Il y a de cela fort, fort longtemps.

Par itchane


Il y a de cela fort, fort longtemps.



 

L’Uddrie passa la dernière colline avant la ferme et se figea.
Là où se trouvait hier la large bâtisse, elle ne vit que ruine noircie et cendres.
Le toit de chaume avait entièrement disparu, les murs étaient presque tous tombés et les piliers de soutien s’élevaient en arrêtes de poisson charbonneuses, pointant vers le ciel et ne fortifiant plus que le vide.

D’abord hébétée, l’Uddrie se ressaisit et couru dans la pente pour arriver sur les lieux au plus vite.

Qu’avait-il bien pu se passer ?

Elle avait gravit la colline le cœur serré, se demandant si le pire était arrivée, si Manta avait pu passer la nuit ou si une terrible nouvelle lui serait annoncée. Et voilà qu’elle dévalait cette même colline en découvrant que le pire pouvait toujours être pire encore et que rien ne pouvait être prédit. À quoi les Dieux avaient-ils joué cette nuit ?

Lorsqu’elle arriva au milieu des débris, l’odeur de cendres froides lui pris au nez et à la gorge.
Elle se couvrit de la manche le bas du visage pour ne pas s’étouffer. Par-ci par-là, des langues de fumée s’échappaient encore des décombres, lui brouillant la vue.

L’Uddrie s’avança avec appréhension vers ce qui avait été le fond de la bâtisse et qui béait désormais à tout vent. Elle avait peur de ce qu’elle découvrirait dans l’amas de paille calciné et de restes de couvertures brûlées qui avait autre fois été une couche.

Un haut le cœur lui prit lorsque ses yeux se posèrent sur ce qu’elle avait espéré ne pas avoir à affronter.
Dans les vestiges roussis de poils, de cuir, de tissus et de plumes se mêlaient tragiquement des restes d’os, de peau et des mèches de cheveux.

L’Uddrie raffermit sa prise sur la manche qu’elle tenait toujours contre son nez. Du bout de son baton elle fouilla dans cet agrégat de tristesse pour s’assurer de l’identité de la dépouille. Une perle de bracelet ici, un carré de tissus reconnaissable là ; aucun doute, Manta avait brulée en même temps que sa ferme.

La vieille femme pria les Dieux pour que la bergère fut passée avant que le feu ne se soit déclaré.

Elle fit le tour des décombres à la recherche d’une autre dépouille mais n’en vit pas trace. Était-il possible que le corps de Tess ait entièrement brûlé ? Elle avait peine à le croire.
La maison avait flambé en son absence.

Mais pourquoi ?
Le feu s’était-il déclaré depuis leur foyer alors que le berger était au Grand Brasier ? Ou bien Tess avait-il enflammé de chagrin sa ferme, en découvrant sa femme morte dans son lit à son retour ?

L’Uddrie ne pouvait se contenter d’en rester là.

Il n’y avait que deux chemins possibles pour se rendre à la ferme ou la quitter. Le premier, elle l’avait emprunté pour venir ce matin. Elle n’avait croisé personne.

Elle décida donc de suivre le second dans l’espoir d’y retrouver le berger.

Mais l’Uddrie ne put aller bien loin. 
Elle avait quitté le corps de ferme et les premiers enclos, dans l’espoir que Tess ne se serait pas trop éloigné et serait peut-être simplement esseulé et abattu, quelque part dans la vallée voisine. 
Mais alors qu’elle arrivait en haut de la première rondeur de paysage, deux objets posés au milieu du sentier attirèrent son attention.

Elle s’approcha et se pencha.
Ses yeux s'écarquillèrent en découvrant sur le sol une petite statuette de pierre. Trois corps, trois visages ; trois femmes. Les Trois Parentes la regardaient de leurs yeux sculptés d’une fente.
Posée à côté, une petite bourse de tissu. Elle la ramassa et l’ouvrit.

La poche lui échappa des doigts lorsqu’elle en découvrit le contenu.
Un mélange naïf, funèbre et impitoyable d’herbes, d’épices et de champignons toxiques ; ramassés et assemblés sans distinction entre les feuilles, les fleurs, les pousses ou les brindilles.

Manta. 
Voilà donc le mal qui la rongeait depuis des jours.

L’Uddrie porta son regard vers la vallée, là où Tess s’en était sûrement allé.
Un vent de réponses et d’aigreur vint soulever ses cheveux blancs.

 

Et alors qu’elle se penchait pour ramasser la statuette, elle découvrit qu’au delà de ce message laissé par les Dieux, les traces de pas humains et ovins laissés par Tess et ses moutons étaient rejointes par celles d’une autre bête.

Fraîches, des empreintes d’ours quittaient elles aussi la région, marchant à la suite de l’assassin.

Dieux et Déesses ne pouvaient être plus clairs.
Chasse gardée.


 

L’Uddrie n’en fut que peu réconfortée.

Elle fit demi-tour et redescendit aux ruines. 
Elle s’approcha du cadavre de Manta et les yeux emplis de larmes, déposa sur son corps anéantit la statuette.

Puis elle tomba à genoux, accablée de n’avoir pas su, de n’avoir pas vu, de n’avoir pas pensé.
De n’avoir pas sauvé.

Manta la forte, Manta la brave, Manta la solide.
 

Manta la morte.

 

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Raza
Posté le 09/04/2025
Ohlala, snif....
Je suis perplexe. Ainsi, il a réussi à s'enfuir avec ses moutons ? Ilbétait pourtant en si mauvaise posture ?
La fin est touchante, et tavplyme toujourq aussi agréable !
Je note que les dieux brûlent les vilainsnon dirait, mais... l'artiste était il un vilain ? Mmmh... je suis impatient d'avoir la suite !
À bientôt et merci !
itchane
Posté le 26/04/2025
Coucou Raza,

C'est vrai qu'avec les interruptions dans l'histoire, qui est entre-coupée d'une autre, il n'est peut-être pas évident de se rappeler des détails. Mais à la fin du dernier chapitre concernant Tess, la déesse lui dit en gros "Va, je surveillerai tes traces".
Ce n'était peut-être pas clair, mais donc je voulais dire que Tess était épargné par la déesse... je devrais peut-être être plus claire et écrire "va, je t'épargne, [...] " ?

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