Chapitre 18 : Entre la vie et la mort

Le capitaine de l'Ombre, accompagné de Lysandre, avait déposé le jeune kappa à l'infirmerie pour qu'Eweleïn puisse l'examiner et s'assurer que tout allait bien, après quoi ils s'étaient rendus dans le bureau de Miiko pour lui faire un premier rapport. Dans le couloir, Lysandre fut pris d'une sensation de vertige, puis d'une douleur lancinante dans l'épaule. L'espace d'un instant, il n'était plus dans son corps, mais dans celui d'une personne qui lui semblait étrangement familière. Il ressentait sa douleur et son épuisement, jusqu'à ce qu'il se sente tomber. Dès qu'il heurta le sol, il fut brutalement renvoyé dans son propre corps. Il s'appuya contre le mur, secoué par cette expérience qui lui avait retourné l'estomac.

— Qu'est-ce qu'il y a ? s'inquiéta Nevra qui avait perçu le malaise du faelien. Ça va ?

— C'est elle... souffla Lysandre. Alice. Elle est là.

— Alice ? Tu veux dire la femme qui t'a envoyé ici ?

Il acquiesça.

— Où ça ? Où est-elle ?

— Près du refuge, je crois. Je n'ai pas eu le temps de bien voir. Je crois qu'elle est blessée, elle s'est évanouie.

— Quoi ? Comment tu sais tout ça ?

— J'ai eu une sorte de vision, c'est comme si j'étais dans son corps, et j'ai senti sa douleur.

Nevra fronça les sourcils. Si le faelien disait vrai, et que cette femme était bien Rena comme le soupçonnait Ezarel, alors il avait tout intérêt à être le premier sur les lieux, avant que quelqu'un ne se rende compte qu'il s'agissait de la Sorcière Blanche honnie par tout le royaume.

— Reste là. Je vais aller voir.

— Attends. Laisse-moi venir avec toi.

Le vampire aurait préféré y aller seul, mais il n'avait pas le temps d'argumenter avec le terrien.

— Très bien, mais nous devons faire vite. Tu n'as pas l'air très en forme, tu vas tenir le coup ?

Lysandre acquiesça. Bouleversé par la détresse et la souffrance de la jeune femme, il voulait la rejoindre le plus rapidement possible, il voulait être à ses côtés, même s'il ne savait pas comment lui venir en aide.

***

Les deux hommes s'étaient hâtés jusqu'aux abords de la cité. Ils n'étaient pas loin des grandes portes lorsqu'un gardien avait accouru vers eux.

— Ah ! Capitaine Dragoman ! Vous tombez bien. J'allais justement avertir le QG. Il y a du grabuge au refuge. Une gardienne s'est effondrée au milieu de la route. Elle a l'air gravement blessée. 

— Pas la peine de signaler l'incident au QG, je m'en occupe, lui répondit Nevra sur un ton qui ne laissait aucune place à la contestation. Retourne à ton poste.

En arrivant sur les lieux, ils constatèrent un attroupement sur la voie principale. Un groupe de réfugiés échangeaient des murmures inquiets. Ils s'interrogeaient sur la cause d'un tel accident et sur l'identité de la victime qui, pour certains, semblait lointainement familière. Nevra joua des coudes pour se frayer un chemin à travers les badauds qui bloquaient son champ de vision, suivi de près par Lysandre.

— Capitaine de la Garde ! Poussez-vous ! Laissez passer !

Une réfugiée tentait de réanimer la jeune femme allongée sur le sol à coup de tapes sur la joue tout en comprimant sa blessure avec un linge à la propreté douteuse.

— C'est bon, dit Nevra en faisant signe à la femme de s'éloigner. Je m'en occupe.

Malgré son visage maculé de sang et de poussière, le vampire était formel. Rena était revenue. Le cœur serré par l'émotion, il était tiraillé entre la joie folle de l'avoir retrouvée et l'angoisse de la savoir mortellement blessée. Puis il y avait Miiko... S'il la ramenait au QG, elle serait en danger.

— Vous savez comment la soigner ? demanda-t-il alors à la femme qui lui avait prodigué les premiers soins.

La réfugiée secoua la tête.

— Elle a été mordue par un blackdog. La malice est en train de se répandre dans son corps. Sans traitement adapté, il ne lui reste plus beaucoup de temps. Il n’y a que la magie qui peut défaire la magie. Il n’y a que la magie qui peut la sauver. 

Le vampire ferma les yeux pour réfléchir à la meilleure solution. Eweleïn et Ezarel sauraient quoi faire, mais cela signifiait livrer Rena à la kitsune qui n'en ferait qu'une bouchée. C'était un risque à prendre. S'il ne faisait rien, elle mourrait. La générale était opiniâtre, mais ils avaient peut-être une chance de la raisonner.

Nevra avait soulevé le corps inanimé de sa vice-capitaine, puis, toujours suivi de Lysandre qui avait observé la scène sans un mot, le visage défait par l'angoisse, il l'avait transportée jusqu'à l'infirmerie du QG. Une entrée pour le moins fracassante. Si fracassante qu’Eweleïn en avait lâché le pot de fleurs qu'elle tenait dans les mains lorsqu'elle le vit entrer avec Rena dans les bras.

— C'est... Comment est-ce possible ? Elle n'était pas morte ?

— Elle est gravement blessée, lui apprit-il en déposant la jeune femme sur le lit le plus proche. Elle a été mordue par un blackdog. Il faut que tu l'examines.

La doctoresse secoua la tête, terrifiée par l'acte de trahison qui se déroulait sous ses yeux et dont elle ne voulait pas se rendre complice.

— Il... Il faut que je prévienne Miiko !

Alors que l'elfe se dirigeait vers la sortie d'un pas vif, Nevra lui barra la route.

— Ne bouge pas, avertit-il d'une voix menaçante.

Le vampire avait sorti un poignard qu'il pointait sur la doctoresse.

— Tu as perdu la tête ! Tu veux nous trahir toi aussi ?!

— Je veux juste la sauver. Lysandre ! Va chercher Ezarel. Dépêche-toi ! Et toi, Eweleïn, fais tout ce que tu peux pour la maintenir en vie jusqu’à ce qu’il arrive, si tu ne veux pas mourir aussi.

L'elfe lui jeta un regard noir, mais s'exécuta. Les yeux du vampire ne mentaient pas, il la tuerait sans hésiter si elle ne lui obéissait pas, mais ce n'était pas la seule chose qui la préoccupait. Eweleïn était tiraillée entre son respect des lois et son devoir de médecin. Elle ne pouvait pas, en toute conscience, laisser un patient mourir sous ses yeux, mais il ne s'agissait pas de n'importe quel patient... Cette femme avait fait tant de mal, tant de vies avaient été perdues à cause d'elle. Qu’aurait fait Séraphina à sa place ? Cette simple question lui avait redonné du courage. Elle l’aurait sauvée. Allié ou ennemi, une vie était une vie. Eweleïn se mit aussitôt à l’ouvrage. Elle commença par nettoyer et désinfecter la plaie. Le poison progressait lentement. Tant qu'il n'avait pas atteint le cœur, il y avait encore une chance de la sauver.

***

Ezarel s'était précipité auprès de sa compagne dès qu'il avait appris la nouvelle, Lysandre sur les talons. Le faelien n'avait jamais vécu une journée aussi mouvementée. Il courait dans tous les sens, lui qui d'ordinaire était plutôt lent d'esprit et lunaire. Tout était si confus qu'il lui avait fallu un moment avant de parvenir à s'exprimer clairement pour expliquer la situation au capitaine de l'Absynthe. Conscient que la vie d'Alice était en jeu, il s'efforçait de garder en lui toutes les questions qui lui brûlaient les lèvres. Spectateur passif, il ne pouvait que regarder et attendre le dénouement de cette histoire dont il ne saisissait pas tous les tenants et aboutissants.

Alors qu'il allait franchir le seuil de l'infirmerie, Ezarel s'immobilisa un moment, son regard passant de Nevra, debout, un poignard à la main, Eweleïn assise au chevet de sa patiente, et...

— Rena... murmura-t-il dans un souffle à peine audible.

— Tu es là ? lança le vampire en se retournant. Reste pas planté là ! Fais quelque chose !

L'injonction de son collègue sortit l'elfe de sa torpeur.

— Qu'est-ce qu'il s'est passé ? demanda-t-il en s'approchant du lit. Eweleïn, écarte-toi.

La doctoresse pinça les lèvres, mais céda sa place à son supérieur.

— C'est la malice du blackdog, elle est en train de se répandre dans son corps. Il va falloir préparer un antidote et un rituel de purification.

Ezarel grimaça. Les morsures de blackdog étaient un subtil et terrifiant mélange de poison et de magie qui agissait à la fois comme une intoxication et une malédiction. Il fallait donc purger le mal à l'aide d'un antidote allié à un rituel magique relativement complexe.

— Eweleïn, occupe-toi de l'antidote, je me charge de préparer le rituel. On ira plus vite à deux.

— Nous n'aurons jamais le temps, le poison a déjà beaucoup progressé. C'est trop tard, elle va mourir...

— Ne dis pas n'importe quoi ! Je ne la laisserai pas mourir ! Pas une deuxième fois...

— Ezarel.

— Quoi ? cracha l'elfe en se tournant vers le vampire. Toi aussi tu vas me dire qu'il n'y a rien à faire ?

Nevra secoua la tête.

— Le rituel de purification, il fonctionnerait pour deux personnes en même temps ?

Cette fois-ci, l'elfe le dévisagea avec surprise.

— Il faudrait fabriquer deux doses d'antidote et renforcer le cercle en doublant sa puissance, mais oui, je suppose que c'est possible. Pourquoi ? Qu'est-ce que tu comptes faire ?

— Je vais essayer de ralentir l'infection en aspirant un maximum de venin. Vous deux, faites ce que vous avez à faire, aussi vite que possible. Et avec discrétion.

— Nevra c’est trop dangereux, protesta Eweleïn en le dévisageant avec horreur. Tu pourrais mourir ! 

— Je suis prêt à prendre ce risque, répliqua le vampire avec détermination. 

— Je vais préparer l'antidote, capitula l’infirmière avec un soupir résigné. Si Miiko apprend ce que nous avons fait, elle aura nos têtes, c’est certain… 

— On se souciera de Miiko plus tard, répliqua froidement Ezarel. Lysandre, suis-moi. Je vais avoir besoin de ton aide. Nevra, je compte sur toi.

Le vampire hocha gravement la tête. Quand le capitaine de l'Absynthe et le faelien eurent quitté la pièce, il s'assit au bord du lit pour regarder la blessure de Rena de plus près.

Les crocs du blackdog avaient déchiré la chair de part et d'autre de son épaule. Eweleïn avait soigneusement nettoyé la plaie encore béante, mais la clavicule de la yôkai s'était brisée sous la pression de la mâchoire du monstre. La malice du loup, qui s'échappait en brume fine et noire de la blessure, empêchait son corps de se régénérer naturellement. Sa peau blanche était marquée de petites veinules noires qui se ramifiaient vers sa poitrine, à quelques centimètres de son cœur.

Les paupières mi-closes et les lèvres tremblantes, Rena était en proie à un délire fiévreux ponctué de gémissements plaintifs. Les yeux fermés, Nevra posa son front contre le sien. Elle était brûlante. Il se redressa, puis effleura du bout des doigts la peau nécrosée autour de sa blessure. Son toucher, pourtant léger, fit frissonner la jeune femme de douleur.

Le vampire s'arma de toute la détermination dont il était capable. Une main derrière la nuque de son amie, les doigts enfoncés dans ses cheveux, et l'autre posée sur son bras pour la maintenir fermement en place, il plongea ses crocs directement dans la plaie à vif. Un soubresaut souleva le corps de Rena, elle ouvrit des yeux blancs exorbités par la douleur, puis un long râle d'agonie s'échappa de sa bouche grande ouverte. Son corps, parcouru de spasmes violents, réagissait violemment à la douleur et tentait de rejeter Nevra qui resserra son étreinte pour l'empêcher de bouger.

Un sang noir et épais, au goût doucereux et légèrement acide de pomme pourrie, envahissait sa bouche et coulait le long de sa gorge. Nevra aurait pu recracher le sang souillé, mais cela signifiait infliger une douleur insoutenable à Rena à chaque morsure. Il savait qu'ingérer une partie du poison, même en petite quantité, pouvait être dangereux, mais il était prêt à risquer sa propre vie pour avoir une chance de sauver celle de sa sœur de cœur. 

***

La jeune femme avait cessé de hurler et de se débattre, sa conscience emportée par la douleur. Nevra s'efforçait de boire le plus possible malgré le brouillard noir qui voilait son esprit. Ses pensées et ses émotions étaient complètement chamboulées. Les larmes du vampire qui n'avaient pas coulé depuis longtemps se mêlaient au sang corrompu de sa plus tendre amie. Alors que sa conscience lui échappait, il s'interrogeait sur ces sentiments qu'il pensait avoir enfouis loin dans son cœur, mais qui refaisaient surface avec la violence d'un raz-de-marée. 

Il avait rencontré Rena quand elle n'était qu'une petite fille perdue et apeurée, un peu trop collante et pleurnicharde. C'était sa petite sœur adoptive, son amie d'enfance, son unique famille, la seule personne qui avait toujours été à ses côtés et qui l'avait soutenu envers et contre tout, même quand il aurait mérité une bonne correction.

La patience et la tolérance de Rena étaient ce qu'il aimait et détestait le plus à la fois chez elle. Il souffrait de son indulgence qui, par moment, frôlait l'indifférence, et, même quand elle avait des reproches à lui faire, elle le faisait toujours avec douceur et bienveillance, parfois avec agacement et exaspération, mais elle n’avait jamais renié leur amitié. Elle ne lui avait brisé le cœur qu'une seule fois, lorsqu'elle lui avait fait comprendre qu'elle ne l'aimerait jamais comme il l'aimait. Ils étaient encore trop jeunes pour comprendre ce qu'était vraiment l'amour, mais Nevra n'avait jamais oublié la froideur et la cruauté de son rejet. 

Il avait fermé son cœur, il s'était détourné de ses sentiments, mais Rena occupait toujours une place quelque part, dans un coin de sa tête. Il n'avait jamais complètement renoncé à elle, il avait toujours eu l'espoir un peu fou qu'elle change d'avis, qu'elle se rende compte de son erreur, qu'elle s'excuse de l'avoir rejeté de la sorte et qu'elle devienne enfin sienne.

Il ne s'était jamais attaché à aucune autre femme, il se contentait de relations superficielles qui ne duraient jamais bien longtemps. Il ne voulait pas d'affection, il ne recherchait que les frissons de la passion et l'éphémérité d'une attirance mutuelle. Parfois, il se demandait ce que Rena pensait de ses choix de vie. Que pensait-elle de toutes ces femmes qui défilaient dans sa vie et dans son lit ? Que pensait-elle de lui au plus profond d’elle-même ? 

Elle n'hésitait pas à lui faire des reproches et à l'assommer avec ses discours moralisateurs dès qu'il faisait quelque chose de mal, mais elle ne lui avait jamais fait la moindre remarque concernant ses fréquentations. Il aurait voulu qu'elle lui témoigne un peu d'intérêt, mais plus elle l'ignorait, plus il se complaisait dans ses vices.

Il n'avait jamais eu le courage de rompre ses liens sentimentaux avec elle. Quand elle avait disparu, il avait été dévasté. Il s'était rendu compte qu'il n'avait jamais cessé de l'aimer, mais aimer quelqu'un qui ne lui rendait pas ses sentiments était si épuisant qu'il la détestait presque autant qu'il l'adorait. Il voulait mettre un terme à cet amour à sens unique qui ne lui apportait que souffrance et frustration, mais en était-il seulement capable ? Emporté par le poison, Nevra s'abîma dans les souvenirs d'un passé qu'il ne pouvait pas changer, et auquel il voulait désespérément échapper.

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Erouan
Posté le 03/09/2024
T'es un génie sadique pour terminer le tome comme ça. Bon, mon pauvre Nevra, je t'apprécie beaucoup malgré ta souffrance. J'espère qu'un jour tu pourras accepter que ton amour n'est pas réciproque et t'en détacher. Tant que tu ne l'accepte pas tu souffriras et tant que tu souffriras tu t'accrocheras à ce qui te fait souffrir. La morsure du Black dog n'est pas le seul poison pour toi dans ses veines.

Sinon ils ne pouvaient pas juste lui faire une bonne vieille saigné moyen-âgeuse ?

Bon bah on a Rena à réhabiliter, Ezrael a calmer, un antagoniste à stopper, Jean Michel mystère du dernier épilogue a trouver et une petite amie à trouver pour Lysandre. Ça plus un cristal dont ont ignore l'état. Ça va le faire.

Ah et pendant ce temps là, c'est la giga merde sur terre.
SinnaraAstaroth
Posté le 04/09/2024
Drôle que tu dises ça, parce que tout le T3 ça va justement être tout le passé de Nevra, l'histoire de cette souffranc et de son évolution jusqu'à maintenant. xD Du coup oui, j'espère que tu apprécies Nevra (ou que tu continueras à l'apprécier), parce qu'on va beaucoup en entendre parler prochainement. ^^

Mais oui.Tout. Va. Bien.

Sur Terre, oui, mais j'avoue que je les ai laissés dans leur merde un certain temps là. xD
Erouan
Posté le 05/09/2024
Tu spoil trop facilement mdr
Erouan
Posté le 05/09/2024
Tkt pas, sur terre on à l'habitude de la bagarre.
Solaq G.
Posté le 20/05/2024
Tu feras gaffe, il y a un typo sur le paragraphe d'Ewelein : y a pas d'espace entre "alliée" et "ou" !

Par contre Nevra... il me brise le cœur !! J'en veux absolument pas à Rena, on choisit pas ses sentiments, mais Nevra est bien dans le mal, et c'est pas récent...
Enfin, j'espère qu'il survivra (s'il te plait). Parce que si ça peut marcher, ça me paraît galère quand même....
S'il meurt, déjà je serais grave triste, et en plus, Rena serait dévastée, et elle a pas besoin de ça.

Ah et puis Miiko a intérêt à se montrer compréhensive, sinon, je la tape fort fort.
SinnaraAstaroth
Posté le 20/05/2024
Oups, merci, c'est corrigé ! (la faute à Antidote qui m'a fait du caca ça).

En vrai, ça me touche que tu sois touché par Nevra, mais je peux rien dire, donc je vais te laisser dans l'incertitude encore un petit peu temps (et parce que je suis cruelle haha).

Je pense que t'es pas le seul qui va vouloir la taper fort si elle nous pète encore une durite en mode "au bûcher" sans procès juste et objectif. x)
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