CHAPITRE 17

Par itchane


CHAPITRE 17


 

Sorc se redressa brutalement. Il s’était extrait d’urgence de sa projection et la tête lui tournait alors qu’il se levait de son lit. Il n’était jamais très agréable d’être renvoyé dans son corps aussi violemment, mais la situation l’exigeait. Cette fois c’était lui qui avait coupé le lien pour revenir le plus vite possible dans sa chambre d’hôtel.
Il traversa la pièce en titubant, attrapa son sac qu’il passa rapidement sur son épaule puis se dirigea vers la porte. À chaque pas, la lumière revenait un peu plus et son esprit se clarifiait.
Ragaillardi, il se mit à courir pour traverser le couloir de l’hôtel et rejoindre le hall. Là-bas, sans surprise, l’attendait un homme chargé de surveiller ses nuits. Le policier se leva brusquement en voyant Sorc débarquer en trombe devant lui. La sorcière se dirigea directement dans sa direction.
― J’ai besoin que vous m’emmeniez à une adresse précise. C’est urgent.
― Vous n’avez pas le droit de quitter l’hôtel de nuit.
― Faux, je n’ai pas le droit d’aller en ville non accompagné. Je vous demande de m’accompagner. Vite !
Le policier hésitait, pris de cours.
― Je ne cherche pas à m’enfuir, ni à vous doubler, lui expliqua Sorc qui s’impatientait. Je viens directement à vous, supposant que vous avez une voiture, et vous demande de me conduire en un point précis de la ville pour un élément primordial de l’enquête. Je vous assure que le capitaine Grive ne vous le reprochera pas.
Sorc avait un doute sur ce dernier point, mais il lui fallait convaincre cet homme.
― Très bien, suivez-moi, se décida finalement le policier. Ne vous éloignez jamais de moi.
Ils s’engagèrent dans la rue et montèrent dans un véhicule de police garée à l’entrée du bâtiment.
Sorc donna au policier l’adresse de l’appartement de Peet. Les ordinateurs de Kinna avaient mesuré une arrivée massive de lumioles dans sa zone et la sorcière espérait arriver à temps pour, si ce n’était sauver la fresque, au moins donner une chance de survie aux policiers qui se trouvaient sur place pour la surveiller.
― Ne pouvez-vous aller plus vite ? demanda Sorc.
― Non, affirma le policier.
Sorc sentit tout de même la voiture prendre une légère accélération. La tension extrème qu’il ressentait semblait communicative ; le conducteur avait les mains serrées sur le volant et son buste s’était arqué en avant.
― Vous êtes sûr, pas même avec la sirène ?
Le policier hésita.
― Où me menez-vous ? J’ai besoin d’infos, je ne peux activer la sirène à toute demande de civil pressé.
― Sur le lieu d’un crime qui n’a peut-être pas encore eût lieu. Pour le moment.
Pour une fraction de secondes, le policier quitta la route des yeux et regarda Sorc. Puis appuya sur un bouton près de son volant qui déclencha une sirène étourdissante.
Il se saisit aussi du micro de sa radio et lança un appel.
― Oui ? grogna une voix que Sorc reconnu sans mal.
― Capitaine Grive ? Je conduis en urgence M. Sorc vers l’appartement du graffeur. Il pense qu’il va y avoir une attaque. 
Grive répondit par un juron et raccrocha.

La voiture filait désormais à toute vitesse dans les rues désertes de la Ville. Les lumières des vitrines des quartiers riches fusaient dans leur champ de vision, éclairant l’intérieur de l’habitacle de reflets multicolores et changeants. Puis vint la pénombre des ruelles des quartiers ouest et les échos assourdissants de la sirène contre la pierre des bâtiments. Sorc s'impatientait. Il avait le visage collé à la vitre et scrutait le ciel à la recherche d’une colonne de fumée. Ils s’approchaient de leur destination et ne voyaient ni n'entendaient rien de suspect, peut-être ne serait-il pas trop tard.

La voiture pila furieusement au pied d’un immeuble à la devanture de pizzeria, que Sorc reconnu comme celui de Peet. La sorcière ouvrit la portière brutalement et sortit à la volée. Son angoisse monta d’un cran en voyant un groupe de passants agités, arrêtés devant l’entrée du bâtiment. Les clients du restaurant sortaient précipitamment dans la rue et les regards s’étaient immédiatement tournés vers la voiture de police dont la sirène criait encore.
― La police est là ! 
― On a entendu des gens hurler à l’étage ! pointaient certains.
Le policier se créa un passage dans la foule, Sorc sur les talons. Ils butèrent contre la porte d’entrée de l’immeuble, fermée et protégée d’un code.
Le policier bomba le dos et rentra ses épaules, prêt à percuter le battant mais Sorc le retint.
― Laissez-moi faire, dit-il.
D’une parole et d’un geste vers la poignée, Sorc déverrouilla le loquet et la porte s’entrouvrit.
Les deux hommes se précipitèrent, Sorc devant, le policier à sa suite.
Plus ils avalaient de marches plus l’odeur devenait insupportable. Ainsi que le silence. Pas de cris comme on leur avait indiqué à leur arrivée, pas de tumulte de lutte, pas de pas précipités pour tenter de s’enfuir. Sorc accéléra encore son ascension, gorge et cœur contractés. Il fallait arriver à temps, il le fallait. Sauver des vies. N’avoir pas été une fois de plus impuissant.
Il aurait dû rester sur place cette après-midi, se disait-il alors qu’il montait une marche de plus. Il aurait dû surveiller l’immeuble cette nuit, au lieu d’aller vadrouiller en ville, pensait-il alors qu’il arrivait sur le palier.

Arrivés en haut de l’escalier, il tourna sur sa gauche.
Et s’immobilisa.
Au sol devant la porte d’entrée de l’appartement de Peet, deux silhouettes contractées en positions de douleur et de fuite, noircies et encore fumantes. Moquette charbonnée, murs et plafond couverts de suie.  

Trop tard. Il était arrivé trop tard. 
Les deux policiers chargés de garder la fresque étaient désormais à ajouter aux victimes de cette ignoble série.
Sorc mit sa main sur son nez pour tenter de cacher un peu de l’odeur de chair cramée qui le prenait à la gorge et entra dans le studio. 
Il n’était pas brûlé. L’incendie ne s’était pas propagé au delà des deux corps des policiers. 
La fresque avait subi des dommages, griffures et suie, mais n’était qu’en partie détruite. Des pans entiers restaient intouchés.
― Nous l’avons interrompu, dit le policier qui accompagnait Sorc.
Il se rua vers les fenêtres, mais elles étaient fermées de l’intérieur. Il couru alors dans les étages, convaincu que le criminel ne pouvait être bien loin.
Sorc lui, resta dans la pièce. Il savait qu’il était inutile d’espérer retrouver le coupable par la poursuite. Un coupable qui n’était peut-être même pas de chair et de sang.
La sorcière se dirigea vers la fresque mais n’eût pas le temps d’inspecter plus avant les éléments qui avaient disparus. Des jurons en provenance du couloir lui firent tourner la tête.

Grive entra en trombe dans l’appartement accompagné de plusieurs policiers.
― On se déplie, les fenêtres, les étages, la rue, il ne peut pas être loin, cria-t-il. 
Mais l’agent qui avait mené Sorc en voiture revenait déjà de son inspections des étages.
― Je n’ai rien vu là haut, haleta-t-il.
― On y va quand même, insista Grive auprès de ses hommes.
Les agents se dispersèrent dans l’immeuble sous le regard de leur capitaine.
― Vous ! tonna-t-il en pointant Sorc du doigt. Interrogatoire. Tout de suite.

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Erwel.le
Posté le 22/04/2025
Salut,

Je viens de lire d’une traite depuis le chapitre 15. Merci pour cette suite. Je me permets un retour un peu global, faute de temps pour laisser un commentaire à chaque chapitre, désolée.

J’aime beaucoup la sensation d’accomplissement que je ressens à voir les fils des deux histoires s’entremêler progressivement. Je suppose que les victimes de la Ville sont des hommes qui, d’une manière ou d’une autre, ont nui à leur épouse, et que la Change-face ourse est en cause dans ces incendies.
J’aime beaucoup le personnage de Kinna, qui réalise la synthèse de la technologie et de la magie. J’espère qu’on va la retrouver plus tard dans l’histoire.

Tu réussis à éclaircir à certains mystères (le Corbeau blanc) tout en les épaississant (la Guerre Froide ? Et quel âge a Sorc, alors?). Petit aparté sur « Guerre froide » cependant : ce nom est tellement marqué historiquement parlant comme le conflit entre USA et URSS que c’est difficile de s’en décrocher. Surtout qu’il y avait aussi une ligne directe entre les deux belligérants : le téléphone rouge – au lieu d’un Corbeau blanc – alors, je ne sais pas si tu as eu d’autres retours dans ce sens, mais peut-être qu’un autre nom conviendrait davantage ? Je n’ai pas pris le temps de lire tous les autres commentaires.

J’espère qu’on en saura davantage plus tard sur la place des Dieux, sur Sorc, sur cette Guerre froide, j’ai l’impression que oui. J’ai la sensation agréable d’être à un moment de l’histoire où, les fondations ayant été posées, les événements s’accélèrent et s’enchaînent. C’est assez fluide, je trouve.

J’aime aussi les ellipses que tu pratiques, comme au début de ce chapitre, où Sorc réintègre brutalement son corps – on ne sait pas pourquoi, d’autant plus que le chapitre d’avant se passait dans l’autre époque. On s’embarque avec lui dans la précipitation et on se rappelle ce qu'il cherchait peu après. Ça fonctionne bien.

J’espère que tu avances comme tu veux sur cette histoire, qui est palpitante. A bientôt :-)
itchane
Posté le 26/04/2025
Coucou Erwel.le !

Merci merci d'être toujours là sur ce texte et de commenter si précautionneusement : D

Alors oui, "guerre froide"...
En fait, j'ai bien créé le "corbeau blanc" en référence au téléphone rouge de la guerre froide. Mais je suis d'accord avec toi, j'aurai voulu faire un clin d'oeil et non pas mettre les pieds dans le plat comme cela avec le mot "guerre froide".
J'aime l'idée que ce monde soit très proche du notre, mais un peu différent, avec des clins d'œil historiques (je parle aussi de peintures rupestres de la préhistoire pour comparer les fresques de Peet par exemple). Mais j'ai séché pour trouver un nom qui soit porteur sans copier-coller. Je n'étais pas du tout convaincue par des pistes comme "Conflit Figé" ou l'utilisation de synonymes comme "fraîcheur"... bref, j'ai laissé "guerre froide" car c'est l'intention qui primait pour ce premier jet, en attendant de trouver mieux. Ce sera à re-réfléchir clairement ! Et ta remarque me le confirme.

Et merci aussi beaucoup pour le reste de ton commentaire, c'est hyper encourageant pour tenir bon sur la longueur. J'ai un petit blocage sur la toute fin du récit, j'ai peur qu'elle ne soit comme un énorme cheveux dans ma petite soupe, mais bon. On verra ^^

Encore merci !
Raza
Posté le 12/04/2025
Hello!
Prenant, prenant ! Le méchant (la méchante?) est à nos portes ! Ça me pose la question des pouvoirs divins, quels sont leurs limites...
Je noterai juste que je n'ai pas compris le tour debut, comme s'il manquait un truc entre le chapitre précédent et celui ci.
Je note une typo, a un endroit tu as ecrit "a eût".
Merci, à bientôt et bon courage !!!!
itchane
Posté le 26/04/2025
Coucou Raza !

Ah oui, le tout début. Je devrais le rendre plus clair.
Sorc était chez la sorcière chercheuse et il a vu un truc sur l'écran qui l'a poussé à revenir dans son corps pour agir en tant que sorcière et non plus chat.
Je me rends compte que c'est une explication complexe que je fais et j'ai tout mis en ellipse, c'était peut-être un peu osé x'D Je vais re-regarder cela pour que ce soit plus clair.


Merci encore pour ta fidélité de lecture et de commentaires, tout cela m'encourage beaucoup !

À bientôt : )
Vous lisez