé sa nuque pour l’embrasser sans aucune explication. Lui refuser un simple baiser lui semblait égoïste et Anastae savait que Leith comprenait. 

Anastae s’approcha donc de lui, posa sa main sur sa joue, et lui donna un simple baiser. Ce même goût de danger la saisit, seulement cette fois-ci, elle avait l’impression de s’y noyer, comme si tout cela était trop grand, trop profond pour elle. L’elfe la retint un instant contre lui, prolongea leur baiser. Puis il quitta ses lèvres et Anastae roula sur le dos. 

Sans s’en rendre compte, elle sombra doucement dans le sommeil, sans même penser  que Leith se trouvait encore à ses côtés, dans son lit. Avant qu’elle ne tombe totalement dans un noir profond, elle entendit, ou alors était-ce une illusion :

- La première partie est finie. 




Anastae marchait, toujours un peu perdue, pieds nu, sur le sentier qui allait l’emmener à l’Académie où elle retrouvait une ambiance bruyante qui, elle l'espérait, allait couvrir ses pensées remplies de culpabilité et de haine. Quand elle s’était réveillée, Leith n’était plus à ses côtés mais la forme de son corps dans son drap et le mot qu’il lui avait laissé lui avait crié que ce qui s’était passé était bien réel. 

Même sans cela, elle avait encore le goût de ses lèvres sur les siennes et cette sensation de s’être noyée dans un envoutement incontrôlable. 

Mais, par la Nature, qu’est ce qu’il lui avait pris ? Elle l’avait ouvertement séduit, s’était jetée sur lui à la première occasion et elle l’avait autorisé à la toucher d’une façon que personne n’avait jamais faite. 

Sans même sourire aux gardes qui surveillaient l’entrée, elle pénétra dans cette étendue de plaines et de collines où grouillait un nombre important d’enfants de nobles et de familles importantes. Anastae, en ce moment précis, se sentit encore plus comme une intruse que auparavant : elle avait le sentiment que ce qu’elle avait fait la nuit et la journée précédente était écrit sur sa tête, qu’elle fricotait non seulement avec un noble très important mais également avec les deux Princes et l’elfe élémentaire. 

Perdue dans ses pensées, elle ne réalisa même pas que l’un des deux fils de la royauté se précipitait vers elle.Elle en prit seulement conscience quand ce dernier agrippa son bras et la força à se retourner vers lui. Anastae entrouvrit sa bouche, qu’elle pensait toujours légèrement gonflée, et dévisagea avec des yeux ronds Thalion qui, lui, la fixait avec un air colérique. 

Elle ne prit pas beaucoup de temps pour se rendre compte que tous les regards étaient posés sur elle et le Prince ainsi que sur la main de ce dernier posée sur son propre bras. Immédiatement, elle s’arracha à sa poigne, fronça ses sourcils pour lui poser une question silencieuse : 

- Tu te rends compte de ce que tu as fait, lui demanda-t-il, la mâchoire crispée. 

Anastae eut le sentiment que sa crainte depuis ce matin venait de se réaliser : ils étaient tous au courant. Cependant, elle avait encore l’esprit de se dire que ce n’était pas possible, à moins que Leith se soit donné à cœur ouvert de tout raconter, mais cela l’étonnerait de sa part. 

Elle se contenta donc de pencher sa tête sur le côté : 

- Tu peux développer ? 

Thalion foudroya du regard tout ceux qui s’approchaient trop ou qui regardaient trop longtemps leur conversation, ce qui eut le mérite de tous les faire fuir. Il passa alors une main agitée dans sa chevelure blonde et tenta de retrouver son calme : 

- Hier soir. Tu étais censée nous rejoindre au lieu habituel. Mais tu n’es pas venue, ce qui m’a inquiété puisque Hélios nous a gentiment raconté que tu étais dans un sale état.

Immédiatement, elle plaqua sa main contre sa bouche et manqua d’en faire tomber son drap habituel qu’elle avait ramené. 

Cette réunion lui était complètement sortie de la tête et confirmait que, hier soir, elle n’était pas dans son état normal. Jamais, habituellement, elle aurait oublié quelque chose de cette importance. Honteuse de les avoir plantés de cette façon, ce fut elle qui passa une main dans ses cheveux et qui se mordit la lèvre inférieure : 

- Navrée, vraiment, tenta-t-elle de s’excuser, sans très grand succès devant la mine agacée de Thalion. Cela m’était totalement sortie de la tête, bien malgré moi. 

- Et que faisais-tu ? 

Elle se remémora tout d’abord les coups et les paroles de son père qu’elle avait encore du mal à digérer. Puis les souvenirs des baisers échangés avec Leith lui reviennent en mémoire, également la nuit qu’ils avaient passé ensemble et sa main qui remontait sous sa robe… 

Elle piqua un fard. 

Thalion la fixa avec des yeux ronds et perdit sa mine agacée. Il sembla troublé un instant, tout autant qu’elle, et il finit par hausser un sourcil : 

- Je vois, claqua-t-il calmement. 

- Ne t’imagines rien, déglutit Anastae en essayant de retrouver elle-même son calme.

- Je vois simplement que tu as pris du bon temps. 

Il ouvrit sa bouche, hésita un instant, et secoua sa tête : 

- Laisse tomber. La prochaine fois, essaye tout simplement de ne pas oublier. 

Alors qu’il s’apprêtait à se retourner, Anastae eut le réflexe de saisir sa manche pour le retenir : 

- Attends.

Ses yeux rubis étincelèrent et il eut son sourire de chat : 

- Tu ne peux déjà plus te passer de moi ? 

- Thalion, grogna-t-elle presque. Je voulais simplement te demander s’il y avait une nouvelle réunion ce soir. 

Thalion jeta un bref regard autour d’eux et constata en même temps que Anastae que tout le monde était déjà à leur cours et qu’ils étaient en retard. Par précaution, du moins la jeune fée s’en douta, il s’approcha d’elle et se pencha pour lui chuchoter à l’oreille : 

- Je te dirai cela dans la journée, Emma ne se sentait pas trop bien hier soir. 

- Oh, s’inquiéta réellement Anastae. Qu’avait-t-elle ? 

- Elle était morte d’inquiétude pour toi, ricana le Prince. J’ai même dû l’empêcher de se rendre chez toi et à la vue de tes joues encore rouges, j’ai bien fait, non ? 

Il était vrai que si Emma l’avait surpris en train de se rouler dans les draps avec Leith, elle n’aurait jamais pu la regarder de nouveau dans les yeux, mais il était hors de question qu’elle l’avoue, ou même qu’elle dévoile une partie de sa soirée, à un des deux Princes. 

Elle se contenta donc de soupirer et de hausser ses sourcils. 

Mais elle se ressaisit : elle avait une faveur à lui demander : 

- Thalion, commença-t-elle. J’ai quelque chose à te demander. 

- Fais vite. 

- Les entraînements que nous faisions avant. J’aimerais les poursuivre, si tu es d’accord. 

Thalion fixa un instant Anastae, totalement interloqué. Il avait de quoi : Anastae s’était évertuée, corps et âme, à lui faire comprendre qu’elle ne voulait plus passer de moments avec lui désormais qu’elle savait qu’il était un Prince,que cela changeait tout.
Seulement, depuis hier, face à son apparente faiblesse, elle s’était rendue compte que des entraînements supplémentaires ne lui feraient pas de mal et, même si cela lui arrachait la gorge de l’avouer, c’était avec Thalion qu’elle avait progressé le plus rapidement : il restait un bon entraîneur qui savait cerner ses points faibles et ses qualités. Elle avait également conscience qu’elle pourrait essuyer un refus et, en toute honnêteté, cela ne la blesserait pas. Elle savait qu’elle était changeante. 

Le Prince recula d’un pas, la scruta de la tête aux pieds, et concéda avec son sourire de chat : 

- Il est vrai que tu en aurais bien besoin. 

- C’est un oui ? 

- C’est un oui. 

Anastae lui offrit un bref sourire : 

- Merci. 

- Tu n’as pas à me remercier, c’était simplement ma propre part de marché et je n’ai pas précisé qu’elle était limitée dans le temps. 

- Je tenais quand même à te le dire, j’ai conscience que mon comportement est un peu… changeant. 

Thalion la sonda une nouvelle fois, sans dire un seul mot, et finit par lui donner le même sourire qu’elle lui avait adressé, comme s’ils avaient oublié tous les deux ce que c’était de réellement sourire. 

La jeune fille jeta un nouveau regard autour d’elle et comprit qu’elle était vraiment en retard. Alors, peu habituée à le quitter dans une ambiance assez agréable, elle fit la seule chose qui lui passa à la tête : elle leva sa main, la secoua, et lui tourna le dos. 

Elle se rendit alors compte de ce geste si enfantin et elle sera des mâchoires car elle savait qu’elle allait en entendre parler. Effectivement, Thalion ne put s’empêcher de lui lancer une petite pique alors qu’elle s’éloignait : 

- Très élégant ! 

Elle ne répondit rien, se contenta de secouer sa tête, l’air de lui dire que cette réplique était inutile. 

Pourtant, un petit sourire était né au coin de ses lèvres. 











 

La tête baissée, elle s’installa à côté de Luciana alors que leur professeur, grande fée au regard sévère, venait de lui rappeler subtilement que son rang dans la noblesse ne lui excusait pas tout : elle était d’ailleurs bien la seule à oser lui faire des remarques sur cela. 

En temps normal, cela ne l’aurait pas dérangée, mais elle détestait sentir tous les regards sur elle, d’autant plus qu’elle pouvait voir du coin de l'œil Menfi chuchoter à l’oreille de son amie qui esquissa un sourire narquois. Luciana, qui elle aussi s’était légèrement moquée d’elle mais d’une façon plus gentille, suivit son regard et constata les moqueries de certaines personnes. 

Anastae tira sur la manche de sa robe pour lui faire comprendre qu’elle n’avait aucune envie de se faire encore plus remarquer, ce que Luciana ne décida pas d’écouter : elle releva son menton, fusilla Menfi du regard, ce qui eut l’effet immédiat de le faire rougir et de cesser ses moqueries.
La jeune fille ne comprenait toujours pas pourquoi il vouait un tel culte à son amie, mais elle dût avouer que c’était bien pratique pour des moments comme ceux-ci. 

Luciana saisit une fleur féerique entre ses doigts qui étaient un mélange de bleu et de jaune avant de hausser un sourcil dans sa direction. La jeune fée jeta un coup d’oeil vers leur professeur qui expliquait le principe même de la lune sur les jardins féeriques et lui murmura : 

- J’ai eu du mal à me réveiller. 

- Tu me caches des choses, Anastae. 

Cette dernière fit légèrement la moue, l’air de lui demander pourquoi elle lui demandait encore cela : 

- Ne fais pas cette tête, je t’ai vue parler avec le Prince. 

Anastae s’apprêta à assumer que cela faisait longtemps que leur classe savait que ce n’était pas la première fois qu’ils avaient une conversation, après tout Menfi s’était donné à coeur joie de répandre ses rumeurs, notamment celle où elle était la pute de Thalion avant que ce dernier ne lui fasse suffisamment peur pour qu’il cesse.  

Puis, elle se souvint que Luciana ne s’était pas rendue aux derniers cours et que, de ce fait, ces rumeurs n’étaient jamais parvenues à ses oreilles. Désormais, c’était compréhensible que son amie se pose des questions : 

- Navrée, avoua-t-elle. J’avais totalement oublié que tu n’étais pas là quand Menfi a répandu la rumeur que j’étais la pute du Prince. 

- Sérieusement, s’écria Luciana. Quelque chose ne tourne pas rond chez lui ! 

- Mademoiselle Valia, claqua leur professeur. Avez-vous écouté ne serait-ce qu’une minute du cours ? 

Luciana ne se laissa pas démonter, croisa même ses jambes dans une attitude nonchalante, et lui sourit calmement : 

- J’écoute toujours tout d’une oreille. 

- Vous ne répondez pas à ma question. 

Son amie lui lança une œillade amusée, elle semblait se délecter de cette situation, alors que Anastae lui faisait signe d’un geste de la main de cesser et d’avouer qu’elle n’avait pas écouté. Luciana lui répondit par un sourire en coin et balança ses cheveux de jais derrière son dos : 

- Si j’écoute toujours tout d’une oreille, alors oui, j’ai tout de même écouté votre cours. 

La professeur crispa sa mâchoire, peu habituée à se faire prendre à son propre jeu, mais constata également qu’il faudrait de très longues minutes pour faire flancher Luciana, se contenta de retourner à son explication avec un dernier regard menaçant. 

La jeune fée se rapprocha de Anastae pour coller son épaule à la sienne, et lui murmura sans quitter du regard le dos de celle qui continuait son cours : 

- Ce serait mentir de te dire que je n’ai pas envie de remettre Menfi à sa place. 

- Laisse tomber, rétorqua la fée aux cheveux blancs. Pour être honnête, tant que les rumeurs ne sortent pas de l’Académie, je n'en ai que faire. 

- Tu ne voudrais surtout pas que ta famille soit au courant, continua Luciana sans la regarder. 

Anastae décida de se montrer honnête avec elle pour une fois, car après tout, Luciana était sa seule véritable amie qui voulait la venger pour le tort qu’on lui avait causée, qui n’hésitait jamais à montrer les dents pour la défendre, et Anastae se rendait compte qu’elle ne le lui rendait pas assez : 

- Si mon père venait à apprendre cela… On va dire que je pourrais oublier mon héritage. 

- Pourtant c’est bien lui qui fricote avec la royauté. 

- On va dire qu’il n’a pas les mêmes attentes pour moi. 

- Je n’ai aperçu ton père que de loin, avoua Luciana dans un souffle. Et je dois bien avouer que sa simple apparence me terrifie. 

- Rassure-toi, faillit rire Anastae. Tu n’es pas la seule. 

Soudain, sans aucune raison apparente, Luciana la poussa violemment grâce à son épaule avant de s’écarter d’elle. Anastae eut juste le temps de suffisamment se pencher en arrière pour éviter une baguette en bois qui fonçait sur elle, visiblement lancée par une professionnelle. 

Stupéfaite, elle tourna son regard vers la destinataire pour voir leur professeur, un poing sur sa hanche, les sourcils froncés : 

- Vous, beugla-t-elle. Vous êtes déjà arrivée en retard, j’apprécierai que vous vous taisiez.

Menfi ne put retenir un petit rire et elle entendit très distinctement, comme quoi même l’intervention de Luciana ne suffisait pas pour le faire taire, : 

- Tu m’étonnes qu’elle soit la honte de sa famille.  

- Tais toi Menfi, siffla-t-elle entre ses dents sans prendre le temps de réfléchir. Tu y connais quoi, toi, à la famille? 

Luciana lui avait un jour confié que Menfi avait fait la même chose avec elle : une lointaine époque où elle le supportait car il n’était pas si désagréable qu’aujourd’hui. Selon ses dires, la famille était une chose compliquée et si Anastae ne l’aurait jamais confrontée sur ce sujet, parce qu’elle estimait qu’elle valait mieux que se rabaisser à son niveau,  il allait trop loin en évoquant sa propre famille. 

Elle planta ses ongles dans la paume de sa main : 

- Selon certains dires, continua-t-elle. Pas grand chose. 

- Répète pour voir, la menaça Menfi. 

- La même chose s’applique pour toi.

Abasourdie par sa propre réplique, elle comprit pourtant qu’elle allait trop loin : Menfi était loin d’être un petit animal inoffensif et, s' il le souhaitait, il aurait pu la massacrer en quelques dizaines de minutes. Elle se força donc à prendre une respiration pour se calmer pour ne pas continuer sur cette voie.

Alors Menfi se leva de son drap de lin, ses yeux fougères prirent une teinte plus sombre, plus noire, et elle saisit que si Luciana lui avait confié son plus grand point faible, elle allait également en subir les confidences. Elle se retint de jeter un coup d’oeil suppliant vers sa professeure, estimant une nouvelle fois qu’elle valait mieux que cela, mais cette brève hésitation lui permit cependant de voir une chose : que cette grande fée était ravie de la scène : 

- Menfi,intervint alors son amie. Reste où tu es. 

Il ne l’écouta pas et se dirigea vers elle. 

Anastae, par pur instinct de survie et de conservation, se leva elle-même de son drap de lin et serra des poings, prête à lui donner un crochet d’un de ces derniers s’il venait à s’en prendre à elle, bien qu’elle ne résisterait pas longtemps. Elle prit une grande inspiration : 

- Que souhaites-tu me faire, demanda-t-elle. 

- Te remettre à ta place. 

- Arrêtez, siffla Luciana qui s’était également levée. 

- Tu parles beaucoup Luciana, ricana Menfi. Mais derrière il n’y a rien. 

- Je te demande pardon ? 

Elle se posta à ses côtés, une main sur la hanche, le menton relevée, et leva sa main droite. 

Des petits cailloux vinrent flotter au-dessus de sa paume ouverte et Anastae fut sans doute la seule à remarquer son léger mordillement de lèvres. Luciana s’avança d’un pas : encore une fois, c'était elle qui allait lui sauver la mise face à ce pauvre elfe sans qu’elle n’ait rien à faire. D’autant plus que c’était elle qui s’était laissée entraîner dans la simplicité de l’affrontement. 

Elle tendit sa main, saisit la manche de la robe de son amie pour la retenir et parla d’une voix claire et forte, ce qui l’étonna autant que les autres élèves qui fixaient la scène avec des yeux écarquillés : 

- Je te conseille de te rasseoir Menfi. Comme tu viens si bien de le souligner, je suis Anastae Melodias et comme si peu de gens le savait, contrairement à toi, je suis la fille de l’Ancien Général. 

Un hoquet traversa ses camarades : jamais ils n’avaient entendu son nom de famille en raison de son évidence transparence. Pour eux, elle était simplement la fille d’une maison noble. 

Elle entendit quelques chuchotements, suivi d’un ricanement mais elle redressa les épaules et le menton : 

- Ose imaginer ce qu’il va arriver à toi et à ta famille si tu viens à poser la main sur moi. 

Un duel de regards s’entama entre les deux créatures. 

Elle sentit toute la rage qu’il avait pour elle émaner de lui, toute sa frustration de prendre conscience qu’elle n’était pas une fragile petite fée qu’il pouvait s’amuser à brutaliser quand cela lui chantait. En réalité, depuis qu’elle était amie avec Luciana, il semblait ne plus pouvoir la voir, ni lui parler sans haine, mais elle n’était pas prête à mettre un terme à son amitié pour quelques menaces. 

Menfi darda sur elle, une dernière fois, tout son dégoût pour elle avant de retourner s'asseoir à côté de sa partenaire qui la fixait, la bouche légèrement entrouverte. 

Luciana lui indiqua de faire de même mais s’empressa tout de même de lui glisser quelques mots à l’oreille : 

- J’aime cette Anastae. 

Cette dernière sentit une nausée pointer le bout de son nez. 

Son père venait à nouveau de la sauver. 



- Tu te prends trop la tête, comme toujours. Il n’y a rien de mal à changer, notre peuple est fait pour se métamorphoser, pour ne jamais rester les mêmes, tu ne serais pas la première. 

Anastae tentait tant bien que mal depuis une bonne dizaine de minutes de faire comprendre à Luciana qu’elle peinait à se reconnaître ces derniers temps mais cette dernière se contentait de faire la sourde oreille. Pour elle, envoyer balader un elfe qui s’était montré impoli était tout à fait normal et elle devrait se réjouir de ce changement. 

La jeune fée soupira, se laissa tomber sur le lit de son amie et s’étonna que ce dernier soit aussi confortable : mais après tout, si la demeure de Luciana était plus petite et modeste que la sienne, il y régnait une agréable atmosphère et tout était si beau. 

En se tournant sur le côté, elle sentit le papier coincé dans la doublure de sa robe que le Prince avait glissé dans son livre comme quoi une réunion avait bien lieu ce soir et que leur entraînement commençait demain matin. Cela lui prouvait une nouvelle qu’elle avait vraiment changé. Elle se jetait dans la gueule du loup en permanence mais le pire était qu’elle avait besoin de cela pour se sentir importante.  

Son amie releva ses cheveux grâce à une épingle, fit la moue dans son miroir dorée qui s’accordait avec les tâches de la même couleur sur sa peau, pour finalement tout enlever, peu satisfaite de son image : 

- Pourquoi tant de préparation, demanda Anastae en roulant sur le lit. 

- Mon fiancé souhaite me rencontrer ce soir, je vais au moins tenter de me rendre un minimum présentable. 

A la mention de cet elfe, Anastae remarqua sa bouche se crisper et son regard se voiler, peu satisfaite de sa situation. Elle savait que c’était un mariage arrangé, comme souvent sur ce royaume, et que Luciana ne l’aimait pas et le voyait seulement comme une prison dans laquelle elle sera emprisonnée une fois mariée avec lui. 

La jeune fée se redressa, s’assit en tailleurs, et demanda : 

- Tu n’as jamais songé à rompre ce contrat ? 

Luciana haussa un sourcil et l’observa dans le reflet du miroir pour pousser un ricanement qui suggérait à quel point sa remarque était idiote : 

- Je fais tout cela pour m’élever socialement et rendre service à ma famille, qui ne m’a d’ailleurs pas laissé le choix. Je suis condamnée à me marier avec lui depuis que j’ai quatre ans, ce n’est pas le genre de contrat que tu peux rompre. 

- Mais comme tu me l’as dit, un mariage ne signifie pas que tu vas rester bloquée avec lui, tu pourras toujours t’amuser. 

Son amie tapa du poing sur sa commode, le visage crispé d’une expression que Anastae n’avait jamais vu sur elle : de la colère, de la haine, de la rage, à l’état pur. Pour la première fois, Luciana quittait son masque de constant amusement ou d'indifférence pour dévoiler quelqu’un qui se sentait bridée par sa propre condition sociale. 

Les yeux témoignant de toute sa rage, elle fixa Anastae d’une façon qui lui donna presque envie de quitter sa chambre : 

- Il m’aime, cracha-t-elle comme s’il s’agissait d’une insulte. Il me l’a dit droit dans les yeux, la bouche en cœur, et m’a fait une merveilleuse déclaration qui disait à quel point il était heureux que ce soit moi. Crois-tu réellement qu’un elfe qui m’aime va me laisser voler de mes propres ailes, prendre ma propre chambre, ma propre demeure, me rendre à des fêtes ? Il me considère comme sa petite chose, qu’il va pouvoir garder près de lui pour toujours, et jamais, tu m’entends, jamais, il ne va me lâcher. 

Troublée, elle passa ses mains sur son visage, ses cheveux, avant d'agripper le bas de sa robe : 

- Et je ne peux rien faire. Je peux juste lui sourire comme simple réponse. Il ne me reste plus qu’un an avant que je ne sois enchaînée à lui par le mariage, il ne me reste qu’un an de liberté avant une éternité d’ennui et de regrets. 

Sa voix se brisa sur la fin de sa phrase et Anastae la fixa avec des yeux ronds, la bouche entrouverte, consciente qu’elle venait de lui faire part, sans doute, d’une des plus grandes douleurs de sa vie. Malheureusement pour Luciana, elle n’était pas douée pour réconforter les autres, puisque personne ne l’avait jamais fait avec elle depuis ses sept ans. 

Elle se contenta donc de remuer ses maigres souvenirs de sa vie humaine et se souvenait de ce professeur qui posait toujours une main sur son épaule avant de la presser. 

Elle se pencha vers son amie, posa sa paume sur le creux de sa nuque et effectua une brève pression. Luciana demeura interdite un instant, regarda sa main avec l’air de lui demander ce qu’elle était, et poussa un bref rire qui paraissait pourtant épuisé : 

- Tu cherches à faire quoi, demanda Luciana d’une voix qui reprenait enfin ses accents habituels.  

- Je ne sais pas trop, avoua la fée aux cheveux blancs.

Elle retira sa main comme si elle l’avait brûlée, se racla la gorge, et tenta de trouver les mots, bien qu’ils n’existaient pas vraiment pour une situation pareille : 

- Même si tu es mariée à cet elfe, je te rendrais toujours visite. Même si c’est d’un ennui affligeant, je viendrais prendre le thé et faire une promenade à l’aube avec toi. Je ne te laisserai pas parce que tu ne seras plus la Luciana qui s’amuse tout le temps. 

Elle lui offrit un piètre sourire : 

- Après tout, c’est toi qui m’a en partie sortie de ma vie ennuyeuse, continua-t-elle. 

- En partie, releva la fée aux cheveux de jais. D’ailleurs… 

Elle se tourna complètement vers elle, saisit ses épaules et la repoussa sur le lit. Anastae manqua de se prendre le cadre en argent et roula sur le côté pour éviter Luciana qui sautait à sa suite, souhaitant sûrement l’écraser de son maigre poids. 

Cela serra cependant le coeur de Anastae de constater l’aisance avec laquelle elle avait refoulé ses émotions pour redevenir quelqu’un de léger, qui ne semblait pas avoir de problèmes, et qui tentait de se persuader qu’elle n’en n’avait pas : 

- Avec ce fameux Leith, continua son amie. Des évolutions ? 

- Je te disais que j’avais changé, soupira Anastae avant cependant la volonté d’être honnête avec lui. Hier soir, il est venu dans ma chambre. 

- Ta chambre, s’exclama Luciana. 

Un grand sourire illumina son visage et elle se rapprocha d’elle en saisissant un de ses nombreux oreillers pour appuyer ses coudes dessus. A la vue de son expression, elle avait sans doute hâte de connaître la suite de l’histoire et, malgré elle, Anastae se sentit rougir en repensant à ce qui s’était passé sur son lit. 

Luciana s’empressa de se rapprocher en poussant un petit cri : 

- Ne me dis pas que… 

- On s’est embrassés. 

- J’y crois pas ! Toi, Anastae Melodias, celle qui disait qu’elle ne voulait pas de lui, l’a embrassé ? 

- Je sais. Je ne sais pas ce qui m’a pris. 

Son amie s'allongea à ses côtés dans un bref mouvement et en profita pour lui donner un coup de coude dans les côtes. Sans aucune explication, elle saisit une mèche de ses cheveux et l’enroula autour de son doigt : 

- Etiez-vous ainsi ? 

- Oh, Luciana, par pitié, ne me demande pas de te raconter les détails. 

Surtout qu’il avait de la même façon enrouler une de ses mèches autour de son doigt : 

- Vous ne vous êtes qu'embrassé ? 

Un long silence plana. 

Anastae avait le sentiment que tout son teint normalement si blanc, d’une couleur qui rappelait la neige, était en train de devenir aussi rouge que le sang. Elle se souvenait parfaitement de ses mains sur ses cuisses, de sa bouche sur son cou, de sa langue qui léchait sa peau tendre, de ses canines qui mordillaient cette dernière. Elle se souvenait de sa phrase. 

Je veux te faire l’amour. 

Avec un hoquet, elle cacha son visage de ses mains en se demandant comment elle avait pu agir de cette façon et surtout, réagir : 

- Non, s’exclama Luciana. Vous avez… 

- Non ! 

Elle se racla la gorge : 

- On s’est juste un peu… laissé emporter sans pour autant passer réellement la nuit ensemble. 

- Que cela me manque de passer mes nuits de cette façon. Mais en ce moment, la plupart des elfes m’insupportent, tu as bien de la chance d’avoir trouvé Leith. 

Anastae enleva les mains de son visage et se coucha sur le ventre : elle fouetta l’air de ses pieds en songeant que c’était étrange d’avoir une confidente, quelqu’un qui l’écoutait et qui lui donnait des conseils. Jamais elle n’avait vécu ça, si ce n’était avec Tania, mais elle aimait cette sensation d’avoir une véritable amie. 

Troublée, elle souffla sur mèche blanche de ses cheveux qui tombait devant ses yeux : 

- Le problème vois-tu, c’est que je lui ai dit droit dans les yeux que cela ne signifiait rien. De ce fait, je ne sais pas quoi lui dire, ni même si je veux le revoir. 

- L’a-t-il mal pris ? 

Elle songea à Leith qui lui disait qu’il la convaincra, qu’il n'abandonnera pas, avant de lui demander un dernier baiser. Cette réaction avait certes montré une légère déception mais elle avait aperçu dans ses yeux une lueur de joie : il voulait une belle histoire, qu’elle le repousse de cette façon avait dû écrire un chapitre de plus.

Anastae, certaine qu’elle ne l’avait pas vexé, secoua sa tête : 

- Je ne pense pas. Il a laissé un mot sur ma commode qui me disait qu’il ne regrettait rien et qu’il allait se languir jusqu’à notre prochaine rencontre. 

- C’est tout, insista Luciana en constatant son regard fuyant. 

- Il m’a également dit qu’il ne pourrait pas oublier le goût de mes lèvres, souffla-t-elle rapidement. 

Son amie poussa un léger rire et ses yeux dorées se mirent à briller comme de l’or, visiblement satisfaite de la fin de l’histoire : 

- Anastae, à la vue de tes joues rouges, j’en déduis que cette nuit t’a plue. Si j’étais toi, je continuerai à le voir, du moins pour pouvoir aviser la suite, et je ne laisserais pas quelques baisers réduire à néant ta chance de te trouver un fiancé palpitant. 

Elle gloussa : 

- Mais je ne suis pas ce qu’on pourrait qualifier de raisonnable. 

 

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Isahorah Torys
Posté le 06/10/2022
J'attendais un petit moment pour être certaine, mais plus je lis ton histoire, plus certaines parties me semblent maladroites, parfois immatures (dans l'écriture et la recherche du sens). Il y a des dialogues qui mériteraient d'être remaniés dont certaines réactions paraissent peu naturelles. Ce n'est pas très grave... mais je pense que quelques arrangements pourraient donner plus de sens à tes phrases, aux réactions de tes personnages, à leur manière d'agir etc... il suffirait d'ajouter un peu de profondeur. Ici, par exemple, Leith apparait très brutalement dans ce chapitre, alors qu'il était plutôt absent dans les précédents. on s'attend à ce qu'il tienne un rôle important, vu l'importance de cette phrase : - La première partie est finie. Mais pourtant, tu ne donnes pas au personnage la place qu'il mérite. Il mériterait quelques lignes supplémentaires ;)

J'ai remarqué ce même schéma dans les précédents chapitres, parfois tu nous donnes des informations lâchées d'une manière assez brute, qui tombent comme un cheveu sur la soupe et on ne comprend pas trop pourquoi à ce moment précis. C'est comme le marchand de livre au marché (je ne sais pas si tu te souviens que je t'avais fait la même remarque... sa réaction et ses paroles étaient trop faciles et paraissaient peu crédibles.

Plus je lis et plus cette impression se fait plus vive ^^ Est-ce que tu réalises des fiches personnages détaillées pour ton histoire ?
Marlee2212
Posté le 26/10/2022
Tout d'abord, merci pour cette remarque et conseil très détaillés.
Cette histoire est un premier jet que je n'ai jamais corrigé : l'écriture est une passion pour moi, ce récit n'est pas encore considéré comme un "réel travail" pour moi.
L'histoire est de ce fait souvent entrecoupée de pauses que je fais, par manque de temps, d'envie : évidemment, la suite du récit s'en retrouve impacté. Lorsque je reprends un chapitre après quelques semaines de non-écritures, je n'ai plus forcément le chapitre précédent en tête et c'est un peu comme si je retournais sur un nouveau départ.
Pour répondre à ta question, je ne fais pas de fiches détaillées, tout se passe dans ma tête :) ( ce qui peut rendre parfois le récit un peu "brouillon")
Cependant, pour le deuxième jet, je compte en faire pour éviter, comme tu l'as dis, des réactions, actions, peu naturelles.
Encore merci pour cette remarque !
Isahorah Torys
Posté le 26/10/2022
Oui, je comprends parfaitement ^^ Autant souligner ces petits détails alors pour t'aider à la réécriture ;) J'essaie toujours de le faire avec tact, mais j'avoue que parfois ce n'est pas mon fort, mais je suis heureuse qu'on puisse en discuter aisément.

Oui, je te conseille vivement les fiches personnages extrêmement détaillées. Ça permet de s'approprier chaque caractéristique des différents personnages.
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