C'était la première fois que Lysandre mettait les pieds hors du QG. Il ne savait plus où donner de la tête tant il y avait de choses extraordinaires à voir dans la cité d'Eel, à commencer par son architecture éclectique d’influence occidentale où se mêlaient différentes époques, allant de l’Antiquité à l’époque victorienne, en passant par l’architecture médiévale typique des univers de fantasy. À proximité du QG, de jolies maisons à pignons, bordées d'une cour bien entretenue et d'un coquet petit jardin, servaient de logement de fonction aux gardiens qui souhaitaient vivre avec leur famille, comme le lui avait expliqué l’Archiviste.
Un peu plus loin, ils traversèrent le grand marché d'Eel, avec ses multiples étals et ses halles couvertes. Marchands racoleurs et clients en quête de bonnes affaires rouspétaient, pestaient, s'injuriaient et se battaient comme des chiffonniers. Quelques gardiens d'Eel veillaient au grain, afin d'éviter tout débordement et repérer les éventuels voleurs à l'étalage et autres resquilleurs. À la vue de l'uniforme et de l'insigne portés par les officiers supérieurs, ils saluèrent le capitaine de l'Ombre d'un signe respectueux de la tête, ce dernier les gratifiant d'un sourire amical et d'un « bon courage » enjoué. Le vampire était autrement plus agréable et sympathique que le mage elfique à la tête de l’Absynthe.
À l'autre bout du marché, une file interminable de faeries s'était formée devant l'entrée d'un grand entrepôt, lourdement gardé par des soldats en armures couleur bronze. Les gens y entraient les mains vides pour en ressortir avec un panier rempli de victuailles. Les foyers les plus modestes bénéficiaient d'une carte de rationnement qui leur permettait d’accéder à des produits alimentaires de première nécessité à prix cassé. Tous les trois mois environ, on faisait l'inventaire des réserves de nourriture qui étaient stockées dans des entrepôts hautement sécurisés, appelés Greniers, et on émettait une nouvelle carte de rationnement en fonction des denrées disponibles. Le reste des ressources alimentaires produites par le royaume était sous le contrôle de la Guilde des Marchands dont les membres fixaient leurs propres prix.
À cause de la famine qui sévissait encore dans certaines régions du royaume, l’équilibre alimentaire était précaire. Les denrées les plus coûteuses concernaient la viande, le poisson, le lait et les légumes frais qui nécessitaient des conditions de conservation spécifiques. Parmi les produits les plus abordables, on comptait les œufs, la farine, les légumes secs, les pommes de terre et les produits de salaison, de sorte que les repas des sujets d'Eldarya étaient assez peu variés.
Lysandre avait écouté les explications du capitaine Dragoman avec attention. Ce monde, aussi fascinant soit-il, était loin d'être paradisiaque. Les gens y menaient une vie ardue, sans savoir de quoi serait fait le lendemain, et la société eldarienne semblait tout aussi inégalitaire que la société terrienne.
***
À la sortie du marché, Nevra héla un coche vide garé sur le bord de la route, en attente de clients. Le vampire invita Lysandre à passer devant lui. Une fois installés à l’arrière du véhicule, le capitaine frappa trois coups contre la paroi qui le séparait du conducteur.
— Aux grandes portes, ordonna-t-il d’une voix forte au cocher qui lança ses étranges chevaux zébrés, à la robe ocre et beige et aux sabots marbrés, au pas de course.
La cité d'Eel était une des plus grandes villes du royaume. Il fallait une bonne heure de marche depuis le QG pour atteindre les remparts qui entouraient la citadelle, mais on pouvait y être en quelques dizaines de minutes grâce au réseau de taxis hippomobiles qui sillonnaient la ville, pièces maîtresses d'un ballet incessant de clients qui montaient et descendaient.
À cette heure-là, les deux battants de la Grande Porte d’Eel étaient ouverts. L’arche, située à l’entrée ouest de la citadelle, laissait les gens aller et venir librement, sous le regard plus ou moins attentif des gardes. Il y avait deux autres entrées secondaires, plus étroites et moins empruntées, moins bien surveillées également, au nord et au sud de la ville. Le capitaine de l'Ombre se présenta à la loge pour signaler à ses collègues la sortie de deux gardiens d'Eel en mission, une formalité qui permettait de garder une trace des déplacements officiels en cas de disparition d'un de leur membre. Une fois leurs noms inscrits sur le registre, Nevra fit signe à Lysandre de le suivre. Ils feraient le reste à pied.
De l'autre côté des portes, un village de fortune, fait de bric et de broc, où se côtoyaient construction en dur et camps nomades, s'étendait à l'ombre des remparts. On appelait cet endroit « le Refuge d'Eel », c'était là que s'entassaient les réfugiés venus des quatre coins du royaume pour fuir la famine et les pillages, mais c'était aussi un repaire notoire de criminels en tout genre.
Les habitations miséreuses laissaient brusquement place à la campagne verdoyante et sauvage, où s'étendaient de vastes plaines herbeuses, balayées par une brise légère. Une large route pavée descendait en pente douce jusqu'à l'orée d'une imposante forêt. Le contraste avec la ville était frappant. Vierge de toute activité urbaine, la nature offrait un calme et un silence reposant. Ils croisaient, de temps à autre, un fermier en charrette ou un marchand ambulant qui les saluaient d'un signe de tête poli avant de continuer son chemin vers la cité.
Une trentaine de minutes plus tard, ils avaient atteint l'orée de la forêt. La flore locale, tout comme la faune, différait sensiblement des espèces connues sur terre. Lysandre trouvait certains arbres familiers, mais d'autres plantes arboraient des formes et des couleurs peu communes. Ils quittèrent la voie principale, qui coupait la forêt jusqu'à Regalia, pour emprunter un petit sentier forestier mal entretenu. Alors qu'ils s'enfonçaient un peu plus dans les bois, où la lumière filtrait à peine entre le feuillage touffu des arbres, la végétation se faisait de plus en plus dense. L’air, empli d’un doux parfum d’humus, était frais et humide. Lysandre trébucha plusieurs fois sur une racine ou une pierre saillante.
— Regarde où tu mets les pieds, l'avertit Nevra qui venait de le rattraper de justesse. Et surtout, ne touche à rien. Certaines plantes sont extrêmement toxiques. Et si tu marches sur les racines d’une hamadryade, tu vas te faire fouetter.
— Une quoi ?
— Ceux sont des nymphes de la forêt, expliqua le vampire qui faisait preuve d’une infinie patience face à l’ignorance du faelien. Elles ont un village pas très loin d’ici et elles sont très territoriales. La survie de leur clan dépend de l’Arbre Sacré qui leur permet de se reproduire et de développer leurs pouvoirs magiques, donc elles n’aiment pas trop qu’on s’en approche. Fais juste attention. D’une manière générale, méfie-toi des nymphes.
— Pourquoi ?
— Parce qu’elles sont plus vicieuses que des mantes religieuses. Les nymphes ne voient les hommes que comme des outils indispensables à la reproduction, mais elles vivent dans des communautés exclusivement matriarcales. Une fois qu’elles ont réussi à tomber enceintes, elles abandonnent leur partenaire pour retourner parmi leurs sœurs.
— Mais… elles ne les tuent pas, quand même ?
— Non.
— Et elles ne les dévorent pas non plus ?
— Non, mais elles peuvent leur briser le cœur, surtout si ces hommes ont eu le malheur de tomber sincèrement amoureux d’elle. Et qui saurait résister au charme envoûtant d’une nymphe ?
— Et que se passe-t-il si elles donnent naissance à un garçon ?
— C’est un phénomène très rare et un destin très cruel, autant pour la mère que pour l’enfant. Dans quatre-vingt-dix-neuf pour cent des cas, les nymphes n’enfantent que des filles destinées à devenir des nymphes à leur tour. Si par malheur, elles donnent naissance à un garçon, la nymphe est bannie du village, car cela est perçu comme un véritable déshonneur. Elle doit élever son fils seule ou renoncer à lui si elle souhaite retourner auprès des siennes. Certaines vont jusqu’à tuer l’enfant dès la naissance pour sauver la face… Cela dit, ce n’est pas le cas de toutes les races de nymphes. Les Astriades, les nymphes du soleil, des lunes et des étoiles, font exception à la règle, car elles dépendent des astres célestes pour développer leurs pouvoirs et elles jouissent d’une certaine liberté que leurs consœurs enchaînées à la terre n’ont pas.
Lysandre était horrifié par ce qu’il venait d’entendre, mais le vampire semblait trouver cela parfaitement normal. Un autre point avait attiré son attention, le sujet du sort cruel des nymphes déviant sur des considérations plus astronomiques.
— Tu as dit des lunes. Il y a plusieurs lunes dans votre système solaire ?
— Oui. Il y en a trois. Tu ne l’as sans doute pas remarqué, parce que seule Abûrris est visible en ce moment. C’est celle qui ressemble le plus à la lune terrienne. Les trois lunes suivent un cycle très spécifique et toutes n’apparaissent pas en même temps, cela dépend des mois et des saisons. Celle qui suit le même cycle que sur Terre, c’est Abûrris, justement. On ne peut les voir ensemble dans le ciel qu’au mois de Lunari, qui marque le premier mois de l’année. Quant à leur alignement, il se produit une fois tous les trente ans environ.
Plus Nevra lui donnait des explications sur ce monde si différent de la planète Terre et pourtant si ressemblant, plus Lysandre avait de questions à poser. Alors qu’ils suivaient le sentier forestier, le faelien, encouragé par l’affabilité du vampire, avait laissé sa curiosité prendre le dessus. Ainsi, il avait appris que le temps passait de la même manière à Eldarya que sur Terre, malgré la présence de trois lunes au lieu d’une. Les Eldariens suivaient un calendrier lunaire fixe, et l’année était divisée en treize mois de vingt-huit jours. Un jour intercalaire était ajouté au dernier mois de l’année, appelé Orakti, en l'honneur de leur divinité protectrice. Les mois et les jours portaient des noms différents de ceux que Lysandre connaissait, mais une semaine faisait sept jours et une journée était composée de vingt-quatre heures. Ils étaient au mois de Balâ, le mois du renouveau et de la renaissance. Ce jour-là était un Dicrem, l’équivalent du mercredi terrien, et ils étaient le 9 du mois.
— C’est une période très importante pour les hamadryades, car c’est là que les jeunes nymphes de la forêt en gestation dans l’Arbre de Vie arrivent à maturité et terminent leur métamorphose. C’est pour cela que nous devons rester discrets et ne pas perturber ce moment sacré.
Lysandre n’avait pas tout compris, mais il se faisait une idée de la gravité de la situation. Il remercia le vampire pour ses explications tout en lui promettant d’être plus attentif à son environnement. Le capitaine de l'Ombre l'avait observé tout au long de leur expédition, et il ne détectait aucun signe de ruse ou d'hostilité chez le terrien. Discret et obéissant, il n'avait posé aucune question sur la mission et s'était contenté des explications livrées par le vampire.
Son regard trahissait un mélange d'émerveillement et de prudence, ce qui n'avait rien d'étonnant étant donné qu'il découvrait un tout nouveau monde. Nevra voulait tout de même s'assurer de l'inoffensivité de Lysandre en le mettant face à un danger réel. S'il ne présentait absolument aucune aptitude au combat et qu'il s'avérait incapable de se défendre seul, alors ils pourraient en conclure qu'il ne présentait pas de menace immédiate. En outre, la mission n’en était pas moins réelle et Nevra devait absolument retrouver ce jeune kappa. S’il devait se fier aux derniers signalements, il avait été aperçu dans la forêt, non loin d’une maison de bûcheron abandonnée.
***
Rena avait suivi Lysandre de près, il s'était écoulé à peine deux minutes entre son passage et le sien, mais lorsqu'elle avait émergé de l'autre côté, elle s'était retrouvée au milieu d'un cercle de champignons, en pleine forêt. Elle chercha le faelien du regard, étonnée de ne voir personne. Il ne faisait aucun doute qu'elle était de retour à Eldarya, elle reconnaissait ces bois, mais l'absence de son compagnon de voyage l'inquiétait. Elle l'appela plusieurs fois en fouillant les alentours. Il n'avait pas pu aller bien loin…
Alors qu'elle revenait sur ses pas, paniquée à l'idée d'avoir pu perdre la trace de l'Élu, elle se figea, l'oreille tendue, alertée par un grognement bas et profond. En un éclair, la bête bondit du bosquet et se jeta sur elle. Le blackdog, massif et puissant, lui asséna un coup d'épaule violent qui la projeta à terre. Elle roula sur le côté pour esquiver un coup de griffe, puis se remit rapidement sur ses pieds pour faire face à la créature. Le loup noir émit un nouveau grognement menaçant en découvrant ses babines écumeuses. Ces créatures pouvaient se montrer hostiles quand on pénétrait sur leur territoire, mais celle-ci était anormalement agressive.
Mué par une rage meurtrière, le canidé labourait le sol de ses griffes acérées. Sa fourrure ébène s'était parée de petites flammèches noires qui recouvraient son corps trapu, et un épais liquide noirâtre suintait de ses crocs tranchants. Le blackdog et sa proie ne se quittaient pas des yeux. La gardienne se savait en mauvaise posture. Elle porta lentement la main à son katana, mais son geste n'avait pas échappé au loup qui se ramassa sur ses pattes arrière, prêt à bondir avant qu’elle ne dégaine.
D'un bond agile et rapide, il fondit sur la gardienne qui n'eut pas le temps de tirer la lame et s'écroula sous le poids de la bête. Rena étouffa un cri de douleur lorsqu'elle sentit ses crocs s'enfoncer dans son épaule. Plaquée au sol par ses pattes puissantes, l'épaule broyée par sa mâchoire puissante, elle était paralysée par la peur et la douleur.
Dans un dernier effort, elle relâcha une vague de froid intense qui gela la créature jusqu'aux os. Le loup lâcha prise et recula en s'ébrouant, étourdi par cette attaque aussi soudaine qu'inattendue. Rena se releva péniblement en tenant son bras dégoulinant de sang. Son épaule en charpie lui faisait souffrir le martyre, mais elle ne devait pas flancher. La bête la dévisageait avec méfiance, surprise par la ténacité de sa proie.
La yôkai lui jeta un regard glacial, au sens très littéral du terme, en y mettant toute la volonté dont elle était capable. Le blackdog, effrayé par la baisse soudaine de température et le gel qui commençait à recouvrir sa fourrure et étouffer ses flammèches, poussa un gémissement plaintif avant de prendre la fuite.
Rena se laissa tomber à terre, terrassée par la douleur. Quelques minutes s'étaient écoulées lorsqu'elle fut tirée de sa demi-conscience par des cris et des pleurs déchirants. On aurait dit la voix fluette d'un enfant. La gardienne, terrifiée à l'idée d'avoir lâché un blackdog enragé sur un enfant innocent, trouva la force de se traîner jusqu'à l'endroit d'où provenaient les cris. Le loup qui venait de l'attaquer tournait autour d'un jeune kappa. « D'abord un blackdog et maintenant un kappa ? Mais qu'est-ce qu'il se passe dans cette forêt ! » songea Rena, incrédule.
***
L'animal tournait autour du petit en grognant, tenu en respect par l'odeur nauséabonde de marais putride qui entourait le kappa et échaudé par sa récente altercation avec la yuki-onna. La gardienne était à bout de force, elle n'avait plus l'énergie d'intervenir, ses jambes la soutenant à peine. Appuyée contre un arbre, à une dizaine de mètres de là, elle ne pouvait qu'observer la scène, impuissante, en priant pour que le blackdog renonce à sa partie de chasse.
La situation devenait de plus en plus étrange, car, quelques secondes plus tard, Rena vit Lysandre émerger d'un buisson. Il poussa un cri en agitant les bras pour attirer l'attention de loup qui fit volte-face, prêt à bondir sur le terrien. Pendant ce temps, profitant de la diversion, une ombre furtive s'était rapprochée du petit yôkai pour le mettre à l'abri du danger. La gardienne reconnut avec soulagement la silhouette élancée et agile de son capitaine. Elle ne s'expliquait pas ce que Nevra faisait là, mais peu importait, tant qu'il pouvait porter secours au faelien et au kappa.
Pourtant, alors que le blackdog se rapprochait de Lysandre qui tremblait de peur face à la bête féroce, le vampire était resté parfaitement immobile et se contentait d'observer la scène. Ce n'est que lorsque le loup chargea à toute vitesse qu'il se décida à agir. Il joignit deux doigts pour tracer un cercle de téléportation. En une fraction de seconde, il se plaça entre le loup et sa proie.
***
Le blackdog retroussa ses babines maculées de sang en fouettant l'air de queue. Le vampire ne savait pas qui ou quoi il venait d'attaquer, mais il s'assurerait que ce soit sa dernière victime. D'un geste vif et précis, il lança un poignard avec force. La lame se planta dans le crâne de l’animal, pile entre les deux yeux. La créature tituba, puis s'écroula lourdement sur le flanc, secoué par de violents soubresauts alors que la vie quittait son corps.
Nevra arracha sa lame du crâne de la bête encore écumante de rage et l’acheva en lui tranchant la gorge. Du bout des doigts, il préleva un peu du sang qui maculait sa fourrure noire, désormais éteinte. Il porta le sang à son nez, mais l'odeur âcre du poison noir qui coulait dans les veines du blackdog brouillait ses sens. Il n'aurait même pas été capable de dire s'il s'agissait de sang animal ou faery. Il se releva puis se tourna vers Lysandre qui n'en menait pas large.
— Ça va ? s’enquit le capitaine de l’Ombre en s’avançant vers lui.
Les jambes flageolantes, le faelien acquiesça faiblement. Le vampire le gratifia d'une tape compatissante sur l'épaule, puis hissa le kappa sur son dos tout en se bouchant le nez d’une main, son odorat délicat frappé par une odeur d’égout en putréfaction.
— On n'a plus rien à faire ici, déclara le capitaine de l'Ombre. Rentrons au QG.
***
Rena allait appeler les deux hommes, mais une main gantée lui couvrit la bouche et la tira en arrière.
— Laisse-les partir, murmura une voix rauque à son oreille.
Trop affaiblie par ses blessures pour se débattre, elle regarda avec désespoir Lysandre et Nevra s'éloigner dans la direction opposée. Quand ils furent hors de vue, son agresseur l'obligea à lui faire face.
— Vous... souffla-t-elle. C'était vous... le Cristal...
— En effet, répliqua le cavalier au masque de démon en hochant la tête avec satisfaction. Je t’avais dit que nous nous reverrions. Je ne pensais pas que tu serais assez maligne pour découvrir ce qui se tramait et que tu essayerais de m’arrêter. Quelqu’un t’a mis sur la piste ? Ou bien était-ce la volonté de l’Oracle ?
— Pourquoi ? dit Rena qui ne souhaitait pas répondre à ses questions. Pourquoi avez-vous essayé de détruire le Cristal ?
Chaque syllabe qu'elle prononçait lui coûtait, elle peinait à rester consciente.
— Parce que je hais l’Oracle, le Cristal, et tout ce que cela représente. Ce monde n’est qu’un berceau de mensonges et d’illusions que j’ai l’intention de briser pour rétablir la vérité et libérer les faeries de ce rêve illusoire de paix et d’harmonie.
— On croirait entendre Rurik... Qu’est-ce que vous avez tous contre la paix et l’harmonie ?
— Rurik, fit l’homme sur ton presque nostalgique, comme s’il se souvenait d’un vieil ami à l’évocation de ce nom oublié. Cet homme n’était qu’un pion dans mon grand dessein. Il partageait ma vision, mais il était trop ambitieux, et c’est qui l’a mené à sa perte.
— Vous allez me tuer ?
— Non. J’ai une proposition à te faire. Rejoins-moi.
Rena laissa échapper un petit rire incrédule.
— Vous êtes fou...
— Tu crois avoir un endroit où retourner ? Tu penses que la Garde d’Eel va t’accueillir à bras ouverts et t’acclamer pour ta bravoure et ton héroïsme ? Tu as été trahie. Tu es devenue la plus grande traîtresse de l'histoire d'Eldarya. Tout ce qui t'attend si tu retournes là-bas, c'est la mort. La Garde te fera exécuter sur le champ. À supposer que tu ne meurs pas avant, car c'est une bien vilaine blessure que tu as là. Je suis venu pour toi, je savais que je te trouverais là, alors réfléchis bien. Tu n'as nulle part où aller et tu es mortellement blessée, je suis ta seule chance de survie. Si tu te joins à moi, je te dirai tout ce que tu veux savoir sur ce monde et sur mes motivations.
Rena secoua la tête.
— Je vais tenter ma chance avec la Garde.
— Tu me déçois, soupira le cavalier noir, l’air profondément blessé par le rejet de la yôkai. J'avais de l'estime pour toi, j'étais prêt à faire une exception pour une gardienne d’Eel comme toi et te proposer mon aide, au nom de ma longue amitié avec ta mère, mais tu es aussi têtue qu'elle.
— Ma mère... Vous la connaissiez ?
— Je la connaissais même très bien, nous avons grandi ensemble. Nous étions cousins, mais plus que ça, nous étions fiancés. Je l'aurais épousée si elle ne m'avait pas quitté pour vivre cette idylle ridicule avec ton père. Un vulgaire mercenaire des glaces. Une bien grossière erreur, si tu veux mon avis. Et qu'ils ont payé de leur vie, laissant derrière eux l'orpheline qui se tient aujourd'hui devant moi.
— Merci pour la biographie, rétorqua la yôkai avec sarcasme, mais je ne vous crois pas. Vous mentez.
— Tu peux croire ce que tu veux, ça m'est égal et ça ne change rien à la vérité. J'ai assez perdu mon temps avec toi. Nos chemins se séparent ici. Bonne chance. La prochaine fois, je ne serai pas aussi clément.
Le cavalier noir lui tourna le dos, s'éloignant à son tour jusqu'à disparaître entre les arbres. Rena appuya sa tête contre un tronc. Elle ne sentait plus ses doigts, mais son épaule, en revanche, était atrocement douloureuse. Elle examina sa blessure. Son sang avait noirci et des volutes noires s'échappaient de la plaie, infectée par le poison du blackdog. Si elle perdait conscience au milieu de la forêt, elle mourrait.
La vice-capitaine de l'Ombre n'avait pas l'intention de capituler. Elle avançait lentement, pas à pas, en se mordant la langue jusqu'au sang pour ne pas s'évanouir. Elle trébuchait, rampait et se relevait, encore et encore, jusqu'à apercevoir les remparts de la cité d'Eel. Ses pensées étaient entièrement tournées vers ceux qu'elle aimait et désirait retrouver plus que tout. Ezarel, Nevra, Mika, Maître Sakumo et Scorpio... Elle avait persévéré aussi longtemps qu'elle avait pu, mais ses forces avaient fini par la quitter. Elle s'effondra face contre terre, à quelques mètres de l’entrée du refuge. Elle se tourna sur le dos. Le ciel bleu dépourvu de nuages était magnifique. C’était un beau jour pour mourir. Alors qu’elle sombrait dans le néant, sa dernière pensée fut pour Lysandre qu’elle avait si cruellement trahi. Elle ne mourait pas sans regret ni sans peur, mais au moins elle partait avec la certitude d’avoir accompli son devoir.
Mais l'antagoniste est giga frustrant. Laisse Rena tranquille. La pauvre. À sa place, j'aurais gelé la blessure. Perdu pour perdu autant tenter. On corps devrait supporter l'hypothermie.
Allez Rena, avec un peu de chance tu ne seras pas décapité pour haute trahison.
« - Nous étions cousins, mais plus que ça, nous étions fiancés. »
Ah bah heureusement que sa mère est partie ailleurs. Mec, tu fais bien l'antagoniste 😂. Tu es plus givré que le Black dog.
Alors cautériser une blessure avec du feu oui, avec de la glace je sais pas si ça marche aussi bien. xD Et là, le souci c'est pas juste la morsure, c'est le poison/la magie qui empêche la blessure de se régénérer et le poison qui se propage déjà dans le corps. Donc la glace aurait rien changé.
Bah, après perso j'ai jamais trouvé ça bizarre, les mariages entre cousins c'était ultra courant jusqu'à récemment, surtout dans les familles nobles ou dans les petits villages, et en plus c'est toujours légal au regard de la loi, donc vraiment, si les gens sont adultes et consentants, je m'en fous, je vois pas comme quelque chose d'immoral ou mauvais. Juste faites pas d'enfants, quoi. xD Et dans le cas des faeries, en plus y a pas de souci de consanguinité, ça va pas affecter la santé physique et mentale des enfants, donc c'est good.
Il disait surtout ça pour dire que non seulement il avait un lien familial, mais qu'ils avaient aussi un lien sentimental, et donc que c'était quelqu'un de très spécial à ses yeux.
Et bien, les mariages entre cousins sont légaux en France et dans d'autres pays européens, mais pas toujours légaux partout. Les enfants gardent quand-même une chance plus importante d'avoir des maladies génétiques, ce qui fait que je trouve toujours ça glauque. On est pas forcément d'accord avec les lois en vigueur dans notre pays. Quand aux pratiques anciennement courante, on peut en trouver facilement qui ont était interdit car on les considère comme néfastes. Qu'une pratique soit ancienne ne l'a rend pas meilleure où moins bien. De plus , il faut comprendre que dans le contexte historique ou ça pourrait être autorisé, la démographie était beaucoup moins importante. En Europe, il fallait une dispense de consanguinité délivré par l'église catholique, ce qui n'était vraiment pas facile à avoir.
Bon, si tes faery ne sont pas gêné par le manque de diversité génétique, ils n'ont pas la même considération pour ça. Au moins ton antagoniste a l'air d'être un bon gros fou furieux. Ça donne un indice, potentiellement mensonge a Rena sur son identité.
Refroidir la blessure peut ralentir le système respiratoire en contractant les vaisseaux sanguins. Rena pourrait survivre à des températures basses bien plus longtemps qu'un être humain. Ça pourrait ralentir la propagation du poison et l'hémorragie, pas la sauver. Après es qu'elle était en état d'utiliser une telle magie et sans se buter elle-même, aucune idée. À sa place, perdu pour perdu j'essaie.
C'est horrible de savoir qu'ils ne sont pas si loin, mais que Rena est en train de mourir lentement, en se vidant bien de son sang. T'es cruelle ahah !
Sinon, l'antagoniste est toujours aussi mystérieux et intéressant. On connaissait presque rien des parents de Rena, et voilà qu'il nous balance des informations bien précieuses !!
Pour le coup, on a plus eu des réponses que des questions ahah, ça change ! (Mais c'est loin d'être suffisant, je veux TOUT savoir !)
L'antagoniste son rôle de toute façon c'est de mettre du drama dans le drama. x) C'est le joker du scénario.