CHAPITRE 18

Par itchane


CHAPITRE 18


 

― Comment saviez-vous qu’une attaque aurait lieu ?
Le bureau de Grive était plutôt étroit, contenant difficilement son immense bureau à angle ainsi que plusieurs chaises pour s’asseoir de chaque côté de celui-ci.
Le capitaine fixait Sorc de ses yeux accusateurs, sourcils froncés et mâchoire tendue. Sa voix, plus rude et irritée que jamais, tranchait l’air qui les séparait.
― Ce serait difficile à expliquer, tenta Sorc.
― Essayez.
Sorc ne souhaitait pas attirer l’attention sur Kinna. À vrai dire, il n’avait pas l’intention d’en parler du tout. Et pourtant, il lui semblait que l’instant était important. Le point de bascule était juste là, devant eux, ce moment où il faudrait mettre les vraies termes sur la table. Se dérober maintenant serait s’éloigner à jamais de toute collaboration potentielle. Mais le capitaine était-il seulement capable d’entendre Sorc ?
― Je ne suis pas sûr que vous soyez prêt pour ce que j’aurai à dire, commença-t-il.
― Je me passerai de vos mises en garde. Comment avez-vous su ?
― J’ai… senti qu’il allait se passer quelque chose.
― Vous vous moquez de moi ?
― Non. Les sorcières sont douées pour traquer. Notre perception est différente de la vôtre.
Grive soupira, déjà agacé.
― Différente en quoi ? demanda-t-il tout de même. 
― Nous sommes capables, par différents moyens, naturels ou artificiels, de détecter la présence ou l’utilisation de sorcellerie dans un lieu donné.
― De la sorcellerie ? Vous essayez de me dire que ces meurtres sont de la sorcellerie ?
― Et bien justement, non.
― Non ? Par pitié où voulez-vous en venir.
― Ecoutez, je sais que vous n’avez aucune estime pour mon métier, auquel vous n’accordez aucune légitimité pour enquêter sur cette affaire. Mais le fait est que vous m’avez vu découvrir cette porte cachée dans les sous-terrains. Vous m’avez aussi vu la déverrouiller. Et je suis le premier à être arrivé sur les lieux cette nuit.
Grive ne dit rien. Il se renfrogna mais ne répondit pas.
Sorc reprit alors.
― Il y a dans cette affaire des forces qui dépassent vos compétences habituelles.
Le capitaine voulu protester mais Sorc le coupa.
― Et si vos supérieurs m’ont appelés c’est qu’ils pensent la même chose. Monsieur Grive, écoutez-moi bien. Je sais que vous ne croyez pas en la sorcellerie. Vous pensez que tout est rationnel et que la solution peut toujours être trouvée en enquêtant sérieusement. Mais dans cette affaire, ce ne sera pas suffisant. 
― Monsieur Sorc. Ne me sous-estimez pas. Si vous êtes présent dans ce bureau en cet instant précis c’est que j’ai besoin de vos réponses. Et aussi désagréable que cette situation puisse être pour moi, le fait de vous interroger et d’attendre de vous des éléments prouve déjà suffisamment que je sais mener une enquête quelque soit les “forces qui dépassent mes compétences”.
Les deux hommes se dévisagèrent un instant. Jusqu’à ce que Sorc brise enfin le silence.
― Si je ferme les yeux et que je me concentre, je peux sentir si de la magie ou de la sorcellerie a été utilisée récemment dans mon environnement. Mais parfois, cette sorcellerie est protégée, comme… cachée. Dans ce cas mon sens de détection ne me sert à rien. J’utilise alors ceci.
Sorc plongea la main dans son sac et en sortit sa boîte de lumilles.
― Dans cette boîte se trouve une colonie de minuscules êtres capables de percevoir la sorcellerie à des niveaux bien plus sensibles qu’une simple sorcière.
Sorc ouvrit la boîte. Les lumilles s’envolèrent en un nuage scintillant, tourbillonnèrent quelques instants au dessus de sa tête, puis vinrent se poser une à une sur sa cape.
― Elles sentent que mon vêtement est ensorcelé. C’est pourquoi elles s’y sont posées.
Grive ne sembla pas surprit d’apprendre que la cape de Sorc faisait l’objet d’un sort. Il lisait donc bel et bien les rapports de Malisé. Sorc continua.
― C’est ainsi que j’ai pu découvrir la porte qui gardait le corps de Peet dans les sous-sols.
Le capitaine leva les yeux au ciel et passa sa main sur son visage. Il n’aimait pas ce qu’il entendait, mais il attendit tout de même que vienne la suite.
Sorc prononça un mot et les lumilles retournèrent dans leur boîte.
― Maintenant imaginez la même chose, mais en un peu différent, reprit-il. Imaginez une colonie d’être minuscules capables de percevoir les interventions divines.
― Pardon ?
― Ecoutez, croyez-moi ou non, mais plus j’avance dans cette affaire, plus je suis convaincu qu’un dieu ou une déesse est impliqué dans cette histoire. Les sorcières n’immolent pas les gens et tout porte à croire qu’un simple criminel sans pouvoir ne peut être à l’origine de ces feux.
― “Les sorcières n’immolent pas les gens”, c’est là toute le fondement de votre réflexion ? Qui était cette femme qui se trouvait avec nous dans les sous-sols et portait un vêtement aux caractéristiques si proches de votre cape ?
Le capitaine Grive avait donc lu les rapports de Malisé avec une grande, grande attention.
― Je ne sais pas, mentit Sorc.
― Elle est mon suspect numéro un et sa présence ce matin auprès du cadavre de Peet me semble assez éloignée d’une quelconque intervention divine.
― Ecoutez, je ne crois vraiment pas que cette personne soit à l’origine des crimes.
― Parce que les sorcières n’immolent pas les gens ? Ou parce que vous la connaissez ?
Le cœur de Sorc se contracta.  
― Les sorcières n’immolent pas les gens.
Grive sourit.
― S’il y a bien une chose que j’ai apprise en faisant mon métier, Monsieur Sorc, c’est qu’il y a du mauvais partout. Aucune catégorie de personnes n’échappe à la règle, sorcière ou pas sorcière.
― Dans ce cas vous n’avez pas besoin de m’interroger. Vous avez votre suspect, je suis sur une autre piste, je ne peux donc pas vous aider.
― Comment saviez-vous qu’une attaque aurait lieu ? 
― J’ai tenté de vous l’expliquer, vous n’écoutez pas.
― Selon vous elles seraient liées à des interventions divines ? Permettez-moi de douter et de vous demander plutôt ce que vous savez de cette femme sorcière qui se trouvait dans les égouts de la ville, vous lui parliez lorsque Malisé l’a finalement vue.
― Les sorcières se reconnaissent entre elles. Je l’ai vue, alors je suis allée lui parler, mais je ne la connaissais pas.
― Et maintenant vous la connaissez ?
― Je vous dis que non. Écoutez, je vois que j’ai fait une erreur. J’ai cru que vous étiez prêt à m’écouter, mais je me rends compte du piège que vous tentez vainement de me tendre. Continuez donc sur votre fausse piste et laissez moi retourner à mon enquête.
― Vous ne me dites pas tout et je le sais. Comment saviez-vous qu’une attaque aurait lieu ?
― J’ai tenté de vous le dire. Je ne crois pas que la ou le criminel soit une sorcière. J’ai pu détecter l’arrivée d’une divinité dans l'appartement de Peet et cela corroborait ma piste. J’ai su que quelque chose allait se passer.

Grive ouvrit soudain l’un des nombreux dossiers présents sur son bureau. Il en sortit une photo qu’il déposa devant Sorc.
La sorcière palit. Grive sourit. 
Sur l’image, Sorc découvrit, posée à même un parquet brûlé, une petite statuette naïvement sculptée composée de trois corps de femmes côte à côte, soudées entre elles aux épaules et aux hanches.
― Où avez-vous trouvé cela ? demanda -t-il d’une voix plus vacillante qu’il ne l’aurait voulu.
― Vous ne le savez pas ? Votre enquête patine Monsieur Sorc, dit Grive aux anges. Mais vous connaissez n’est-ce pas ?
Sorc tenta de reprendre ses esprits.
― Il s’agit d’une statuette de la divinité des trois parentes.
― Une divinité de la Zone, fit remarquer Grive.
Sorc regarda le capitaine dans les yeux. Là-dessus, il ne pouvait mentir.
― Oui, répondit-il.

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Sim
Posté le 13/05/2025
Bonjour,

J'aime beaucoup ces deux derniers chapitres, leur rythme me paraît vraiment bien huilé et l'enquête avance. La relation entre Grive et Sorc est bienvenue et se développe petit à petit, c'est fort appréciable.
Je trouve les dialogues vraiment vivants, justes dans le caractère et les émotions des personnages, et les incises précises.
Bref, je continue !
itchane
Posté le 19/05/2025
Hello Sim,

Merci beaucoup pour ton commentaire, ouf l'histoire semble fonctionner au moins jusqu'ici ^^
Je suis contente que les dialogues te plaisent, à vrai dire, je les écris vraiment au fil de la plume pour garder le plus de naturel possible et je les reprends très peu, donc ouf aussi si ça passe : D

Merci merci d'être toujours là à lire ce texte ♥
Raza
Posté le 27/04/2025
Bonjour !
Joli échange entre les deux "gentils" ^^
Le chapitre est tranquille, grive est équilibré dans son rôle, je me demande juste si ce chapitre n'est pas "trop" tranquille ? Nous n'apprenons presque rien, et la relation entre les 2 n'a pas beaucoup évoluée ?
Bref, un chapitre indispensable, mais qui mériterait un petit "kick" quelque part? À voir si je suis le seul a penser ça bien sûr, ce n'est qu'une suggestion !
À bientôt et merci pour le partage <3
itchane
Posté le 02/05/2025
Coucou Raza !

Hmmm oui c'est vrai qu'il ne se passe pas grand chose ici... et pourtant comme tu l'as compris, j'ai besoin de ce chapitre tout de même. Ok je vais réfléchir à comment le rendre plus surprenant peut-être : )

Merci encore pour tes commentaires !
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